Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 24 novembre 2022 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2205633 du 31 janvier 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nice a annulé cet arrêté en tant qu'il porte refus de délai de départ volontaire et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 17 février 2023, M. B..., représenté par Me Le Gars, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 31 janvier 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 24 novembre 2022 en tant que le préfet l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes d'examiner sa situation au regard du séjour dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et, dans l'attente, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il ne répond pas aux moyens tirés de la méconnaissance du principe du contradictoire, de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'erreur de droit, de l'erreur de fait, de la contradiction de motifs et de l'inopposabilité du refus de titre de séjour décidé par l'arrêté du 22 novembre 2021 ;
- l'obligation de quitter le territoire attaquée est viciée de ces différentes illégalités ;
- il n'a pas été procédé à l'examen sérieux de sa situation ;
- il a été porté une atteinte disproportionnée à ses droits et à sa situation personnelle.
La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. d'Izarn de Villefort,
- et les observations de Me Foury, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant tunisien, a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 24 novembre 2022 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Il relève appel du jugement de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nice du 31 janvier 2023 qui a annulé cet arrêté en tant seulement qu'il porte refus de délai de départ volontaire et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 24 novembre 2022 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire et fixe le pays de destination :
2. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) ; 2° L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré ou, n'étant pas soumis à l'obligation du visa, entré en France plus de trois mois auparavant, s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour ou, le cas échéant, sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré ; 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., né le 15 novembre 2002, a déclaré être entré en France en 2018 alors qu'il était âgé de 15 ans et s'y être maintenu depuis. Le 20 octobre 2020, il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cette demande a été rejetée pour irrecevabilité par lettre du 28 octobre 2020 au motif qu'il était encore mineur à cette date. Il a présenté une nouvelle demande de titre en novembre 2020, qui a été rejetée par arrêté du 22 novembre 2021, assortie d'une obligation de quitter le territoire français, motivée par l'absence de réponse à une demande de pièce complémentaire, ainsi que le relève l'arrêté attaqué du 24 novembre 2022.
4. Il résulte des dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour et des étrangers et du droit d'asile que si la demande d'un étranger qui a régulièrement sollicité un titre de séjour ou son renouvellement a été rejetée, la décision portant obligation de quitter le territoire français susceptible d'intervenir à son encontre doit nécessairement être regardée comme fondée sur un refus de titre de séjour, donc sur la base légale prévue au 3° de cet article. Il en va ainsi tant lorsque la décision relative au séjour et la décision portant obligation de quitter le territoire interviennent de façon concomitante que, en l'absence de dispositions législatives ou réglementaires prévoyant qu'une décision relative au séjour devrait être regardée comme caduque au-delà d'un certain délai après son intervention, lorsqu'une décision portant obligation de quitter le territoire intervient postérieurement à la décision relative au séjour, y compris lorsqu'une nouvelle décision portant obligation de quitter le territoire intervient à l'égard d'un étranger qui s'est maintenu sur le territoire malgré l'intervention antérieure d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire.
5. Pour obliger à nouveau M. B... à quitter le territoire, le préfet des Alpes-Maritimes, s'il a indiqué de manière erronée dans son arrêté du 24 novembre 2022 que l'intéressé s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français " depuis un an et demi sans avoir entrepris de démarches en vue de régulariser sa situation administrative ", s'est en réalité fondé sur le refus de titre de séjour prononcé par son arrêté du 22 novembre 2021. Si, dans son mémoire en défense présenté en première instance, il a indiqué que celui-ci a été notifié régulièrement par voie postale le 23 novembre 2022 à la dernière adresse connue de l'administration, il n'en a pas justifié en dépit de la mesure d'instruction diligentée en appel sur ce point. Par suite, M. B... est fondé à soutenir que la décision de refus de séjour du 22 novembre 2021 lui étant inopposable, le préfet n'a pu légalement, par l'arrêté attaqué du 24 novembre 2022, l'obliger à quitter le territoire sur le fondement du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour et des étrangers et du droit d'asile.
6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement ni d'examiner les autres moyens de la requête, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a annulé l'arrêté du 24 novembre 2022 en tant seulement qu'il porte refus de délai de départ volontaire et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Le présent arrêt implique pour le préfet des Alpes-Maritimes de réexaminer la situation de M. B... en fonction des circonstances de droit et de fait existant à la date de sa nouvelle décision, et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour. Une injonction en ce sens doit donc être adressée au préfet, qui disposera pour s'exécuter d'un délai, respectivement, d'un mois et de huit jours, à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nice du 31 janvier 2023 et l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 24 novembre 2022, en tant qu'il oblige M. B... à quitter le territoire français sans délai et fixe le pays de destination, sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de réexaminer la situation de M. B... et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, dans le délai, respectivement, d'un mois et de huit jours, à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes et au Procureur près le tribunal judiciaire de Nice
Délibéré après l'audience du 25 mai 2023, où siégeaient :
- M. Portail, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- M. Quenette, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juin 2023.
N° 23MA00401 2