Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
D'une part, par une requête enregistrée le 20 mars 2020, la société Costes a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 31 janvier 2020 par laquelle la ministre de la transition écologique et solidaire a mis à sa charge une somme d'un montant de 342 072 euros en application des dispositions de l'article L. 221-4 du code de l'énergie.
D'autre part, par une requête enregistrée le 25 janvier 2021, la société Costes a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler le titre de perception n° 091000 023 001 075 250503 2020 0000520 du 10 février 2020 pour un montant de 342 072 euros.
Par un jugement n°s 2002617, 2100729 du 5 mai 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté ses demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 1er juillet et 11 octobre 2022, la société d'exploitation et de distribution d'énergie parisienne venant aux droits de la société Costes, représentée par Me Angotti, demande à la Cour :
1°) en ce qui concerne la décision du 31 janvier 2020 :
- à titre principal, de l'annuler et d'infirmer le jugement du 5 mai 2022 ;
- à titre subsidiaire, de réduire le montant de la somme et d'infirmer le jugement du 5 mai 2022 ;
2°) en ce qui concerne le titre de perception du 10 février 2020 :
- de l'annuler ;
- d'infirmer le jugement du 5 mai 2022 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la décision du 31 janvier 2020 :
- la somme demandée sur le fondement des dispositions de l'article L. 221-1 du code de l'énergie a en fait le caractère d'une sanction et non celui d'un versement libératoire ;
- cette sanction aurait dû être précédée d'une procédure contradictoire en application des dispositions de l'article L. 222-2 du code de l'énergie ;
- la société Costes ne pouvait se voir appliquer une sanction, à défaut de manquement délibéré ;
- la somme demandée est disproportionnée ;
- à supposer même qu'il ne s'agisse pas d'une sanction, elle n'a pas été précédée d'une mise en demeure régulière ;
- elle est insuffisamment motivée dès lors qu'elle fait mention de l'application d'une pénalité et non d'un versement libératoire ;
En ce qui concerne le titre de perception du 10 février 2020 :
- le jugement n'a pas répondu au moyen tiré de l'illégalité du titre de perception soulevé dans la note en délibéré produite le 14 avril 2022, laquelle a été ignorée ;
- il est illégal du fait de l'illégalité de la décision du 31 janvier 2020 sur lequel il se fonde ;
- il existe une contrariété de motifs avec la décision du 31 janvier 2020 ;
- les modalités de calcul ne sont pas clairement indiquées, en contradiction avec les dispositions du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique.
Par des mémoires en défense enregistrés les 23 septembre et 28 octobre 2022, la ministre de la transition énergétique conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'énergie ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Doré, rapporteur public,
- et les observations de Me Angotti, représentant la société d'exploitation et de distribution d'énergie parisienne.
Une note en délibéré, enregistrée le 2 février 2023, a été présentée pour la société d'exploitation et de distribution d'énergie parisienne.
Considérant ce qui suit :
1. La société Costes fait partie du groupe Popihn, composé de plusieurs sociétés spécialisées dans la distribution de produits pétroliers et l'installation et la maintenance de chaufferies chez des particuliers et des collectivités. Le groupe a présenté des demandes de certificats d'économie d'énergie pour la 3ème période allant du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017 pour un total de 235 927 750 kWh. Il a été conclu le 20 avril 2016 un contrat de délégation avec la société ACI, société spécialisée dans la promotion et l'éligibilité des certificats d'économie d'énergie. Par un arrêté du 18 mai 2018, la société Costes a bénéficié, au titre de la troisième période de 18 783 103 Kwh Cumac " hors précarité énergétique " et 4 021 735 Kwh " précarité énergétique ". Par un courrier du 12 septembre 2019, la ministre de l'écologie et de la transition énergétique, retenant que la société Costes avait été mise en demeure d'obtenir les certificats d'économie d'énergie lui permettant de satisfaire à son obligation d'économie d'énergie et qu'au 30 août 2019, elle ne disposait pas d'un volume suffisant de certificats d'économie d'énergie pour satisfaire à ses obligations, indiquait qu'elle envisageait de mettre à sa charge une pénalité d'un montant de 342 072 euros calculée sur la base de 0,015 euro par Kwh manquant en application des dispositions de l'article R. 222-2 du code de l'énergie. La société Costes a présenté des observations par un courrier du 30 septembre 2019. Par un courrier du 31 janvier 2020, la ministre a prononcé une pénalité de 342 072 euros à son encontre au motif qu'elle n'avait pas rempli ses obligations en matière d'économies d'énergie. Un titre de perception de ce montant a été émis le 10 février 2020. La société Costes a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 31 janvier 2020 et le titre de perception du 10 février 2020. Par un jugement du 5 mai 2022 dont la société d'exploitation et de distribution d'énergie parisienne, venant aux droits de la société Costes, relève appel, le tribunal a rejeté ses demandes.
