Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée Champagne Laurent-Perrier a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision révélée par deux courriers des 28 juin et 9 août 2018 par laquelle l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) a fixé le solde d'une aide aux investissements à la somme de 210 741,38 euros au lieu de la somme de 849 964,80 euros, et la décision implicite née du silence gardé par FranceAgriMer sur le recours gracieux du 8 octobre 2018 et, dans l'hypothèse où elle serait regardée comme une décision, la lettre d'information de paiement du solde du 4 septembre 2019 fixant le même solde de l'aide aux investissements, et d'enjoindre à cet établissement de lui verser la somme de 639 223,42 euros dans un délai d'un mois à compter de la date de notification du jugement ou, à défaut, de l'enjoindre à réexaminer la demande de paiement du solde de l'aide à l'investissement dans le même délai.
Par un jugement n° 1901462 du 15 juillet 2021, le tribunal administratif de Montreuil a, d'une part, annulé la décision du 4 septembre 2019 de l'Établissement national des produits de l'agriculture et de la mer, en tant seulement qu'elle a rejeté comme inéligibles à l'aide à l'investissement des dépenses pour un montant global de 29 100 euros et en tant qu'elle a infligé à la société Champagne Laurent-Perrier une sanction pécuniaire d'un montant de 117 856,20 euros et, d'autre part, enjoint à cet établissement de verser à la société la somme de 122 948,70 euros dans un délai de trois mois à compter de la date de sa notification et, enfin, rejeté le surplus des demandes de ladite société.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête enregistrée le 14 septembre 2021 sous le n° 21PA05112, des mémoires enregistrés le 28 octobre 2021, 21 juillet 2022 et 8 mars 2023 et un mémoire récapitulatif produit le 21 août 2023 après l'invitation prévue par l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, la société par actions simplifiée Champagne Laurent-Perrier, représentée par Me Boiton (SELAS Adalty affaires publiques), demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures résultant de son mémoire récapitulatif :
1°) de réformer le jugement n° 1901462 du 15 juillet 2021 du tribunal administratif de Montreuil en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à ses conclusions ;
2°) d'annuler la décision de de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) révélée par les deux courriers de l'agent comptable de cet établissement public des 28 juin et 9 août 2018, la décision implicite du 8 décembre 2018, née du silence gardé par FranceAgriMer sur son recours gracieux en date du 8 octobre 2018, et la décision du 4 septembre 2019 de FranceAgriMer qui confirme la décision révélée par les courriers des 28 juin et 9 août 2018 ;
3°) d'enjoindre à FranceAgriMer de lui verser la somme de 639 223, 42 euros dans un délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de l'enjoindre de réexaminer la demande de paiement du solde de l'aide à l'investissement dans le même délai ;
4°) de mettre à la charge de FranceAgriMer le versement d'une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les décisions litigieuses sont entachées de défaut et d'insuffisance de motivation en fait et en droit ;
- elles sont également entachées d'une erreur de droit quant à l'inéligibilité de certaines dépenses au seul motif que certaines factures ont été émises en dehors des délais et sur la méconnaissance des principes de non-rétroactivité des actes administratifs, de sécurité juridique et de confiance légitime ;
- elles sont illégales comme fondées sur la décision du directeur général de FranceAgriMer 2015-801 du 30 décembre 2015, dont l'illégalité doit être constatée par voie d'exception, en tant qu'elle prévoit son application au programme d'investissement en cours ;
- les dépenses rejetées comme inéligibles ne l'étaient pas au regard des critères posés par les règles communautaires applicables et des dispositions règlementaires de la décision n° FILITL/SEM/D 2013-76 du 4 décembre 2013 du directeur général de FranceAgrimer.
Par un mémoire en défense enregistré le 31 août 2022, l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer), représenté par Me Alibert (Goutal, Alibert et associés) conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis la somme de 4 000 euros à la charge de la société requérante en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- la demande de première instance est irrecevable comme dirigée contre une décision ne faisant pas grief ;
- aucun des moyens de la requête n'est fondé.
II. Par une requête enregistrée le 15 septembre 2021 sous le n° 21PA05120 et un mémoire récapitulatif produit le 29 août 2023 après l'invitation prévue par l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer), représenté par Me Alibert (Goutal, Alibert et associés), demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement n° 1901462 du 15 juillet 2021 du tribunal administratif de Montreuil en tant qu'il a d'une part, partiellement annulé sa décision du 4 septembre 2019, relativement au rejet, comme inéligibles, de certaines dépenses à l'aide à l'investissement pour un montant global de 29 100 euros et en tant qu'elle a infligé à la société par actions simplifiée Champagne Laurent-Perrier une sanction pécuniaire d'un montant de 117 856,20 euros et, d'autre part, en tant qu'il lui enjoint de verser à cette société la somme de 122 948,70 euros dans un délai de trois mois à compter de la date de sa notification ;
2°) de rejeter la demande de la société par actions simplifiée Champagne Laurent-Perrier présentée devant le tribunal administratif de Montreuil ;
3°) de mettre à la charge de la société par actions simplifiée Champagne Laurent-Perrier le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
L'établissement public soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors sa minute ne comporte pas les signatures exigées par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- il est également irrégulier en ce que son argumentation en défense n'a pas été analysée ;
- la sanction prononcée à l'encontre de la société est proportionnée.
