Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La Société générale a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser une indemnité d'un montant de 678 363 euros, correspondant à la contribution tarifaire d'acheminement dont elle a supporté le coût au titre des années 2017 et 2018, assortie des intérêts moratoires.
Par une ordonnance n° 2006804 du 26 avril 2021, la présidente de la 1ère section du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire enregistrés les 18 juin 2021, 24 février 2023 et 14 avril 2023, dont le dernier n'a pas été communiqué, ainsi que par un mémoire aux fins de production de pièces enregistré le 18 avril 2023, la Société générale, représentée par le cabinet Jeausserand Audouard, agissant par Me Espasa-Mattei, demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du 26 avril 2021 de la présidente de la 1ère section du tribunal administratif de Paris ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser une indemnité d'un montant de 678 363 euros, correspondant à la contribution tarifaire d'acheminement dont elle a supporté le coût au titre des années 2017 et 2018, assortie des intérêts moratoires ;
3°) à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'ordonnance attaquée est entachée d'erreur de droit, la juridiction administrative étant compétente pour connaître de son action indemnitaire ;
- la contribution tarifaire d'acheminement constitue une autre imposition indirecte frappant la consommation d'électricité au sens de la directive du 16 décembre 2008 relative au régime général d'accise ;
- elle ne respecte pas les règles de taxation posées par l'article 1er, paragraphe 2, de cette directive, en ce qu'elle ne remplit pas la condition tenant à la poursuite d'une finalité spécifique ;
- une taxe perçue sur une activité nécessaire en relation avec un produit, telle qu'en l'espèce, des services de réseaux, conduit à taxer le produit lui-même ;
- la responsabilité de l'Etat est engagée du fait de l'absence de respect de la directive du 16 décembre 2008 ;
- le préjudice qu'elle a subi correspond à la contribution tarifaire d'acheminement indûment supportée, pour des montants de 377 131 euros au titre de l'année 2017 et 301 232 euros au titre de l'année 2018 ;
- elle a droit aux intérêts moratoire sur ces sommes.
Par deux mémoires en défense enregistrés les 26 janvier et 3 avril 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le moyen tiré de la méconnaissance du paragraphe 2 de l'article 1er de la directive du 16 décembre 2008 est inopérant ;
- subsidiairement, les moyens soulevés par la Société générale à l'appui de ses conclusions indemnitaires ne sont pas fondés ;
- le préjudice allégué n'est pas établi ;
- les conclusions tendant au versement d'intérêts moratoires sont, en tout état de cause, irrecevables.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2003/96/CE du Conseil du 27 octobre 2003 ;
- la directive 2008/118/CE du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'énergie ;
- le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 ;
- le décret n° 2005-123 du 14 février 2005 ;
- le décret n° 2017-1204 du 28 juillet 2017 ;
- l'arrêté du 26 avril 2013 relatif aux taux de la contribution tarifaire sur les prestations de transport et de distribution d'électricité et de gaz naturel ;
- la délibération de la Commission de régulation de l'énergie du 3 avril 2013 portant décision relative aux tarifs d'utilisation d'un réseau public d'électricité dans le domaine de tension HTB ;
- la délibération de la Commission de régulation de l'énergie du 12 décembre 2013 portant décision relative aux tarifs d'utilisation d'un réseau public d'électricité dans le domaine de tension HTA ou BT ;
- la délibération de la Commission de régulation de l'énergie du 17 novembre 2016 portant décision sur les tarifs d'utilisation des réseaux publics d'électricité dans le domaine de tension HTB ;
- la délibération de la Commission de régulation de l'énergie du 17 novembre 2016 portant décision sur les tarifs d'utilisation des réseaux publics d'électricité dans les domaines de tension HTA et BT ;
- les arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne du 10 juin 1999, Braathens Sverige AB (C-346/97), du 4 juin 2015, Kernkraftwerke Lippe-Ems GmbH (C-5/14), du 18 janvier 2017, Istituto di Ricovero e Cura a Carattere Scientifico (IRCCS) - Fondazione Santa Lucia (C-189/15), du 20 septembre 2017, Elecdey Carcelen (C-215/16, C-216/16,
C-220/16 et C-221/16) et du 3 mars 2021, Promociones Oliva Park SL (C-220/19) ;
- la décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux du 21 juillet 2022, nos 454779, 454783 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de Mme Lescaut, rapporteure publique,
- et les observations de Me Renaudin, pour la Société générale.
