Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite et la lettre du 3 janvier 2019 d'un avocat par lesquelles le président de la communauté de communes d'Erdre et Gesvres a rejeté sa demande tendant au rétablissement de l'accès libre aux voies desservant le parc d'activités de Ragon situé sur le territoire de la commune de Treillières (44119).
Par un jugement n° 1902273 du 10 février 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision implicite et a enjoint au président de la communauté de communes d'Erdre et Gesvres de réexaminer la demande de Mme B... tendant au rétablissement du libre accès aux voies desservant le parc d'activités de Ragon, dans un délai d'un mois à compter de la notification de son jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 avril et 20 octobre 2022, la communauté de communes d'Erdre et Gesvres, représentée par Me Seno, demande à la cour :
1°) d'annuler les articles 2 à 4 du jugement du 10 février 2022 ;
2°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce que les premiers juges n'ont pas précisé en quoi le dispositif mis en place perturbe de façon très importante l'activité de Mme B... ;
- les mesures prévues par l'arrêté du 10 juillet 2013 portant règlementation d'accès du parc d'activités de Ragon sont proportionnées à la nécessité d'assurer la sécurité du site ;
- l'arrêté querellé, qui ne distingue pas selon le type de dispositif, prescrit seulement un contrôle de l'accès ou des entrées et sorties de véhicules et de personnes ;
- Mme B... n'a plus intérêt pour agir dès lors qu'elle a mis en location son restaurant ;
- elle s'est bornée à demander le rétablissement du système de digicode, et non le rétablissement d'un libre accès total aux voies desservant le parc d'activités ;
- le jugement querellé retient faussement que le système à digicode a été remplacé par
un système à badges et qu'il ne serait pas démontré qu'aucune mesure, tel que le rétablissement d'un système à digicode, ne pourrait être prise pour permettre à Mme B... de poursuivre son activité de réception de groupes sans remettre en cause l'objectif de sécurisation du parc d'activités poursuivi par l'arrêté du 10 juillet 2013 ;
- le dispositif de contrôle d'accès avec badge opère un parfait équilibre entre la limitation de la liberté de circuler dans le parc et l'intérêt général qu'il défend et la nécessité de l'ordre public ;
- Mme B... avait connaissance des conditions d'accès à la zone lorsqu'elle a décidé de s'y installer.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 30 juin et 4 novembre 2022, Mme B..., représentée par Me Lefevre, conclut au rejet de la requête et demande à la cour d'enjoindre au président de la communauté de communes d'Erdre et Gesvres de retirer les obstacles aux accès des voies publiques de la zone d'activités de Ragon, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai de sept jours à compter de l'arrêt à intervenir, et de mettre à la charge de la communauté de communes d'Erdre et Gesvres la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens de la communauté de communes d'Erdre et Gesvres ne sont pas fondés ;
- l'arrêté du 10 juillet 2013 délègue illégalement une mission de police administrative à une personne privée, en méconnaissance de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales ;
- l'arrêté du 10 juillet 2013 est motivé par des raisons de sécurité, motif non prévu aux termes de l'article L. 2213-2 du code général des collectivités territoriales.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la route ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Derlange, président assesseur,
- les conclusions de M. Pons, rapporteur public,
- et les observations de Me Hardouin, pour la communauté de communes d'Erdre et Gesvres, et de Me Lefevre pour Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Au motif de nombreux vols et dégradations commis sur les biens situés dans l'enceinte du parc d'activités de Ragon, le maire de la commune de Treillières (Loire-Atlantique), par un arrêté du 10 juillet 2013, a limité l'accès à cette zone d'activités le soir, la nuit, les week-ends et jours fériés, d'une part, en prévoyant la fermeture des portails de l'entrée secondaire par la rue des Basses Landes de 19 H à 6 H du lundi au samedi et de 20 H le samedi au lundi 6 H ainsi que les jours fériés, d'autre part, en prévoyant à l'entrée