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13/04/2022 | FRANCE | N°21PA02961

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 13 avril 2022, 21PA02961


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Société de Développement du Pacifique Sud (SDPS) a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de prononcer la décharge, en droits et majorations, des rappels de taxe provinciale sur les nuitées des établissements hôteliers mis à sa charge au titre de l'année 2015, ainsi que de l'amende prévue au II de l'article Lp. 1084-6 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie qui lui a été infligée au titre des exercices 2015, 2016 et 2017, et le remboursement des sommes engagées pour l'obtentio

n d'une garantie bancaire à l'appui du sursis de paiement.

Par un jugement n° ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Société de Développement du Pacifique Sud (SDPS) a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de prononcer la décharge, en droits et majorations, des rappels de taxe provinciale sur les nuitées des établissements hôteliers mis à sa charge au titre de l'année 2015, ainsi que de l'amende prévue au II de l'article Lp. 1084-6 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie qui lui a été infligée au titre des exercices 2015, 2016 et 2017, et le remboursement des sommes engagées pour l'obtention d'une garantie bancaire à l'appui du sursis de paiement.

Par un jugement n° 2000129 du 11 mars 2021, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 2 juin et 3 décembre 2021, la société SDPS, représentée par Me Céline Joannopoulos, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 2000129 du 11 mars 2021 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée devant le tribunal ;

3°) d'ordonner le remboursement des sommes engagées pour l'obtention d'une garantie bancaire à l'appui du sursis de paiement ;

4°) de mettre à la charge de la Nouvelle-Calédonie la somme de 4 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le rappel de taxe provinciale sur les nuitées des établissements hôteliers n'est pas fondé, dès lors que l'établissement qu'elle exploite ne remplissait plus les conditions lui permettant d'afficher un classement en trois étoiles et que l'absence d'opposition à sa demande de déclassement constitue une acceptation implicite de sa demande ;

- l'intention d'éluder l'impôt n'est pas établie ;

- l'amende pour défaut de dépôt des déclarations nominatives des honoraires n'est pas fondée, dès lors que l'administration n'établit pas l'absence de dépôt de ces déclarations et ne lui a pas adressé de mise en demeure ;

- cette amende est disproportionnée, compte tenu de sa situation financière, de l'absence de lésion pour la Nouvelle-Calédonie et d'avantage fiscal retiré de l'absence de déclaration ;

- l'article Lp. 1084-6 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie étant entré en vigueur le 1er janvier 2016, l'amende ne pouvait être appliquée au titre des années antérieures.

Par un mémoire en défense enregistré le 1er octobre 2021, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, représentée par le cabinet Briard, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par la société SDPS ne sont pas fondés.

Par un mémoire distinct, enregistré le 17 décembre 2021, la société SDPS demande à la Cour de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du II de l'article Lp. 1084-6 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie au regard des principes constitutionnels de nécessité, de proportionnalité et d'individualisation des peines qui découlent de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Par un mémoire en réponse au mémoire distinct, enregistré le 17 janvier 2022, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie conclut au rejet de la demande de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité, en l'absence de caractère sérieux.

Par une ordonnance du 5 janvier 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 24 janvier 2022.

Par un courrier du 8 mars 2022, les parties ont été informées de ce que la solution du litige était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que les taux applicables s'agissant de l'amende infligée au titre de l'année 2015 sont ceux résultant du texte antérieur à celui appliqué, c'est-à-dire des textes qui étaient en vigueur antérieurement à la loi de pays du

31 décembre 2015.

Un mémoire en réponse au moyen d'ordre public, enregistré le 18 mars 2022, a été présenté pour la société SDPS, qui soutient que l'article Lp. 1084-6 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie ne pouvait s'appliquer au titre de l'année 2015, que le taux de 2 % doit s'appliquer au titre de l'année 2016, année de la première infraction, et que la sanction est disproportionnée.