Considérant ce qui suit :
1. La Société générale a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser une indemnité d'un montant total de 678 363 euros correspondant à la contribution tarifaire d'acheminement qu'elle estime avoir indûment acquittée au titre des années 2017 et 2018. Elle relève appel de l'ordonnance du 26 avril 2021 par laquelle la présidente de la 1ère section du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.
Sur le cadre juridique :
En ce qui concerne le droit de l'Union européenne :
2. Aux termes de l'article 1er de la directive 2008/118/CE du Conseil du 16 décembre 2008 relative au régime général d'accise et abrogeant la directive 92/12/CEE, alors en vigueur : " 1. La présente directive établit le régime général des droits d'accise frappant directement ou indirectement la consommation des produits suivants, ci-après dénommés " produits soumis à accise " : / a) les produits énergétiques et l'électricité relevant de la directive 2003/96/CE (...) / 2. Les États membres peuvent, à des fins spécifiques, prélever des taxes indirectes supplémentaires sur les produits soumis à accise, à condition que ces impositions respectent les règles de taxation communautaires applicables à l'accise ou à la taxe sur la valeur ajoutée pour la détermination de la base d'imposition, le calcul, l'exigibilité et le contrôle de l'impôt (...). / 3. Les États membres peuvent prélever des taxes sur : / a) les produits autres que les produits soumis à accise ; b) les prestations de services, y compris celles relatives aux produits soumis à accise, n'ayant pas le caractère de taxes sur le chiffre d'affaires. / Toutefois, ces prélèvements ne peuvent pas entraîner de formalités liées au passage des frontières dans le cadre des échanges entre États membres ".
3. Aux termes de l'article 4 de la directive 2003/96/CE du Conseil du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l'électricité : " 1. Les niveaux de taxation que les États membres appliquent aux produits énergétiques et à l'électricité visés à l'article 2 ne peuvent être inférieurs aux niveaux minima prévus par la présente directive. / 2. Aux fins de la présente directive, on entend par " niveau de taxation " le montant total d'impôts indirects (à l'exception de la TVA) perçu, calculé directement ou indirectement sur la quantité de produits énergétiques et d'électricité au moment de la mise à la consommation ". Et aux termes de l'article 21 de cette directive : " (...) / 5. Pour l'application des articles 5 et 6 de la directive 92/12/CEE, l'électricité et le gaz naturel sont soumis à taxation et la taxe devient exigible au moment de leur fourniture par le distributeur ou le redistributeur (...) ".
En ce qui concerne le droit national :
4. D'une part, en vertu de l'article L. 111-91 du code de l'énergie, un droit d'accès aux réseaux publics de transport et de distribution est garanti par les gestionnaires de ces réseaux pour assurer, notamment, les missions de service public en matière de fourniture d'électricité et l'exécution des contrats d'achat d'électricité. A cet effet, des contrats sont conclus entre les gestionnaires des réseaux publics de transport et de distribution concernés et les utilisateurs de ces réseaux. Aux termes de l'article L. 341-2 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Les tarifs d'utilisation du réseau public de transport et des réseaux publics de distribution sont calculés de manière transparente et non discriminatoire, afin de couvrir l'ensemble des coûts supportés par les gestionnaires de ces réseaux dans la mesure où ces coûts correspondent à ceux d'un gestionnaire de réseau efficace. / Ces coûts comprennent notamment : / 1° Les coûts résultant de l'exécution des missions et des contrats de service public (...) ; / 2° Les surcoûts de recherche et de développement nécessaires à l'accroissement des capacités de transport des lignes électriques, en particulier de celles destinées à l'interconnexion avec les pays voisins et à l'amélioration de leur insertion esthétique dans l'environnement ; / 3° Une partie des coûts de raccordement à ces réseaux et une partie des coûts des prestations annexes réalisées à titre exclusif par les gestionnaires de ces réseaux (...) ". Selon l'article L. 341-3 du même code : " Les méthodes utilisées pour établir les tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité sont fixées par la Commission de régulation de l'énergie. (...) ".
