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22/06/2023 | FRANCE | N°22VE01690

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 22 juin 2023, 22VE01690


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 10 février 2015 par laquelle le directeur du centre hospitalier intercommunal Robert Ballanger d'Aulnay-sous-Bois a prononcé son licenciement à compter du 13 avril 2015 et de condamner cet établissement à lui verser la somme de 69 174,45 euros en réparation des préjudices subis du fait de son éviction.

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Par un arrêt n° 16VE02823 du 27 mai 2020, la cour administrative d'appel de Vers...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 10 février 2015 par laquelle le directeur du centre hospitalier intercommunal Robert Ballanger d'Aulnay-sous-Bois a prononcé son licenciement à compter du 13 avril 2015 et de condamner cet établissement à lui verser la somme de 69 174,45 euros en réparation des préjudices subis du fait de son éviction.

Par un jugement n° 1502685 du 1er juillet 2016, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 16VE02823 du 27 mai 2020, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par Mme C... contre ce jugement.

Par une décision n° 441447 du 15 juillet 2022, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Versailles.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés respectivement les 30 août 2016, 2 novembre 2017, 19 avril 2018, 28 octobre 2019, 30 avril 2020, et après cassation et renvoi, le 8 septembre 2022 et le 25 mai 2023, Mme C... représentée par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cette décision ;

3°) de condamner le centre hospitalier Robert Ballanger à lui verser la somme de 293 487 euros, à parfaire, au titre de ses préjudices, majorée des intérêts à compter de sa demande préalable et de la capitalisation des intérêts, à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de condamner le centre hospitalier Robert Ballanger à l'indemniser au titre de la privation des jours de congés payés, à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

5°) d'enjoindre au centre hospitalier Robert Ballanger de la réintégrer dans ses effectifs et de reconstituer sa carrière, à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

6°) de mettre à la charge du centre hospitalier Robert Ballanger le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en droit dès lors qu'il ne vise, ni ne mentionne, les décrets n° 2007-1930 du 26 décembre 2007, n° 2010-261 du 11 mars 2010 et n° 2010-265 du 11 mars 2010 ;

- les motifs du licenciement ne lui ont pas été communiqués lors de l'entretien préalable, contrairement aux exigences de l'article 44 du décret du 6 février 1991 ; si le centre hospitalier s'est notamment prévalu d'un compte rendu d'entretien en date du 14 décembre 2014, celui-ci ne peut être regardé comme un entretien préalable au licenciement ; les droits de la défense ont été méconnus et la procédure a été irrégulière ;

- l'emploi de directeur adjoint d'un établissement de santé pouvant être confié à un agent contractuel sur le fondement de l'article 9 de la loi du 9 janvier 1986, la décision de licenciement est entachée d'une première erreur de droit ; elle est entachée d'une seconde erreur de droit en ce que ces dispositions ne réservent pas le recrutement d'agents contractuels au cas des fonctions techniques ou nouvelles mais à tous les cas où la nature des fonctions ou les besoins du service le justifient ; en outre, les fonctions de directeur adjoint d'un centre hospitalier chargé des affaires économiques et de l'équipement nécessitent des compétences techniques hautement spécialisées, dont elle dispose ; la nature des fonctions et les besoins du service, caractérisés en l'espèce par la nécessité de disposer d'un profil spécifique en matière de logistique pour réorganiser tous les circuits, peuvent également justifier ce recrutement ;

- l'établissement hospitalier a méconnu son obligation de reclassement, le seul poste proposé, de catégorie B, n'étant pas en rapport avec sa qualification, ses responsabilités antérieures et son rang hiérarchique, et la rémunération attachée à ce poste n'étant pas équivalente à celle qu'elle percevait ; un poste de responsable budgétaire et financier était vacant ; l'emploi de directeur adjoint chargé des services économiques et directeur des opérations ne lui a pas été proposé ;