Un mémoire en réponse au moyen d'ordre public, enregistré le 23 mars 2022, a été présenté pour le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, qui soutient que l'administration a appliqué immédiatement une loi répressive nouvelle plus douce, l'article Lp. 1084-6 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie étant moins sévère que les dispositions antérieurement applicables de l'article 156 du même code.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- la loi organique n° 99-209 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 relatives à la Nouvelle-Calédonie ;

- la délibération n° 68-91/APS du 10 octobre 1991 modifiée par la délibération n° 41-2013/APS du 5 décembre 2013 fixant les normes de classement de 1'hôtellerie touristique dans la Province Sud ;

- le code des impôts de Nouvelle-Calédonie ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Platillero,

- les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique,

- et les observations de Me Masquart, avocat du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.

Considérant ce qui suit :

1. La société de Développement du Pacifique Sud (SDPS), qui exploite un établissement hôtelier de 128 chambres dénommé B..., a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle une notification de redressements du 10 octobre 2018 lui a été adressée. Au terme de la procédure, elle a notamment été assujettie à des rappels de taxe provinciale sur les nuitées des établissements hôteliers au titre de l'année 2015, assortis des intérêts de retard et de la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue à l'article 1054 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie, et à l'amende pour absence de dépôt des déclarations nominatives des honoraires, prévue au II de l'article Lp. 1084-6 du même code, au titre des exercices 2015, 2016 et 2017. La société SDPS relève appel du jugement du 11 mars 2021 par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et majorations, de ces rappels et de cette amende.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

2. Aux termes de l'article 61-1 de la Constitution, " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article 107 de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie : " Les dispositions d'une loi du pays peuvent faire l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité, qui obéit aux règles définies par les articles 23-1 à 23-12 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ".

3. Aux termes de l'article 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, " Devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat (...), le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé. Un tel moyen peut être soulevé pour la première fois en cause d'appel. Il ne peut être relevé d'office (...) ". Aux termes de l'article 23-2 de la même ordonnance, " La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux. (...) ".

4. Aux termes de l'article Lp. 1084-6 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie, issu de l'article 36 de la loi du pays n° 2015-9 du 31 décembre 2015 portant diverses dispositions d'ordre fiscal : " I. Entraîne l'application d'une amende égale à 5 % des sommes non déclarées le non-respect des obligations prévues aux I et II de l'article 153. Toutefois, en cas de première infraction, le taux de l'amende est ramené de 5 % à 1 %. II. Entraîne l'application d'une amende égale à 10 % des sommes non déclarées le non-respect des obligations prévues au III de l'article 153. Toutefois, en cas de première infraction, le taux de l'amende est ramené de 10 % à 2 %. III. Pour l'application des dispositions énoncées aux I et II, la première infraction s'entend de l'infraction se rattachant à la première année ou au premier exercice au titre de laquelle ou duquel elle est constatée. IV. L'application des sanctions mentionnées aux I et II ne fait pas obstacle à celle des amendes prévues aux articles 1050 et 1051 ". Aux termes de l'article 153 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie, dans sa rédaction issue de l'article 4 de la loi du pays n° 2015-8 du 31 décembre 2015 portant extension des téléservices et instituant une obligation de télédéclaration et de télérèglement : " I. Toute personne physique ou morale versant des traitements, émoluments, salaires ou rétributions imposables est tenue de remettre aux services fiscaux, avant le 30 avril de chaque année, une déclaration présentée sur un imprimé établi par l'administration (...) III. Les personnes physiques ou morales qui, à l'occasion de l'exercice de leur activité, versent à des tiers des commissions, courtages, ristournes commerciales ou autres, vacations, honoraires occasionnels ou non, gratifications et autres rémunérations, doivent déclarer ces sommes dans les conditions prévues au I, lorsqu'elles dépassent 10.000 F par an pour un même bénéficiaire (...) ".