principale située sur la RD 75 route de La Chapelle sur Erdre un contrôle des entrées et sorties de véhicules et de personnes, de 20 H à 6 H du lundi au samedi et de 20 H le samedi au lundi 6 H ainsi que les jours fériés, par un agent de sécurité chargé d'un contrôle d'accès, à l'exception d'un certain nombre de véhicules des forces de l'ordre et des services de secours. Mme A... B..., qui exploite depuis le 13 décembre 2016 un restaurant - brasserie - pizzeria au sein du parc d'activités, par un courrier du 26 octobre 2018, a demandé au président de la communauté de communes d'Erdre et Gesvres, dont fait partie la commune de Treillières, de rétablir l'accès libre aux voies desservant cette zone. Cette demande ayant été rejetée, Mme B... a saisi le tribunal administratif de Nantes qui, par son jugement du 10 février 2022, a fait droit à sa demande d'annulation de ce refus et a enjoint au président de la communauté de communes d'Erdre et Gesvres de réexaminer la demande de l'intéressée tendant au rétablissement du libre accès aux voies desservant le parc d'activités de Ragon, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement. La communauté de communes d'Erdre et Gesvres relève appel de ce jugement, en tant qu'il a annulé la décision implicite de refus de rétablir le libre accès aux voies desservant le parc d'activités de Ragon (article 2), enjoint au président de la communauté de communes de réexaminer la demande de Mme B... tendant au rétablissement du libre accès (article 3) et mis à la charge de la communauté de communes d'Erdre et Gesvres le versement à Mme B... d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 4).
2. Aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques (...) ". Aux termes de l'article R. 411-8 du code de la route, relatif aux pouvoirs de police de la circulation : " Les dispositions du présent code ne font pas obstacle au droit conféré par les lois et règlements (...) aux maires de prescrire, dans la limite de leurs pouvoirs, des mesures plus rigoureuses dès lors que la sécurité de la circulation routière l'exige. Pour ce qui les concerne, les préfets et les maires peuvent également fonder leurs décisions sur l'intérêt de l'ordre public (...) ". Enfin, aux termes du I de l'article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales : " (...) Sans préjudice de l'article L. 2212-2 et par dérogation aux articles L. 2213-1 à L. 2213-6-1, lorsqu'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre est compétent en matière de voirie, les maires des communes membres transfèrent au président de cet établissement leurs prérogatives en matière de police de la circulation et du stationnement (...) ".
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Les premiers juges ayant notamment estimé que l'arrêté de police du 10 juillet 2013, eu égard aux mesures prises pour son application, " impose à Mme B... d'effectuer de multiples déplacements entre son établissement et l'entrée principale du parc pour permettre l'entrée ou la sortie de ses clients et prestataires, au point de compromettre la poursuite de son activité de réception de groupes ", la communauté de communes d'Erdre et Gesvres n'est pas fondée à soutenir que leur jugement serait insuffisamment motivé en ce qu'il ne préciserait pas en quoi le dispositif de sécurité mis en place pour limiter l'accès aux voies de la zone d'activités perturberait de façon très importante l'exploitation de l'établissement de l'intéressée d'un point de vue commercial.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Ainsi qu'il a été dit au point 1, il ressort du courrier du 26 octobre 2018, que Mme B... a demandé au président de la communauté de communes d'Erdre et Gesvres de rétablir l'accès libre aux voies desservant la zone d'activités. Par suite, cette dernière n'est pas fondée à soutenir que le présent litige ne porterait que sur une demande de rétablissement du système de digicode existant sur le site et ses moyens relatifs à l'usage d'un système à digicode ou à badges sont dénués de portée utile. En outre, elle ne peut utilement se prévaloir de ce que Mme B... avait connaissance des conditions d'accès à la zone lorsqu'elle a décidé de s'y installer, cette circonstance ne faisant pas obstacle à son droit de les contester, en particulier en invoquant l'exception d'illégalité de l'arrêté du 10 juillet 2013.