Par un mémoire en défense enregistré 23 juin 2022, la société par actions simplifiée Champagne Laurent-Perrier, représentée par Me Boiton (SELAS Adalty affaires publiques), conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis la somme de 10 000 euros à la charge de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le règlement (CE) n° 1234/2007 portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur ;
- le règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil portant organisation commune du marché vitivinicole ;
- le règlement (CE) n° 555/2008 de la commission du 27 juin 2008 fixant les modalités d'application du règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil portant organisation commune du marché vitivinicole ;
- le code du patrimoine ;
- le code des relations entre le public et les administrations ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le décret n° 2013-172 du 25 février 2013 relatif au programme d'aide national au secteur vitivinicole pour les exercices financiers 2014 à 2018 ;
- l'arrêté du 23 janvier 1997 relatif à la limitation des bruits émis dans l'environnement par les installations classées pour la protection de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Diémert,
- les conclusions de M. Doré, rapporteur public,
- les observations de Me Gandoulphe substituant Me Boiton, avocat de la société par actions simplifiée Champagne Laurent-Perrier,
- et les observations de Me Alibert, avocat de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer).
Considérant ce qui suit :
1. La société par actions simplifiée Champagne Laurent-Perrier, qui exerce une activité dans le domaine vinicole, a déposé, le 6 janvier 2014, un dossier de demande d'aide à l'investissement destiné au financement partiel de la construction d'un bâtiment de cuverie et de stockage. Le 7 juillet 2014, elle a signé avec l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer), une convention portant sur le versement, pour cet investissement, d'une aide d'un montant maximal de 1 699 928,80 euros. Une avance d'un montant de 849 964,40 euros lui a été versée le 30 juillet 2014. La société a ensuite déposé, le 14 décembre 2016, une demande de paiement du solde de cette aide. Le 28 juin 2018, l'agence comptable de FranceAgriMer l'a informée de la mise en paiement de la somme de 210 741,28 euros au titre de l'aide à l'investissement, ce paiement faisant l'objet d'une compensation légale avec une créance par ailleurs détenue par FranceAgriMer sur la société. Par courrier du 9 août 2018, répondant à un courrier de la société du 17 juillet 2018, l'agence comptable de l'établissement public lui a apporté des précisions sur l'opération de compensation réalisée en recouvrement d'une autre créance. Par une lettre du 14 septembre 2018, la société a notamment demandé à FranceAgriMer la communication des motifs limitant l'aide à l'investissement à la somme de 210 741,38 euros. En l'absence de réponse, elle a formé un recours gracieux auprès de l'établissement public le 8 octobre 2018. Elle a ensuite demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision révélée, par les courriers des 28 juin et 9 août 2018, fixant le solde de l'aide à l'investissement à la somme de 210 741,38 euros au lieu de la somme de 849 964,80 euros, ainsi que la décision implicite née du silence gardé par FranceAgriMer sur son recours gracieux.
2. Par un jugement du 15 juillet 2021, le tribunal administratif de Montreuil a, d'une part, annulé la décision susmentionnée du 4 septembre 2019, en tant seulement qu'elle a rejeté comme inéligibles à l'aide à l'investissement des dépenses pour un montant global de 29 100 euros et en tant qu'elle a infligé à la société une sanction pécuniaire d'un montant de 117 856,20 euros et a, d'autre part, enjoint à FranceAgriMer de verser à la société par actions simplifiée Champagne Laurent-Perrier la somme de 122 948,70 euros dans un délai de trois mois à compter de la date de sa notification et a, enfin, rejeté le surplus des demandes de ladite société. La société et l'établissement public relèvent respectivement appel de ce jugement devant la Cour.
3. Les deux requêtes sont dirigées contre le même jugement. Il y a donc lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.
I. Sur la régularité du jugement attaqué :
4. D'une part, FranceAgriMer soutient que le jugement attaqué est irrégulier dès lors que sa minute ne comporte pas les signatures exigées par l'article R. 741-7 du code de justice administrative.
5. Il ressort toutefois de la minute dudit jugement qu'elle comporte effectivement la signature du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier. Le moyen manque en fait et doit donc être écarté.
6. D'autre part, FranceAgriMer soutient que le jugement attaqué est également irrégulier en ce que son argumentation en défense n'a pas été analysée.
7. Si, en vertu du deuxième alinéa de l'article R. 741-1 du code de justice administrative, la décision contient, notamment, " l'analyse des conclusions et mémoires ", le juge n'est pas tenu de reproduire, dans l'analyse à laquelle il procède, l'intégralité des arguments des parties. Par suite, l'établissement public ne peut sérieusement soutenir que la mention selon laquelle " les moyens que [la requête] comporte ne sont pas fondés " serait insuffisante au regard des exigences des dispositions règlementaires applicables.
II. Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
A. En ce qui concerne le cadre juridique du litige :
8. D'une part, aux termes de l'article 103 duovicies (" Investissements ") du règlement (CE) n° 1234/2007 portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur (règlement " OCM unique ") : " 1. Un soutien peut être accordé pour des investissements matériels ou immatériels dans les installations de transformation, l'infrastructure de vinification, la commercialisation du vin qui améliorent les performances globales de l'entreprise et concernent un ou plusieurs des points suivants : / a) la production et la commercialisation des produits (...) ; / b) l'élaboration de nouveaux produits processus des technologies liées aux produits (...) ". Aux termes de l'article 17 (" Mesures admissibles ") du règlement (CE) n° 555/2008 de la commission du 27 juin 2008 fixant les modalités d'application du règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil portant organisation commune du marché vitivinicole, en ce qui concerne les programmes d'aide, les échanges avec les pays tiers, le potentiel de production et les contrôles dans le secteur vitivinicole : " Les investissements bénéficiant d'un soutien respectent les normes communautaires applicables à l'investissement concerné. / Sont admissibles les dépenses relatives : / - à la construction, à l'acquisition, y compris par voie de crédit-bail, et à la rénovation de biens immeubles ; / - à l'achat ou à la location-vente de matériels et d'équipements neufs, y compris les logiciels, jusqu'à concurrence de la valeur marchande du bien. Les autres coûts liés aux contrats de location-vente, tels que la marge du bailleur, les coûts de refinancement d'intérêts, les frais généraux et les frais d'assurance, sont exclus des dépenses admissibles ; / - aux frais généraux liés aux dépenses visées aux points a) et b), à savoir notamment les honoraires d'architectes et rémunérations d'ingénieurs et de consultants, ainsi que les coûts liés aux études de faisabilité, à l'acquisition de brevets et à l'obtention de licences. ".
