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08/06/2023 | FRANCE | N°22PA05439

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 08 juin 2023, 22PA05439


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 30 décembre 2019 par laquelle le consul général de France à Dakar a sursis à statuer sur sa demande de passeport et d'enjoindre à la même autorité de lui délivrer un passeport dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir

Par un jugement n° 2110759 du 28 juin 2022, le tribunal administ

ratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 30 décembre 2019 par laquelle le consul général de France à Dakar a sursis à statuer sur sa demande de passeport et d'enjoindre à la même autorité de lui délivrer un passeport dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir

Par un jugement n° 2110759 du 28 juin 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 22 décembre 2022 et des mémoires enregistrés le 6 avril 2023 et 9 mai 2023, M. B... A..., représenté par Me Richard (AARPI Libertés avocats), demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2110759 du 28 juin 2022 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 30 décembre 2019 par laquelle le consul général de France à Dakar a sursis à statuer sur sa demande de passeport ;

3°) d'enjoindre au consul général de France à Dakar de lui délivrer un passeport dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les premiers juges ont entaché leur décision d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation, la preuve de la nationalité française par l'acte de naissance étant suffisante, et l'exigence de la production d'un certificat de nationalité française étant totalement superfétatoire.

Par des mémoires en défense enregistrés le 9 mars 2023 et le 3 mai 2023, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par une décision du 24 octobre 2022, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris, a refusé d'admettre M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 modifié relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française ;

- le décret n° 2005-1726 du 30 décembre 2005 ;

- le décret n° 2008-521 du 2 juin 2008 relatif aux attributions des autorités diplomatiques et consulaires françaises en matière d'état civil

- le décret n° 2018-1047 du 28 novembre 2018 relatif aux conditions de publication des instructions et circulaires ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Diémert,

- les conclusions de M. Doré, rapporteur public,

- et les observations de Me Richard, avocat de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., né le 13 juillet 2001 à Dembancané (Sénégal), a sollicité pour la première fois, le 20 novembre 2019, la délivrance d'un passeport français auprès des services consulaires français de Dakar. Le consul général de France à Dakar ayant sursis à statuer sur cette demande par une décision du 30 décembre 2019, M. A... a saisi le tribunal administratif de Paris d'un recours pour excès de pouvoir contre ladite décision. Ce tribunal a rejeté sa demande par un jugement du 28 juin 2022 dont l'intéressé relève appel devant la Cour.

2. D'une part, l'article 4 du décret du 30 décembre 2005 dispose que : " Le passeport est délivré, sans condition d'âge, à tout Français qui en fait la demande. (...) ". L'article 5 de ce même décret dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée, dispose que : " I. En cas de première demande le passeport est délivré sur production par le demandeur : / (...) / 4° Ou à défaut de produire l'un des titres mentionnés aux alinéas précédents, de son extrait d'acte de naissance de moins de trois mois, comportant l'indication de sa filiation (...). Lorsque la nationalité française ne ressort pas des pièces mentionnées aux alinéas précédents, elle peut être justifiée dans les conditions prévues au II. (...) / II. - La preuve de la nationalité française du demandeur peut être établie à partir de l'extrait d'acte de naissance mentionné au 4° du I portant en marge l'une des mentions prévues aux articles 28 et 28-1 du code civil. / Lorsque l'extrait d'acte de naissance mentionné au précédent alinéa ne suffit pas à établir la nationalité française du demandeur, le passeport est délivré sur production de l'une des pièces justificatives mentionnées aux articles 34 ou 52 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 modifié relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française. / Lorsque les documents mentionnés aux alinéas précédents ne suffisent pas à établir sa nationalité française, le demandeur peut justifier d'une possession d'état de Français de plus de dix ans. / Lorsque le demandeur ne peut produire aucune des pièces prévues aux alinéas précédents afin d'établir sa qualité de Français, celle-ci peut être établie par la production d'un certificat de nationalité française. ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 30 du code civil : " La charge de la preuve, en matière de nationalité française, incombe à celui dont la nationalité est en cause. / Toutefois, cette charge incombe à celui qui conteste la qualité de français à un individu titulaire d'un certificat de nationalité française délivré conformément aux articles 31 et suivants " et aux termes de l'article 30-1 du même code : " Lorsque la nationalité française est attribuée ou acquise autrement que par déclaration, décret d'acquisition ou de naturalisation, réintégration ou annexion de territoires, la preuve ne peut être faite qu'en établissant l'existence de toutes les conditions requises par la loi " L'article 18 du même code dispose que : " Est français l'enfant dont l'un des parents au moins est français ". Par ailleurs, son article 28 dispose que : " Mention sera portée, en marge de l'acte de naissance, des actes administratifs et des déclarations ayant pour effet l'acquisition, la perte de la nationalité française ou la réintégration dans cette nationalité. / Il sera fait de même mention de toute première délivrance de certificat de nationalité française et des décisions juridictionnelles ayant trait à cette nationalité. ", et son article 28-1, que : " Les mentions relatives à la nationalité prévues à l'article précédent sont portées d'office sur les copies et les extraits avec indication de la filiation des actes de naissance ou des actes dressés pour en tenir lieu. / Ces mentions sont également portées sur les extraits sans indication de la filiation des actes de naissance ou sur le livret de famille à la demande des intéressés. (...) ".

