Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du
11 juin 2022 par lequel le préfet de la Moselle l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée d'une année.
Par un jugement n° 2203879 du 27 septembre 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 octobre 2022, M. A..., représenté par Me Blanvillain, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 27 septembre 2022 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 11 juin 2022 pris à son encontre par le préfet de la Moselle ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de réexaminer sa situation dans un délai déterminé, au besoin sous astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, Me Blanvillain, de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté a été pris par une autorité incompétente ;
- les décisions contestées ne sont pas suffisamment motivées ;
s'agissant des décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et fixant le pays de renvoi :
- les décisions méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et portent une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale ;
- les décisions sont entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle et familiale ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;
- le préfet a entaché son arrêté d'erreurs de fait concernant notamment son lieu de naissance et la date de sa garde à vue ;
s'agissant de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :
- le préfet a commis une erreur dans l'appréciation de la durée de l'interdiction de retour ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de ses liens personnels et familiaux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 novembre 2022, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il indique qu'il s'en remet à ses écritures de première instance.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 mars 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant albanais né le 13 avril 2002, indique être entré irrégulièrement sur le territoire français au mois de décembre 2017. Par une ordonnance du 12 décembre 2017 du tribunal pour enfants près du tribunal de grande instance de Metz, M. A... a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance du département de la Moselle. M. A... a été placé en garde à vue le 10 juin 2022, par les services de police de Metz, pour recel de vol et port d'arme. Par un arrêté du 11 juin 2022, le préfet de la Moselle lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée d'un an. Par un jugement du 27 septembre 2022, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les moyens communs à l'ensemble des décisions contestées :
2. M. A... reprend en appel les moyens qu'il avait invoqués en première instance tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte et du défaut de motivation de l'ensemble des décisions contestées, sans apporter d'élément nouveau ni critiquer utilement les motifs de rejet qui lui ont été opposés par les premiers juges. Il y a en conséquence lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Strasbourg.
Sur les moyens dirigés à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et fixant le pays de renvoi :
3. En premier lieu, il ne ressort ni des termes des décisions contestées, ni des pièces du dossier que le préfet de la Moselle n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. A... avant d'édicter les décisions litigieuses.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. M. A... est arrivé en France au cours du mois de décembre 2017 alors qu'il était âgé de 15 ans. Il ressort des pièces du dossier, notamment des attestations de demande d'asile produites pour la première fois en appel, que M. B... A... et Mme E... A..., qui seraient le père et la mère de M. A... et qui sont arrivés en France accompagnés de leur autre enfant, mineur, ont été autorisés à séjourner temporairement du 4 mai au 3 novembre 2022, dans le cadre de l'examen de leurs demandes d'asile. Toutefois, il ressort des propres déclarations de l'intéressé aux services de police, le 10 juin 2022, que M. A... est arrivé seul et a séjourné seul sur le territoire français, sans faire état de liens particuliers avec sa famille alors restée au Kosovo. En outre, M. A..., désormais majeur, ne démontre aucunement qu'à la date des décisions contestées, sa présence serait nécessaire auprès de sa famille, avec laquelle il n'établit pas avoir conservé des liens. Par ailleurs, même s'il se prévaut de sa formation professionnelle dans le cadre d'un CAP " cuisine ", il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A..., célibataire et sans enfant, aurait développé des liens personnels intenses et stables sur le territoire français. Par suite, compte tenu des conditions de séjour de l'intéressé sur le territoire français, les décisions contestées n'ont pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. A... une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ces décisions ont été prises. Par ailleurs et alors qu'en outre il n'est pas établi que M. A... ne pourrait pas poursuivre sa formation professionnelle au Kosovo, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Moselle aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ses décisions sur la situation personnelle de l'intéressé.
6. En dernier lieu, si l'arrêté litigieux mentionne que l'intéressé est né le 10 juin 2022 à Kuski, et si le passeport de M. A... indique qu'il est né le 13 avril 2002 à Tirana, cette erreur de fait a été sans incidence sur les motifs des décisions prises par le préfet de la Moselle et sur l'appréciation qu'il a pu faire sur la situation de l'intéressé. Au demeurant, l'intéressé a lui-même déclaré, dans son audition par les services de police le 10 juin 2022 être né à Kuski en Albanie. En outre, la circonstance que la date de sa garde à vue mentionnée serait erronée est sans incidence sur la légalité de l'arrêté litigieux.
Sur la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :
7. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ". Il résulte de ces dispositions que lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, le préfet assortit, en principe et sauf circonstances humanitaires, l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour. La durée de cette interdiction doit être déterminée en tenant compte des critères tenant à la durée de présence en France, à la nature et l'ancienneté des liens de l'intéressé avec la France, à l'existence de précédentes mesures d'éloignement et à la menace pour l'ordre public représentée par la présence en France de l'intéressé.
8. Ainsi qu'il a été dit précédemment, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A..., majeur à la date de la décision contestée, entretiendrait des liens particulièrement intenses et stables avec les membres de sa famille, admis à séjourner temporairement dans le cadre de l'examen de leur demande d'asile. En outre, même si son comportement ne constitue pas une menace à l'ordre public, s'il est arrivé en France avant l'âge de seize ans et s'il justifie d'une formation professionnelle, M. A..., n'établit pas l'existence de liens personnels et familiaux intenses et stables sur le territoire français. Par suite, compte tenu des conditions de séjour de l'intéressé sur le territoire français, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en prenant à l'encontre de M. A... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, le préfet de la Moselle, aurait fait une inexacte application des dispositions précitées.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions de sa requête à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
Délibéré après l'audience du 30 mars 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Haudier, présidente,
- M. Denizot, premier conseiller,
- Mme Mosser, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 avril 2023.
Le rapporteur,
Signé : A. D...La présidente,
Signé : G. Haudier
La greffière,
Signé : S. Blaise
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
S. Blaise
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N° 22NC02574