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16/05/2023 | FRANCE | N°21PA00218

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 16 mai 2023, 21PA00218


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B..., a demandé au tribunal administratif de Paris, à titre principal, de condamner solidairement l'Assistance publique - hôpitaux de Paris (AP-HP), l'Etat ou la ville de Paris à lui verser, en sa qualité d'ayants droit de M. A... B..., la somme de 50 000 euros et en son nom propre, la somme de 1 125 854,10 euros en réparation des préjudices subis du fait du décès de M. A... B... et à titre subsidiaire, d'ordonner un complément d'expertise afin de déterminer le lien de causalité entre sa situa

tion professionnelle et l'accident de son fils ainsi que les conséquences s...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B..., a demandé au tribunal administratif de Paris, à titre principal, de condamner solidairement l'Assistance publique - hôpitaux de Paris (AP-HP), l'Etat ou la ville de Paris à lui verser, en sa qualité d'ayants droit de M. A... B..., la somme de 50 000 euros et en son nom propre, la somme de 1 125 854,10 euros en réparation des préjudices subis du fait du décès de M. A... B... et à titre subsidiaire, d'ordonner un complément d'expertise afin de déterminer le lien de causalité entre sa situation professionnelle et l'accident de son fils ainsi que les conséquences sur son propre état de santé et de lui allouer, à titre provisionnel, les sommes correspondant à ses préjudices économiques.

Par un jugement n° 1716442/6-1 du 13 novembre 2020, le tribunal administratif de Paris a condamné l'AP-HP à verser à Mme B... la somme de 46 466,80 euros et la ville de Paris et l'Etat à lui verser la somme de 5 808,35 euros chacun.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 14 janvier 2021, le 30 juin 2021, le

15 février 2022, le 24 novembre 2022 et le 2 janvier 2023, Mme B..., représentée Par

Me Bernfeld-Ojalvo, demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :

1°) de réformer le jugement n° 1716442/6-1 du 13 novembre 2020 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à sa demande indemnitaire ;

2°) à titre principal, de condamner l'AP-HP, l'Etat et la ville de Paris, selon le partage de responsabilité retenu Par les premiers juges, à lui verser la somme totale de 568 721,73 euros, assortie des intérêts légaux et de leur capitalisation, en réparation des préjudices propres qu'elle a subis du fait du décès de son fils ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une mesure d'expertise médicale afin de déterminer le lien de causalité entre sa situation professionnelle et l'accident de son fils ainsi que les conséquences sur son propre état de santé et de condamner l'AP-HP, l'Etat et la ville de Paris, selon le partage de responsabilité retenu Par les premiers juges, à lui verser la somme de

200 000 euros à titre de provision en réparation des préjudices économiques subis ;

4°) de mettre à la charge de l'AP-HP, de l'Etat et de la ville de Paris, selon le partage de responsabilité retenu Par les premiers juges, les entiers dépens ainsi que la somme de

15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les appels incidents de l'Etat et de l'AP-HP sont irrecevables car ils soulèvent un litige distinct ;

- c'est à tort que le tribunal n'a pas retenu de lien de causalité direct et certain entre les fautes commises Par l'AP-HP, l'Etat et la ville de Paris et les préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux résultant du syndrome anxio-dépressif dont elle souffre du fait du décès de son fils ;

- elle a droit au remboursement des dépenses de santé exposées au titre du suivi de consultations de psychothérapie à hauteur de 747 euros, après application du taux de perte de chance de 50 % ;

- elle subit une perte de gains professionnels évaluée à une somme totale 491 010,70 euros, après application du taux de perte de chance de 50 %, dès lors qu'elle a été placée en arrêt maladie puis en mi-temps thérapeutique du 14 novembre 2013 au 23 juillet 2019 ; depuis cette date, elle a de nouveau été placée en arrêt maladie, a été contrainte de céder son cabinet dentaire à un prix particulièrement bas et va subir une perte des droits à la retraite ;

- son incidence professionnelle doit être évaluée à hauteur de 25 000 euros, après application du taux de perte de chance ;

- son déficit fonctionnel temporaire doit être évalué à hauteur de 4 464 euros, après application du taux de perte de chance ;

- son déficit fonctionnel permanent doit être évalué à hauteur de 15 000 euros, après application du taux de perte de chance ;

- son préjudice d'agrément doit être réparé à hauteur de 7 500 euros, après application du taux de perte de chance ;

- son préjudice d'établissement doit être réparé à hauteur de 25 000 euros, après application du taux de perte de chance.

Par des mémoires, enregistrés le 25 février 2021, le 14 janvier 2022, le

22 novembre 2022, le 30 novembre 2022 et un mémoire non communiqué enregistré le 9 janvier 2023, la caisse autonome de retraite des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes (CARCDSF), représentée Par Me Assous-Legrand, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de réformer le jugement n° 1716442/6-1 du 13 novembre 2020 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté la demande de remboursement de ses débours ;

2°) de condamner solidairement l'AP-HP, l'Etat et la ville de Paris à lui verser la somme de 257 189,41 euros, sans préjudice des prestations non connues à ce jour et de celles qui pourraient être versées ultérieurement ;

3°) de mettre à la charge solidaire de l'AP-HP, de l'Etat et de la ville de Paris la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a versé des prestations à hauteur de 257 189, 41 euros au titre des pertes de gains professionnels subies Par Mme B..., qui doivent être remboursées en raison de leur imputabilité aux fautes commises Par l'AP-HP, l'Etat et la ville de Paris ;

- ses droits doivent être réservés pour les frais à venir du fait de l'aggravation de l'état de santé de Mme B....