- la substitution de motifs suggérée par le centre hospitalier n'est pas envisageable, faute de respecter les garanties procédurales, en particulier les droits de la défense et son droit au reclassement ;

- son licenciement est illégal et fautif ;

- son préjudice financier s'établit à la somme de 293 487 euros de 2015 à 2022 ;

- elle a été privée de cent trente-neuf jours de congés payés sur la même période ;

- son préjudice moral et ses troubles dans les conditions d'existence s'établissent à la somme de 20 000 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés respectivement les 5 avril 2017, 22 avril 2020, 7 mai 2020 et après cassation et renvoi, le 4 janvier 2023, le centre hospitalier intercommunal Robert Ballanger, représenté par Me Uzel, avocate, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de mettre à la charge de Mme C... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision de licenciement est bien fondée dès lors qu'il a entendu affecter un fonctionnaire sur l'emploi de la requérante, ainsi qu'il résulte de l'offre d'emploi publiée au Journal officiel du 5 décembre 2014 et de la circonstance qu'un fonctionnaire titulaire a été nommé à compter du 1er juin 2015 ;

- la demande d'indemnité au titre des congés payés n'a pas été formulée dans la réclamation préalable et n'est pas chiffrée ; elle est irrecevable ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 91-155 du 6 février 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Camenen,

- les conclusions de Mme Sauvageot, rapporteure publique,

- les observations de Me Brecq-Coutant, pour Mme C... et celles de Me Uzel, pour le centre hospitalier intercommunal Robert Ballanger.

Une note en délibéré, enregistrée le 9 juin 2023, a été présentée pour Mme C....

Une note en délibéré, enregistrée le 9 juin 2023, a été présentée pour le centre hospitalier intercommunal Robert Ballanger.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., qui occupait depuis le 2 juillet 2012 l'emploi de directrice-adjointe chargée des services économiques et de l'équipement du centre hospitalier intercommunal Robert-Ballanger en vertu d'un contrat à durée indéterminée, a fait appel du jugement du 1er juillet 2016 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du directeur du centre hospitalier intercommunal Robert Ballanger du 10 février 2015 prononçant son licenciement et à l'indemnisation de ses préjudices résultant de cette décision. Par un arrêt du 27 mai 2020, la cour a rejeté sa requête tendant à l'annulation de ce jugement. Par une décision du 15 juillet 2022, le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi en cassation présenté par Mme C..., a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire à la cour.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Il ressort des pièces du dossier que, par la décision contestée du 10 février 2015, le directeur du centre hospitalier a prononcé le licenciement de Mme C... aux motifs, d'une part, que " la nature des fonctions exercées par Mme C... ou les besoins du service ne justifient pas que cet emploi soit pourvu par un agent contractuel sur un emploi permanent hospitalier " et " qu'il existe un corps de fonctionnaire susceptible d'exercer ces fonctions ", d'autre part, " qu'il ne s'agit pas de fonctions nouvellement prises en charge par l'administration ou nécessitant des connaissances techniques hautement spécialisées " et, enfin, que " le recrutement à ce poste d'un agent contractuel n'est pas davantage motivé par le remplacement momentané d'un fonctionnaire ou pour faire face à une vacance temporaire d'emploi ou à un accroissement temporaire d'activité ".

3. Aux termes des dispositions alors applicables de l'article 3 de la loi du 12 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Sauf dérogation prévue par une disposition législative, les emplois civils permanents de l'Etat, des régions, des départements, des communes et de leurs établissements publics à caractère administratif sont (...) occupés (...) par des fonctionnaires régis par le présent titre (...) ". Aux termes de l'article 9 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, dans sa rédaction applicable au litige : " Par dérogation à l'article 3 du titre Ier du statut général, les emplois permanents mentionnés au premier alinéa de l'article 2 peuvent être occupés par des agents contractuels lorsque la nature des fonctions ou les besoins du service le justifient, notamment lorsqu'il n'existe pas de corps de fonctionnaires hospitaliers susceptibles d'assurer ces fonctions ou lorsqu'il s'agit de fonctions nouvellement prises en charge par l'administration ou nécessitant des connaissances techniques hautement spécialisées./ (...) Les agents ainsi recrutés peuvent être engagés par des contrats d'une durée indéterminée ou déterminée (...) ".