5. Il ressort des pièces du dossier que de nombreux vols, cambriolages ou tentatives de cambriolages et dégradations ont été commis sur les biens situés dans l'enceinte du parc d'activités de Ragon entre 2008 et 2012 et que cette situation persiste en 2022. Toutefois, la nécessité de disposer d'un badge d'accès pour circuler dans la zone d'activités par l'entrée principale entraîne pour les usagers de ces voies publiques l'impossibilité de fait de circuler, et notamment d'accéder au restaurant de Mme B... sans que celle-ci soit obligée de leur ouvrir elle-même l'accès à son établissement. Ainsi, il n'est pas établi que des mesures appropriées moins restrictives de la liberté d'aller et venir des usagers des voies publiques et de la liberté d'entreprendre de certains exploitants de la zone d'activités ne suffiraient pas pour faire face aux désordres invoqués pour motiver la limitation importante des accès au parc d'activités résultant de la règlementation évoquée ci-dessus, alors notamment que la communauté de communes d'Erdre et Gesvres ne justifie avoir demandé à l'autorité préfectorale la mise en place d'un système de vidéo-protection qu'à compter du mois de mai 2022.
6. Dans ces conditions, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 10 juillet 2013, en imposant la fermeture sur des plages horaires aussi importantes d'un parc d'activités couvrant une surface d'environ 50 hectares et regroupant une soixantaine d'entreprises a un caractère disproportionné au regard des objectifs poursuivis et est, par suite, illégal. Enfin, comme le soutient Mme B..., eu égard aux dispositions précitées de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, l'article 3 de cet arrêté ne pouvait légalement déléguer à une personne morale de droit privé, telle que l'association syndicale libre du parc d'activités de Ragon, l'application de mesures de police de la voie publique en lui confiant la surveillance et le contrôle des accès aux voies de desserte et de circulation de cette zone. En conséquence, la communauté de communes d'Erdre et Gesvres n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes s'est fondé, par la voie de l'exception, sur l'illégalité d'une telle règlementation pour faire droit aux conclusions de Mme B... à fin d'annulation de la décision de rejet de sa demande de rétablissement du libre accès aux voies desservant le parc d'activités de Ragon.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la communauté de communes d'Erdre et Gesvres n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision implicite par laquelle son président a rejeté la demande de Mme B..., qui a toujours intérêt pour agir alors même qu'elle a mis en location son fond de commerce, de rétablir le libre accès aux voies desservant le parc d'activités de Ragon.
Sur les conclusions de Mme B... à fin d'injonction sous astreinte :
8. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. (...) ". L'article L. 911-2 du même code dispose que : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. / La juridiction peut également prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision ".
9. Eu égard au motif sur lequel il se fonde, le présent arrêt implique seulement que le président de la communauté de communes d'Erdre et Gesvres réexamine la demande de Mme B..., tendant au rétablissement du libre accès aux voies desservant le parc d'activités de Ragon. Une injonction en ce sens ayant déjà été prononcée par le jugement du tribunal administratif de Nantes du 10 février 2022, dont le dispositif est confirmé par le présent arrêt, les conclusions à cette fin présentées par Mme B... devant la cour sont sans objet. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir d'une astreinte l'injonction prononcée par le tribunal.
Sur les frais liés au litige :
10. Les conclusions au titre des frais de l'instance de la communauté de communes d'Erdre et Gesvres, partie perdante, ne peuvent qu'être rejetées.
11. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire droit aux conclusions de Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à hauteur de la somme de 1 500 euros.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la communauté de communes d'Erdre et Gesvres est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par Mme B... devant la cour sont rejetées comme dépourvues d'objet.
Article 3 : La communauté de communes d'Erdre et Gesvres versera une somme de 1 500 euros à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la communauté de communes d'Erdre et Gesvres et à Mme A... B....
Délibéré après l'audience du 15 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Derlange, président assesseur,
- Mme Chollet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 décembre 2022.
Le rapporteur,
S. DERLANGE
Le président,
L. LAINÉ
La greffière,
S. LEVANT
La République mande et ordonne au préfet de la Loire-Atlantique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 22NT01168