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30/03/2023 | FRANCE | N°22LY01865

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 30 mars 2023, 22LY01865


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 20 juin et 17 novembre 2022, la région Auvergne-Rhône-Alpes, la commune de la Tuilière et la commune de Saint-Just en Chevalet, représentées par Me Cuzzi, demandent à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 22 février 2022 de la préfète de la Loire autorisant une installation de production d'électricité utilisant l'énergie du vent par la société Monts de la Madeleine Énergie sur le territoire de la commune de Chérier et de la Tuilière ;

2°) de mettre à la charge de l'État une so

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Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 20 juin et 17 novembre 2022, la région Auvergne-Rhône-Alpes, la commune de la Tuilière et la commune de Saint-Just en Chevalet, représentées par Me Cuzzi, demandent à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 22 février 2022 de la préfète de la Loire autorisant une installation de production d'électricité utilisant l'énergie du vent par la société Monts de la Madeleine Énergie sur le territoire de la commune de Chérier et de la Tuilière ;

2°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- le dossier d'enquête publique est incomplet ;

- l'évaluation environnementale est insuffisante ;

- l'étude d'impact du projet est insuffisante sur la chouette chevêchette d'Europe ;

- l'étude d'impact est insuffisante en l'absence d'étude d'incidences du projet sur le site Natura 2000 Gîtes à chauves-souris " Contreforts et Montagne Bourbonnaise " ;

- l'arrêté méconnaît l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- l'arrêté méconnaît l'article L. 411-1 du code de l'environnement en l'absence de dérogation légalement octroyée dans le cadre de l'article L. 411-2 du même code ;

- l'arrêté méconnaît l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire enregistré le 14 septembre 2022, la société Monts de la Madeleine Énergie représentée par Me Guinot conclut au rejet de la requête, et à titre subsidiaire, si une illégalité de l'arrêté préfectoral devait être retenue, au sursis à statuer sur le recours en vue de permettre la régularisation de l'autorisation d'exploiter du 22 février 2022, en application de l'article L. 181-18, I 2° du code de l'environnement, et de mettre à la charge de l'ensemble des requérantes la somme globale de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la requête est irrecevable en tant qu'elle est présentée par la région Auvergne-Rhône-Alpes et qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

Par un mémoire enregistré le 15 septembre 2022, le ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que la requête est irrecevable et que la cour devra attendre, avant de statuer sur le bien-fondé de la requête, la décision du Conseil d'État concernant le pourvoi formé contre l'arrêt de la cour du 28 octobre 2021.

Par une ordonnance du 17 novembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er décembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Djebiri, première conseillère,

- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public,

- les observations de Me Cuzzi, pour la région Auvergne Rhône Alpes, la commune de la Tuilière et la commune de Saint-Just en Chevalet, et celles de Me Gauthier pour la société Monts de la Madeleine Énergie ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 14 mars 2023, présentée pour la société Monts de la Madeleine Énergie ;

Considérant ce qui suit :

1. Le 3 août 2015, la société Monts de la Madeleine Énergie a déposé une demande d'autorisation d'exploiter une installation de production d'électricité, composée de neuf aérogénérateurs et deux postes de livraison, sur le territoire des communes de Chérier et La Tuilière. Par arrêté du 28 octobre 2021, la cour a annulé le jugement du 4 juillet 2019 du tribunal administratif de Lyon et l'arrêté du 18 octobre 2017 du préfet de la Loire portant refus d'autorisation d'exploiter et a enjoint à la préfète de délivrer l'autorisation. Le 22 février 2022, la préfète de la Loire a délivré à la société Monts de la Madeleine Énergie l'autorisation sollicitée. Par la présente requête, la région Auvergne-Rhône-Alpes, la commune de la Tuilière et la commune de Saint-Just en Chevalet en demandent l'annulation.

