LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique pris en sa première branche :
Vu l'article 6 de la loi du 29 juillet 1982 ;
Attendu que selon ce texte, le demandeur doit préciser les imputations sur lesquelles il souhaite répondre et la teneur de la réponse qu'il se propose de faire ;
Attendu que mise en cause dans le journal télévisé du 24 janvier 2007, l'association Société française pour la défense de la tradition, famille et propriété (TFP) a sollicité l'insertion au titre de l'exercice de son droit de réponse du texte suivant : " La TFP n'est pas sectaire. La TFP est une association de laïcs catholiques. Son but est de défendre les principes fondamentaux de la civilisation chrétienne. C'est pourquoi la TFP mène campagne " La France a besoin de la Sainte Vierge ". Elle diffuse gratuitement et sans contrepartie la médaille miraculeuse. Cette médaille frappée depuis 1830 n'est l'exclusivité de personne, elle est librement diffusée dans le monde. La TFP ne peut être confondue avec quiconque. Aucune erreur n'est possible. La diffusion de la médaille miraculeuse n'est pas une escroquerie ". Signé : La TFP son président, M. Benoît X...
Attendu que pour rejeter la demande d'insertion forcée, la cour d'appel a énoncé que la réponse proposée contient certes l'affirmation qu'elle n'est pas une organisation sectaire et qu'elle distribue gratuitement les médailles dites miraculeuses qui ne sont pas contrefaisantes, mais elle n'est pas en étroite corrélation avec l'information diffusée dans la mesure où elle ne répond pas aux imputations reprochées et notamment ne comprend aucune réplique sur la destination des fonds versés par les donataires et sur la manière dont ceux ci sont recueillis, étant observé qu'elle adopte la forme d'un slogan publicitaire dont l'objet est de promouvoir l'action de l'association et notamment de sa campagne " La France a besoin de la Sainte Vierge " ;
Qu'en statuant ainsi quand le texte susvisé n'exige pas une réplique à l'ensemble des imputations, la cour d'appel l'a violé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu entre les parties par la cour d'appel de Versailles le 15 mai 2008 ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne la société Télévision Française 1- TF1 aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Télévision Française 1- TF1 à payer à Société française pour la défense de la tradition famille et propriété la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de TF1 et de M. Y... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit octobre deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour de la Société française pour la défense de la tradition famille et propriété-TFP association.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir écarté la demande d'insertion forcée du droit de réponse faisant suite au reportage diffusé dans le journal de 13 h de TF1 mettant en cause l'association TFP ;
AUX MOTIFS QUE l'association TFP soutient que le reportage incriminé contient à son encontre les sept imputations suivantes qui portent atteinte à son honneur et à sa considération :
-1) « Un constat, malgré les mises en garde, de multiples associations sectaires prolifèrent et elles continuent à profiter de la faiblesse de trop de gens et derrière tout ça, il y a d'énormes enjeux financiers. Un exemple d'ailleurs dans ce rapport : une association qui gagnait beaucoup d'argent en vendant de médailles soit disant miraculeuses, c'était une escroquerie, beaucoup se laissent abuser » ;
-2) « Mathieu a reçu un courrier peu banal. Il contient une médaille de la vierge miraculeuse. Elle est censée protéger ceux qui la portent du suicide, de la drogue, de la pornographie. Si vous la refusez, on vous prédit de grands malheurs. C'est gratuit, mais les dons sont les bienvenus, 15 euros minimum, soit disant déductibles des impôts » ;
-3) « C'est un moyen très très très fort pour recevoir de l'argent. C'est de l'escroquerie tout simplement. On se sert de la religion. Et là ça marche, je peux vous dire que ça marche parce que les personnes que j'ai eues ont toutes versé de l'argent » ;
