Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 28 juin 1996, par le Premier ministre, conformément aux dispositions des articles 46 et 61, alinéa 1, de la Constitution, de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale ;
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution dans sa rédaction résultant notamment de la loi constitutionnelle n° 96-138 du 22 février 1996 ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu la loi de finances rectificative pour 1995 (n° 95-885 du 4 août 1995) ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code des juridictions financières ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que la loi organique soumise au Conseil constitutionnel a été prise dans le respect des prescriptions de l'article 46 de la Constitution ;
- SUR L'ARTICLE 1ER DE LA LOI ORGANIQUE :
2. Considérant que l'article 1er de la loi organique insère dans le code de la sécurité sociale un chapitre premier bis du titre premier du livre premier intitulé "Lois de financement de la sécurité sociale" comportant cinq articles numérotés L.O. 111-3 à L.O. 111-7 ;
3. Considérant qu'aux termes du I de l'article L.O. 111-3 : "Chaque année, la loi de financement de la sécurité sociale :
"1° Approuve les orientations de la politique de santé et de sécurité sociale et les objectifs qui déterminent les conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale ;
"2° Prévoit, par catégorie, les recettes de l'ensemble des régimes obligatoires de base et des organismes créés pour concourir à leur financement ;
"3° Fixe, par branche, les objectifs de dépenses de l'ensemble des régimes obligatoires de base comptant plus de vingt mille cotisants actifs ou retraités titulaires de droits propres ;
"4° Fixe, pour l'ensemble des régimes obligatoires de base, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie ;
"5° Fixe, pour chacun des régimes obligatoires de base visés au 3° ou des organismes ayant pour mission de concourir à leur financement qui peuvent légalement recourir à des ressources non permanentes, les limites dans lesquelles ses besoins de trésorerie peuvent être couverts par de telles ressources." ;
4. Considérant qu'aux termes de l'antépénultième alinéa de l'article 34 de la Constitution, "les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique." ;
5. Considérant que les dispositions du I de l'article L.O. 111-3 ont été prises dans le respect de cet alinéa, dès lors que le seuil de prise en compte des régimes obligatoires de base établi au 3° constitue une des conditions et réserves que pouvait prévoir la loi organique en vertu de ce même alinéa ;
6. Considérant que le II de l'article L.O. 111-3 confère à la loi de financement de l'année et aux lois de financement rectificatives le caractère de lois de financement de la sécurité sociale et qu'il réserve à ces lois la possibilité de modifier les dispositions prises en vertu des 1° à 5° du I ; que ce paragraphe n'est contraire à aucune règle de nature constitutionnelle ;
7. Considérant que le premier alinéa du III de l'article L.O. 111-3 limite le contenu des lois de financement aux dispositions qui, soit améliorent le contrôle du Parlement sur l'application de ces lois, soit affectent directement l'équilibre financier des régimes obligatoires de base ; que cette dernière condition implique que les dispositions en cause concernent, selon les termes de la Constitution, "les conditions générales de l'équilibre financier" de la sécurité sociale ; que dès lors, et sous réserve du respect des dispositions de l'article 40 de la Constitution, cet alinéa est conforme aux prescriptions constitutionnelles ;
8. Considérant que le deuxième et le troisième alinéas du III disposent respectivement que tout amendement doit être accompagné des justifications qui en permettent la mise en oeuvre et que les amendements non conformes aux dispositions de l'article L.O. 111-3 sont irrecevables ; qu'en vertu de l'antépénultième alinéa de l'article 34 de la Constitution précité le législateur organique est habilité à déterminer des conditions et réserves particulières concernant la procédure de vote des lois de financement de la sécurité sociale ; que dès lors ces restrictions au droit d'amendement ne sont pas contraires à la Constitution ;
9. Considérant que le I de l'article L.O. 111-4 détermine le contenu du rapport qui doit accompagner le projet de loi de financement de la sécurité sociale de l'année ; que son II énumère sept annexes, dont il définit l'objet, à joindre au projet de loi ; que son III impose que soit joint également un rapport de la Cour des comptes dont la remise au Parlement dès qu'il a été arrêté est prescrite par ailleurs par l'article L.O. 132-3 du code des juridictions financières introduit par l'article 2 de la loi déférée ; que son IV définit le contenu d'un document à adresser tous les trois ans au Parlement en même temps que le projet de loi de financement de l'année ; que ces dispositions sont conformes à la Constitution ;
10. Considérant que l'article L.O. 111-5 autorise en cas d'urgence le relèvement par décret des limites prévues au 5° du I de l'article L.O. 111-3, la ratification de tels décrets devant être demandée au Parlement dans le plus prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale ; que cette disposition ne contrevient à aucune règle constitutionnelle ;
11. Considérant que l'article L.O. 111-6, qui fixe au 15 octobre au plus tard, ou si cette date est un jour férié, au premier jour ouvrable qui suit, le dépôt du projet de loi de financement de l'année, y compris le rapport et les annexes mentionnés au I et au II de l'article L.O. 111-4, a été pris dans le respect de l'article 39 alinéa 2 in fine de la Constitution ;
12. Considérant que l'article L.O. 111-7 rappelle tout d'abord en son premier alinéa la disposition de l'article 47-1 de la Constitution en vertu de laquelle l'Assemblée nationale doit se prononcer en première lecture dans le délai de vingt jours après le dépôt d'un projet de loi de financement de la sécurité sociale ; qu'il attribue par ailleurs au Sénat en son deuxième alinéa un délai de quinze jours après sa saisine pour se prononcer en première lecture sur un projet de loi de financement de la sécurité sociale ; qu'il se borne ainsi à fixer une des conditions dans lesquelles, en application du premier alinéa de l'article 47-1 de la Constitution, le Parlement vote les projets de loi de financement de la sécurité sociale ;
13. Considérant qu'aux termes des troisième et quatrième alinéas de l'article L.O. 111-7 : "Si l'Assemblée nationale n'a pas émis un vote en première lecture sur l'ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale dans le délai prévu à l'article 47-1 de la Constitution, le Gouvernement saisit le Sénat du texte qu'il a initialement présenté, modifié le cas échéant par les amendements votés par l'Assemblée nationale et acceptés par lui. Le Sénat doit alors se prononcer dans un délai de quinze jours après avoir été saisi.