5. Pour demander, par un mémoire distinct, que soit transmise au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du II de l'article Lp. 1084-6 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie, la société SDPS soutient que ces dispositions sont contraires aux principes de nécessité, de proportionnalité et d'individualisation des peines garantis par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

6. En réprimant le manquement à l'obligation, prévue au III de l'article 153 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie, de transmettre à l'administration fiscale des informations relatives aux sommes versées à d'autres contribuables, la disposition contestée sanctionne le non-respect d'obligations déclaratives permettant à l'administration fiscale de procéder aux recoupements nécessaires au contrôle du respect, par les bénéficiaires des versements qui y sont mentionnés, de leurs obligations fiscales. En fixant l'amende encourue par l'auteur des versements en proportion des sommes versées, la loi du pays a poursuivi un but de lutte contre la fraude fiscale qui constitue un objectif de valeur constitutionnelle. Elle a proportionné la sanction, qui s'applique sous le contrôle du juge, en fonction de la gravité des manquements réprimés appréciée à raison de l'importance des sommes non déclarées et de la réitération des manquements. Les taux de 2 % et de 10 % retenus ne sont pas manifestement disproportionnés. Il résulte de ce qui précède que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société SDPS est dépourvue de caractère sérieux. Par suite, il n'y a pas lieu de la transmettre au Conseil d'Etat.

Sur le bien-fondé des impositions :

7. Aux termes de l'article Lp. 899 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie alors en vigueur : " Il est institué une taxe provinciale sur les nuitées vendues, due par tous les établissements hôteliers. L'établissement hôtelier s'entend d'un établissement commercial fournissant des prestations d'hébergement à caractère hôtelier ou touristique et ayant fait l'objet en tant que tel, d'une inscription au registre du commerce et des sociétés. Les montants de la taxe sont fixés par délibération de l'assemblée de province concernée dans la limite des minima et des maxima prévus par l'article R. 900 ". En vertu des dispositions de l'article R. 900 de ce code, la taxe est calculée par nuitée d'unité d'hébergement vendue selon les tarifs minima et maxima qui diffèrent selon le nombre d'étoiles attribué par arrêté de classement de la province Sud à l'établissement. Aux termes de l'article Lp. 901 du même code : " Le classement des établissements hôteliers qui sert à l'application du tarif est issu de la décision de classement prise par l'autorité provinciale compétente. (...) ".

8. En vertu de la délibération n° 68-91/APS du 10 octobre 1991 en vigueur à la date à laquelle a été pris l'arrêté de classement de l'établissement hôtelier A..., les établissements sont tenus, en contrepartie de leur classement, de respecter les obligations mentionnées par la délibération. L'article 3 de cette délibération prévoit que " Le classement normalement accordé pour une année pourra être modifié suivant les procédures ci-après indiquées ".

9. Il résulte de l'instruction qu'à la demande de la société SDPS, la province Sud a procédé, par un arrêté n° 1512-2012 du 30 juillet 2012 au classement à trois étoiles de l'hôtel en cause. Par un courrier du 28 juillet 2014, la société SDPS a sollicité le déclassement de son établissement hôtelier auprès du Président de la province Sud. Le 1er septembre 2014, la province Sud, se prévalant de la délibération n° 41-2013/APS adopté le 5 décembre 2013, a informé la société SDPS que l'arrêté du 30 juillet 2012 " reste effectif jusqu'à fin 2015 ". Par un courrier du 26 novembre 2014, la société SDPS a informé la direction de l'économie, de la formation et de l'emploi de la province Sud qu'elle déclarait l'établissement hôtelier en cause comme non classé. Si, dans sa réponse du

29 décembre 2014, la province Sud a indiqué saisir sa direction juridique afin que soient précisées les conditions dans lesquelles il serait possible d'accéder à la demande, elle a réitéré que la validité du classement obtenu en vertu de la délibération n° 68-91/APS du 10 octobre 1991 était prolongée jusqu'à fin 2015. La société SDPS a néanmoins procédé au déclassement de fait de son hôtel.