Sur la complétude du dossier d'enquête publique :

En ce qui concerne l'avis de la commission locale de l'eau :

2. Aux termes de l'article R. 181-22 du code de l'environnement : " Lorsque la demande d'autorisation environnementale porte sur un projet relevant du 1° de l'article L. 181-1, le préfet saisit pour avis la commission locale de l'eau si le projet est situé dans le périmètre d'un schéma d'aménagement et de gestion des eaux approuvé ou a des effets dans un tel périmètre. " Aux termes de l'article R. 181-37 du même code " Les avis recueillis lors de la phase d'examen en application des articles R. 181-19 à R. 181-32 sont joints au dossier mis à l'enquête, ainsi que la tierce expertise prévue par l'article L. 181-13 si elle est produite avant l'ouverture de l'enquête. " En application de l'article R. 123-8 du code de l'environnement, le dossier soumis à l'enquête publique doit comporter, " lorsqu'ils sont rendus obligatoires par un texte législatif ou réglementaire préalablement à l'ouverture de l'enquête, les avis émis sur le projet plan, ou programme ". Les irrégularités qui entachent un élément qui, tel l'avis de la commission locale de l'eau, doit être joint au dossier de l'enquête publique, sont de nature à vicier la procédure, et donc à entraîner l'illégalité de la décision si elles ont eu pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont pu exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

3. En l'espèce, il résulte de l'instruction que le parc éolien projeté est situé dans le périmètre d'un schéma d'aménagement et de gestion des eaux et aurait dû donner lieu à un avis de la commission locale de l'eau. L'étude d'impact a relevé que " La présence de zones humides et de ruisseaux sur le site éolien conduit à considérer une sensibilité forte du point de vue du SDAGE et du SAGE ". Toutefois dès lors que l'étude d'impact relève que l'aquifère " profond et peu étendu est peu vulnérable aux activités de surface " et que " la sensibilité du site du point de vue de l'hydrogéologie est jugée modérée " alors que, de même, l'agence régionale de santé a qualifié, au vu des modifications apportées par le pétitionnaire à son projet initial, le niveau de maîtrise des risques de " satisfaisant ", l'absence d'avis de la commission locale de l'eau n'a pas été, dans les circonstances de l'espèce, de nature à nuire à l'information complète du public ni à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

En ce qui concerne l'avis de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers :

4. Aux termes de l'article L. 111-5 du code de l'urbanisme : " La construction de bâtiments nouveaux mentionnée au 1° de l'article L. 111-4 et les projets de constructions, aménagements, installations et travaux mentionnés aux 2° et 3° du même article ayant pour conséquence une réduction des surfaces situées dans les espaces autres qu'urbanisés et sur lesquelles est exercée une activité agricole ou qui sont à vocation agricole doivent être préalablement soumis pour avis par l'autorité administrative compétente de l'État à la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers prévue à l'article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime. La délibération mentionnée au 4° de l'article L. 111-4 est soumise pour avis conforme à cette même commission départementale. Cet avis est réputé favorable s'il n'est pas intervenu dans un délai d'un mois à compter de la saisine de la commission. "

5. L'enquête publique a porté sur le projet d'exploitation d'un parc éolien au titre des installations classées pour la protection de l'environnement et non sur le permis de construire que cette opération nécessite par ailleurs. Ainsi, si l'avis de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestier devait être émis dans le cadre de l'instruction des permis de construire des éoliennes, il n'avait pas à être joint au dossier d'enquête publique préalable à la délivrance de l'autorisation d'exploiter au titre de la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement. Le moyen doit par suite être écarté.

Sur la suffisance de l'étude d'impact :

En ce qui concerne la chouette chevêchette :

6. Aux termes de l'article R. 122-5 du code de l'environnement : " (...) l'étude d'impact comporte les éléments suivants (...) 2° Une description du projet (...) 3° Une description des aspects pertinents de l'état actuel de l'environnement (...) 4° Une description des facteurs (...) susceptibles d'être affectés de manière notable par le projet : (...) la biodiversité, les terres, le sol, l'eau (...) 5° Une description des incidences notables que le projet est susceptible d'avoir sur l'environnement (...) 7° Une description des solutions de substitution raisonnables qui ont été examinées par le maître d'ouvrage, en fonction du projet proposé et de ses caractéristiques spécifiques, et une indication des principales raisons du choix effectué, notamment une comparaison des incidences sur l'environnement et la santé humaine ; 8° Les mesures prévues par le maître de l'ouvrage pour : - éviter les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine et réduire les effets n'ayant pu être évités ; - compenser, lorsque cela est possible, les effets négatifs notables du projet sur l'environnement (...) qui n'ont pu être ni évités ni suffisamment réduits. (...) IV. - Pour les installations, ouvrages, travaux et aménagements relevant du titre Ier du livre II et faisant l'objet d'une évaluation environnementale, l'étude d'impact contient les éléments mentionnés au II de l'article R. 181-14. (...) VII. - Afin de veiller à l'exhaustivité et à la qualité de l'étude d'impact : a) Le maître d'ouvrage s'assure que celle-ci est préparée par des experts compétents (...) ".

7. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

8. Les requérantes invoquent l'impact du projet sur la chouette chevêchette d'Europe, espèce protégée en vertu de la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature et de la directive susvisée du 6 avril 1979. Toutefois, il ressort de la " note relative à l'impact du défrichement sur la chouette chevêchette ", réalisée par un bureau d'études indépendant et produite par le pétitionnaire à l'appui de son recours gracieux du 9 février 2016 dans le cadre de sa demande d'autorisation de défrichement, que des prospections réalisées en 2013 et en 2015 n'ont pas permis d'identifier de loge ou de cavité dans les arbres présents sur la zone à défricher et qu'ainsi, outre la faible surface concernée, le projet de parc éolien n'aura par suite pas d'impact sur l'habitat de cette espèce. Les documents que les requérantes produisent, en particulier l'état de lieux édité en octobre 2015 par la Ligue de protection des oiseaux Loire, ne permettent pas d'établir que les parcelles concernées par l'autorisation constituaient un espace de nidification et d'habitat de ce rapace et que par suite l'étude d'impact était insuffisante concernant la chouette chevêchette d'Europe.

En ce qui concerne le défaut d'étude de l'incidence du projet sur le site Natura 2000 Gîtes à chauves-souris " Contreforts et Montagne Bourbonnaise " :

9. Aux termes de l'article L. 414-4 du code de l'environnement : " (...) III. - (...) les (...) projets (...) soumis à un régime administratif d'autorisation (...) au titre d'une législation (...) distincte de Natura 2000 ne font l'objet d'une évaluation des incidences Natura 2000 que s'ils figurent : 1° Soit sur une liste nationale établie par décret en Conseil d'État (...) VI. - L'autorité chargée d'autoriser (...) la déclaration s'oppose à tout (...) projet (...) si l'évaluation des incidences requise en application des III (...) n'a pas été réalisée, si elle se révèle insuffisante ou s'il en résulte que leur réalisation porterait atteinte aux objectifs de conservation d'un site Natura 2000 ".

10. L'étude d'impact réalisée en juin 2015 recensait dans les annexes consacrées à l'avifaune et aux chiroptères le site des Gîtes de Laprugne recouvrant les secteurs de la mine de fluorine du Busset et de Charrier, dénommé Contreforts et Montagne Bourbonnaise depuis son classement Natura 2000. Les espèces qui ont d'ailleurs justifié ce classement, telles que le Murin, la Barbastelle d'Europe, la Noctule commune, la Pipistrelle de Kuhl et la Pipistrelle commune, y ont été identifiées et l'impact du projet sur ces espèces, qualifié de faible et négligeable, a été pris en compte par l'étude. Dans ces conditions, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que l'étude d'impact serait insuffisante en l'absence de prise en considération des incidences du projet sur le site des Contreforts et Montagne Bourbonnaise.

Sur la méconnaissance de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme :

11. Aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. "

12. Il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte aux paysages naturels avoisinants, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.