9. D'autre part, aux termes de l'article L. 621-3 du code rural et de la pêche maritime : " Les missions de l'établissement mentionné à l'article L. 621-1 sont les suivantes : / (...) / 4° Mettre en œuvre les mesures communautaires afférentes à ses missions ; (...) ". L'article D. 621-27 du même code dispose que : " (...) Pour l'exécution des missions d'organisme payeur, le directeur général prend, si nécessaire, les décisions visant à préciser les conditions de gestion et d'attribution des aides instaurées par les règlements européens (...). ". Aux termes de l'article 1er du décret n° 2013-172 du 25 février 2013 relatif au programme d'aide national au secteur vitivinicole pour les exercices financiers 2014 à 2018 : " Le programme d'aide national au secteur vitivinicole mentionné à l'article 103 decies du règlement (CE) n° 1234/2007 du Conseil du 22 octobre 2007 susvisé et rendu applicable dans les conditions prévues à l'article 103 duodecies de ce règlement et à l'article 2 du règlement (CE) n° 555/2008 de la Commission du 27 juin 2008 susvisé pour les exercices financiers 2014 à 2018 est mis en œuvre par l'Établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer). À ce titre, sous réserve de l'article 2, le directeur général de l'établissement détermine notamment, après avis du conseil spécialisé intéressé : / 1° Les modalités de demande des aides, les conditions d'éligibilité aux aides, la procédure et les critères de sélection des demandes, le montant des aides attribuables et leurs modalités de paiement ; / 2° Le cas échéant, le taux de réduction applicable aux aides, en fonction du taux de dépassement des crédits communautaires disponibles ; / 3° Les réductions du montant des aides applicables en cas de non-respect du régime d'aide concerné. ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " Pour l'aide à la promotion et l'aide à l'investissement, peuvent seules relever du programme mentionné à l'article 1er les demandes déposées à compter du 16 octobre 2013. / Pour l'aide à la restructuration du vignoble au titre des campagnes 2013-2014 et suivantes, peuvent seules relever du programme mentionné à l'article 1er les demandes déposées à compter du 16 octobre 2013. / Pour l'aide à la distillation des sous-produits, peuvent seules relever du programme mentionné à l'article 1er les demandes déposées au titre des campagnes viticoles 2014-2015 et suivantes. ".
B. En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :
10. FranceAgrimer soutient de nouveau en appel que la demande présentée par la société Champagne Laurent-Perrier devant le tribunal administratif de Montreuil était prématurée, dès ce que le courrier de son comptable du 28 juin 2018 ne révèle aucune décision sur la demande de paiement du solde de l'aide à l'investissement du 14 décembre 2016. Elle en infère que, la juridiction administrative ne pouvant pas, en vertu de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, être saisie d'un recours dirigé contre une décision qui n'existait pas, la demande de première instance était irrecevable.
11. Il ressort de la lettre du 28 juin 2018 de l'agence comptable de FranceAgriMer que la société Champagne Laurent-Perrier a été informée de la mise-en-paiement de la somme de 210 741,38 euros relative à un dossier d'aide aux investissements et que ce paiement s'effectuerait par compensation légale avec une créance en matière d'aide à la promotion que l'établissement public détenait par ailleurs sur cette société. Il en résulte que l'établissement public, en cette occasion, doit être regardé comme ayant nécessairement pris une décision au vu de laquelle l'agent comptable a mis en paiement cette somme, quelles que soient par ailleurs les modalités d'extinction de la dette. FranceAgriMer a ensuite fixé, le 4 septembre 2019, le montant définitif de l'aide à l'investissement au montant de 1 060 705,78 euros correspondant précisément à la somme du montant du solde de l'aide de 210 741,38 euros mis en paiement le 28 juin 2018 et du montant de l'avance déjà perçue de 849 964,40 euros. Dès lors, l'établissement public ne saurait utilement contester l'existence d'une décision révélée le 28 juin 2018 en arguant, d'une part, que le dossier présenterait des difficultés particulières requérant une instruction au long cours, alors que la demande de paiement datait du 14 décembre 2016 et qu'elle aurait normalement dû être examinée dans le délai de douze mois suivant son dépôt en vertu des termes mêmes de l'article 5.8.4. de la décision de son directeur général du 4 décembre 2013 ni, d'autre part, que la société avait reçu communication, le 21 juin 2017, du rapport de contrôle de sa demande de paiement procédant à un ajustement du solde de l'aide à l'investissement, alors que cette communication précède d'environ une année la révélation de la décision en cause.
12. Il s'ensuit que la demande de première instance était dirigée contre une décision faisant grief et est, par suite, recevable.
C. En ce qui concerne la motivation de la décision litigieuse :
13. Dès lors que la décision expresse du 4 septembre 2019 s'est substituée aux décisions des 28 juin et 9 août 2018 par lesquelles FranceAgriMer a fixé le montant de l'aide à l'investissement versée à la société requérante et opéré une compensation avec une dette, qui peuvent être regardées comme ayant implicitement rejeté le surplus de la demande d'aide de la société Laurent Perrier, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de ces deux dernières décisions est en tout état de cause inopérant.
14. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / À cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) 2° Infligent une sanction ; (...) 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".