5. D'autre part, aux termes de l'article 18 de la loi du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - Il est institué au profit de la Caisse nationale des industries électriques et gazières une contribution tarifaire sur les prestations de transport et de distribution d'électricité (...) / II. - Cette contribution tarifaire est due : / 1° Pour l'électricité : / a) Par les gestionnaires des réseaux publics de transport ou de distribution qui la perçoivent, en addition du tarif d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution, prévu à l'article 4 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée, auprès des consommateurs éligibles ayant exercé les droits accordés au III de l'article 22 de cette même loi (...), avec lesquels ces gestionnaires ont conclu un contrat d'accès au réseau ; / b) Par les fournisseurs d'électricité qui la perçoivent en addition de leur prix de vente auprès des consommateurs éligibles ayant exercé les droits accordés au III de l'article 22 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée, lorsque ces fournisseurs ont conclu un contrat d'accès aux réseaux en application du septième alinéa de l'article 23 de la même loi pour alimenter ces consommateurs ; / c) Par les fournisseurs d'électricité qui la perçoivent en addition des tarifs de vente aux clients non éligibles mentionnés à l'article 4 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée, auprès des consommateurs non éligibles et des consommateurs éligibles qui n'ont pas exercé les droits accordés au III de l'article 22 de la même loi ; / (...) / III. - La contribution tarifaire est assise : / 1° Pour l'électricité : / - sur la part fixe hors taxes du tarif d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité lorsque la contribution tarifaire est due en application du a du 1° du II ; / - sur la part fixe hors taxes de la part relative à l'utilisation des réseaux, comprise dans le prix de vente de l'électricité, lorsque la contribution tarifaire est due en application du b du 1° du II ; / - sur la part fixe hors taxes de la part relative à l'utilisation des réseaux, comprise dans les tarifs réglementés de vente de l'électricité, lorsque la contribution tarifaire est due en application du c du 1° du II ; / (...) / IV.- La contribution tarifaire est due, à raison des contrats conclus par les personnes mentionnées au II pour la réalisation des prestations mentionnées au I, lors de l'encaissement des acomptes ou du prix par le redevable ou, sur option de ce dernier, au moment du débit ; dans ce cas, elle est due en tout état de cause lors de l'encaissement des acomptes ou du prix s'il précède le débit. / V.- Les taux de la contribution tarifaire sont fixés par les ministres chargés de l'énergie, du budget et de la sécurité sociale, après avis de la Commission de régulation de l'énergie, en fonction des besoins prévisionnels des cinq prochaines années de la Caisse nationale des industries électriques et gazières pour le financement des charges définies au I au titre respectivement des activités de transport d'électricité, de transport de gaz naturel, de distribution d'électricité et de distribution de gaz naturel. (...) / VI. - La contribution tarifaire est déclarée et liquidée mensuellement ou trimestriellement, suivant son montant. Elle est acquittée lors du dépôt de la déclaration. La contribution est recouvrée et contrôlée par la Caisse nationale des industries électriques et gazières dans les mêmes conditions que les cotisations visées au premier alinéa du III de l'article 16. (...) ". Aux termes du III de l'article 16 de cette même loi, alors en vigueur : " Le recouvrement et le contrôle des cotisations destinées au financement des prestations afférentes à ces risques s'effectuent selon les règles et sous les garanties et sanctions mentionnées au chapitre III du titre III et aux chapitres II et IV du titre IV du livre Ier et aux chapitres III et IV du titre IV du livre II du code de la sécurité sociale. (...) ".
