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21/08/2023 | FRANCE | N°23DA00727

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 21 août 2023, 23DA00727


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 27 septembre 2022 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans les trente jours, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour en France pendant un mois.

Par un jugement n° 2300489 du 24 mars 2023, la magistrate désignée du tribunal administratif de Rouen a réservé à une formation collégiale l'examen de la demande dirigée contre le refus de

titre de séjour, a annulé l'obligation de quitter le territoire français, la fixa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 27 septembre 2022 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans les trente jours, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour en France pendant un mois.

Par un jugement n° 2300489 du 24 mars 2023, la magistrate désignée du tribunal administratif de Rouen a réservé à une formation collégiale l'examen de la demande dirigée contre le refus de titre de séjour, a annulé l'obligation de quitter le territoire français, la fixation du pays de renvoi et l'interdiction de retour en France et a enjoint au préfet de délivrer à M. A... une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 avril 2023, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de M. A... devant le tribunal administratif.

Il soutient que son arrêté n'a pas violé l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

M. A..., auquel la requête a été communiquée le 24 mai 2023, représenté par Me Cécile Madeline, a déposé un mémoire en défense, le 3 juillet 2023, après la clôture de l'instruction intervenue en application de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.

Le requérant a été maintenu au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Douai du 22 juin 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-sénégalais relatif à la gestion concertée des flux migratoires du 23 septembre 2006 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Marc Heinis, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

1. D'une part, M. A..., né en 1984, a vécu la majeure partie de sa vie au Sénégal. S'il est entré en France avec un visa long séjour " étudiant " en octobre 2008, a obtenu un master en droit avec la mention " passable " en 2011 et a obtenu un titre de séjour " étudiant " jusqu'en novembre 2012, il s'est ensuite maintenu irrégulièrement sur le territoire français sans chercher à régulariser sa situation, pendant cinq ans, jusqu'au dépôt d'une demande de titre de séjour en décembre 2017. Il n'a pas exécuté une obligation de quitter le territoire français notifiée en avril 2018 et s'est à nouveau maintenu irrégulièrement en France sans chercher à régulariser sa situation, pendant près de deux ans, jusqu'au dépôt d'une nouvelle demande de titre de séjour en février 2020. Si une obligation de quitter le territoire français prononcée en novembre 2020 a été annulée par le tribunal administratif en juin 2021 parce que la commission du titre de séjour n'avait pas été saisie, cette instance, devant laquelle M. A... avait invoqué l'intérêt supérieur de ses enfants, a émis en décembre 2021 un avis défavorable à la délivrance d'un titre de séjour.

2. D'autre part, si M. A... invoque son concubinage avec une compatriote depuis 2014, s'il a reconnu ses deux enfants nés en avril 2016 et novembre 2020 et si la réalité de la vie commune du couple ressort depuis 2018 des factures d'assurance, d'électricité, de téléphone ou de cantine scolaire libellées aux deux noms, même si seul le nom de la compagne apparaît sur les quittances de loyer, l'attestation établie par la caisse d'allocations familiales en avril 2021 ne fait pas état de la présence de M. A..., la régularisation à compter de décembre 2021 diligentée en mars 2023 est intervenue après l'arrêté et le pli recommandé contenant l'arrêté n'a pas pu être distribué le 3 février 2023 car, selon les informations disponibles sur le site internet de La Poste, " le facteur n'a pu identifier la boîte à lettres du destinataire ". La continuité de la communauté de vie et donc de la contribution de l'intéressé à l'éducation de ses enfants mais aussi de l'enfant de sa compagne né d'un autre père au Portugal en 2010 n'est donc pas démontrée.

3. Enfin, si la compagne de M. A... a bénéficié d'une régularisation de sa situation en 2018 et si sa carte de séjour " vie privée et familiale " délivrée en juin 2021 n'expirait qu'en juin 2023, les emplois qu'elle a occupés, comme agent de service, femme de chambre dans un hôtel ou agent d'entretien, sont restés précaires et à temps partiel, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle avait toujours un emploi à la date de l'arrêté, ses enfants ont tous la nationalité sénégalaise et son premier-né n'a pas de relation avec son père biologique resté au Portugal. De son côté M. A... depuis 2012 a seulement travaillé dans l'intérim en 2022. La cellule familiale peut donc se reconstituer au Sénégal ou y accompagner M. A... le temps qu'il fasse les démarches lui permettant de revenir légalement en France.

4. Dans ces conditions, l'arrêté n'a pas méconnu l'intérêt supérieur des enfants et n'a donc violé l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Rouen a estimé que son arrêté avait violé l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Sur les autres moyens invoqués par M. A... :

6. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. A....

S'agissant de la motivation de l'arrêté :

7. Conformément aux articles L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration et L. 613-1 et L. 613-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'arrêté a énoncé dans ses considérants ou son dispositif les motifs de droit et de fait qui ont fondé ses différentes décisions.

S'agissant de l'examen de la situation :

8. Il ressort de la motivation de l'arrêté que le préfet a procédé, pour toutes ses décisions, à un examen sérieux et particulier des éléments relatifs à la situation de l'intéressé alors portés à sa connaissance.

S'agissant de l'erreur de droit :

9. Il ne ressort pas de la motivation de l'arrêté, qui a cité l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qui a relevé que M. A... " ne justifie pas de motifs humanitaires ou exceptionnels ", que le préfet se soit cru lié, sans apprécier l'opportunité d'une mesure de régularisation, par la condition, posée par l'article 42 de l'accord franco-sénégalais, de présentation d'une proposition de contrat de travail dans l'un des métiers mentionnés à l'annexe IV de cet accord.

Sur la vie privée et familiale :

10. Dans les circonstances de l'espèce rappelées aux points 1 à 3, alors que la circulaire du 28 novembre 2012 ne peut utilement être invoquée, alors que la durée de l'interdiction de retour en France a été limitée à un mois et même si la procédure de regroupement familial ne s'applique pas en l'absence de mariage, l'arrêté n'était pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation y compris au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'a pas violé les articles L. 423-23 du même code et 42 de l'accord franco-sénégalais et n'a pas porté une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale garantie par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

11. Il résulte de ce qui précède que tous les moyens ci-dessus invoqués, par voie d'action ou d'exception, doivent être écartés.

12. Il résulte de tout ce qui précède, même en prenant en compte le mémoire déposé pour M. A... après la clôture de l'instruction et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de sa demande devant le tribunal administratif au regard du délai de recours contentieux, que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que la magistrate désignée du tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. La présente décision n'implique aucune mesure d'exécution pour l'application des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative.

Sur l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

14. La demande présentée par le requérant et son conseil, partie perdante, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens doit être rejetée.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 24 mars 2023 du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Rouen est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au préfet de la Seine-Maritime et à Me Cécile Madeline.

Délibéré après l'audience publique du 5 juillet 2023 à laquelle siégeaient :

M. Marc Heinis, président de chambre,

M. Denis Perrin, premier conseiller,

M. Stéphane Eustache, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 août 2023.

L'assesseur le plus ancien,

Signé : D. Perrin Le président-rapporteur,

Signé : M. B...

La greffière,

Signé : C. Sire

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

Par délégation,

La greffière,

Christine Sire

2

N° 23DA00727


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23DA00727
Date de la décision : 21/08/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Marc Heinis
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 17/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2023-08-21;23da00727 ?
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