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13/04/2022 | FRANCE | N°22VE00248

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 13 avril 2022, 22VE00248


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le comité social et économique de la société par actions simplifiées (SAS) Blizzard Entertainment et M. D... C... ont demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 8 juillet 2021 par laquelle le directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités de la région d'Île-de-France a validé l'accord collectif majoritaire du 30 mars 2021 portant sur le projet de licenciement économique collectif, donnant lieu à la mise en œuvre du pl

an de sauvegarde de l'emploi de la SAS Blizzard Entertainment .

Par un jugemen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le comité social et économique de la société par actions simplifiées (SAS) Blizzard Entertainment et M. D... C... ont demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 8 juillet 2021 par laquelle le directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités de la région d'Île-de-France a validé l'accord collectif majoritaire du 30 mars 2021 portant sur le projet de licenciement économique collectif, donnant lieu à la mise en œuvre du plan de sauvegarde de l'emploi de la SAS Blizzard Entertainment .

Par un jugement n° 2107706 du 7 décembre 2021, le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 7 février et le 10 mars 2022, le Comité social et économique (CSE) de la société Blizzard Entertainment et M. C..., représentés par Me Bouzaida, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 7 décembre 2021 ;

2°) d'annuler la décision du 8 juillet 2021du directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités de la région d'Île-de-France validant l'accord collectif majoritaire du 30 mars 2021 portant sur le projet de licenciement économique collectif, donnant lieu à la mise en œuvre du plan de sauvegarde de l'emploi de la SAS Blizzard Entertainment ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 8000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- une partie de l'accord collectif portant plan de sauvegarde de l'emploi a été modifiée unilatéralement par l'employeur postérieurement à sa signature ;

- la DRIEETS ne pouvait pas conseiller la société de retirer sa demande de validation de l'accord collectif du fait de l'incomplétude du dossier ;

- le projet de PSE n'est pas matérialisé exclusivement par un accord collectif mais également par un document unilatéral, or la procédure n'est pas la même ;

- la procédure d'information-consultation est entachée de plusieurs irrégularités : l'ordre du jour d'une réunion du CSE a été fixé unilatéralement, la direction s'est opposée au remplacement d'un titulaire absent par son remplaçant, la société était représentée par une personne extérieure, les représentants de l'employeur n'avaient pas le pouvoir de répondre aux élus et le CSE a été insuffisamment informé en matière de prévention des risques psychosociaux ;

- l'expert a été empêché dans sa mission et le CSE n'a pas pu rendre un avis en connaissance de cause ;

Par un mémoire en défense enregistré le 28 février 2022, le ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- l'entreprise a évalué les RPS pendant la phase de transition notamment, bien que la fermeture du site relativise la nécessité de ces mesures ; elle a associé le CSE et l'a consulté lors de la réunion du 8 juin 2021 ;

- l'entreprise a retiré, site à un échange avec la DRIEETS, sa demande de validation pour la sécuriser ; le CSE a été consulté sur l'organisation de la transition ;

- l'ordre du jour n'a pas été établi conjointement que pour la 1ère réunion qui précède le début de la procédure d'information-consultation ;

- M. A... n'était pas le premier titulaire non élu pour remplacer les élus manquants, mais Mme E..., qui avait recueilli plus de voix ;

- Mme B... avait reçu de la directrice générale pouvoir de convoquer les représentants du personnel ;

- les réponses aux questions des représentants du personnel ont été apportées au cours des 16 réunions, et ils ont pu rendre un avis en connaissance de cause ;

- sur l'évaluation des RPS, l'entreprise a fait appel à un cabinet d'expertise spécialisé dans ce domaine, et de nombreuses mesures ont été mises en œuvre alors même que la fermeture du site ne l'imposait pas ; les membres du CSE ont rendu un avis favorable sur l'évaluation des RPS ;

-l'expert a été en mesure de rendre un rapport et d'éclairer les représentants du personnel.

Par un mémoire enregistré le 29 mars 2022, la SAS Blizzard Entertainement, représentée par Me Lissarague, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 6000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- La procédure est régulière ;

- la DRIEETS a pleinement exercé son contrôle comme en témoigne la motivation de la décision ;

- l'accord collectif majoritaire signé n'a pas été modifié ;

- le PSE est suffisant notamment sur les problématiques de santé et sécurité au travail ;

- la société a respecté ses obligations en matière d'information et de consultation du CSE ;

- l'établissement unilatéral de l'ordre du jour de la première réunion est sans incidence ;

- le refus allégué de pourvoir au remplacement d'un élu ne relève pas de la compétence du juge administratif et en tout état de cause cela n'a pas entacher d'irrégularité la procédure ;

- Mme B... a fait l'objet d'une délégation de pouvoir expresse pour représenter la direction ;

- la direction était représentée par quatre personnes et le CSE transmettait régulièrement ses questions à la suite des réunions et la société s'est efforcée d'y répondre dans les meilleurs délais ;

- le cabinet d'expert Syndex avait déjà une bonne connaissance de la société ; les documents demandés ont été transmis et la société est allée au-delà de ses obligations légales;

- l'expert santé, sécurité et conditions de travail n'a jamais demandé de documents complémentaires autres que ceux fournis.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Le Gars,

- les conclusions de Mme Grossholz, rapporteure publique,

- et les observations de Me Bouzaida, pour le CSE de la société Blizzard Entertainment et M. C... et de Me Gori, substituant Me Lissarague, pour la SAS Blizzard Entertainement.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 8 juillet 2021 le directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités de la région d'Île-de-France a validé l'accord collectif majoritaire du 30 mars 2021 portant sur le projet de licenciement économique collectif donnant lieu à la mise en œuvre du plan de sauvegarde de l'emploi de la SAS Blizzard Entertainment. Le comité social et économique de la SAS Blizzard Entertainment et M. C... relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande d'annulation de cette décision du 8 juillet 2021.