4. En premier lieu, il résulte des dispositions précitées de l'article 3 de la loi du 12 juillet 1983 et de l'article 9 de la loi du 9 janvier 1986 que l'emploi de directeur adjoint d'un centre hospitalier peut être confié à un agent contractuel, à la condition que la nature des fonctions ou les besoins du service le justifient, en particulier lorsqu'il s'agit de fonctions nouvellement prises en charge par l'administration ou nécessitant des connaissances techniques hautement spécialisées.

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme C..., qui a été recrutée, ainsi qu'il a été dit, pour occuper l'emploi de directrice adjointe chargée des services économiques et de l'équipement du centre hospitalier intercommunal Robert Ballanger, est titulaire d'un baccalauréat technologique en sciences médico-sociales, option bureautique, obtenu en 1997, et d'un certificat d'études techniques supérieures en hygiène et gestion des produits alimentaires qui lui a été délivré la même année par l'institut Pasteur D.... En outre, elle a obtenu en 2001 une licence professionnelle en " sécurité et qualité en alimentation et pratiques de soins " auprès de l'université D... I puis, au titre de l'année 2004-2005, un diplôme d'études supérieures spécialisé en management de la restauration collective et sociale délivré par l'université d'Angers. Enfin, elle a obtenu un mastère spécialisé en management de systèmes logistiques auprès de l'école nationale des ponts et chaussées en 2008 et a suivi un programme en management général hospitalier de l'Essec Business School en 2012. Par ailleurs, il ressort également des pièces du dossier que Mme C... a occupé divers postes en rapport avec sa formation au sein d'une collectivité et de plusieurs établissements hospitaliers entre 1997 et 2012. Il résulte enfin du procès-verbal de la séance du directoire du centre hospitalier Robert Ballanger du 24 mai 2012 que Mme C... possède " non seulement une expérience au niveau de l'hôtellerie et des achats publics mais également en logistiques hospitalières, cette personne ayant déjà été directrice des services économiques de plusieurs centres hospitaliers ". Le compte-rendu de la réunion de direction du 4 juin 2012 indique qu'elle détient " un excellent CV et une solide expérience dans ce domaine ", ce que confirment notamment les lettres de recommandation et l'attestation de l'ancien directeur du centre hospitalier qu'elle a produites. Il n'est pas établi ni même allégué que des fonctionnaires ont candidaté sur le poste de directrice adjointe pour lequel Mme C... a été recrutée en 2012. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des justifications circonstanciées apportées par Mme C... sur les conditions de son recrutement au regard, notamment, de son profil, de la définition du poste et de l'absence de candidatures de fonctionnaires, l'intéressée est fondée à soutenir que la nature des fonctions de directrice adjointe chargée des services économiques et de l'équipement et les besoins du service justifiaient son recrutement en qualité d'agent contractuel. Par suite, le centre hospitalier ne pouvait prononcer légalement son licenciement au motif que la nature de ses fonctions ou les besoins du service ne justifiaient pas que cet emploi soit pourvu par un agent contractuel.

6. En second lieu, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

7. Le centre hospitalier soutient qu'un agent contractuel ne peut tenir de son contrat le droit de conserver l'emploi pour lequel il a été recruté, lorsque l'autorité administrative entend affecter un fonctionnaire sur cet emploi et que l'administration peut, pour ce motif, légalement écarter l'agent contractuel de cet emploi. Il doit ainsi être regardé comme demandant au juge de substituer ces motifs à ceux retenus par la décision contestée.