13. Il ressort des pièces du dossier que les Monts de la Madeleine, au sein desquels le projet doit être implanté, forment une grande échine arrondie, culminant à 1155 mètres, sans ligne de crête marquée mais perceptible depuis l'ensemble des plaines et des reliefs proches, couverte de boisements, essentiellement de conifères, et, plus ponctuellement, de feuillus et de tourbières, considérés comme des milieux naturels riches et remarquables. Ils constituent ainsi un paysage caractéristique du patrimoine naturel montagnard au sens des dispositions précitées. Toutefois, il résulte du volet paysager de l'étude d'impact, dont la sincérité n'est pas contestée, que tant le boisement de ce secteur, que le parti d'implantation retenu, dans l'alignement des lignes structurantes du relief, limiteront l'impact visuel du projet et favoriseront son intégration dans le paysage. Par ailleurs, de par son éloignement et un rapport d'échelle cohérent, son impact visuel depuis le site des Cornes d'Urfé apparaît également limité. Le parc éolien autorisé est composé de deux groupes d'aérogénérateurs d'une hauteur de 125 mètres, pales comprises, implantés sur un axe sud-ouest / nord-est. Il est situé dans un environnement essentiellement forestier. Le projet se trouve, dans une zone de celui-ci qualifiée de " sensibilité faible " à l'éolien par le document de référence territorial pour l'énergie éolienne du parc naturel régional, ce qui a d'ailleurs conduit le syndicat mixte chargé de sa gestion à émettre un avis favorable à la réalisation du projet en litige. Dans ces circonstances, le site d'implantation du parc éolien porté par la société Monts de la Madeleine Énergie ne présente pas d'intérêt spécifique au plan paysager ou patrimonial.

14. Il s'ensuit qu'en délivrant l'arrêté contesté, qui constitue une autorisation environnementale, la préfète de la Loire n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme, et n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.

Sur la méconnaissance de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme :

15. Aux termes de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme : " Peuvent (...) être autorisés en dehors des parties urbanisées de la commune : (...) 2° Les constructions et installations nécessaires (...) à des équipements collectifs (...) ". Si les requérantes allèguent que le projet emporterait une perte de surface forestière et naturelle et ne permettrait manifestement pas le maintien d'une activité forestière significative, eu égard à la faible surface des éoliennes, le projet n'est pas incompatible avec l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière. Une telle installation, eu égard à ces caractéristiques, ne peut en l'espèce être regardée comme conduisant à une réduction significative des surfaces forestières existantes. Le projet entre bien dans le champ des dérogations prévues par les dispositions du 2° de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme, ainsi la préfète de la Loire n'a pas méconnu ces dispositions ni commis d'erreur manifeste d'appréciation.

Sur la violation de l'article L. 411-1 du code de l'environnement en l'absence de dérogation légalement octroyée dans le cadre de l'article L. 411-2 du même code :

16. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement : " I. - Lorsqu'un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l'écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits : 1° La destruction ou l'enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ; (...) 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces ; (...) ". Le I de l'article L. 411-2 du même code renvoie à un décret en Conseil d'État la détermination des conditions dans lesquelles sont fixées, notamment, la " délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : a) Dans l'intérêt de la protection de la faune et de la flore sauvages et de la conservation des habitats naturels ; b) Pour prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l'élevage, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et à d'autres formes de propriété ; c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ".

17. Il résulte de ces dispositions que la destruction ou la perturbation d'espèces protégées, ainsi que la destruction ou la dégradation de leurs habitats, sont interdites. Toutefois, l'autorité administrative peut déroger à ces interdictions dès lors que sont remplies trois conditions distinctes et cumulatives tenant d'une part, à l'absence de solution alternative satisfaisante, d'autre part, à la condition de ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle et, enfin, à la justification de la dérogation par l'un des cinq motifs limitativement énumérés et parmi lesquels figure le fait que le projet réponde, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d'intérêt public majeur.

18. Le système de protection des espèces faisant l'objet d'une protection impose d'examiner si l'obtention d'une dérogation est nécessaire dès lors que des spécimens de l'espèce concernée sont présents dans la zone du projet, sans que l'applicabilité du régime de protection dépende, à ce stade, ni du nombre de ces spécimens, ni de l'état de conservation des espèces protégées présentes.

19. Le pétitionnaire doit obtenir une dérogation " espèces protégées " si le risque que le projet comporte pour les espèces protégées est suffisamment caractérisé. A ce titre, les mesures d'évitement et de réduction des atteintes portées aux espèces protégées proposées par le pétitionnaire doivent être prises en compte. Dans l'hypothèse où les mesures d'évitement et de réduction proposées présentent, sous le contrôle de l'administration, des garanties d'effectivité telles qu'elles permettent de diminuer le risque pour les espèces au point qu'il apparaisse comme n'étant pas suffisamment caractérisé, il n'est pas nécessaire de solliciter une dérogation " espèces protégées ".

20. Les requérantes font état des risques de perturbation et de destruction d'animaux appartenant à plusieurs espèces d'animaux protégés, et de leurs habitats, qu'il s'agisse d'oiseaux ou de chiroptères.