6. Aux termes de l'article 1er du décret du 14 février 2005 relatif à la contribution tarifaire sur les prestations de transport et de distribution d'électricité et de gaz naturel, dans sa rédaction en vigueur entre le 9 septembre 2010 et le 31 juillet 2017 : " I.- La part fixe hors taxes du tarif d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité, mentionnée au 1° du III de l'article 18 de la loi du 9 août 2004 susvisée, est constituée de la somme des termes suivants : / - la composante annuelle de gestion telle que définie par la décision approuvant les tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité en vigueur ; / - la composante annuelle de comptage telle que définie par la décision approuvant les tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité en vigueur ; / - la part fixe de la composante annuelle des soutirages telle que définie au II du présent article ; / - la part fixe de la composante annuelle des alimentations complémentaires et de secours telle que définie au III du présent article. / II.-1° Pour un consommateur final raccordé au domaine de tension HTA ou HTB, la part fixe de la composante annuelle des soutirages est égale au produit du " coefficient a 2 " par P, où a 2 est fonction du domaine de tension de raccordement et du tarif optionnel utilisé par les gestionnaires de réseaux pour facturer l'utilisation des réseaux et où P représente la puissance souscrite active ou, le cas échéant, la puissance souscrite pondérée, tels que définis par la décision approuvant les tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité en vigueur ; / 2° Pour un consommateur final raccordé en basse tension dont la puissance souscrite est strictement supérieure à 36 kVA, la part fixe de la composante annuelle des soutirages est égale au produit du " coefficient a 2 " par S, où a 2 est fonction du tarif optionnel utilisé par les gestionnaires de réseaux pour facturer l'utilisation des réseaux et où S représente la puissance souscrite apparente pondérée, tels que définis par la décision approuvant les tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité en vigueur ; / 3° Pour un consommateur final raccordé en basse tension dont la puissance souscrite est inférieure ou égale à 36 kVA, la part fixe de la composante annuelle des soutirages est égale au produit du " coefficient a 2 " par P, où a 2 est fonction du tarif optionnel utilisé par les gestionnaires de réseaux pour facturer l'utilisation des réseaux et où P représente la puissance souscrite active, tels que définis par la décision approuvant les tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité en vigueur. / III.- La part fixe de la composante annuelle des alimentations complémentaires et de secours est constituée de la composante annuelle des alimentations complémentaires et de secours telle que définie par la décision approuvant les tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité en vigueur, dont est déduite la part énergie lorsque l'alimentation de secours est à un domaine de tension différent de celui de l'alimentation principale ". Selon ces mêmes dispositions, dans leur rédaction issue du décret du 28 juillet 2017 relatif à la contribution tarifaire sur les prestations de transport et de distribution d'électricité et de gaz naturel, qui prennent en compte les délibérations de la Commission de régulation de l'énergie du 17 novembre 2016 portant décisions sur les tarifs d'utilisation des réseaux publics d'électricité, entrées en vigueur le 1er août 2017 : " Pour l'application du deuxième alinéa du 1° du III de l'article 18 de la loi du 9 août 2004 susvisée, la part fixe hors taxes du tarif d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité est constituée de la somme des éléments du tarif tels que définis dans les décisions sur les tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité en vigueur, énumérés aux 1° à 4° : / 1° La composante annuelle de gestion ; / 2° La composante annuelle de comptage ; / 3° La part fixe de la composante annuelle de soutirages. Cette part fixe est constituée des termes figurant dans les formules tarifaires relatives à cette composante, qui sont fonction des puissances souscrites, à l'exclusion des composantes mensuelles des dépassements de puissance souscrite ; / 4° La part fixe de la composante annuelle des alimentations complémentaires et de secours. Cette part fixe est constituée de la composante annuelle des alimentations complémentaires et de secours, à l'exclusion de la part énergie et des composantes mensuelles des dépassements de puissance souscrite lorsque l'alimentation de secours est à un domaine de tension différent de celui de l'alimentation principale ". L'article 2 du même décret du 14 février 2005 prévoit que : " Le fournisseur d'électricité qui perçoit la contribution tarifaire en application du b ou du c du 1° du II de l'article 18 de la loi du 9 août 2004 susvisée calcule la part fixe hors taxes de la part relative à l'utilisation des réseaux dans le prix de vente ou le tarif de vente conformément à l'article 1er ". Et aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 26 avril 2013 relatif aux taux de la contribution tarifaire sur les prestations de transport et de distribution d'électricité et de gaz naturel, alors en vigueur : " Les taux de la contribution tarifaire mentionnés au V de l'article 18 de la loi du 9 août 2004 susvisée sont fixés à : / 10,14 % en ce qui concerne les consommateurs raccordés au réseau public de transport d'électricité ou à un réseau public de distribution d'électricité de tension supérieure ou égale à 50 kilovolts ; / 27,04 % en ce qui concerne les autres consommateurs raccordés aux réseaux publics de distribution d'électricité ; (...) ".
7. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 199 du livre des procédures fiscales : " En matière d'impôts directs et de taxes sur le chiffre d'affaires ou de taxes assimilées, les décisions rendues par l'administration sur les réclamations contentieuses et qui ne donnent pas entière satisfaction aux intéressés peuvent être portées devant le tribunal administratif. Il en est de même pour les décisions intervenues en cas de contestation pour la fixation du montant des abonnements prévus à l'article 1700 du code général des impôts pour les établissements soumis à l'impôt sur les spectacles. / En matière de droits d'enregistrement, d'impôt sur la fortune immobilière, de taxe de publicité foncière, de droits de timbre, de contributions indirectes et de taxes assimilées à ces droits, taxes ou contributions, le tribunal compétent est le tribunal judiciaire. Les tribunaux judiciaires statuent en premier ressort. (...) ".
Sur la compétence de la juridiction administrative :
8. Il résulte des dispositions citées au point 7 ci-dessus que les tribunaux de l'ordre judiciaire sont seuls compétents pour connaître de toutes les contestations concernant l'assiette et le recouvrement de la contribution tarifaire d'acheminement, laquelle revêt le caractère d'une contribution indirecte. Toutefois, la juridiction administrative est seule compétente pour connaître des actions indemnitaires introduites par les personnes qui supportent financièrement cette contribution, lorsqu'elles entendent rechercher la responsabilité pour faute de l'Etat ou de toute autre personne publique du fait de son activité normative, qu'elle soit législative ou réglementaire.
9. A l'appui de ses conclusions indemnitaires dirigées contre l'Etat, la Société générale soutient notamment que la contribution tarifaire d'acheminement mise à sa charge méconnaît les principes posés par la directive du 16 décembre 2008 relative au régime général d'accise et que cette illégalité est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat à son égard. Ainsi que l'a jugé le Conseil d'Etat dans sa décision du 21 juillet 2022, nos 454779, 454783, il appartient à la juridiction administrative de connaître du litige ainsi soulevé, qui met en cause la responsabilité de l'Etat du fait de son activité législative. La Société générale est dès lors fondée à demander l'annulation de l'ordonnance du 26 avril 2021 par laquelle la présidente de la 1ère section du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.
10. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la Société générale devant le tribunal administratif de Paris.
Sur les conclusions indemnitaires :
11. La Société générale soutient que la contribution tarifaire d'acheminement constitue une " taxe indirecte supplémentaire " sur l'électricité, au sens de l'article 1er, paragraphe 2, de la directive du 16 décembre 2008, qui vient s'ajouter à l'accise prévue au paragraphe 2 de ce même article, à savoir, pour la France, la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE), alors prévue à l'article 266 quinquies C du code des douanes, et qu'elle ne respecte pas les règles de taxation prévues par les mêmes dispositions de la directive.
12. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, devenue Cour de justice de l'Union européenne, notamment de ses arrêts du 10 juin 1999, Braathens Sverige AB (C-346/97), du 4 juin 2015, Kernkraftwerke Lippe-Ems GmbH
(C-5/14), du 18 janvier 2017, Istituto di Ricovero e Cura a Carattere Scientifico (IRCCS) - Fondazione Santa Lucia (C-189/15), du 20 septembre 2017, Elecdey Carcelen (C-215/16,
C-216/16, C-220/16 et C-221/16), et du 3 mars 2021, Promociones Oliva Park SL (C-220/19), que constituent des " droits d'accise " sur l'électricité, au sens de l'article 1er, paragraphe 1, de la directive 2008/118/CE du 16 décembre 2008, ou une " taxe indirecte supplémentaire " sur ce produit, au sens de l'article 1er, paragraphe 2, de la même directive, les impositions indirectes qui frappent directement ou indirectement la consommation d'électricité. A ce titre, aux points 55 et suivants de son arrêt du 4 juin 2015, la Cour a précisé que si la directive du 16 décembre 2008 ne définit pas les " droits d'accise " sur l'électricité, au sens du paragraphe 1 de son article 1er, ou les " taxes indirectes supplémentaires " sur ce produit, au sens du paragraphe 2 du même article, l'article 4 de la directive 2003/96 du 27 octobre 2003, qui impose