Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... A... D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 15 octobre 2020 par laquelle la directrice de l'institut d'enseignement à distance (IED) de l'université Paris 8 a refusé sa candidature en deuxième année de master mention " Psychologie " parcours " Psychologie du développement : éducation, troubles et problématiques actuelles " au titre de l'année universitaire 2020/2021 ainsi que la décision révélée par l'avis du 6 janvier 2021 rendu par la commission d'admission de ce master.
Par un jugement n° 2012890 du 18 mai 2021, le tribunal administratif de Montreuil a, notamment, annulé les décisions précitées et enjoint à l'université Paris 8 de procéder au réexamen de la candidature de Mme A... D... dans le délai d'un mois.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 9 juillet 2021, l'Université Paris 8, représentée par Me Moreau, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... D... devant le tribunal administratif de Montreuil ;
3°) de mettre à la charge de Mme A... D... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'article L. 612-6-1 du code de l'éducation ne prévoit pas que, s'agissant d'une même formation, l'inscription des étudiants qui changent d'établissement entre la première et la deuxième année du master soit " de droit " ;
- il est nécessaire pour les universités, notamment au regard de la préservation de la qualité de leurs formations, de pouvoir opposer aux étudiants qui souhaitent changer d'université entre les deux années d'une formation de deuxième cycle les capacités d'accueil de cette formation ;
- dès lors que Mme A... D... a souhaité réaliser une deuxième année de master dans une autre université, elle était fondée, outre la vérification des prérequis prévue à l'article D. 612-36-4 du code de l'éducation, à lui opposer une sélection basée sur les capacités d'accueil fixées par elle pour le master choisi par l'intéressée ;
- Mme A... D... n'avait droit à une inscription sans sélection pour sa deuxième année de master qu'au sein de son université d'origine, qui dispense d'ailleurs une formation de master 2 en psychologie du développement ;
- les capacités d'accueil du master 2 demandé par Mme A... D..., votées par son conseil d'administration et régulièrement publiées sur son site, étaient atteintes à la date de sa candidature ;
- s'agissant des autres moyens soulevés par Mme A... D... devant le tribunal, elle s'en rapporte à ses moyens de défense de première instance.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mai 2022, Mme A... D..., représentée par Me Verdier, demande à la Cour de rejeter la requête et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- son admission au master 2 mention " psychologie " parcours " Psychologie du développement " de l'université Paris 8, qui ne figurait pas sur la liste des mentions sélectives du décret du 22 juillet 2020 modifiant le décret du 25 mai 2016 relatif au diplôme national de master, était soumise à la seule procédure de vérification des unités d'enseignement déjà acquises dans son établissement d'origine, en vertu du deuxième alinéa de l'article D. 612-36-4 du code de l'éducation ;
- le fait d'imposer, par principe, une procédure de sélection fondée notamment sur une fixation des capacités d'accueil à un étudiant titulaire d'un master 1 souhaitant poursuivre sa formation dans une autre université que celle dans laquelle il l'a validé ne résulte d'aucun texte ;
- l'interprétation faite par le jugement du tribunal administratif de Lyon du 12 novembre 2020 invoqué par l'université est en tous points contra legem et en opposition avec la jurisprudence du Conseil d'Etat et des Cours ;
- en tout état de cause, l'université n'établit pas que le document produit par elle intitulé " capacités d'accueil 2020-2021 en master validées en CFVU le 02.05.2019 et CA le 10.05.2019 au titre de la validation de la nouvelle offre de formation 2020-2025 " serait entré en vigueur et aurait fait l'objet d'une publication adéquate et suffisante au sens de l'article L. 221-2 du code des relations entre le public et l'administration.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'éducation,
- le décret n° 2016-672 du 25 mai 2016,
- le décret n° 2020-185 du 28 février 2020,
- le décret n° 2020-895 du 22 juillet 2020,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- les conclusions de Mme Jayer, rapporteure publique,
- les observations de Me Lecourt, représentant l'université de Paris 8.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... D..., étudiante, a obtenu en 2017 une licence de sciences humaines et sociales mention " psychologie " délivrée par l'université de Nice. Durant l'année universitaire 2017/2018, elle a suivi une première année de master mention " psychologie " parcours " Psychologie développementale " à l'université de Nice, qu'elle a validée. Elle a sollicité, au titre de l'année universitaire 2020-2021, son inscription à l'institut d'enseignement à distance (IED) de l'université Paris 8 en deuxième année de master " psychologie " parcours " Psychologie du développement : éducation, troubles et problématiques actuelles ". Cette demande a été rejetée par une décision de la directrice de l'IED de l'université Paris 8 du 15 octobre 2020, dont l'exécution a été suspendue par une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Montreuil du 22 décembre 2020, qui a également enjoint au président de l'université Paris 8 de réexaminer la demande d'inscription de Mme A... D... en master 2. Le 6 janvier 2021, en exécution de l'injonction de réexamen précitée, la commission d'admission du parcours mentionné ci-dessus a émis un avis négatif à la candidature de Mme A... D..., au motif de capacités d'accueil atteintes . Par un jugement du 18 mai 2021, le tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision du 15 octobre 2020 ainsi que la décision révélée par l'avis du 6 janvier 2021. L'université Paris 8 relève appel de ce jugement.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :
2. Aux termes de l'article L.612-6-1 du code de l'éducation : " L'accès en deuxième année d'une formation du deuxième cycle conduisant au diplôme national de master est de droit pour les étudiants qui ont validé la première année de cette formation. / Un décret pris après avis du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche peut fixer la liste des formations du deuxième cycle conduisant au diplôme national de master pour lesquelles l'accès à la première année est ouvert à tout titulaire d'un diplôme du premier cycle et pour lesquelles l'admission à poursuivre cette formation en deuxième année peut dépendre des capacités d'accueil des établissements et, éventuellement, être subordonnée au succès à un concours ou à l'examen du dossier du candidat ". Et aux termes de l'article D 612-36-4 du même code : " L'inscription d'un étudiant qui souhaite poursuivre sa formation dans une autre mention de master proposée par l'établissement dans lequel il a débuté sa formation en deuxième cycle est subordonnée à la vérification par le responsable de la formation dans laquelle l'inscription est demandée que les unités d'enseignement déjà acquises sont de nature à lui permettre de poursuivre sa formation en vue de l'obtention du master. / L'inscription d'un étudiant désirant poursuivre sa formation de master à l'issue d'une année universitaire dans un établissement d'enseignement supérieur autre que celui dans lequel il était inscrit est subordonnée à la vérification, par le responsable de la formation de l'établissement d'accueil, que les unités d'enseignement déjà acquises dans son établissement d'origine sont de nature à lui permettre de poursuivre sa formation en vue de l'obtention du diplôme de master ".
3. Il ressort des pièces du dossier qu'après avoir validé un master 1 mention " Psychologie " parcours " psychologie développementale " à l'université de Nice, Mme A... D... a demandé, au titre de l'année universitaire 2020-2021, son admission en deuxième année au sein de l'institut d'enseignement à distance (IED) de l'université Paris 8 pour suivre le master 2 " Psychologie " parcours " Psychologie du développement : éducation, troubles et problématiques actuelles ". L'université Paris 8 soutient que par un vote de la commission de la formation et de la vie universitaire (CFVU) du 2 mai 2019 et un vote du conseil d'administration du 10 mai 2019, les capacités d'accueil du master 2 mention " Psychologie IED " parcours " Psychologie du développement : éducation, troubles et problématiques actuelles " ont été fixées à 30 étudiants et qu'elle était fondée, pour le motif tenant à la limite atteinte de ces capacités, à opposer un refus à la demande de Mme A... D.... Toutefois, s'il résulte des dispositions ci-dessus mentionnées de l'article L. 612-6-1 du code de l'éducation qu'un décret peut fixer la liste des formations du deuxième cycle conduisant au diplôme national de master pour lesquelles l'admission à poursuivre ces formations en deuxième année peut dépendre des capacités d'accueil des établissements, le master 2 précité demandé par Mme A... D... ne figure pas sur la liste mentionnée en annexe du décret du 28 février 2020 modifiant le décret n° 2016-672 du 25 mai 2016 relatif au diplôme national de master, complétée par l'annexe du décret du 22 juillet 2020 modifiant le même décret du 25 mai 2016, en vigueur au titre de l'année universitaire 2020-2021, énumérant de manière limitative les formations dans lesquelles l'admission en seconde année du deuxième cycle peut dépendre des capacités d'accueil. Par suite, si la demande d'entrée de Mme A... D... en deuxième année du master " Psychologie " parcours " Psychologie du développement : éducation, troubles et problématiques actuelles " devait, par application des dispositions précitées du deuxième alinéa de l'article D. 612-36-4 du code de l'éducation, être examinée par le responsable de cette formation, l'université Paris 8 ne pouvait légalement refuser cette demande au motif que la capacité d'accueil était déjà atteinte et a, dès lors, entaché ses décisions d'illégalité.
4. Il résulte de tout ce qui précède que l'université Paris 8 n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision du 15 octobre 2020 par laquelle la directrice de l'IED de l'université Paris 8 a refusé sa candidature en deuxième année de master mention " Psychologie " parcours " Psychologie du développement : éducation, troubles et problématiques actuelles " au titre de l'année universitaire 2020/2021 ainsi que la décision révélée par l'avis du 6 janvier 2021 rendu par la commission d'admission de ce master.
Sur les frais liés à l'instance :
5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A... D..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'université Paris 8 demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de l'université Paris 8 la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A... D... et non compris dans les dépens de la présente instance.
DECIDE :
Article 1er : La requête de l'université Paris 8 est rejetée.
Article 2 : L'université Paris 8 versera à Mme A... D... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de l'université Paris 8 présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'université Paris 8 et à Mme E... A... D....
Délibéré après l'audience du 31 mars 2023 à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, présidente,
- Mme Briançon, présidente-assesseure,
- M. Mantz, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 avril 2023.
Le rapporteur,
P. C...
La présidente,
M. B... La greffière,
O. BADOUX-GRARE
La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA03842