Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 23 décembre 1989, par MM Charles Pasqua, Michel Alloncle, Jean Amelin, Hubert d'Andigné, Honoré Baillet, Jean Barras, Jacques Bérard, Roger Besse, Amédée Bouquerel, Yvon Bourges, Jacques Braconnier, Mme Paulette Brisepierre, MM Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Jean-Pierre Camoin, Pierre Carous, Auguste Cazalet, Jean Chamant, Jacques Chaumont, Michel Chauty, Jean Chérioux, Henri Collette, Maurice Couve de Murville, Charles de Cuttoli, Jacques Delong, Charles Descours, Michel Doublet, Franz Duboscq, Alain Dufaut, Marcel Fortier, Philippe François, Philippe de Gaulle, Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginesy, Georges Gruillot, Yves Guéna, Hubert Haenel, Emmanuel Hamel, Bernard Hugo, Roger Husson, André Jarrot, André Jourdain, Gérard Larcher, René-Georges Laurin, Marc Lauriol, Jean-François Le Grand, Maurice Lombard, Paul Masson, Michel Maurice-Bokanowski, Jacques de Menou, Mme Hélène Missoffe, MM Geoffroy de Montalembert, Jean Natali, Lucien Neuwirth, Paul d'Ornano, Jacques Oudin, Alain Pluchet, Christian Poncelet, Roger Rigaudière, Jean-Jacques Robert, Mme Nelly Rodi, MM Josselin de Rohan, Roger Romani, Jean Simonin, Jacques Sourdille, Louis Souvet, Martial Taugourdeau, René Trégouët, Dick Ukeiwé, Jacques Valade, Serge Vinçon, Raymond Bourgine, Désiré Debavelaere, Lucien Lanier, Michel Rufin, Claude Prouvoyeur, André-Georges Voisin, sénateurs, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, de la conformité à celle-ci de la loi de finances rectificative pour 1989 ;
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;
Vu l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, notamment son article 25 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que les auteurs de la saisine mettent en cause la conformité à la Constitution des articles 40 et 53 de la loi de finances rectificative pour 1989 soumise à l'examen du Conseil constitutionnel ;
2. Considérant que l'article 40 de la loi institue en région Ile-de-France une taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux et en détermine le régime juridique ; que l'article 53 crée dans les écritures du Trésor un compte d'affectation spéciale intitulé Fonds pour l'aménagement de l'Ile-de-France, dont les recettes, qui comprennent notamment le produit de la taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux, doivent être affectées principalement au financement de certaines dépenses d'équipement dans la région Ile-de-France ;
3. Considérant que les auteurs de la saisine font valoir que ces dispositions sont contraires, d'une part, au principe d'égalité devant la loi affirmé par l'article 2 de la Constitution et, d'autre part, à son article 72, qui prévoit que les collectivités territoriales de la République s'administrent librement par des conseils élus ;
Sur le moyen tiré de la violation de l'article 2 de la Constitution :
4. Considérant qu'il appartient au législateur, lorsqu'il établit une imposition, d'en déterminer librement l'assiette, sous la réserve du respect des principes et des règles de valeur constitutionnelle ; qu'en particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, le législateur doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels ;
5. Considérant que l'institution d'une taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux de la région Ile-de-France correspond à la volonté des pouvoirs publics d'engager dans cette région un programme d'investissement visant à corriger les déséquilibres les plus graves qu'elle connaît en matière d'accès de nombre de ses habitants à des logements locatifs, d'éloignement entre leur lieu de travail et leur lieu d'habitation et de saturation des infrastructures de transport ; que le taux de la taxe est modulé selon trois zones afin de contribuer à orienter les nouvelles implantations ; que le fait que ce dispositif soit propre à la région Ile-de-France, où se posent avec une acuité particulière des difficultés spécifiques, ne méconnaît en rien les dispositions de l'article 2 de la Constitution aux termes desquelles la République " assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d'origine, de race ou de religion " ;
Sur le moyen tiré de la violation de l'article 72 de la Constitution :
6. Considérant que, selon les auteurs de la saisine, en décidant de créer un impôt perçu dans une seule région et exclusivement utilisé par l'Etat dans cette région, les articles 40 et 53 de la loi instituent un impôt qui est en réalité un impôt local ; que, dès lors, cet impôt devrait être voté par le conseil régional concerné, conformément à l'article 72 de la Constitution ;
7. Considérant que la taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux de la région Ile-de-France constitue un impôt exclusivement perçu au profit de l'Etat et destiné d'ailleurs à figurer en recettes dans un compte spécial du Trésor ; que le fait que l'assiette de cet impôt ait un caractère géographique ne modifie en rien sa nature ; qu'ainsi, et en tout état de cause, le moyen tiré de la violation de l'article 72 de la Constitution est dénué de pertinence ;
Sur l'article 61 relatif à l'intégration de fonctionnaires de Nouvelle-Calédonie dans les corps métropolitains :
8. Considérant que l'article 61 de la loi de finances rectificative pour 1989 dispose que les fonctionnaires du cadre de complément des douanes de Nouvelle-Calédonie sont intégrés dans les corps métropolitains homologues des fonctionnaires des services extérieurs de la direction générale des douanes et des droits indirects selon des modalités qui seront fixées par un décret en Conseil d'Etat devant prendre effet à la date de promulgation de la loi ; que la loi de finances rectificative pour 1989 ne comporte pour l'application de cette disposition ni création d'emplois, ni ouverture de crédits, ni davantage de transformation d'emplois ; qu'une telle disposition, qui n'a pas de caractère financier au sens de l'article 1er de l'ordonnance du 2 janvier 1959 susvisée, n'est pas au nombre de celles qui peuvent figurer dans une loi de finances ; que, par suite, elle a été adoptée selon une procédure non conforme à la Constitution ;
9. Considérant qu'en l'espèce il n'y a lieu pour le Conseil constitutionnel de soulever d'office aucune autre question de conformité à la Constitution de la loi soumise à son examen,
Décide :
Article premier :
L'article 61 de la loi de finances rectificative pour 1989 est déclaré contraire à la Constitution.
Article 2 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.