aux États membres l'obligation de respecter certains niveaux minimaux de taxation des produits énergétiques et de l'électricité, fournit des indications quant à la nature des taxes visées par l'article 1er, paragraphe 1, de la directive du 16 décembre 2008. En effet, l'article 4, paragraphe 2, de la directive du 27 octobre 2003 définit le " niveau de taxation " que les États membres appliquent aux produits concernés comme étant le " montant total d'impôts indirects (à l'exception de la TVA) perçu, calculé directement ou indirectement sur la quantité de produits énergétiques et d'électricité au moment de la mise à la consommation ". En ce qui concerne la notion de " taxes indirectes supplémentaires ", au sens de l'article 1er, paragraphe 2, de la directive du 16 décembre 2008, la Cour a relevé que cette disposition, qui vise à tenir compte de la diversité des traditions fiscales des États membres en la matière et du recours fréquent aux impositions indirectes pour la mise en œuvre de politiques non budgétaires, permet aux États membres d'établir, en sus de l'accise minimale, d'autres impositions indirectes poursuivant une finalité spécifique. Elle en a déduit que cette notion vise les taxes indirectes qui frappent la consommation des produits énumérés à l'article 1er, paragraphe 1, de la directive, autres que les " droits d'accise ", et qui sont prélevées à des fins spécifiques. Ainsi, pour déterminer si une taxe est susceptible de relever des paragraphes 1 ou 2 de l'article 1er de la directive, il convient de vérifier si elle constitue une taxe indirecte frappant directement ou indirectement la consommation d'électricité. Tel est le cas s'il existe un lien direct et indissociable entre la taxe et la consommation d'électricité, ou encore si la taxe peut être considérée comme calculée directement ou indirectement sur la quantité d'électricité au moment de la mise à la consommation de ce produit.
13. Il résulte des dispositions, citées aux points 4 à 6, du code de l'énergie, de la loi du 9 août 2004 et du décret du 14 février 2005 que la contribution tarifaire d'acheminement, instituée au profit de la Caisse nationale des industries électriques et gazières, est due par les gestionnaires des réseaux publics de transport ou de distribution ou par les fournisseurs d'électricité, qui la perçoivent auprès des consommateurs, à raison des contrats - contrat d'accès au réseau public de distribution ou contrat unique - qu'ils ont conclu pour la réalisation des prestations de transport et de distribution d'électricité. Son montant est donc intégralement répercuté par les redevables sur le consommateur final, sous la forme d'un prélèvement qui s'ajoute au prix de l'abonnement. Elle est due lors de l'encaissement par les redevables des acomptes ou du prix payés par le consommateur final, déclarée et liquidée par le redevable mensuellement ou trimestriellement, suivant son montant, et acquittée lors du dépôt de la déclaration. Elle est assise sur la part fixe hors taxes des tarifs d'utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité (TURPE), prévus à l'article
L. 341-2 du code de l'énergie, destinés à couvrir l'ensemble des coûts supportés par les gestionnaires de ces réseaux et établis selon les méthodes fixées par la Commission de régulation de l'énergie, ou sur la part fixe hors taxes, calculée de la même façon, de la part relative à l'utilisation des réseaux comprise dans le prix ou dans les tarifs réglementés de vente de l'électricité.
14. Conformément aux dispositions de l'article L. 341-3 du même code, les méthodes utilisées pour établir les tarifs d'utilisation des réseaux sont fixées par la Commission de régulation de l'énergie. Il résulte des délibérations de cette autorité des 3 avril 2013, 12 décembre 2013 et 17 novembre 2016 que les tarifs sont indépendants de la distance parcourue par l'énergie électrique, selon le principe dit " timbre-poste ", et identiques sur l'ensemble du territoire. Ils s'appliquent à l'ensemble des utilisateurs, quel que soit le gestionnaire de réseaux. Ils sont facturés au travers de quatre composantes principales, la composante de gestion, la composante de comptage, la composante de soutirage et la composante annuelle des alimentations complémentaires et de secours. En vertu de l'article1er du décret du 14 février 2005, la contribution tarifaire d'acheminement est assise sur les deux premières composantes et sur la part fixe des deux autres.