Par des mémoires en défense, enregistrés le 28 avril 2021 et le 19 juillet 2021, le préfet de police demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) Par la voie de l'appel incident :

- à titre principal, de réformer le jugement n° 1716442/6-1 du 13 novembre 2020 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il condamne l'Etat à verser à Mme B... la somme de 5 808,35 euros en réparation des préjudices subis du fait du décès de son fils ;

- à titre subsidiaire, à ce que les prétentions indemnitaires de Mme B... soient ramenées à de plus justes proportions.

Il soutient que :

- la responsabilité de l'Etat, au titre de l'intervention de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, ne pouvait être retenue dès lors que, d'une part, les sapeurs-pompiers agissaient au nom et pour le compte de la ville de Paris et que d'autre part, ni Mme B... ni la ville de Paris n'ont mis en cause la responsabilité de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris ;

- c'est à tort que les premiers juges ont retenu un lien de causalité entre le diagnostic tardif réalisé Par la brigade des sapeurs-pompiers de Paris et le décès de M. B... alors que son état de santé était déjà très dégradé lors de l'arrivée des pompiers et que les causes de son décès demeurent inconnues en l'absence d'autopsie ;

- à titre subsidiaire et en admettant même qu'un lien de causalité soit retenu, la perte de chance fixée à 50 % apparaît excessive et doit être évalué à 20% dont 4% imputable à la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, au regard de la littérature scientifique ;

- la demande d'indemnisation présentée Par Mme B..., en sa qualité d'ayants droit, au titre des souffrances endurées Par son fils doit être ramenée à de plus justes proportions ;

- les demandes d'indemnisation présentées Par Mme B..., en son nom propre, au titre des divers préjudices subis du fait du décès de son fils doivent être, selon les cas, soit ramenées à de plus justes proportions, soit rejetées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 décembre 2022, l'AP-HP, représentée Par Me Tsouderos, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) Par la voie de l'appel incident :

- à titre principal, de réformer le jugement n° 1716442/6-1 du 13 novembre 2020 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il condamne l'AP-HP à verser à Mme B... la somme de 46 466,80 euros en réparation des préjudices subis du fait du décès de son fils ;

- à titre subsidiaire, à ce que les prétentions indemnitaires de Mme B... soient ramenées à de plus justes proportions.

Il soutient que :

- la responsabilité de l'AP-HP, au titre de l'intervention du SAMU de Paris, ne pouvait être retenue dès lors qu'aucune faute n'a été commise Par le médecin régulateur, ni Par l'équipe médicale du SAMU qui a prise en charge M. B... au domicile de ses grands-parents ;

- c'est à tort que les premiers juges ont retenu que les fautes imputées à l'AP-HP étaient à l'origine d'une perte de chance d'éviter le décès de M. B... à hauteur de 50 % alors que les causes de son décès demeurent inconnues en l'absence d'autopsie et que la dégradation très rapide de son état de santé permet d'écarter toute perte de chance significative ;

- les demandes d'indemnisation présentées Par Mme B... en son nom propre au titre des divers préjudices subis du fait du décès de son fils doivent être, selon les cas, soit ramenées à de plus justes proportions, soit rejetées.

La procédure a été communiquée à la ville de Paris, à la société Harmonie Mutuelle et la société La Médicale de France, qui n'ont pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- les conclusions de Mme Pena, rapporteure publique,

- les observations Me Berneld-Ojalvo, représentant Mme B...,

- les observations de Me Tsouderos, représentant l'AP-HP,

- et les observations de M. D..., représentant le préfet de police.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., alors âgé de vingt-cinq ans, a été victime d'un malaise avec perte de connaissance au domicile de ses grands-parents le 14 novembre 2013 vers 10 heures 20. Son grand-père et sa mère, Mme B..., ont alors appelé le service d'aide médicale d'urgence (SAMU) de Paris qui, à la suite de l'entretien téléphonique et de l'analyse des symptômes décrits, a envoyé sur place une équipe de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris. Au vu du bilan clinique réalisé Par les pompiers, arrivés sur les lieux à 10 heures 42, il a été sollicité, à 11 heures 21, l'intervention d'une unité médicalisée du SAMU qui s'est présentée sur place à 11 heures 32. Après avoir dû faire face à trois arrêts circulatoires successifs, les équipes du SAMU ont procédé, à 12 heures 45, au transfert de M. B... dans le service de réanimation chirurgicale de l'hôpital européen Georges Pompidou où son décès a été constaté à 14 heures avant toute possibilité opératoire.