15. Il incombe à toute personne morale de droit public, telle notamment que les établissements publics nationaux comme FranceAgriMer, d'accomplir ses missions dans le respect des règles de droit qui lui sont applicables. Les dispositions législatives précitées du code des relations entre le public et les administrations sont en réalité issues de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs, entrée en vigueur le 11 janvier 1980. Conformément à une jurisprudence depuis lors bien établie, la motivation qu'elles imposent, qui doit permettre au destinataire de la décision d'en comprendre la portée à la simple lecture, doit en être immédiatement contemporaine et ne peut en aucun cas résulter de courriers ou documents adressés antérieurement ou postérieurement à son destinataire. Dès lors, l'établissement public ne peut sérieusement prétendre s'exonérer du respect de ces dispositions législatives en alléguant que la société aurait suffisamment connu les éléments du dossier.
- S'agissant de la motivation en droit :
16. S'il ressort des termes de la décision litigieuse qu'elle mentionne le règlement (UE) 1308/2013 qui porte sur l'organisation commune des marchés des produits agricoles, ainsi que la décision du directeur général de FranceAgriMer FILITL/SEM/D 2013-76 du 4 décembre 2013, ces deux textes n'y sont cités, respectivement, que dans le titre du courrier et dans le paragraphe introductif relatif au dossier de demande d'aide, sans qu'aucune disposition spécifique n'en soit ni précisée ni reproduite, et alors qu'aucun lien n'est opéré entre ces textes, les sommes énumérées dans la décision et le refus de verser le solde demandé. Dès lors, la décision litigieuse ne peut être regardée comme indiquant de manière suffisamment précise les dispositions pertinentes de ces textes sensés la fonder, en lien avec les constats factuels exposés par ailleurs et, par suite, comme répondant à l'exigence de motivation en droit découlant des dispositions législatives citées au point 14.
- S'agissant de la motivation en fait :
17. Il ressort de la décision litigieuse que, si elle comporte en annexe un tableau détaillant les factures présentées par la société demanderesse, certaines dépenses sont exclues avec la seule précision qu'il s'agit de " dépense inéligibles ". Une telle motivation ne répond pas davantage à l'exigence de motivation en fait découlant des mêmes dispositions législatives précitées.
18. Il résulte de ce qui précède que la décision litigieuse doit être annulée. Toutefois, lorsque le juge de l'excès de pouvoir annule une décision administrative alors que plusieurs moyens sont de nature à justifier l'annulation, il lui revient, en principe, de choisir de fonder l'annulation sur le moyen qui lui paraît le mieux à même de régler le litige, au vu de l'ensemble des circonstances de l'affaire. Mais, lorsque le requérant choisit de présenter, outre des conclusions à fin d'annulation, des conclusions à fin d'injonction tendant à ce que le juge enjoigne à l'autorité administrative de prendre une décision dans un sens déterminé, il incombe au juge de l'excès de pouvoir d'examiner prioritairement les moyens qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de l'injonction demandée.
D. En ce qui concerne l'inéligibilité de certaines dépenses, tirée de la présentation tardive des factures afférentes :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens articulés à cet égard :
19. FranceAgriMer a rejeté les dépenses relatives aux tranches " Maîtrise des températures ", " cuverie, électricité, tuyauterie et passerelles " et " Études et ingénierie " au motif que des factures produites à l'appui de la demande de paiement du solde avaient été émises au-delà du délai prévu par la convention, soit la date limite de réalisation des travaux, fixée au 7 juillet 2016. La société requérante soutient que cette condition a été unilatéralement ajoutée par FranceAgriMer postérieurement à la conclusion de la convention de subventionnement du 7 juillet 2014.
20. Une décision qui a pour objet l'attribution d'une subvention constitue un acte unilatéral qui crée des droits au profit de son bénéficiaire. Toutefois, de tels droits ne sont ainsi créés que dans la mesure où le bénéficiaire de la subvention respecte les conditions mises à son octroi, que ces conditions découlent des normes qui la régissent, qu'elles aient été fixées par la personne publique dans sa décision d'octroi, qu'elles aient fait l'objet d'une convention signée avec le bénéficiaire, ou encore qu'elles découlent implicitement mais nécessairement de l'objet même de la subvention.
21. D'une part, la décision du directeur général de FranceAgriMer n° FILITL/SEM/D 2013-76 du 4 décembre 2013 prévoyait expressément dans sa rédaction initiale, en son article 5.6, que : " À la date limite de réalisation des travaux, la totalité des factures doivent être émises. ". La convention du 7 juillet 2014 conclue entre FranceAgriMer et la société Champagne Laurent-Perrier stipulait, en son article 4, que : " (...) Les travaux prévus doivent être réalisés dans les deux années suivant la date de signature de la présente convention, éventuellement prorogeables d'une année sur demande justifiée du porteur du projet. (...) À la date limite de réalisation des travaux, la totalité des factures doivent être émises. Elles doivent être acquittées au plus tard 2 mois après la date limite de réalisation des travaux. La demande de paiement de l'aide assortie des justificatifs précisés à l'article 7 de la présente convention doit être présentée au plus tard six mois après la date limite de réalisation des travaux. (...) En cas de non-respect des délais susvisés, des réductions sont appliquées sur le montant de l'aide, comme prévu à l'article 9 de la décision du Directeur Général de FranceAgriMer FITITL/SEM/D 2013-76 du 4 décembre 2013 modifiée. ".
22. D'autre part, la décision du directeur général de FranceAgriMer n° INTV-GPASV-2015-80 du 30 décembre 2015 a inséré dans l'article 5.6. précité de la décision du 4 décembre 2013, après la phrase " À la date limite de réalisation des travaux, la totalité des factures doivent être émises ", les dispositions suivantes : " L'émission des factures (c'est-à-dire la date de facturation) au-delà du délai de réalisation des travaux rend la tranche fonctionnelle inéligible sauf si les dépenses correspondantes hors délai représentent moins de 5% de la tranche en question (...) " ; en vertu de l'article 13 de cette même décision, ses dispositions entrent en vigueur à compter de sa date de publication et s'appliquent aux programmes des exercices financiers 2014-2018, et notamment aux dossiers pour lesquels le versement du solde n'a pas été effectué à la date du 1er juillet 2015.