15. La composante de gestion couvre les coûts de gestion de la clientèle supportés par les gestionnaires de réseaux ou, en cas de contrat unique, par les fournisseurs pour le compte des gestionnaires de réseaux de distribution. Ces coûts sont constitués des coûts liés à l'accueil des utilisateurs de réseaux, à la gestion des dossiers des utilisateurs, à la facturation, au recouvrement et aux impayés. Ils sont facturés sous la forme d'un terme fixe par point de connexion et par contrat appliqué à tous les utilisateurs selon leur domaine de tension de raccordement (haute, moyenne ou basse tension) et leur dispositif contractuel (contrat d'accès au réseau public de distribution ou contrat unique).
16. La composante de comptage couvre les coûts de comptage, de contrôle, de relève, de transmission des données, les coûts liés au processus de reconstitution des flux ainsi que, le cas échéant, les coûts des dispositifs de comptage. La composante annuelle de comptage dépend du régime de propriété du compteur, du domaine de tension, de la puissance de soutirage souscrite ou de la puissance maximale d'injection, de son contrôle et des grandeurs mesurées.
17. La part fixe de la composante de soutirage dépend du domaine de tension, du tarif optionnel utilisé par les gestionnaires de réseaux pour facturer l'utilisation des réseaux et de la puissance souscrite ou, pour les tarifs à différenciation temporelle selon la saison ou l'heure de la journée, des puissances souscrites. En outre, plus le domaine de tension est élevé, plus le coefficient appliqué à la ou aux puissances souscrites est faible. Seule la part variable de la composante de soutirage dépend de l'énergie soutirée.
18. La part fixe de la composante annuelle des alimentations complémentaires et des alimentations de secours est fonction essentiellement de la longueur et du type de raccordement (aérien ou souterrain). Les alimentations de secours relevant d'un domaine de tension inférieur à ceux des alimentations principales font l'objet de frais spécifiques.
19. Il résulte de ce qui précède que la contribution tarifaire d'acheminement est assise sur la part fixe des TURPE, laquelle est essentiellement fonction du domaine de tension et de la puissance souscrite dans le cadre du contrat de raccordement aux réseaux, à l'exclusion de la part variable de ce tarif, seule à dépendre de la consommation d'électricité. Elle pourrait au demeurant, comme le fait valoir le ministre en défense, être perçue sans même qu'une quantité d'électricité n'ait été consommée. Ainsi, il n'existe pas de lien direct et indissociable entre la contribution et la consommation d'électricité, et la contribution ne peut être regardée comme calculée directement ou indirectement sur la quantité d'électricité au moment de la mise à la consommation de celle-ci. Il en résulte que la contribution tarifaire d'acheminement ne constitue pas un impôt indirect frappant directement ou indirectement la consommation d'électricité et, en conséquence, qu'elle ne relève pas de l'article 1er, paragraphe 2, de la directive du 16 décembre 2008. Par ailleurs, à supposer qu'elle doive être regardée comme une taxe sur une " prestation de services " au sens des dispositions du b) du paragraphe 3 de l'article 1er de cette même directive, il n'est pas contesté que, n'ayant pas le caractère d'une taxe sur le chiffre d'affaires et ne donnant pas lieu, dans les échanges entre Etat membres, à des formalités liées au passage de la frontière, la contribution tarifaire d'acheminement est compatible avec les dispositions de ce paragraphe.
20. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il y ait lieu de saisir à titre préjudiciel la Cour de justice de l'Union européenne ni qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité des conclusions tendant au versement d'intérêts moratoires, que la demande d'indemnité de la Société générale n'est pas fondée et doit, en conséquence, être rejetée.
Sur les frais liés à l'instance :
21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à la Société générale la somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : L'ordonnance n° 2006804 de la présidente de la 1ère section du tribunal administratif de Paris en date du 26 avril 2021 est annulée.
Article 2 : La demande présentée par la Société générale devant le tribunal administratif de Paris et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Société générale et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 20 avril 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Fombeur, présidente de la Cour,
- Mme Vinot, présidente de chambre,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente-assesseure.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 mai 2023.
La rapporteure,
C. A...La présidente,
P. FOMBEUR
La greffière,
E. VERGNOL
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21PA03378 2