8. Il résulte toutefois d'un principe général du droit, dont s'inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés dont l'emploi est supprimé que les règles du statut général de la fonction publique qui imposent de donner, dans un délai raisonnable, aux fonctionnaires en activité dont l'emploi est supprimé une nouvelle affectation correspondant à leur grade, qu'il incombe à l'administration, avant de pouvoir prononcer le licenciement d'un agent contractuel recruté en vertu d'un contrat à durée indéterminée pour affecter un fonctionnaire sur l'emploi correspondant, de chercher à reclasser l'intéressé.

9. Il ressort des pièces du dossier que le centre hospitalier intercommunal Robert Ballanger a recruté un fonctionnaire hospitalier en qualité de directrice adjointe chargée des services économiques et directrice des opérations, celle-ci étant destinée à remplacer Mme C... à la suite de son licenciement. Si cette dernière ne pouvait tenir, dans ce cas, aucun droit de conserver l'emploi pour lequel elle avait été recrutée, le centre hospitalier devait cependant chercher à la reclasser en lui proposant un emploi de niveau équivalent, ou, à défaut d'un tel emploi et à la demande de l'intéressée, tout autre emploi.

10. A cet égard, il ressort des pièces du dossier, en particulier d'un courrier du 19 décembre 2014 adressé à Mme C..., que le centre hospitalier lui a proposé un reclassement en qualité de responsable hôtellerie, placé sous l'autorité directe du directeur des services économiques et des équipements, poste alors occupé par l'intéressée. Il ressort également du projet de contrat qui a été proposé à Mme C... que celle-ci aurait perçu une rémunération correspondant au grade de technicien supérieur hospitalier de 2ème classe à l'échelon 13. Alors même qu'elle aurait également perçu une indemnité différentielle destinée à compenser partiellement la perte de revenus qu'elle aurait subie, un tel emploi de responsable hôtellerie ne peut être regardé comme équivalent à celui occupé précédemment par Mme C.... Cette dernière fait valoir qu'un avis d'offre d'emploi d'attaché d'administration hospitalière, adjoint au directeur des finances et du parcours patient, responsable budgétaire et financier, vacant au sein du centre hospitalier, a été publié le 10 décembre 2014. Il n'est pas établi que cet emploi ne pouvait être proposé à Mme C... dans le cadre de son reclassement et il n'est pas davantage établi qu'un fonctionnaire a effectivement été recruté pour l'occuper. Dans ces conditions, Mme C... est fondée à soutenir que l'administration était en mesure de lui proposer un reclassement sur un poste équivalent à celui qu'elle occupait. Le motif invoqué par l'administration ne pouvant être substitué à celui initialement retenu pour justifier le licenciement de Mme C..., la requérante est fondée à demander l'annulation de cette décision.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

11. L'annulation du licenciement de Mme C... implique nécessairement sa réintégration juridique dans les effectifs du centre hospitalier à la date de son éviction et la reconstitution de ses droits sociaux, ainsi que sa réintégration effective dans son emploi ou, à défaut, dans un emploi équivalent. Ainsi, il y a lieu d'enjoindre au directeur du centre hospitalier intercommunal Robert Ballanger, d'une part, de réintégrer juridiquement Mme C... à compter de la date de son éviction et de régulariser ses droits sociaux, d'autre part, de réintégrer l'intéressée dans son emploi ou, à défaut, dans un emploi équivalent, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte. En revanche, s'agissant d'un agent contractuel, il n'y a pas lieu d'enjoindre qu'il soit procédé à la reconstitution de la carrière de Mme C....

Sur les conclusions indemnitaires :

12. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité.

13. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte des rémunérations ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions.

14. Il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations nettes et des allocations pour perte d'emploi qu'il a perçues au cours de la période d'éviction.

15. Il résulte de ce qui a été dit au point 10 ci-dessus que Mme C..., qui a été illégalement licenciée de son emploi de directrice adjointe de l'hôpital Robert Ballanger, a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'elle a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre.