23. Les dispositions de la décision du 30 décembre 2015 citées au point précédent ont eu pour effet de modifier le régime de sanction précédemment applicable, en vertu duquel le retard dans la présentation des factures n'emportait l'inéligibilité que des seules dépenses y afférentes, en étendant cette inéligibilité à l'ensemble de factures de la même tranche fonctionnelle. Elles doivent, par suite, être regardées comme édictant une condition supplémentaire à l'octroi de l'aide, postérieurement à celles fixées dans la décision y relative de la personne publique, en méconnaissance du principe rappelé au point 20. Il s'ensuit que la décision litigieuse est illégale en tant qu'elle a écarté comme inéligible les dépenses correspondant aux tranches fonctionnelles " maîtrise des températures ", " cuverie, électricité, tuyauterie et passerelles " et " études et ingénierie ".
E. En ce qui concerne l'inéligibilité substantielle de certaines dépenses :
24. La société par actions simplifiée Champagne Laurent-Perrier conteste le rejet comme inéligibles des dépenses relatives à l'archéologie (fouilles archéologiques et redevance archéologique), à la tuyauterie eau et forage, à la coordination des travaux sécurité et protection de la santé, au contrôle technique, au diagnostic amiante et plomb. FranceAgriMer conteste l'annulation par les premiers juges de la décision querellée, en tant qu'elle rejette comme inéligibles les dépenses relatives, d'une part, aux études de bruits et, d'autre part, à l'évaluation du niveau de la nappe phréatique et à la faisabilité d'un forage.
25. Ainsi qu'il a été dit au point 8, l'article 17 du règlement (CE) n° 555/2008 de la Commission du 27 juin 2008 fixant les modalités d'application du règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil portant organisation commune du marché vitivinicole, en ce qui concerne les programmes d'aide, les échanges avec les pays tiers, le potentiel de production et les contrôles dans le secteur vitivinicole prévoit que sont notamment éligibles les dépenses relatives : " a) à la construction, à l'acquisition, y compris par voie de crédit-bail, et à la rénovation de biens immeubles ; " et " c) aux frais généraux liés aux dépenses visées aux points a) (...) à savoir notamment les honoraires d'architectes et rémunérations d'ingénieurs et de consultants, ainsi que les coûts liés aux études de faisabilité, à l'acquisition de brevets et à l'obtention de licences. ".
26. L'article 2 (" Critères d'éligibilité ") de la décision n° FILITL/SEM/D 2013-76 du 4 décembre 2013 du directeur général de FranceAgriMer dispose que : " (...) 2.2. Conditions liées au projet d'investissement / 2.2.1. Investissements éligibles / Les types d'investissements éligibles sont les suivants : / - construction et rénovation de biens immeubles ; / - achat de matériels et d'équipements neufs, y compris les logiciels ; / - frais immatériels liés aux actions mentionnées ci-dessus ; / - investissements liés à l'élaboration de nouveaux produits, processus et technologies. / a) Construction de biens immeubles / / La construction d'un bâtiment neuf et l'extension d'un bâtiment existant sont éligibles lorsque leur destination est la production. La réception des vendanges, la transformation, le conditionnement et le stockage, y compris le stockage de produits finis conditionnés, sont ainsi concernés. / (...) / 2.2.2 Investissements inéligibles. / Les investissements n'entrant pas dans les catégories précédentes sont inéligibles et notamment à titre d'exemple (liste non exhaustive) : / (...) / - L'acquisition de terrains et de biens immeubles ; / (...) / - Les frais immatériels non liés avec le projet d'investissement ; / (...) / - La voirie et les réseaux divers (VRD) à l'extérieur du bâtiment et les réseaux à l'intérieur du bâtiment lorsqu'ils ne sont pas clairement identifiables sur les devis et factures ; / (...) / - La démolition et la dépose de l'existant ; (...). ". L'annexe 1 de la décision mentionne des " exemples d'investissements éligibles ", et notamment ceux " directement lié à un investissement physique nécessaires à sa préparation ou à sa réalisation ".
- S'agissant des dépenses relatives à l'archéologie (fouilles archéologiques et redevance archéologique) :
27. La société requérante soutient que les dépenses, pour un montant de 115 471 euros, relatives à des fouilles archéologiques que l'Institut national de recherches archéologiques préventives a effectuées et celles pour un montant de 30 895 euros relatives à la redevance archéologique sont éligibles à l'aide à l'investissement, dès lors qu'elles relèvent d'une obligation de réaliser des opérations de fouilles d'archéologie préventive qui, selon l'article L. 523-8 du code du patrimoine, incombe à la personne projetant d'exécuter les travaux ayant donné lieu à la prescription. La décision attaquée indique que les premières dépenses ne sont pas nécessaires à la construction du bâtiment et que les secondes correspondent à des impôts qui ne sont pas, par nature, éligibles.
28. D'une part, il ne ressort ni des dispositions du règlement (CE) n° 555/2008 de la Commission du 27 juin 2008 ni de celles de la décision du directeur général de FranceAgriMer du 4 décembre 2013 que le caractère obligatoire des frais engagés en vue de la construction d'un bien immobilier fasse obstacle à leur éligibilité.
29. D'autre part, si les dépenses en cause, imposées par le code du patrimoine, n'étaient pas techniquement nécessaires à la construction du bâtiment, elles n'ont été néanmoins exposées qu'en vue de la réalisation de celui-ci, sans concourir par elles-mêmes à l'augmentation de la valeur du patrimoine de la société qui les expose.
