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18/10/2022 | FRANCE | N°22PA01273

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 18 octobre 2022, 22PA01273


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une demande enregistrée le 7 février 2019, transmise au Tribunal administratif de Montreuil par une ordonnance du 14 février 2019 du président du Tribunal administratif de Paris, la Fédération CGT des personnels du commerce de la distribution et des services et l'Union départementale des syndicats CGT de Seine-Saint-Denis ont demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 5 décembre 2018 par lequel le préfet de la région d'Île-de-France, préfet de Paris a créé et délimité,

sur le territoire des communes de Pantin, Romainville, Bobigny, Noisy-le-Sec et ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une demande enregistrée le 7 février 2019, transmise au Tribunal administratif de Montreuil par une ordonnance du 14 février 2019 du président du Tribunal administratif de Paris, la Fédération CGT des personnels du commerce de la distribution et des services et l'Union départementale des syndicats CGT de Seine-Saint-Denis ont demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 5 décembre 2018 par lequel le préfet de la région d'Île-de-France, préfet de Paris a créé et délimité, sur le territoire des communes de Pantin, Romainville, Bobigny, Noisy-le-Sec et Bondy, une zone touristique dénommée " zone touristique Plaine de l'Ourcq " et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1901266, 1901627 du 17 février 2022, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de la Fédération CGT des personnels du commerce de la distribution et des services et de l'Union départementale des syndicats CGT de Seine-Saint-Denis.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 mars 2022, la Fédération CGT des personnels du commerce de la distribution et des services et l'Union départementale des syndicats CGT de Seine-Saint-Denis, représentées par Me Condemine, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 17 février 2022 du Tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral portant création et délimitation sur les communes de Bondy, Romainville, Bobigny, Noisy-le-Sec et Pantin d'une zone touristique dénommée " Zone touristique de la Plaine de l'Ourcq " et publié le 6 décembre 2018 au recueil des actes administratifs spécial ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à la Fédération CGT des personnels du commerce de la distribution et des services et la somme de 1 500 euros à verser à l'Union départementale des syndicats CGT de Seine-Saint-Denis sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- l'arrêté attaqué méconnaît l'article L. 3132-25-2 du code du travail dès lors que l'arrêté portant création et délimitation de la zone touristique en question n'a été édicté et publié que le 6 décembre 2018, soit plus de six mois après la demande du 26 octobre 2017 et plus de six mois après la demande du 5 juin 2018 ;

- la consultation des différentes personnes et organes mentionnés au II de l'article L. 3132-25-2 du code du travail n'a pas été réalisée régulièrement, dès lors que les requérantes ont été saisies pour avis par le préfet du département de la Seine-Saint-Denis et non par le préfet de région ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que la zone ne se caractérise pas par une " affluence particulièrement importante de touristes " et que le territoire de la Plaine de l'Ourcq ne présente aucun des caractères mentionnés à l'article R. 3132-20 du code du travail.

Par un mémoire en intervention enregistré le 12 mai 2022, la SAS Fiminco, représentée par Me Lamorlette, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la Fédération CGT des personnels du commerce de la distribution et des services et de l'Union départementale des syndicats CGT de Seine-Saint-Denis la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués par les requérantes ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 septembre 2022, le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par les requérantes ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale du travail n° 106 concernant le repos hebdomadaire dans le commerce et les bureaux adoptée à Genève le 26 juin 1957 ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Ho Si Fat, président assesseur,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

- et les observations de Me Lamorlette, représentant la société Fiminco.

Considérant ce qui suit :

1. Par jugement du 17 février 2022, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de la Fédération CGT des personnels du commerce de la distribution et des services et de l'Union départementale des syndicats CGT de Seine-Saint-Denis tendant à l'annulation l'arrêté du 5 décembre 2018 par lequel le préfet de la région d'Île-de-France, préfet de Paris a créé et délimité, sur le territoire des communes de Pantin, Romainville,

Bobigny, Noisy-le-Sec et Bondy, une zone touristique dénommée "zone touristique Plaine de

l'Ourcq ". La Fédération CGT des personnels du commerce de la distribution et des services et l'Union départementale des syndicats CGT de Seine-Saint-Denis relèvent appel de ce jugement.

