Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la délibération du jury du diplôme du 25 septembre 2022 en tant qu'elle refuse d'autoriser le redoublement de sa seconde année de master psychologie clinique, psychopathologie, psychologie de la santé, parcours psychopathologies et psychothérapies au sein de l'université de Reims Champagne-Ardenne pour l'année universitaire 2021/2022.
Par un jugement n° 2202628 du 3 février 2023, le tribunal administratif
de Châlons-en-Champagne a annulé la délibération du jury du 25 septembre 2022 en tant qu'elle a refusé d'autoriser Mme A... à redoubler sa seconde année et a enjoint au jury du diplôme d'autoriser ce redoublement dans un délai de quinze jours suivant la notification de ce jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 10 février 2023, l'université de Reims
Champagne-Ardenne, représentée par Me Dreyfus, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2202628 du tribunal administratif
de Châlons-en-Champagne du 3 février 2023 ;
2°) de rejeter la demande présentée en première instance par Mme A... ;
3°) de mettre à la charge de Mme A... la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'appréciation portée par le jury du diplôme sur la valeur et les capacités des candidats est souveraine et il n'appartient pas au juge administration de l'excès de pouvoir de la contrôler ;
- en cas de refus de redoublement en master, le juge administratif exerce un contrôle restreint à l'erreur manifeste d'appréciation ;
- selon l'article 5.2.2. du règlement des études et des examens 2021-2022 de l'université, en cas de non-validation du master 2, le redoublement n'est pas de droit et demeure subordonné à la décision souveraine du jury du diplôme ;
- le jury de diplôme statue à l'aune de l'intégralité du dossier pédagogique et apprécie souverainement, sur cette base, les mérites des candidats ;
- l'article 5.2.2. du règlement s'explique par le fait que la délivrance du grade de master confère, de manière automatique, le titre de psychothérapeute ;
- le jury n'a pas commis d'erreur manifeste dans son appréciation de la situation globale et des mérites de Mme A... ;
- aucun texte, ni aucun principe, n'impose à un jury du diplôme d'accorder le redoublement en master 2 au seul motif qu'il serait " utile " ;
- en enjoignant à un jury du diplôme souverain de statuer dans un sens déterminé, le tribunal a manifestement excédé son office.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mars 2023, Mme B... A..., représentée par Me Ambrosi, conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement de première instance, subsidiairement à l'annulation de la délibération du 5 septembre 2022 en ce qu'elle lui refuse l'autorisation de redoubler sa seconde année et à ce qu'il soit enjoint au jury du diplôme de l'autoriser à redoubler cette seconde année dans un délai de quinze jours et sous astreinte de cent cinquante euros par jour de retard, à la mise à la charge de l'université de Reims Champagne-Ardenne de la somme de 4 000 euros à lui verser en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'éducation ;
- le décret n° 2010-534 du 20 mai 2010 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Meisse,
- les conclusions de M. Marchal, rapporteur public,
- et les observations de Me Grail pour l'université de Reims Champagne-Ardenne et de Me Ambrosi pour Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Après avoir obtenu à l'université de Lorraine une licence de psychologie en juin 2019, puis un diplôme universitaire intitulé " Dimensions multiples du psycho-traumatisme : diagnostic et expertise " en mai 2020, Mme B... A..., née le 13 mai 1997, a intégré la première année du master de psychologie clinique, psychopathologie, psychologie de la santé, parcours psychopathologies et psychothérapies, au sein de l'université de Reims Champagne-Ardenne pour l'année universitaire 2020-2021. Ayant validé sa première année en juin 2021, elle s'est inscrite en seconde année du master pour l'année universitaire 2021-2022. Par une délibération du 25 septembre 2022, le jury du diplôme a prononcé son ajournement et a refusé de lui accorder le bénéfice d'un redoublement en raison de la faiblesse de la note obtenue par l'intéressée lors de la soutenance de son mémoire de recherche et de son rapport de stage le 1er juillet 2022, à laquelle il n'a pas été remédié dans le cadre de la session de rattrapage à laquelle elle a été autorisée à participer le 1er septembre 2022. A la suite du rejet, le 29 septembre 2022, de son recours administratif dirigé contre cette délibération, l'intéressée a saisi le tribunal administratif
de Châlons-en-Champagne d'une demande tendant à son annulation en tant qu'elle a refusé de lui accorder l'autorisation de redoubler sa seconde année de master. L'université de Reims Champagne-Ardenne relève appel du jugement n° 2202628 du 3 février 2023, qui annule cette délibération et enjoint au jury du diplôme d'autoriser le redoublement de Mme A... de sa seconde année de master dans un délai de quinze jours suivant sa date de notification.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes du point 5.2.2 du règlement des études de l'université de Reims Champagne-Ardenne pour l'année universitaire 2021/2022 concernant le " redoublement en master " : " (...) En cas de non validation du M2, le redoublement n'est pas de droit. Il est subordonné à la décision du jury du diplôme, avec conservation des EC capitalisés (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que la possibilité d'autoriser ou non le redoublement, que prévoient ces dispositions, procède d'une appréciation par le jury de l'ensemble de la situation de l'élève et non pas seulement des notes obtenues. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir de s'assurer que cette appréciation n'est pas entachée d'une erreur manifeste.
