Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le directeur de l'Ecole Polytechnique sur sa demande de restitution d'un tableau représentant le portrait de son ancêtre, le polytechnicien Nicolas Berthot, et d'enjoindre à cette école de lui restituer cette œuvre gratuitement, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 1707668 du 14 décembre 2020, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés le 12 février 2021, le 4 mai 2022 et le 20 mai 2022, M. D..., représenté par Me Fichot, avocat, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'ordonner, avant dire droit, la communication sous forme écrite des conclusions du rapporteur public qui ont été exposées lors de l'audience du 8 décembre 2020 ;
2°) d'annuler le jugement attaqué ;
3°) d'annuler la décision implicite rejetant sa demande de restitution ;
4°) d'enjoindre à cette école de le lui restituer gratuitement à son domicile, sous astreinte de 50 euros par jour à compter du prononcé de l'arrêt ;
5°) de mettre à la charge de l'Ecole Polytechnique une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le mémoire communiqué par l'Ecole Polytechnique revêt un caractère dilatoire et est irrecevable à ce titre ;
- la communication des conclusions du rapporteur public est indispensable afin qu'il puisse critiquer efficacement le jugement attaqué ;
- sa requête est recevable dès lors que l'article R. 1123-3 du code général de la propriété des personnes publiques n'est applicable qu'aux legs et non aux dons et qu'il a formé sa réclamation dans un délai raisonnable par rapport au moment où il a eu la connaissance acquise du don, cette connaissance ayant été acquise lors du décès de sa mère ;
- la donation de Mme B... est inexistante, si bien que la cour est compétente ;
- la décision implicite de refus attaquée méconnaît l'article L. 1121-3 du code général de la propriété des personnes publiques en l'absence de décret en Conseil d'Etat autorisant l'Ecole Polytechnique à accepter le don.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 avril 2022, le président du conseil d'administration de l'Ecole Polytechnique, représenté par Me Cano, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. D... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- les conclusions de M. D... tendant à la communication des conclusions du rapporteur public sont irrecevables ;
- la demande de restitution présentée par M. D... est tardive ;
- les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'éducation, notamment son article L. 755-1 ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Bobko, rapporteure publique,
- et les observations de Me Fichot pour M. D....
Considérant ce qui suit :
1. En septembre 2017, M. C... D... a demandé à l'Ecole Polytechnique la restitution d'un tableau représentant le portrait de son ancêtre, le polytechnicien Nicolas Berthot, exposé dans la bibliothèque de l'école depuis 2009, et qui avait appartenu à sa mère, Mme B..., au motif notamment que, si son frère, M. E... D... avait pris contact avec l'Ecole Polytechnique pour lui faire part de l'intention de Mme B... de faire don de ce tableau, la réalité de ce don n'était pas selon lui établie. Suite au refus implicite du directeur de l'Ecole Polytechnique d'accéder à sa demande, il a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler ce refus implicite de restitution, et d'enjoindre à l'établissement de lui restituer cette œuvre gratuitement. Par jugement n° 1707668 du 14 décembre 2020 dont M. D... relève appel, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant à obtenir la communication sous forme écrite des conclusions du rapporteur public dans le jugement attaqué :
2. Si, aux termes de l'article R. 773-1 du code de justice administrative, le rapporteur public est obligé de transmettre le sens de ses conclusions avant l'audience, aucune disposition législative ou réglementaire ne l'oblige en revanche à transmettre, sous forme écrite, l'intégralité de ses conclusions quand un requérant lui en fait la demande. En l'espèce, si M. D... a sollicité cette communication auprès du rapporteur public de première instance, celui-ci la lui a refusée, ainsi qu'il en avait le droit. Les conclusions de M. D... tendant à obtenir cette communication ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En premier lieu, il ressort du courrier du 13 novembre 2012 envoyé à M. D... par l'Ecole Polytechnique et de ses écritures en défense que le refus de restitution litigieux est motivé par le don qu'a fait la mère de M. D... de ce tableau. Le requérant conteste l'existence même de ce don.
4. S'il n'appartient pas aux juridictions administratives de se prononcer sur la validité d'une libéralité consentie par une personne privée à un tiers, ces juridictions peuvent, en revanche, connaître à l'occasion de recours pour excès de pouvoir dirigés contre des décisions administratives concernant l'exécution d'un legs ou d'un don, de moyens tirés de ce que ces décisions seraient contraires à la volonté du testateur ou du donateur. Toutefois, il appartient à la seule autorité judiciaire d'interpréter cette volonté en cas de difficultés sérieuses et lorsque le refus de restitution est né des seules prétentions contraires des parties quant à la propriété de ce bien, mais n'est pas fondé sur les obligations nées de l'exécution d'un contrat relatif à une mission de service public, ni sur la mise en œuvre de prérogatives de puissance publique.
5. Contrairement à ce que soutient M. D..., les pièces versées aux débats, qui comprennent des mails de M. E... D... exposant la volonté de sa mère, Mme B..., de donner le tableau de son ancêtre, des factures de transport au nom de l'Ecole Polytechnique établissant que le tableau aurait été enlevé du domicile de sa mère du vivant de celle-ci et une attestation de réception de don du conservateur de la bibliothèque de l'Ecole Polytechnique, ne permettent pas de conclure à l'inexistence de ce don.
6. En second lieu, aux termes de l'article L. 755-1 du code de l'éducation : " L'Ecole polytechnique constitue un établissement public doté de la personnalité civile et de l'autonomie financière, placé sous la tutelle du ministre chargé de la défense. ". Aux termes de l'article L. 1121-2 du code général de la propriété des personnes publiques : " Les établissements publics de l'Etat acceptent et refusent librement les dons et legs qui leur sont faits sans charges, conditions, ni affectation immobilière. ". L'article L. 1121-3 de ce même code dispose : " Dans tous les cas où les dons et legs donnent lieu à des réclamations des héritiers légaux, l'autorisation de les accepter, en tout ou partie, est donnée par décret en Conseil d'Etat. ".
7. M. D... invoque la méconnaissance des dispositions de l'article L. 1121-3 du code général de la propriété des personnes publiques en l'absence de décret en Conseil d'Etat autorisant le don du tableau de son ancêtre. Toutefois, à supposer que le requérant ait entendu par ce moyen regarder la décision implicite attaquée comme tendant à l'abrogation de la décision d'acceptation du don du tableau de son ancêtre, la légalité d'une décision s'apprécie à la date à laquelle elle intervient. Ce don a eu lieu en 2009 et a fait l'objet d'une attestation de réception et d'acceptation du conservateur de la bibliothèque de l'Ecole Polytechnique en date du 10 mars 2009 sans qu'aucune réclamation ne soit à l'époque présentée. Par suite, cette acceptation ayant été légalement donnée en 2009, conformément aux dispositions de l'article L. 1121-2 du code général de la propriété des personnes publiques, il n'y avait pas lieu pour l'Ecole Polytechnique de solliciter en 2017 un décret l'autorisant à accepter ce don. Le moyen avancé doit dès lors être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par l'Ecole Polytechnique, que M. D... n'est pas fondé à se plaindre de ce que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Sa requête doit, par suite, être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de M. D... la somme de 1 500 euros à verser à l'Ecole Polytechnique en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : M. D... versera à l'Ecole Polytechnique la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... et à l'Ecole Polytechnique.
Délibéré après l'audience du 18 octobre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Beaujard, président,
Mme Dorion, présidente assesseure,
Mme Pham, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 novembre 2022.
La rapporteure,
C. A... Le président,
P. BEAUJARD
La greffière,
V. MALAGOLI
La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
2
N° 21VE00380