-4) « Derrière ce commerce se cache le groupe Tradition Famille Propriété, la branche française d'une organisation internationale présente dans au moins une dizaine de pays, son fondateur, Z..., un brésilien. La médaille de TFP est une copie de celle proposée à la chapelle Notre-Dame de la rue du bac à PARIS. Le père A... reçoit très régulièrement de plaintes de personnes qui se sont laissées abuser » ;
-5) « Je pense qu'il y a un préjudice pour des gens qui confondent avec nous et qui croient donner de l'argent pour l'église catholique en FRANCE alors qu'en fait, ils donnent pour une association » ;
-6) « Aujourd'hui elle est clairement accusée d'être sous couvert d'un mouvement religieux une véritable multinationale financière » ;
-7) « Son but, c'est de lever des signatures. Et une fois qu'elle a levé les signatures, et ça, ça ne coûte rien, elle n'a rien d'autre à faire par derrière, et les sommes qui sont dégagées à côté de ces signatures peuvent servir à tout et à n'importe quoi » ; que le droit de réponse, qui a pour objet de rétablir le caractère contradictoire de l'information, n'est justifié que si la réponse est en étroite corrélation avec l'information contestée, le droit de réponse ayant pour finalité de rétablir la vérité et non d'obtenir, pour celui qui s'en prévaut, une tribune libre ; que le reportage litigieux présente TFP comme une association sectaire qui se serait rendue coupable d'escroquerie en sollicitant des dons de personnes vulnérables auxquelles elle a adressé des médailles présentées comme miraculeuses, les menaçant de grands malheurs si elles refusent lesdites médailles, lesquelles sont en outre une copie de la médaille dite miraculeuse proposée à la chapelle de la Rue du Bac, ce qui peut faire naître une confusion sur le destinataire des fonds versés ; que la réponse proposée par l'association TFP contient certes l'affirmation qu'elle n'est pas une organisation sectaire et qu'elle distribue gratuitement les médailles dites miraculeuses qui ne sont pas contrefaisantes, mais elle n'est pas en étroite corrélation avec l'information diffusée dans la mesure où elle ne répond pas aux imputations reprochées et notamment ne comprend aucune réplique sur la destination des fonds versés par les donataires et sur la manière dont ceux-ci sont recueillis, étant observé qu'elle adopte la forme d'un slogan publicitaire dont l'objet est de promouvoir l'action de l'association et notamment de sa campagne « La FRANCE a besoin de la Sainte Vierge » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE toute personne physique ou morale dispose d'un droit de réponse lorsque des imputations susceptibles de porter atteinte à son honneur ou à sa réputation ont été diffusées dans le cadre d'une activité de communication audiovisuelle ; qu'en refusant l'exercice de ce droit à l'association au motif que le texte proposé ne répondait pas à la totalité des imputations diffamatoires la visant, la cour d'appel a ajouté à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas et, ce, en méconnaissance de l'article 6 I de la loi du 29 juillet 1982 ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'une entreprise audiovisuelle ne peut refuser d'insérer une réponse qui présente un lien suffisant avec les imputations diffamatoires dont elle est l'auteur ; que pour répondre à sa mise en cause par le reportage, selon lequel elle poursuivrait une finalité lucrative et userait de manoeuvres frauduleuses pour vendre des médailles de la vierge miraculeuse, l'association faisait valoir qu'elle n'a qu'un but non lucratif, qu'elle oeuvre à la défense des principes fondamentaux de la civilisation chrétienne et à la promotion de la Sainte Vierge, de sorte que le droit de réponse était en corrélation avec les imputations diffamatoires ; qu'en jugeant l'inverse, la cour d'appel a méconnu l'article 6 I de la loi du 29 juillet 1982 ;
ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU'en rappelant que l'association avait pour but de défendre les valeurs chrétiennes et de promouvoir la Vierge Marie, le droit de réponse expliquait quelle était la finalité des dons qui lui étaient versés, à propos desquels le reportage s'interrogeait sur leur destination finale, de sorte que la réponse litigieuse comportait une réponse à l'ensemble des imputations diffamatoires visant l'association ; qu'en affirmant l'inverse, la cour d'appel a violé l'article 6 I de la loi du 29 juillet 1982.