10. Le classement de l'hôtel en cause a été déterminé, ainsi qu'il vient d'être dit, par une décision de la province Sud prise dans les conditions prévues par la délibération n° 68-91/APS du 10 octobre 1991 fixant les normes de classement de l'hôtellerie touristique, et n'a pas été modifié dans les conditions prévues par les dispositions du III de ladite délibération relatives au déclassement et à la radiation du classement. Cet hôtel a pu en conséquence être assujetti au tarif des catégories trois étoiles prévu à l'article R. 900 du code des impôts à compter de la date de publication de ces arrêtés. Si la société SDPS a demandé les 28 juillet et 26 novembre 2014 le déclassement de l'établissement hôtelier qu'elle exploite, compte tenu de son état et des importants travaux à y effectuer, la province Sud a refusé ce déclassement par des décisions des 1er septembre et 29 décembre 2014 qui n'ont pas fait l'objet d'un recours en excès de pouvoir. L'établissement hôtelier exploité par la société SDPS relevait donc de la catégorie d'établissements fixée par l'arrêté de classement de la province Sud toujours en vigueur, et dès lors du tarif par nuitée correspondant à cette catégorie et fixée par les articles R. 900 et Lp. 901 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie, sans que la société SDPS qui, contrairement à ce qu'elle soutient, ne bénéficiait d'aucune décision implicite de déclassement, puisse utilement se prévaloir de la décision de déclassement de fait qu'elle a prise en raison de l'état de l'établissement concerné.

11. Par suite, c'est à bon droit que les rappels de taxe provinciale sur les nuitées des établissements hôteliers en litige ont été mis à la charge de la société SDPS, qui ne conteste par ailleurs pas, ainsi que l'a relevé l'administration fiscale, que le nombre de nuitées vendues était supérieur au nombre de nuitées déclarées au titre du quatrième trimestre de l'année 2015, à raison de l'établissement hôtelier qu'elle exploite, selon le tarif applicable à la catégorie trois étoiles et non dans la catégorie une étoile prévue pour les établissements non classés.

Sur les majorations pour manquement délibéré :

12. Aux termes de l'article 1054 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie : " Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1053 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti : 1° de l'intérêt de retard visé à l'article Lp. 1052 ; toutefois, son décompte est arrêté au dernier jour du mois de la proposition de rectification ; 2° et d'une majoration de 40 % en cas de manquement délibéré ou de 80 % en cas de manœuvres frauduleuses ou d'abus de droit au sens de l'article 971. ". Il résulte de ces dispositions que la pénalité pour mauvaise foi a pour objet de sanctionner la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir ce manquement, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt.

13. L'administration a appliqué la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue à l'article 1054 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie aux droits rappelés en matière de taxe provinciale sur les nuitées des établissements hôteliers. Ainsi qu'il a été dit précédemment, la société SDPS a décidé unilatéralement de déclasser l'établissement hôtelier qu'elle exploite, en dépit des refus réitérés qui lui ont été opposés par la province Sud lui indiquant que la classification de cet établissement serait maintenue jusqu'à fin 2015, et a délibérément appliqué aux nuitées vendues le tarif correspondant aux établissements touristiques d'hébergement non classés. Dans ces conditions, l'administration établit le caractère intentionnel du manquement de la société SDPS et, par suite, le bien-fondé de l'application des pénalités pour manquement délibéré prévues par l'article 1054 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie.

Sur l'amende prévue au II de l'article Lp. 1084-6 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie :

14. Il résulte de l'instruction que, estimant que la société SDPS n'avait pas déposé le 30 avril des années 2015, 2016 et 2017 les déclarations de versement à des tiers, au cours des années 2014, 2015 et 2016, des commissions, courtages, ristournes commerciales ou autres, vacations, honoraires occasionnels ou non, gratifications et autres rémunérations, conformément au III de l'article 153 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie, l'administration a appliqué l'amende prévue au II de l'article Lp. 1084-6 de ce code, aux taux de 2 % au titre de l'année 2015, année de la première infraction sur les sommes versées en 2014 et non déclarées en 2015, et de 10 % au titre des années 2016 et 2017, sur les sommes versées en 2015 et 2016 et non déclarées.

15. En premier lieu, la société SDPS n'apporte aucun élément permettant d'établir qu'elle aurait déposé dans les délais prescrits les déclarations auxquelles elle était tenue. Elle n'est dès lors pas fondée à soutenir que l'absence de dépôt de ces déclarations ne serait pas établie, l'administration n'étant pas tenue de lui adresser une mise en demeure préalable.

16. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6, la société SDPS n'est pas fondée à soutenir que l'amende en litige est disproportionnée, du fait de l'absence de lésion pour la Nouvelle-Calédonie et d'avantage fiscal retiré de l'absence de déclaration. Par ailleurs, si la société SDPS se prévaut de sa situation financière, cette circonstance est sans incidence sur le bien-fondé de l'application de l'amende.