30. Dès lors, la société requérante est fondée à soutenir que ces dépenses présentent un caractère éligible et que la décision litigieuse est illégale en ce qu'elle a rejeté sa demande sur ce point.
- S'agissant des dépenses relatives à la tuyauterie et au forage :
31. La société requérante soutient que les dépenses pour un montant de 69 529 euros hors taxes relatives à " la tuyauterie eau et forage " de la construction du bien immobilier sont éligibles à l'aide à l'investissement. Si la décision attaquée se borne à indiquer que ces dépenses ne sont pas éligibles, FranceAgriMer fait valoir d'une part, qu'il s'agit de travaux sur les réseaux extérieurs reliant le bâtiment aux forages réalisés en sous-sol dont l'éligibilité est explicitement écartée par l'annexe I de la décision du 4 décembre 2013, d'autre part, que ces travaux concernent l'alimentation en eau et non le transport des produits de l'activité de la société.
32. L'article 2 de la décision du 4 décembre 2013 exclut l'éligibilité des dépenses afférentes à " la voirie et les réseaux divers (VRD) à l'extérieur du bâtiment " ; selon son annexe I, sont éligibles à l'aide les travaux de " plomberie " afférents aux " Bâtiments/Construction " à l'exception de la voirie et réseaux extérieurs, ainsi que les travaux de " tuyauterie " et de " réseaux divers (oxygène, azote, eau, SO2, ...) " afférents à la " Vinification/Transferts et divers ".
33. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment des mentions des factures mentionnées au point 31 que les travaux en cause seraient liés, non aux eaux de forage sous le sol de l'emprise du bâtiment de cuverie et de stockage, mais à " des " petits " travaux directement liés au fonctionnement du bâtiment de cuverie et de stockage ", ainsi que le soutient la société requérante dans son mémoire récapitulatif.
34. Toutefois, les dispositions, citées au point 26, de l'article 2 de la décision du 4 décembre 2013 n'excluent le caractère éligible des " réseaux à l'intérieur du bâtiment " que " lorsqu'ils ne sont pas clairement identifiables sur les devis et factures ". Or, les factures produites en l'espèce identifient clairement les travaux de tuyauteries et soudures " pour eaux et forage Dn 100 au départ d'une vanne sur le site de " Laurent Perrier " à Tours Sur Marne " (facture n°1505620), " pour tuyauterie Dn 110 cuverie 6 sur le site de " Laurent Perrier " à Tour Sur Marne " (facture n° 1505813), " pour eau de forage DN 100 sur le site " Laurent Perrier " à Tours Sur Marne " (facture 15065812) et pour " alimentation tuyauterie eaux Dn 100 sur site de " Laurent Perrier " à tours Sur Marne " (facture n° 1606080). " Il s'ensuit que c'est à tort que les dépenses afférentes ont été regardés comme non éligibles.
35. Dès lors, la société requérante est fondée à soutenir que ces dépenses présentent un caractère éligible et que la décision litigieuse est illégale en ce qu'elle a rejeté sa demande sur ce point.
- S'agissant des dépenses relatives à la coordination des travaux sécurité et protection de la santé et au contrôle technique :
36. La société requérante soutient que les dépenses relatives à la mission sécurité et protection de la santé (" SPS ") de coordination des travaux, engagées pour un montant de 1 200 euros et, d'autre part, à une mission de contrôle technique des travaux de construction de la cuverie pour un montant total de 70 362 euros sont éligibles à l'aide à l'investissement. Si la décision attaquée se borne à indiquer que ces dépenses ne sont pas éligibles, FranceAgriMer fait valoir, d'une part, qu'il s'agit de dépenses relatives à des opérations classiques de contrôle qui ne sont pas directement en lien avec les objectifs du fonds européen en matière d'investissement vitivinicoles et, d'autre part, que ces dépenses de mise aux normes sont exclues par la décision du 4 décembre 2013.
37. Il ressort de la facture de la société Apave du 31 juillet 2014 et du contrat sous-jacent signé le 17 avril 2014 que cette dépense est liée à la phase de conception/préparation des " travaux d'aménagement de bureaux Phase 3 ". FranceAgriMer ne conteste d'ailleurs pas le lien direct entre cette dépense de coordination sécurité protection de la santé portant sur des travaux d'aménagement de bureaux et la construction du bâtiment de cuverie et de stockage.
38. La seule circonstance qu'une dépense n'est pas expressément mentionnée par la décision n° FILITL/SEM/D 2013-76 du 4 décembre 2013 du directeur général de FranceAgrimer n'est pas de nature à la faire regarder comme inéligible, alors même, d'une part, que son article 2 mentionne un certain nombre d'investissements " à titre d'exemple " et présente la liste qu'il dresse à cet effet comme " non exhaustive " et que, d'autre part, cette dépense peut en tout état de cause relever des " frais généraux " prévus à l'article 17 de l'article 17 du règlement (CE) n° 555/2008 du 27 juin 2008 et des " frais immatériels " mentionnés au 2.2. de l'article 2 de la décision du 4 décembre 2013.
39. Dès lors, la société requérante est fondée à soutenir que ces dépenses présentent un caractère éligible et que la décision litigieuse est illégale en ce qu'elle a rejeté sa demande sur ce point.
- S'agissant des dépenses relatives au diagnostic amiante et plomb :
40. La société requérante soutient que les dépenses relatives aux diagnostics amiante et plomb engagées pour un montant de 11 180 euros sont éligibles à l'aide à l'investissement. Si la décision attaquée se borne à mentionner que ces dépenses de mise aux normes ne sont pas éligibles, FranceAgriMer fait valoir qu'elles sont inéligibles en application du point 2.2.2 de la décision du directeur général de FranceAgriMer du 4 décembre 2013, en ce qu'elles concernent la présence d'amiante sur le bâtiment préexistant au projet qui a été démoli et correspondent ainsi à des dépenses de démolition et de dépose de l'existant, qui sont inéligibles selon ces mêmes dispositions.