Sur la régularité du jugement :
2. Si la société requérante soutient que le jugement est irrégulier en ce qu'elle a ignoré la note en délibéré qu'elle avait produite à la suite de l'audience du 14 avril 2022 dont il n'a pas retenu le contenu, il ressort toutefois des mentions du jugement qu'il vise le dépôt de la note en délibéré du même jour, la circonstance qu'il n'a pas retenu la qualification que la société y donnait de la somme demandée relève de son bien-fondé et non de sa régularité.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision du 31 janvier 2020 :
3. Aux termes de l'article L. 221-1 du code de l'énergie: " Sont soumises à des obligations d'économies d'énergie :1° Les personnes morales qui mettent à la consommation des carburants automobiles ou du fioul domestique et dont les ventes annuelles sont supérieures à un seuil défini par décret en Conseil d'Etat./ 2° Les personnes qui vendent de l'électricité, du gaz, de la chaleur ou du froid aux consommateurs finals et dont les ventes annuelles sont supérieures à un seuil défini par décret en Conseil d'Etat./ Les personnes mentionnées aux 1° et 2° peuvent se libérer de ces obligations soit en réalisant, directement ou indirectement, des économies d'énergie, soit en acquérant des certificats d'économies d'énergie. ". Aux termes de l'article L. 221-2 du même code : " A l'issue de la période considérée, les personnes mentionnées à l'article L. 221-1 justifient de l'accomplissement de leurs obligations en produisant des certificats d'économies d'énergie obtenus ou acquis dans les conditions prévues aux articles L. 221-7 et L. 221-8. /Afin de se libérer de leurs obligations, les personnes mentionnées aux 1° et 2° de l'article L. 221-1 sont autorisées à se regrouper dans une structure pour mettre en place des actions collectives visant à la réalisation d'économies d'énergie ou pour acquérir des certificats d'économies d'énergie. ". Aux termes de l'article L. 221-3 du même code : " Les personnes qui n'ont pas produit les certificats d'économies d'énergie nécessaires sont mises en demeure d'en acquérir ". Aux termes de l'article L. 221-4 du même code, qui figure dans le chapitre I relatif au dispositif des certificats d'économie d'énergie : " Les personnes qui ne respectent pas les prescriptions de la mise en demeure dans le délai imparti sont tenues de se libérer par un versement au Trésor public. Ce versement est calculé sur la base d'une pénalité maximale de 0,02 euro par kilowattheure. ". Aux termes de l'article R. 222-2 du même code dans sa version applicable au litige : " La pénalité prévue à l'article L. 221-4 est fixée à 0,015 € par kilowattheure d'énergie finale cumulée actualisée (kWh cumac) pour les obligations définies aux articles R. 221-4 et R. 221-4-1. ". Enfin, aux termes de l'article L. 222-5 du même code, lequel figure au chapitre II relatif aux sanctions administratives et pénales prévues par ce chapitre : " L'instruction et la procédure devant le ministre sont contradictoires. ".
4. Les dispositions précitées du code de l'énergie prévoient que la somme mise à la charge de la société Costes aux droits de laquelle vient la société d'exploitation et de distribution d'énergie parisienne, a pour objet, d'obliger les personnes qui ne se sont pas conformées à leurs obligations en matière d'économie d'énergie, une fois constaté le manquement à cette obligation légale, de s'y conformer en versant au Trésor public une somme qui, ainsi que le soutient la société requérante, est supérieure à la somme dont elle aurait dû s'acquitter sans la mise en œuvre de cette procédure, le montant de la pénalité ayant au demeurant été présenté, lors des travaux parlementaires ayant précédé l'adoption de ces dispositions, comme devant être suffisamment incitatif pour garantir que les personnes concernées respecteront leurs obligations. De ces dispositions, du fait de leur caractère répressif tel qu'il ressort des termes mêmes de la loi et de ce que le versement n'intervient pas de façon spontanée, il résulte, ainsi que le mentionne au demeurant la mention portée sur le titre de perception, que leur application relève du pouvoir de sanction de l'autorité administrative.
5. Il appartient au juge administratif, lorsqu'il est saisi comme juge de plein contentieux d'une contestation portant sur une sanction prononcée sur le fondement des dispositions de l'article L. 221-4 du code de l'énergie, d'examiner tant les moyens tirés des vices propres de la décision de sanction que ceux mettant en cause le bien-fondé de cette décision et de prendre, le cas échéant, une décision qui se substitue à celle de l'administration. Celle-ci devant apprécier, au vu notamment des observations éventuelles de l'intéressé, si les faits sont suffisamment établis et, dans l'affirmative, s'ils justifient l'application de cette sanction administrative, au regard de la nature et de la gravité des agissements et des circonstances particulières à la situation de l'intéressé, le juge peut, de la même façon, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, tant s'agissant du manquement que de la proportionnalité de la sanction, maintenir la contribution, au montant fixé de manière forfaitaire par les dispositions citées au point 3, ou en décharger l'intéressé.