Sur l'intervention de la société Fiminco :

2. Il ressort des pièces du dossier que la société Fiminco assure la réalisation du programme Paddock Paris-Est, comportant un Village de Marques et un établissement hôtelier à Romainville, dans le périmètre de la zone touristique en cause. Par suite, elle justifie d'un intérêt au maintien de l'arrêté préfectoral contesté et il y a lieu d'admettre son intervention volontaire en défense dans la présente instance.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 3132-25 du code du travail : " Les établissements de vente au détail qui mettent à disposition des biens et des services et qui sont situés dans les zones touristiques caractérisées par une affluence particulièrement importante de touristes peuvent donner le repos hebdomadaire par roulement pour tout ou partie du personnel, dans les conditions prévues aux articles L. 3132-25-3 et L. 3132-25-4. (...) ". En application de l'article

L. 3132-25-2 du même code : " I. - La demande de délimitation (...) des zones définies aux articles L. 3132-25 et L. 3132-25-1 est faite par le maire (...). / La demande de délimitation ou de modification de ces zones est transmise au représentant de l'Etat dans la région. Elle est motivée et comporte une étude d'impact justifiant notamment l'opportunité de la création ou de la modification de la zone. / II.- Les zones mentionnées au I sont délimitées ou modifiées par le représentant de l'Etat dans la région après avis : / 1° Du conseil municipal des communes dont le territoire est concerné ; / 2° Des organisations professionnelles d'employeurs et des organisations syndicales de salariés intéressées ; / 3° De l'organe délibérant des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dont sont membres les communes dont le territoire est concerné ; / 4° Du comité départemental du tourisme, pour les zones touristiques mentionnées à l'article L. 3132-25 ; / 5° De la chambre de commerce et d'industrie et de la chambre de métiers et de l'artisanat, pour les zones commerciales mentionnées à l'article

L. 3132-25-1. / L'avis de ces organismes est réputé donné à l'issue d'un délai de deux mois à compter de leur saisine en cas de demande de délimitation d'une zone et d'un mois en cas de demande de modification d'une zone existante. / III. - Le représentant de l'Etat dans la région statue dans un délai de six mois sur la demande de délimitation dont il est saisi. (...) ". Conformément à l'article R. 3132-19 du même code : " Le préfet de région délimite par arrêté les zones mentionnées aux articles L. 3132-25 et L. 3132-25-1. (...) " et, en vertu de l'article R. 3132-20 dudit code : " Pour figurer sur la liste des zones touristiques mentionnées à l'article L. 3132-25, les zones doivent accueillir pendant certaines périodes de l'année une population supplémentaire importante en raison de leurs caractéristiques naturelles, artistiques, culturelles ou historiques ou de l'existence d'installations de loisirs ou thermales à forte fréquentation. / Les critères notamment pris en compte pour le classement en zones touristiques sont : / 1° Le rapport entre la population permanente et la population saisonnière ; / 2° Le nombre d'hôtels ; / 3° Le nombre de villages de vacances ; / 4° Le nombre de chambres d'hôtes ; / 5° Le nombre de terrains de camping ; / 6° Le nombre de logements meublés destinés aux touristes ; / 7° Le nombre de résidences secondaires ou de tourisme ; / 8° Le nombre de lits répartis au sein des structures d'hébergement mentionnées aux six alinéas précédents ; / 9° La capacité d'accueil des véhicules par la mise à disposition d'un nombre suffisant de places de stationnement ".

4. En premier lieu, les requérantes soutiennent que l'arrêté du préfet de région, publié plus de six mois après la demande de création de la zone touristique, aurait été pris tardivement et méconnaîtrait ainsi les dispositions de l'article L. 3132-25-2 du code du travail. Or, ainsi que l'ont à bon droit considéré les premiers juges, si la demande initiale de délimitation du territoire concerné comme zone touristique présentée par le président de la métropole du Grand Paris à la demande du président du territoire Est Ensemble et reçue en préfecture de région le

16 octobre 2017 a été implicitement rejetée, le dépôt par cette même autorité d'une étude d'impact modifiée le 5 juin 2018 doit s'analyser comme une nouvelle demande. Il en résulte que la demande formulée le 16 octobre 2017 par la métropole du Grand Paris a été renouvelée le 5 juin 2018 sur la base d'une étude d'impact mise à jour dont il ressort des pièces du dossier qu'elle apporte des éclairages plus précis sur l'évaluation de la fréquentation touristique et comporte en outre une estimation des apports en termes d'emplois du classement sollicité. En outre, si les dispositions de l'article L. 3132-25-2 citées ci-dessus impartissent au préfet de région un délai de six mois pour statuer sur la demande de délimitation dont il est saisi, elles n'ont ni pour objet ni pour effet de prescrire, sous peine d'illégalité, la publication de l'arrêté faisant droit à la demande dans un délai de six mois. Par ailleurs, la circonstance que l'arrêté préfectoral litigieux a été publié le 6 décembre 2018 est sans incidence sur sa légalité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 3132-25-2 du code du travail doit être écarté.