17. En troisième lieu, sont seuls punissables les faits constitutifs d'un manquement à des obligations résultant de dispositions législatives ou réglementaires en vigueur à la date où ces faits ont été commis et les sanctions susceptibles d'être infligées sont celles définies par les textes en vigueur à cette même date, sous réserve de l'intervention ultérieure de dispositions répressives plus douces.

18. Ainsi que le soutient la société SDPS, en application du principe rappelé au point précédent, la sanction en litige résultant des dispositions du II de l'article Lp. 1084-6 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie, issues de l'article 36 de la loi du pays n° 2015-9 du 31 décembre 2015, publiée le même jour et entrée en vigueur le 1er janvier 2016 en application de son article 42, ne pouvait s'appliquer qu'aux déclarations d'honoraires qui auraient dû être déposées les 30 avril 2016 et 2017 et aux exercices clos en 2016 et 2017, au titre des sommes versées au cours des années civiles 2015 et 2016. Par suite, la société SDPS est fondée à demander la décharge de l'amende prévue au II de l'article Lp. 1084-6 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie qui lui a été infligée au titre de l'exercice 2015 et la réduction à 2 % du taux de cette amende qui lui a été infligée au titre de l'exercice 2016, année de première infraction.

19. A cet égard, si le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie se prévaut du principe de l'application immédiate des lois répressives nouvelles plus douces, dès lors qu'aux termes de l'article 156 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie, applicable jusqu'au 1er janvier 2016, le fait de ne pas se conformer aux obligations déclaratives prévues à l'article 153 du même code entraînait la réintégration au résultat imposable des sommes non déclarées, ce qui aurait impliqué une sanction plus dure, il résulte de la notification de redressements que l'administration n'a pas mis en œuvre les dispositions de l'article 156 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie en réintégrant les sommes non déclarées au résultat imposable de la société SDPS.

20. Il résulte de tout ce qui précède que la société SDPS est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande en tant qu'elle porte sur la décharge de l'amende prévue au II de l'article Lp. 1084-6 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie qui lui a été infligée au titre de l'exercice 2015 et sur la réduction de cette amende au titre de l'exercice 2016. Ce jugement doit dès lors être réformé dans cette mesure et la société SDPS doit être déchargée de ladite amende dans la même mesure. Le surplus des conclusions en décharge de sa requête doit en revanche être rejeté.

Sur les conclusions tendant au remboursement des frais de caution engagés pour constituer les garanties nécessaires à l'octroi du sursis de paiement :

21. En l'absence de litige né et actuel avec le comptable relatif au remboursement des frais qui auraient été exposés en vue de garantir le paiement des impositions mises à la charge de la société SDPS, les conclusions tendant à ce remboursement doivent en tout état de cause être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

22. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Nouvelle-Calédonie la somme que la société SDPS demande au titre des frais qu'elle a exposés.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société SDPS.

Article 2 : La société SDPS est déchargée de l'amende prévue au II de l'article Lp. 1084-6 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie qui lui a été infligée au titre de l'exercice 2015.

Article 3 : Le taux de l'amende prévue au II de l'article Lp. 1084-6 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie infligée à la société SDPS au titre de l'exercice 2016 est ramené à 2 %.

Article 4 : La société SDPS est déchargée de l'amende prévue au II de l'article Lp. 1084-6 du code des impôts de Nouvelle-Calédonie qui lui a été infligée au titre de l'exercice 2016 à concurrence de la réduction prononcée à l'article 3.

Article 5 : Le jugement n° 2000129/1 du 11 mars 2021 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de la société SDPS est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la Société de Développement du Pacifique Sud (SDPS) et au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.

Copie en sera adressée au Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.

Délibéré après l'audience du 30 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. Platillero, président assesseur,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 avril 2022.

Le rapporteur,

F. PLATILLEROLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVALa République mande et ordonne au Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA02961


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA02961
Date de la décision : 13/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Fabien PLATILLERO
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : SARL CABINET BRIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-04-13;21pa02961 ?
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