41. Il ressort de la facture de la société Apave du 31 juillet 2014 et du contrat signé le 18 avril 2014 que ces dépenses concernent des bâtiments existants notamment à usage d'habitation avant travaux immobiliers et démolition. Elles relèvent ainsi des dépenses afférentes à " la démolition et la dépose de l'existant " dont le caractère éligible est expressément exclu par les dispositions du point 2.2.2. de l'article 2 de la décision du directeur général de FranceAgriMer du 4 décembre 2013.
42. La société requérante n'est donc pas fondée à soutenir que ces dépenses présentent un caractère éligible et que la décision litigieuse serait illégale en ce qu'elle a rejeté sa demande sur ce point.
- S'agissant des dépenses relatives aux études de bruits :
43. Les premiers juges ont admis l'éligibilité de dépenses, pour un montant de 3 500 euros hors taxes, relatives aux études de bruits nécessaires à la réalisation du projet d'investissement, dès lors que, les mesures acoustiques dont s'agit répondant à une obligation réglementaire prévue par l'arrêté ministériel du 23 janvier 1997 relatif à la limitation des bruits émis dans l'environnement par les installations classées pour la protection de l'environnement, ces dépenses constituent des études préalables ou des frais d'expertise technique au sens de l'annexe 1 à la décision du 4 décembre 2013 et sont directement liées à un investissement physique et nécessaires à la préparation ou à la réalisation de l'investissement dans la mesure où ces études de bruits doivent être préalablement menées en vue précisément de la construction du bâtiment de cuverie et de stockage qui fait l'objet de la convention du 7 juillet 2014.
44. Dès lors que, comme l'a jugé à bon droit le tribunal administratif, ces dépenses doivent être regardées comme relevant des " frais directement liés à un investissement physique et nécessaires à sa réalisation " au sens de l'annexe I de la décision du 4 décembre 2013, FranceAgriMer, qui n'apporte devant la Cour aucun argument ou élément de nature à permettre à la Cour d'infirmer l'appréciation portée sur ce point par les premiers juges, n'est dès lors pas fondé à contester le jugement attaqué en tant qu'il a admis l'éligibilité des dépenses dont s'agit.
- S'agissant des dépenses relatives à l'évaluation du niveau de la nappe phréatique et à la faisabilité d'un forage :
45. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il ressort des factures de la société Fondasol, des 30 janvier, 27 juin, 31 juillet, 14 août, 23 octobre et 7 novembre 2014, d'une part, que ces études s'inscrivent dans le projet de construction d'une cuverie, qu'elles ont pour objet de réaliser in situ des sondages pénétromètres et des essais pressiométriques pour mesurer notamment la résistance du sol et sa perméabilité, ainsi que la pose d'un piézomètre pour connaître le niveau d'eau dans le sol et effectuer, le cas échéant, des pompages, qu'elles ont conduit à des tests de perméabilité, à un diagnostic hydro-géotechnique et à la rédaction d'un rapport de mission, et, d'autre part, que les prestations fournies à l'aide à l'investissement ont été réalisées directement en vue de la construction du bâtiment de cuverie et stockage et qu'elles constituent ainsi des études préalables, des analyses de sols et des expertises techniques, lesquelles sont éligibles comme susceptibles d'avoir des conséquences sur le projet immobilier au sens de l'annexe I de la décision du 4 décembre 2013.
46. FranceAgriMer, qui n'apporte devant la Cour aucun argument ou élément de nature à permettre à la Cour d'infirmer l'appréciation portée sur ce point par les premiers juges, n'est dès lors pas fondé à contester le jugement attaqué en tant qu'il a admis l'éligibilité des dépenses dont s'agit.
F. En ce qui concerne le prononcé d'une sanction :
47. FranceAgriMer soutient que c'est à tort que les premiers juges ont annulé la décision litigieuse du 4 septembre 2019 en tant qu'elle a infligé à la société Champagne Laurent-Perrier une sanction pécuniaire d'un montant de 117 856,20 euros, dès lors que ladite sanction n'a pas méconnu le principe de proportionnalité.
48. Aux termes de l'article 98 du règlement (CE) n° 555/2008 du 27 juin 2008 fixant les modalités d'application du règlement (CE) n° 479/2008 du Conseil portant organisation commune du marché vitivinicole, susvisé : " Sans préjudice des sanctions décrites dans le règlement (CE) n° 479/2008 ou dans le présent règlement, les États membres prévoient l'application de sanctions, au niveau national, pour les irrégularités commises à l'égard des exigences énoncées dans le règlement (CE) n° 479/2008 et dans le présent règlement, qui soient effectives, proportionnées et dissuasives de manière à assurer une protection adéquate des intérêts financiers des Communautés. ". Aux termes de l'article 9.1 de la décision du directeur général de FranceAgriMer n° FILITL/SEM/D 2013-76 du 4 décembre 2013 : " (...) - Lorsque les dépenses réalisées, éligibles après contrôle, sont inférieures à 70 % des dépenses retenues et supérieures ou égales à 60 %, l'aide due est calculée sur la base des dépenses réalisées éligibles après contrôle et est minorée de 10 %, que ce contrôle soit réalisé avant ou après paiement. (...) ". Aux termes, enfin, de l'article 10 de la même décision : " En cas de circonstances exceptionnelles indépendantes de la volonté du bénéficiaire de type catastrophe sanitaire, naturelle ou calamité agricole faisant l'objet d'un arrêté préfectoral, il est dérogé aux sanctions présentées aux points 9.1, 9.2 et 9.4. ".