5. En deuxième lieu, les requérantes font valoir que les consultations ont été menées par une autorité administrative incompétente en violation de l'article L. 3132-25-2 du code du travail. Toutefois, si les dispositions de cet article prévoient que les zones mentionnées à son I sont délimitées ou modifiées par le représentant de l'Etat dans la région après avis d'un certain nombre d'organisations limitativement énumérées, aucune disposition du code du travail ne fixe les modalités de cette consultation de sorte que rien ne s'oppose à ce que celle-ci soit conduite par le préfet de département placé sous l'autorité du préfet de région. En l'espèce, les consultations ont été menées par le préfet de Seine-Saint-Denis, sous l'autorité du préfet de région. Il s'ensuit que le préfet de Seine-Saint-Denis n'a pas outrepassé ses compétences en recueillant les avis prescrits par l'article L. 3132-25-2 du code du travail pour permettre ensuite au préfet de région de statuer sur la demande de délimitation d'une nouvelle zone touristique. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.

6. En troisième lieu, les requérantes soutiennent que l'arrêté préfectoral contesté méconnaîtrait les dispositions des articles L. 3132-3, L. 3132-25 et R. 3132-20 du code du travail dans la mesure où le but poursuivi par l'arrêté qui ne répond pas aux critères mentionnés à l'article L. 3132-25 du code du travail est d'instituer une dérogation au repos dominical. Selon elles, le flux touristique sur le périmètre du secteur ne pourrait être quantifié et qualifié et la saisonnalité de l'activité touristique ne serait pas démontrée, l'augmentation de l'afflux touristique ne serait que de 0,5 % et l'étude d'impact se focaliserait sur une clientèle d'affaires sans évoquer le nombre de villages de vacances et de campings.

7. Il résulte des termes mêmes de l'article L. 3132-25 du code du travail que le législateur n'a pas entendu exclure la possibilité de créer des zones touristiques dans des lieux faisant l'objet d'une fréquentation touristique de façon constante et en dehors de toute saisonnalité, comme en l'espèce certaines zones limitrophes de la capitale.

8. Ainsi que l'a relevé à juste titre le tribunal, il ressort des pièces du dossier que la zone concernée compte onze hôtels représentant 1 178 chambres et 300 000 nuitées par an et qu'elle accueille certaines manifestations sportives et festives, particulièrement au printemps et en été. Par ailleurs, il est constant qu'au-delà des touristes, cette zone attire une population supplémentaire en raison des caractéristiques naturelles des lieux liées à l'aménagement des berges du canal de l'Ourcq, du parc de la Bergère et de la forêt régionale de Bondy ainsi que de ses installations culturelles et de loisirs, tels que le centre national de la danse de Pantin, le cinéma d'art et d'essai Ciné 104, la galerie d'art Thaddaeus Ropac dédiée à l'art contemporain à Pantin, et la maison de la culture de Seine-Saint-Denis à Bobigny. En outre, la zone considérée compte plusieurs lieux représentatifs du patrimoine historique et mémoriel, tels que les Grands Moulins ou les Magasins généraux à Pantin, la gare de la déportation de Bobigny, le quai aux bestiaux de Pantin, le fort de Romainville ou le cimetière musulman de Bobigny. Enfin, la circonstance que certains commerces bénéficient déjà d'une dérogation au repos dominical ou que les effets économiques escomptés de la dérogation au repos dominical soient modestes est dépourvue d'incidence sur la légalité de l'arrêté contesté. Il suit de là que le territoire de la plaine de l'Ourcq répond aux critères fixés pour la délimitation d'une zone touristique. Par suite, le moyen tiré de la violation des dispositions des articles L. 3132-3, L. 3132-25 et R. 3132-20 du code du travail doit être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la Fédération CGT des personnels du commerce de la distribution et des services et l'Union départementale des syndicats CGT de Seine-Saint-Denis ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 décembre 2018 par lequel le préfet de la région d'Île-de France, préfet de Paris a créé et délimité, sur le territoire des communes de Pantin, Romainville Bobigny, Noisy-le-Sec et Bondy, une zone touristique dénommée " zone touristique Plaine de l'Ourcq ".

Sur les frais de l'instance :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la Fédération CGT des personnels du commerce de la distribution et des services et de l'Union départementale des syndicats CGT de Seine-Saint-Denis les sommes que demandent la société Fiminco sur le fondement des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : L'intervention de la société Fiminco est admise.

Article 2 : La requête de la Fédération CGT des personnels du commerce de la distribution et des services et de l'Union départementale des syndicats CGT de Seine-Saint-Denis est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société Fiminco sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la Fédération CGT des personnels du commerce de la distribution et des services, à l'Union départementale des syndicats CGT de Seine-Saint-Denis, à la société Fiminco et au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.

Copie en sera adressée au préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris.

Délibéré après l'audience du 26 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Le Goff, président de chambre,

- M. Ho Si Fat, président assesseur,

- Mme Collet, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 octobre 2022.

Le rapporteur,

F. HO SI FAT

Le président,

R. LE GOFFLa greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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N° 22PA01273


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA01273
Date de la décision : 18/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LE GOFF
Rapporteur ?: M. Frank HO SI FAT
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : CONDEMINE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-10-18;22pa01273 ?
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