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21/07/2022 | FRANCE | N°22TL20725

France | France, Cour administrative d'appel de Toulouse, 1ère chambre, 21 juillet 2022, 22TL20725


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... E... et M. B... D... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler les décisions du 14 octobre 2021 par lesquelles le préfet des Pyrénées-Orientales a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, a prononcé à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et les a assignés à résidence pour une durée de 45 jours.

Par des jug

ements du 29 novembre 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... E... et M. B... D... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler les décisions du 14 octobre 2021 par lesquelles le préfet des Pyrénées-Orientales a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, a prononcé à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et les a assignés à résidence pour une durée de 45 jours.

Par des jugements du 29 novembre 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté leurs demandes et renvoyé à une formation collégiale les conclusions de la requête de Mme E... et de M. D... tendant à l'annulation des décisions du préfet des Pyrénées-Orientales du 14 octobre 2021 en tant qu'elles portent refus de séjour et les conclusions de ces requêtes tendant à ce qu'il soit ordonné au préfet de leur délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, subsidiairement, de procéder au réexamen de leur demande après avoir préalablement saisi pour avis la commission du titre de séjour et, dans l'attente, de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour les autorisant à travailler.

Par un jugement n° 2106297, 2106298 du 21 février 2022, le tribunal administratif de Montpellier a annulé les décisions du préfet des Pyrénées-Orientales du 14 octobre 2021 en tant qu'elles portent refus de séjour et a enjoint au préfet des Pyrénées-Orientales de délivrer à Mme E... et M. D... des titres de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée sous le n° 22TL20725 le 4 mars 2022, le préfet des Pyrénées-Orientales, représenté par Me Joubes, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 février 2022 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme E... et M. D... devant le tribunal administratif de Montpellier ;

3°) de mettre à la charge de Mme E... et M. D... une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a considéré que ses décisions portant refus de titre de séjour méconnaissaient les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant ;

- il existe une contrariété avec les jugements du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier qui a écarté l'exception d'illégalité des refus de titre de séjour ;

- les autres moyens soulevés par Mme E... et M. D... devant le tribunal administratif de Montpellier ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mai 2022, Mme E... et M. D..., représentés par Me Summerfield, demandent à la cour :

1°) à titre principal, de rejeter la requête du préfet des Pyrénées-Orientales ;

2°) à titre subsidiaire, par la voie de l'appel incident, d'ordonner au préfet des Pyrénées-Orientales de saisir la commission de refus de séjour et, dans l'attente, de délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travailler à Mme E... et M. D... ;

3°) de les admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que les moyens soulevés par le préfet des Pyrénées-Orientales ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 18 mai 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 7 juin 2022.

Mme E... et M. D... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 juin 2022.

II. Par une requête, enregistrée sous le n° 22TL20726 le 4 mars 2022, le préfet des Pyrénées-Orientales, représenté par Me Joubes, demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 2106297, 2106298 du 21 février 2022 du tribunal administratif de Montpellier et de mettre à la charge de Mme E... et M. D... une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les conditions fixées par l'article R. 811-15 du code de justice administrative sont en l'espèce remplies.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mai 2022, Mme E... et M. D..., représentés par Me Summerfield, demandent à la cour :

1°) de rejeter la requête en sursis à exécution du préfet des Pyrénées-Orientales ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que les moyens soulevés par le préfet des Pyrénées-Orientales ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 18 mai 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 7 juin 2022.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Nathalie Lasserre, première conseillère,

- et les observations de Me Diaz, représentant le préfet des Pyrénées-Orientales.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E... et M. D..., ressortissant arméniens nés, respectivement, le 7 avril 1988 et le 31 mars 1988, entrés en France le 16 novembre 2009 selon leurs déclarations non contestées, ont présenté le 18 décembre 2009 une demande d'asile qui a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 22 mars 2011, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 13 janvier 2011. Ils ont fait l'objet de refus de séjour assortis d'une obligation de quitter le territoire français par arrêtés successifs du 15 avril 2011, du 23 décembre 2011, du 4 avril 2013 et du 14 août 2014. Leur demande de réexamen présentée le 13 février 2015 auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a été rejetée par décision du 2 mars 2015. La demande d'admission exceptionnelle au séjour qu'ils ont présentée le 26 janvier 2016 a été rejetée par décision du 25 mai 2016. Le 9 janvier 2020, les requérants ont sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou de l'article L. 313-14 du même code. Par un arrêté du 14 octobre 2021, le préfet des Pyrénées-Orientales a rejeté leurs demandes de titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination.