16. Il résulte de l'instruction, en particulier des avis d'imposition produits par Mme C..., que cette dernière a perçu la somme totale de 254 697 euros au titre de la période comprise entre 2015 et 2022. Au cours de cette même période, sa rémunération nette mensuelle se serait élevée à la somme de 5 651 euros, selon les mentions de l'attestation du 17 juillet 2012 qu'elle produit, de laquelle il convient de déduire l'indemnité de logement de 1 828 euros brute, celle-ci étant destinée à compenser des contraintes liées à l'exercice effectif des fonctions ainsi qu'il résulte notamment de la promesse d'embauche du 14 juin 2012. La rémunération nette mensuelle que Mme C... aurait dû percevoir doit ainsi être fixée à la somme de 4 303,07 euros, selon les termes de la promesse d'embauche précitée qui concorde avec les stipulations de son contrat de travail, soit 413 094,72 euros entre 2015 et 2022. Il n'y a pas lieu d'y ajouter une prime d'assiduité de 711 euros qui n'est pas mentionnée dans ce contrat et dont il n'est pas établi que Mme C... avait une chance sérieuse de bénéficier. En outre, si Mme C... indique avoir été privée de 139 jours de congés payés, les conclusions présentées à ce titre ne sont pas chiffrées ou fondées sur un texte permettant d'en fixer le montant, ainsi que l'oppose le centre hospitalier et doivent, par suite, être rejetées. Ainsi, Mme C... est fondée à demander la condamnation du centre hospitalier à lui verser une indemnité de 158 397,72 euros. Il y a lieu d'y ajouter la somme de 10 000 euros au titre du préjudice moral et des troubles de toute nature causés par le licenciement, ces sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter du 25 mars 2015, date de réception de la demande indemnitaire préalable, et les intérêts étant capitalisés le 25 mars 2016 ainsi qu'à chaque échéance annuelle ultérieure.

17. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Elle est fondée à demander la condamnation du centre hospitalier à lui verser la somme totale de 168 397,72 euros, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter du 25 mars 2015 et les intérêts étant capitalisés le 25 mars 2016 ainsi qu'à chaque échéance annuelle ultérieure. Il n'y a pas lieu d'assortir cette condamnation d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme C..., qui n'est pas la partie perdante, verse une somme au centre hospitalier intercommunal Robert Ballanger au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y lieu de mettre à la charge de ce dernier le versement de la somme de 2 000 euros à Mme C... sur ce fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1502685 du tribunal administratif de Montreuil du 1er juillet 2016 est annulé.

Article 2 : La décision du directeur du centre hospitalier intercommunal Robert Ballanger du 10 février 2015 prononçant le licenciement de Mme C... est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au directeur du centre hospitalier intercommunal Robert Ballanger, d'une part, de réintégrer juridiquement Mme C... à compter de la date de son éviction et de régulariser ses droits sociaux, d'autre part, de réintégrer l'intéressée dans son emploi ou, à défaut, dans un emploi équivalent, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Le centre hospitalier intercommunal Robert Ballanger est condamné à verser la somme de 168 397,72 euros à Mme C..., cette somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter du 25 mars 2015 et les intérêts étant capitalisés le 25 mars 2016 ainsi qu'à chaque échéance annuelle ultérieure.

Article 5 : Le centre hospitalier intercommunal Robert Ballanger versera la somme de 2 000 euros à Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au centre hospitalier intercommunal Robert Ballanger.

Délibéré après l'audience du 8 juin 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Signerin-Icre, présidente de chambre,

M. Camenen, président assesseur,

Mme Janicot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 juin 2023.

Le rapporteur,

G. Camenen

La présidente,

C. Signerin-Icre

La greffière,

M. B...

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N°22VE01690 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22VE01690
Date de la décision : 22/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-12-03-01 Fonctionnaires et agents publics. - Agents contractuels et temporaires. - Fin du contrat. - Licenciement.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Gildas CAMENEN
Rapporteur public ?: Mme SAUVAGEOT
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-06-22;22ve01690 ?
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