4. Il ressort des pièces du dossier que, depuis son inscription en première année de licence de psychologie à l'université de Strasbourg en 2016, Mme A... a systématiquement validé ses années universitaires successives, sans jamais avoir redoublé. Titulaire d'une licence de psychologie et d'un diplôme universitaire sur le psycho-traumatisme, elle a intégré le master de l'université de Reims Champagne-Ardenne en psychologie clinique, psychopathologie, psychologie de la santé, parcours psychopathologies et psychothérapies, où elle a réussi sa première année et le premier semestre de sa seconde année avec la mention " assez-bien " et une moyenne générale respective de 13,549/20 et de 12,15/20. Les stages de professionnalisation, effectués par Mme A... en 2021 au sein d'un centre médico-psychologique pour enfants et adolescents de Saint-Avold et, en 2022, au sein de deux établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes de Montigny-lès-Metz et de Metz, ont recueilli l'avis favorable des tuteurs concernés. Si l'évaluation du 6 avril 2021 du premier, après avoir relevé l'enthousiasme, l'assurance et la solidité des connaissances universitaires de l'étudiante, pointe des difficultés de positionnement dans un contexte de travail en équipe pluridisciplinaire, le compte-rendu du second, daté du 16 novembre 2022, révèle la progression de Mme A... en insistant sur son investissement, la pertinence de ses interventions thérapeutiques, effectuées en autonomie, auprès des résidents des structures, sa capacité de remise en cause et sa bonne intégration à l'équipe professionnelle. Il en conclut qu'elle a répondu aux attentes définies dans sa convention de stage et surtout que, parmi les éléments observés au cours de ce stage de cinq cents heures, aucun ne lui semble faire obstacle à la délivrance du titre de psychologue.
5. S'il est vrai que les procès-verbaux détaillés des soutenances des 1er juillet et 1er septembre 2022 mettent en exergue les insuffisances formelles et scientifiques des travaux remis par Mme A..., ainsi que la faiblesse de ses réponses aux questions posées par les membres du jury, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces seuls éléments négatifs, qui apparaissent isolés au regard de l'ensemble de son parcours universitaire, suffisent à considérer qu'elle ne serait pas en mesure de progresser et d'obtenir son diplôme de psychologue à la faveur d'une mesure de redoublement, qui n'apparaît pas en l'espèce dénuée d'utilité. Par suite, eu égard à la situation de cette étudiante appréciée globalement, et alors qu'il n'est pas établi, ni même allégué, qu'elle aurait eu des problèmes de comportement ou de discipline, c'est à bon droit que le tribunal a considéré que la délibération du 25 septembre 2022, en tant qu'elle refuse d'autoriser l'intéressée à redoubler sa seconde année de master, était entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
6. En outre, contrairement aux allégations de la requérante, les premiers juges, compte tenu du motif d'annulation ainsi retenu, n'ont pas excédé leur office en enjoignant au jury du diplôme d'autoriser le redoublement de Mme A... de sa seconde année de master dans un délai de quinze jours suivant la date de notification de leur jugement.
7. Il résulte de tout ce qui précède que l'université de Reims Champagne-Ardenne n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé la délibération du jury du diplôme du 25 septembre 2021 et a enjoint au jury du diplôme d'autoriser le redoublement de Mme A... de sa seconde année de master dans un délai de quinze jours suivant sa date de notification.
Sur les frais de justice :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de Mme A..., qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par l'université de Reims Champagne-Ardenne au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la requérante le versement à la défenderesse d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de l'université de Reims Champagne-Ardenne est rejetée.
Article 2 : L'université de Reims Champagne-Ardenne versera à Mme A... une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'université de Reims Champagne-Ardenne et à Mme B... A....
Délibéré après l'audience du 9 avril 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Bauer, présidente,
- M. Meisse, premier conseiller,
- M. Barteaux, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mai 2024.
Le rapporteur,
Signé : E. MEISSE
La présidente,
Signé : S. BAUER
Le greffier,
Signé : F. LORRAIN
La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier :
F. LORRAIN
N° 23NC00444 2