4. Enfin, pour l'application des dispositions du décret susvisé du 30 décembre 2005 relatives aux conditions de délivrance des passeports, il appartient aux autorités administratives de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que les pièces produites à l'appui d'une demande de passeport sont de nature à établir l'identité et la nationalité du demandeur. Un doute suffisant sur l'identité ou la nationalité de l'intéressé peut justifier le refus de délivrance ou de renouvellement du passeport. Les dispositions précitées de l'article 5 dudit décret fondent en outre le pouvoir de l'autorité administrative pour, le cas échéant, surseoir à statuer sur une demande de délivrance ou de renouvellement de titre jusqu'à la production, par le demandeur, des pièces requises, telle notamment qu'un certificat de nationalité française.

5. Pour surseoir à statuer sur la première demande de passeport de M. A..., le consul général de France à Dakar a estimé qu'il existait un doute suffisant sur la nationalité française de ce dernier dès lors que cette nationalité ne ressortait pas de son extrait d'acte de naissance et que l'intéressé ne démontrait pas être français par la seule production du certificat de nationalité française de son père.

6. M. A... soutient que l'administration ne saurait remettre en cause la réalité de sa possession de la nationalité française dès lors que son père, dont la nationalité française est établie par la production d'un certificat de nationalité française, l'a reconnu à sa naissance, que sur la base de ces éléments les services du consulat français de Saint Louis ont transcrit le 28 avril 2009 son acte de naissance sénégalais dans les registres de l'état civil français, conformément à l'article 5 du décret n° 2008-521 du 2 juin 2008, et n'ont jamais contesté son authenticité, que son père et ses six frères et sœurs sont titulaires d'une carte nationale d'identité française et enfin qu'il peut se prévaloir de la possession d'état de Français.

7. En premier lieu, les dispositions précitées des articles 28 et 28-1 du code civil relatives aux mentions marginales sur l'acte de naissance ne visent pas le cas de la transmission de la nationalité par filiation paternelle résultant de la reconnaissance d'un enfant par un Français, même à l'étranger.

8. En second lieu, l'administration déclare dans ses écritures devant la Cour ne remettre en cause ni la réalité de la reconnaissance de paternité du requérant, ni la nationalité française de son père. Dès lors, et eu égard aux dispositions précitées de l'article 18 du code civil, le consul général de France ne pouvait légalement, en l'absence de tout doute suffisant sur la nationalité de l'intéressé, surseoir à statuer sur sa demande de délivrance d'un passeport.

9. Il résulte de ce tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 30 décembre 2019 par laquelle le consul général de France à Dakar a sursis à statuer sur sa demande de passeport. Il y a donc lieu d'annuler tant ce jugement que cette décision.

10. L'exécution du présent arrêt implique que l'administration consulaire délivre, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, un passeport à M. A... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

11. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'État (ministère de l'Europe et des affaires étrangères) le versement au requérant d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La décision du 30 décembre 2019 par laquelle le consul général de France à Dakar a sursis à statuer sur la demande de passeport de M. B... A... est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au consul général de France à Dakar de délivrer un passeport à M. B... A... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'État (ministère de l'Europe et des affaires étrangères) versera à M. B... A... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

Délibéré après l'audience du 17 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- M. Gobeill, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 juin 2023.

Le rapporteur,

S. DIÉMERTLe président,

J. LAPOUZADE

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au ministre de l'Europe et des affaires étrangères en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA05439


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22PA05439
Date de la décision : 08/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Stéphane DIEMERT
Rapporteur public ?: M. DORE
Avocat(s) : RICHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-06-08;22pa05439 ?
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