49. En application des dispositions précitées de l'article 98 du règlement (CE) n° 555/2008 du 27 juin 2008, l'article 9.1 précité de la décision du directeur général de FranceAgriMer du 4 décembre 2013 prévoit ainsi des sanctions déterminées selon une règle strictement arithmétique en dehors de circonstances exceptionnelles, exclusivement liée à la proportion du montant de l'aide dont le contrôle a révélé l'inéligibilité par rapport au montant de l'aide sollicitée, sans que ne soit prise en considération la nature et la gravité des irrégularités qui ont été commises. Ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif, et alors qu'il n'est pas sérieusement contesté qu'en l'espèce le montant de la sanction contestée a été déterminé sur la seule base arithmétique prévue à l'article 9-1 précité, sans tenir compte de la nature et de la gravité des irrégularités qui ont été commises, ces dispositions réglementaires méconnaissent le principe de proportionnalité posé par l'article 98 du règlement (CE) n° 555/2008 de la Commission du 27 juin 2008 et ne peuvent donc légalement fonder la sanction appliquée. Il s'ensuit que, la sanction infligée à la société Champagne Laurent-Perrier étant illégale, FranceAgriMer n'est pas fondé à contester le jugement attaqué en tant qu'il en a prononcé l'annulation.
50. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que les conclusions d'appel de FranceAgrimer doivent être rejetées et que, d'autre part, la société par actions simplifiée Champagne Laurent-Perrier est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le tribunal administratif a partiellement rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du directeur général de FranceAgrimer du 4 septembre 2019. Il y a donc lieu de réformer ce jugement, en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande d'annulation de ladite décision relativement au rejet des dépenses, qu'il a regardées comme inéligibles, correspondant aux tranches fonctionnelles " maîtrise des températures ", " cuverie, électricité, tuyauterie et passerelles " et " études et ingénierie ", des dépenses relatives aux fouilles archéologiques et à la redevance archéologique (115 471 euros), à la tuyauterie et au forage (69 529 euros), à la mission sécurité et protection de la santé (" SPS ") et de coordination des travaux (1 200 euros), au contrôle technique des travaux (70 362 euros), et aux études de bruit (3 500 euros). Il y a également lieu d'annuler cette même décision du 4 septembre 2019 qui, comme il a déjà été dit, s'est substituée tant à la décision révélée par les deux courriers de l'agent comptable de FranceAgrimer des 28 juin et 9 août 2018 qu'à la décision implicite du 8 décembre 2018, née du silence gardé sur le recours gracieux en date du 8 octobre 2018.
III. Sur les conclusions à fin d'injonction :
51. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. (...) ".
52. La société requérante demande à ce qu'il soit enjoint à FranceAgriMer de lui verser la somme de 639 223, 42 euros dans un délai d'un mois à compter de la date de notification du présent jugement.
53. En tout état de cause, il y a lieu de déduire de la somme mentionnée au point précédent celle de 122 948,70 euros, qui a fait l'objet de l'injonction prononcée à l'encontre de FranceAgriMer par l'article 2 du jugement attaqué lequel, devient définitif à raison du rejet, par le présent arrêt, comme il a été dit au point 50, des conclusions d'appel de FranceAgriMer.
54. Pour le surplus, il résulte des points 27 à 30 (fouilles archéologiques et à la redevance archéologique : 115 471 euros), des points 31 à 35 (dépenses relatives à la tuyauterie et au forage : 69 529 euros), des points 36 à 39 (dépenses relatives à la mission sécurité et protection de la santé et de coordination des travaux : 1 200 euros, et relatives au contrôle technique des travaux : 70 362 euros), et des points 43 et 44 (études de bruit : 3 500 euros), que la société requérante est seulement fondée à demander que soient regardées comme éligibles les dépenses susmentionnées, pour un montant global de 260 062 euros, montant auquel, ainsi qu'il résulte du point 23, s'ajoutera la somme, qu'il appartiendra à FranceAgriMer de déterminer, correspondant aux tranches fonctionnelles " maîtrise des températures ", " cuverie, électricité, tuyauterie et passerelles " et " études et ingénierie ".
55. Il y a donc lieu d'enjoindre à FranceAgrimer de verser à la société par actions simplifiée Champagne Laurent-Perrier la somme de 260 062 euros, à laquelle s'ajoutera, ainsi qu'il vient d'être dit, la somme correspondant aux tranches fonctionnelles " maîtrise des températures ", " cuverie, électricité, tuyauterie et passerelles " et " études et ingénierie ", dans un délai de trois mois à compter de la date de la notification du présent arrêt.
IV. Sur les frais du litige :
56. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que FranceAgriMer, qui succombe dans la présente instance, en puisse invoquer le bénéfice. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à sa charge le versement à la société par actions simplifiée Champagne Laurent-Perrier d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La décision du 4 septembre 2019 du directeur général de l'Établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) est annulée.
Article 2 : Le jugement n° 1901462 du 15 juillet 2021 du tribunal administratif de Montreuil est réformé dans les limites mentionnées au point 50 du présent arrêt.
Article 3 : Il est enjoint à l'Établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) de verser à la société par actions simplifiée Champagne Laurent-Perrier une somme de 260 062 euros, à laquelle s'ajoutera la somme correspondant aux tranches fonctionnelles " maîtrise des températures ", " cuverie, électricité, tuyauterie et passerelles " et " études et ingénierie ", dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) versera à la société par actions simplifiée Champagne Laurent-Perrier une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la société par actions simplifiée Champagne Laurent-Perrier et l'ensemble de celles de l'Établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) sont rejetés.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Champagne Laurent-Perrier et à l'Établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer).
Copie en sera adressée au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.
Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- Mme Jasmin-Sverdlin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 décembre 2023.
Le rapporteur,
S. DIÉMERTLe président,
J. LAPOUZADE
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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Nos 21PA05112, 21PA05120