2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L.1233-57-2 du code du travail : " L'autorité administrative valide l'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1 dès lors qu'elle s'est assurée de : / 1° Sa conformité aux articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-3 ; / 2° La régularité de la procédure d'information et de consultation du comité social et économique ; / 3° La présence dans le plan de sauvegarde de l'emploi des mesures prévues aux articles L. 1233-61 et L. 1233-63 ; / 4° La mise en œuvre effective, le cas échéant, des obligations prévues aux articles L. 1233-57-9 à L. 1233-57-16, L. 1233-57-19 et L. 1233-57-20 ". Aux termes de l'article L.1233-57-3 du mêle code : " En l'absence d'accord collectif ou en cas d'accord ne portant pas sur l'ensemble des points mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4 (...) " .

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail : " L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. / Ces mesures comprennent : / 1° Des actions de prévention des risques professionnels (...) : / (...) ". Aux termes de l'article L. 4121-2 du même code : " L'employeur met en œuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants : / 1° Eviter les risques ; / 2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ; / (...) ". Dans le cadre d'une réorganisation qui donne lieu à l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi, il appartient à l'autorité administrative de vérifier le respect, par l'employeur, de ses obligations en matière de prévention des risques pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. A cette fin, elle doit contrôler, tant la régularité de l'information et de la consultation des institutions représentatives du personnel que les mesures auxquelles l'employeur est tenu en application de l'article L. 4121-1 du code du travail au titre des modalités d'application de l'opération projetée, ce contrôle n'étant pas séparable de ceux qui lui incombent en vertu des articles L. 1233-57-2 et L. 1233-57-3 du code du travail.

4. Il ressort à la fois des échanges entre l'administration et la société, et de la motivation de la décision attaquée du 8 juin 2021 de validation de l'accord collectif signé le 30 mars 2021, que cette validation a été prise au vu des éléments relatifs aux mesures de prévention des risques psychosociaux concernant l'équipe de transition restant jusqu'à la fermeture du site de Versailles, éléments complétés par la société postérieurement à la signature de l'accord collectif et à la demande de l'administration. Toutefois, il est constant qu'aucun avenant à l'accord collectif du 30 mars 2021 intégrant ces mesures concrètes en matière de prévention des risques psychosociaux n'a été signé avec les organisations syndicales majoritaires, mesures constituant ainsi un document établi unilatéralement par l'employeur, et qu'aucune demande ou décision d'homologation d'un tel document ne figure au dossier. Dans ces conditions, la validation de l'accord collectif au vu d'éléments en matière de prévention des risques ne figurant pas dans cet accord, est intervenue au terme d'une procédure irrégulière.

5. En second lieu, aucun moyen tiré du caractère insuffisant du plan n'est susceptible d'entraîner l'annulation de la décision attaquée.

6. Il résulte de tout ce qui précède que le CSE de la SAS Blizzard Entertainment et M. C... sont fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge des requérants, qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat une somme globale de 1500 euros à ce titre à verser au CSE de la société Blizzard Entertainment et à M. C....

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2107706 du 7 décembre 2021 du tribunal administratif de Versailles est annulé.

Article 2 : La décision du 8 juin 2021 du directeur régional et interdépartemental de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités de la région d'Île-de-France validant l'accord collectif majoritaire du 30 mars 2021 portant sur le projet de licenciement économique collectif donnant lieu à la mise en œuvre du plan de sauvegarde de l'emploi de la SAS Blizzard est annulée.

Article 3 : L'Etat versera une somme globale de 1500 euros au CSE de la société Blizzard Entertainment et à M. C....

Article 4 : Les conclusions présentées par la SAS Blizzard Entertainment au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au comité social et économique de la société Blizzard Entertainment, à M. D... C..., au ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, à la société Blizzard Entertainment et à la direction régionale et interdépartementale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités d'Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 5 avril 2022, à laquelle siégeaient :

M. Brotons, président de chambre,

Mme Le Gars, présidente assesseure,

M. Coudert, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 avril 2022 .

La rapporteure,

A.C. LE GARSLe président,

S. BROTONSLa greffière,

S. de SOUSA

La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

Le greffier,

2

N° 22VE00248


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22VE00248
Date de la décision : 13/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Anne-Catherine LE GARS
Rapporteur public ?: Mme GROSSHOLZ
Avocat(s) : BOUZAIDA

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2022-04-13;22ve00248 ?
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