21. Le projet d'éoliennes en cause n'a jamais donné lieu à la délivrance d'une dérogation au titre de l'article L. 411-2 du code de l'environnement. L'arrêté du 22 février 2022 prévoit dans ses articles 2.4.2 et 2.5 des mesures de protection des chiroptères et de l'avifaune en phase d'exploitation et des mesures spécifiques liées à la phase de travaux. Ces articles prévoient en ce qui concerne la phase d'exploitation une réduction des facteurs d'attractivité des chiroptères et de l'avifaune, la mise en place d'un bridage en faveur des chiroptères, notamment avec une régulation nocturne, et un autre en faveur de l'avifaune, avec un dispositif de détection vidéo automatique couplé à un dispositif d'arrêt automatique des éoliennes et, en ce qui concerne la phase de travaux, des modalités de déboisement pour éviter la mortalité des chiroptères et de l'avifaune.

22. Pour ce qui est de l'avifaune, les espèces présentes protégées sont notamment les milans noirs et royaux, le bruant jaune et la grue cendrée. Toutefois eu égard aux mesures de réduction notamment le placement des éoliennes en dehors des micro-voies migratoires, la hauteur des éoliennes et le système de détection vidéo l'étude d'impact a estimé l'impact du projet sur l'avifaune comme faible, concernant la période post nuptiale, à modéré.

23. En ce qui concerne les chiroptères, et plus particulièrement la grande noctule, la noctule commune et la noctule de leisler, le niveau d'impact résiduel a été estimé de faible à modéré eu égard aux mesures d'évitement et de réduction, le bridage des machines pendant les périodes favorables à l'évolution des chiroptères permettant de limiter les effets sur les chiroptères ainsi que cela ressort de l'étude d'impact. Les effets attendus du projet sur les chiroptères en phase de chantier et faibles en période d'exploitation ne présentent pas un risque caractérisé.

24. Eu égard à l'ensemble de ce qui vient d'être dit, compte tenu des enjeux identifiés et des mesures d'évitement et de réduction retenues par le pétitionnaire ou imposées par l'administration, dont l'effectivité n'est pas sérieusement remise en question, il n'apparaît pas que le projet contesté présenterait un risque suffisamment caractérisé d'atteintes à des animaux protégés ou à leurs habitats, aucune explication particulière ou pertinente n'étant fournie à cet égard sur d'autres oiseaux protégés, ou des chiroptères. La requérante n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que l'arrêté en litige méconnaît les articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l'environnement.

25. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées en défense, les requérantes ne sont pas fondées à demander l'annulation de l'arrêté du 22 février 2022 de la préfète de la Loire autorisant une installation de production d'électricité utilisant l'énergie du vent par la société Monts de la Madeleine Énergie sur le territoire de la commune de Chérier et de la Tuilière.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

26. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'État qui n'a pas la qualité de partie perdante, au titre des frais liés au litige exposés par la région Auvergne-Rhône-Alpes, la commune de la Tuilière et de la commune de Saint-Just en Chevalet. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la société Monts de la Madeleine Énergie tendant à la mise à la charge de la région Auvergne-Rhône-Alpes et des communes de la Tuilière et Saint-Just en Chevalet d'une somme au titre des frais qu'elle a exposés.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la région Auvergne-Rhône-Alpes, de la commune de la Tuilière et de la commune de Saint-Just en Chevalet est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Monts de la Madeleine Énergie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la région Auvergne-Rhône-Alpes, à la commune de la Tuilière, à la commune de Saint-Just en Chevalet, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et la société Monts de la Madeleine Énergie.

Copie en sera adressée à la ministre de la transition énergétique.

Délibéré après l'audience du 9 mars 2023 à laquelle siégeaient :

M. Seillet, président,

M. Chassagne, premier conseiller,

Mme Djebiri, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mars 2023.

La rapporteure,

C. DjebiriLe président,

Ph. Seillet

La greffière,

A. Roux

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 22LY01865 2

ar


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY01865
Date de la décision : 30/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

29-035 Energie.


Composition du Tribunal
Président : M. SEILLET
Rapporteur ?: Mme Christine DJEBIRI
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : SELARL PARME AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-03-30;22ly01865 ?
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