6. Si la société se prévaut en premier lieu de ce que l'instruction devant le ministre aurait dû être contradictoire en application des dispositions de l'article L. 222-5 du code de l'énergie, il est constant que la décision contestée a été prise sur le fondement des dispositions de l'article L. 221-4 du même code et devait de ce fait être précédée d'une procédure spécifique organisée à l'article L. 221-3 précité. En l'espèce, celle-ci a été mise en œuvre et respectée ainsi qu'en atteste la mise en demeure d'acquérir des certificats d'économie d'énergie dans un délai de deux mois envoyée à la société Costes le 25 juillet 2018 et le courrier du 12 septembre 2019 informant la société du montant de la pénalité, courrier auquel la société a pu répondre le 30 septembre 2019 par la voix de son conseil. Enfin, les deux courriers précités de l'autorité administrative, qui n'était pas tenue de répondre à la société dans le cadre de la procédure contradictoire, relèvent, pour le premier, que la société n'a pas satisfait aux obligations d'économie d'énergie et est susceptible de faire l'objet d'une pénalité par application de l'article R. 222-2 du code de l'énergie, et pour le second, qu'une pénalité de 342 072 euros va être prononcée sur le fondement de l'article L. 221-2 du même code et sont suffisamment motivés. Le moyen tiré de l'absence de caractère contradictoire et de l'irrégularité de la mise en demeure ne peut ainsi qu'être écarté.
7. Si la société requérante soutient, en deuxième lieu, que la décision du 31 janvier 2020 à laquelle se réfère le titre de perception d'un montant de 342 072 euros n'est pas suffisamment motivée, cette dernière relève qu'une obligation de 18 783 103 Kwh cumac lui a été notifiée par un arrêté du 18 mai 2018 au titre de la troisième période du dispositif, que la société ne satisfait pas à son obligation d'économies d'énergie et qu'est prononcée à son encontre la pénalité prévue par l'article L. 221-4 du code de l'énergie dont le montant est fixé par l'article R. 222-2 du même code à 0,015 euro par KWh cumac manquant soit 342 072 euros et comporte un tableau précisant l'application du mode de calcul de cette pénalité pour les certificats " hors précarité énergétique " et les certificats " précarité énergétique ", aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoyant que les dispositions dont il est fait application devraient être reproduites. Cette décision est ainsi suffisamment motivée, quand bien même elle mentionne qu'il est fait application d'une " pénalité " et non d'un versement libératoire, tel que mentionné à l'article L. 221-4 précité.
8. En troisième lieu, les dispositions précitées ayant pour objet de sanctionner un manquement à l'obligation d'économies d'énergie sans qu'un élément intentionnel soit nécessaire à la caractérisation du manquement constaté, la société requérante ne peut utilement se prévaloir du caractère non délibéré du manquement.
9. Enfin, la société requérante soutient que le montant de la sanction en cause est excessif et demande au juge d'en réduire le montant. Ce moyen ne pourra qu'être écarté dès lors que les dispositions en cause prévoient un taux fixe et qu'en conséquence, ainsi qu'il a été rappelé au point 5, il n'appartient ni à l'administration ni au juge d'en moduler le taux, mais seulement, le cas échéant, d'en prononcer la décharge s'il apparaît que la sanction est disproportionnée. En l'espèce, la sanction en litige, compte tenu de son mécanisme, qui fait varier son montant en fonction du montant des obligations d'économie d'énergie non respectées par la société, obligations elles-mêmes proportionnées à son chiffre d'affaires, n'apparaît pas disproportionnée, alors même que la méconnaissance de ses obligations par la société serait liée au comportement d'un tiers.
En ce qui concerne le titre de perception du 10 février 2020 :
10. En premier lieu, la décision du 31 janvier 2020 n'étant entachée d'aucune des illégalités alléguées, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, invoqué au soutien des conclusions dirigées contre le titre de perception du 10 février 2020 doit être écarté.
11. En deuxième lieu, la décision du 31 janvier 2020 mentionnant avec suffisamment de précision le mode de calcul de la somme demandée, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le titre de perception, qui y fait référence, n'était pas suffisamment motivé et méconnaitrait ainsi les dispositions du décret du 7 novembre 2012 susvisé dont l'article 24 dispose que " Toute créance liquidée faisant l'objet (...) d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation (...) ".
12. En dernier lieu, la circonstance que la décision contestée mentionne que la mesure a été prise par application des dispositions de l'article L. 221-4 du code de l'énergie alors que le titre de perception la qualifie de sanction n'est pas de nature à entacher ce dernier d'irrégularité.
13. Il résulte de ce qui précède que la société d'exploitation et de distribution d'énergie parisienne n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'annulation et de décharge de la somme en litige ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société d'exploitation et de distribution d'énergie parisienne est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société d'exploitation et de distribution d'énergie parisienne et à la ministre de la transition énergétique.
Délibéré après l'audience du 2 février 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Gobeill, premier conseiller,
- Mme Saint-Macary, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 mars 2023.
Le rapporteur, Le président,
J.-F. A... J. LAPOUZADE
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne à la ministre de la transition énergétique en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA03021