Si le Sénat n'a pas émis un vote en première lecture sur l'ensemble du projet dans le délai imparti, le Gouvernement saisit à nouveau l'Assemblée nationale du texte soumis au Sénat modifié, le cas échéant, par les amendements votés par le Sénat et acceptés par lui." ;
14. Considérant qu'il ressort du deuxième alinéa de l'article 47-1 de la Constitution que la carence d'une assemblée entraîne la saisine de l'autre assemblée sans qu'il soit précisé de quel texte elle se trouve saisie ; que la définition du contenu de ce texte incombe à la loi organique en application du premier alinéa de cet article ; que la faculté accordée au Gouvernement de présenter un texte modifié, le cas échéant, par des amendements votés par une assemblée et acceptés par lui n'est contraire à aucun principe constitutionnel dès lors qu'elle est limitée au cas où une assemblée ne s'est pas prononcée dans les délais fixés par la Constitution ;
15. Considérant que le cinquième alinéa de l'article L.O. 111-7 dispose que le projet de loi de financement est ensuite examiné selon la procédure d'urgence dans les conditions prévues à l'article 45 de la Constitution ; que cet article ouvre au Premier ministre la faculté de provoquer après une seule lecture par chaque assemblée la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion ; que l'application d'une telle procédure ne contrevient à aucune disposition constitutionnelle ;
16. Considérant que, dans ces conditions, les dispositions de l'article 1er, qui sont de nature organique, ne sont contraires à aucune règle constitutionnelle ;
- SUR L'ARTICLE 2 DE LA LOI ORGANIQUE :
17. Considérant que cet article insère deux nouveaux articles dans le code des juridictions financières ; que le I introduit un article L.O. 132-3 ci-dessus évoqué prévoyant l'établissement par la Cour des comptes d'un rapport annuel sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale remis au Parlement dès qu'il a été arrêté ; que, relatif à un document dont la loi prévoit qu'il doit être joint au projet de loi de financement de la sécurité sociale de l'année, il présente un caractère organique ;
18. Considérant que le II insère un article L. 132-3-1 disposant que la commission parlementaire compétente peut saisir la Cour des comptes de toute question relative à l'application des lois de financement et lui demander de procéder dans ce cadre à des enquêtes sur les organismes soumis à son contrôle ; que cette disposition n'est pas spécifiquement liée aux conditions dans lesquelles sont votées les lois de financement de la sécurité sociale ; que dès lors elle ne revêt pas un caractère organique ;
19. Considérant que le I et le II ont été pris dans le respect du dernier alinéa de l'article 47-1 de la Constitution aux termes duquel "la Cour des comptes assiste le Parlement et le Gouvernement dans le contrôle de l'application des lois de financement de la sécurité sociale" et ne méconnaissent aucune autre disposition constitutionnelle ;
- SUR L'ARTICLE 3 DE LA LOI ORGANIQUE :
20. Considérant que cet article comporte cinq paragraphes ; que le I, le III et le IV abrogent des dispositions devenues sans objet figurant dans le code de la sécurité sociale et dans celui des juridictions financières ; que le II insère dans l'article L. 114-1 du code de la sécurité sociale un alinéa disposant que les rapports de la commission des comptes de la sécurité sociale sont communiqués au Parlement ; que le V tire les conséquences, au premier alinéa de l'article 33 de la loi de finances rectificative pour 1995 susvisée, de l'abrogation, opérée par le I, de l'article L. 111-3 du code de la sécurité sociale ; que l'ensemble des dispositions de l'article 3, sans être contraire à la Constitution, est étranger au domaine de la loi organique tel que défini par les articles 34 et 47-1 de la Constitution ;
Décide :
Article premier :
La loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel est déclarée conforme à la Constitution, en ce qui concerne tant ses dispositions ayant le caractère de loi organique que celles de ses dispositions ayant le caractère de loi.
Article 2 :
La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 16 juillet 1996, où siégeaient MM Roland DUMAS, président, Etienne Dailly, Maurice FAURE, Georges ABADIE, Jean CABANNES, Michel AMELLER, Jacques ROBERT, Alain LANCELOT et Mme Noelle Lenoir.
Le président, Roland DUMAS