2. Par la requête enregistrée sous le n° 22TL20725, le préfet des Pyrénées-Orientales fait appel du jugement du 21 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a annulé ces arrêtés en tant qu'ils portent refus de titre de séjour au motif qu'ils méconnaissent les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant et lui a enjoint de leur délivrer des titres de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement. Par la requête enregistrée sous le n° 22TL20726, il demande à la cour de prononcer le sursis à exécution de ce jugement. Ces deux requêtes étant dirigées contre le même jugement, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur les conclusions à fin d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme E... et M. D... ont obtenu l'aide juridictionnelle totale par décision du 22 juin 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Toulouse. Ces conclusions sont en conséquence sans objet.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :

4. Aux termes du 1 de l'article 3 de la convention de New-York relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

5. Si Mme E... et M. D... sont tous deux en situation irrégulière et ne peuvent pas se prévaloir d'une atteinte disproportionnée à leur vie privée et familiale, en l'absence de circonstances empêchant la reconstitution de la cellule familiale en Arménie, leurs deux enfants nés en France respectivement le 20 janvier 2010 et le 3 janvier 2012 y sont scolarisées de façon continue depuis leurs 3 ans. A la date des décisions attaquées, ils avaient respectivement 9 et 11 ans et étaient scolarisés en classe de CM1 et de 6ème. Eu égard à leur âge, à la durée de leur présence en France et de leur scolarisation, et au fait qu'ils n'ont jamais vécu en Arménie, les décisions attaquées ont, dans les circonstances de l'espèce, méconnu l'intérêt supérieur des enfants de A... E... et M. D....

6. Il résulte de ce qui précède que le préfet des Pyrénées Orientales n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a estimé que les refus de titre de séjour litigieux méconnaissaient le 1 de l'article 3 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant et, pour cette raison, a annulé ces décisions et, eu égard au motif retenu, lui a enjoint de leur délivrer des titres de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

Sur les conclusions en injonction :

7. Le présent arrêt rejetant la requête du préfet des Pyrénées-Orientales, ainsi que Mme E... et M. D... le demandaient à titre principal, il n'y a donc pas lieu d'examiner leurs conclusions à fin d'injonction formées à titre subsidiaire par la voie de l'appel incident. En tout état de cause, il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que le tribunal administratif de Montpellier a enjoint au préfet des Pyrénées-Orientales de délivrer à Mme E... et M. D... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".

Sur la demande de sursis à exécution du jugement :

8. Aux termes de l'article R. 811-15 du code de justice administrative : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement. "

9. Le présent arrêt statue sur les conclusions à fin d'annulation du jugement attaqué. Les conclusions du préfet des Pyrénées-Orientales tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont devenues sans objet. Il n'y a, par suite, pas lieu d'y statuer.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que soit mise à la charge de Mme E... et M. D..., qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'Etat demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Mme E... et M. D... ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, leur avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, combinées à celles de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, sous réserve que leur conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros devant être versée directement à cet avocat.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle de Mme E... et M. D... .

Article 2 : La requête n° 22TL20725 du préfet des Pyrénées-Orientales est rejetée.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 22TL20726 du préfet des Pyrénées-Orientales.

Article 4 : L'Etat versera à Me Summerfield la somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à M. B... D..., à Mme C... E... et à Me Gabriele Summerfield.

Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.

Délibéré après l'audience du 6 juillet 2022, à laquelle siégeaient :

M. Barthez, président,

Mme Fabien, présidente assesseure,

Mme Lasserre, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juillet 2022.

Le rapporteur,

N. Lasserre

Le président,

A. Barthez Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°22TL20725, 22TL20726


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Toulouse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22TL20725
Date de la décision : 21/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: Mme Nathalie LASSERRE
Rapporteur public ?: Mme CHERRIER
Avocat(s) : SUMMERFIELD TARI;SUMMERFIELD TARI;SUMMERFIELD TARI

Origine de la décision
Date de l'import : 26/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.toulouse;arret;2022-07-21;22tl20725 ?
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