2. A la demande de Mme B..., le juge des référés du tribunal administratif de Paris a, Par une ordonnance du 10 septembre 2015, ordonné deux expertises, l'une portant sur la prise en charge de M. A... B..., l'autre portant sur l'état de santé de Mme B... à la suite du décès de son fils, dont les rapports ont été respectivement déposés les 12 juillet 2015 et

19 octobre 2016. Estimant que la responsabilité du SAMU et des pompiers de Paris était engagée, Mme B... a saisi le tribunal administratif de Paris afin d'obtenir réparation des préjudices subis. Par un jugement avant dire droit du 30 novembre 2018, le tribunal administratif de Paris a ordonné une nouvelle expertise médicale. A la suite du dépôt du rapport d'expertise le 7 aout 2019, le tribunal a, Par un jugement du 13 novembre 2020, estimé que des manquements fautifs, imputables tant au SAMU qu'aux sapeurs-pompiers, avaient été commis dans la prise en charge de M. B... et lui avaient fait perdre une chance, évaluée à 50 %, d'éviter son décès. Le tribunal a ainsi retenu la responsabilité de l'AP-HP, dont relève le SAMU de Paris, à hauteur de 80% et celle de l'Etat et de la ville de Paris, au titre de l'intervention de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, à hauteur de 10% chacun et a condamné l'AP-HP à verser à Mme B... la somme de 46 466,80 euros et la ville de Paris et l'Etat à lui verser la somme de 5 808,35 euros chacun.

3. Mme B... relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à sa demande. Par la voie de l'appel incident, l'AP-HP et l'Etat concluent à la réformation du jugement en tant qu'il les condamne à verser à Mme B... respectivement la somme de 46 466,80 euros et de 5 808,35 euros. Enfin, la caisse autonome de retraite des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes (CARCDSF) demande à la cour le remboursement de ses débours à hauteur de 257 189, 41 euros.

Sur la fin de non-recevoir opposée Par Mme B... :

4. D'une part, les appels principaux formés Par Mme B... et la CARCDSF tendent à la réformation du jugement du 13 novembre 2020 en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de leur demande indemnitaire. Dans ces conditions, les conclusions d'appel incident Par lesquelles l'AP-HP et l'Etat contestent le principe de leur responsabilité ne soulèvent pas un litige distinct de celui qui fait l'objet des appels principaux. Par suite, de telles conclusions sont recevables.

5. D'autre part, l'appel principal formé Par Mme B... ne porte que sur l'indemnisation allouée Par le tribunal en réparation des préjudices personnellement subis Par cette dernière. En outre, l'appel principal formé Par la CARCDSF porte sur le remboursement des indemnités journalières et de la pension de retraite pour inaptitude versées à Mme B... en compensation de ses propres pertes de gains professionnels. Dès lors, les conclusions d'appel incident Par lesquelles l'Etat conteste l'indemnisation accordée à Mme B... en sa qualité d'ayant droit au titre des souffrances endurées Par M. B... avant son décès soulèvent un litige distinct des appels principaux, lesquelles ne concernent que les préjudices personnellement subis Par Mme B... du fait du décès de son fils. Par suite, ces conclusions d'appel incident sont irrecevables et doivent être rejetées.

Sur la responsabilité :

En ce qui concerne la personne publique responsable :

6. D'une part, aux termes de l'article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales : " Le maire est chargé (...) de la police municipale (...) " et aux termes de l'article L. 2212-2 du même code : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (...) 5° Le soin de (...) pourvoir d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours (...) ". Aux termes de l'article

L. 2216-2 du même code : " (...) les communes sont civilement responsables des dommages qui résultent de l'exercice des attributions de police municipale, quel que soit le statut des agents qui y concourent. Toutefois, au cas où le dommage résulte, en tout ou partie, de la faute d'un agent ou du mauvais fonctionnement d'un service ne relevant pas de la commune, la responsabilité de celle-ci est atténuée à due concurrence. / La responsabilité de la personne morale autre que la commune dont relève l'agent ou le service concerné ne peut être engagée que si cette personne morale a été mise en cause, soit Par la commune, soit Par la victime du dommage. S'il n'en a pas été ainsi, la commune demeure seule et définitivement responsable du dommage. " Il résulte de ces dispositions que, si la responsabilité de la commune, à laquelle incombe notamment le soin de pourvoir d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours, est susceptible d'être engagée Par toute faute commise dans l'exercice de ces attributions, celles des fautes qui seraient commises, dans cet exercice, Par un service relevant d'une autre personne morale que la commune, sont de nature à atténuer la responsabilité de cette dernière, sous réserve que la commune ou les victimes du dommage aient mis en cause la responsabilité de ce service devant le juge administratif.

7. D'autre part, aux termes de l'article L. 2512-17 du code général des collectivités territoriales : " Le préfet de police est chargé du secours et de la défense contre l'incendie. / (...) / A ce titre, la brigade de sapeurs-pompiers de Paris est le service d'incendie et de secours territorialement compétent chargé des missions mentionnées à l'article L. 1424-2. / Placée pour emploi sous l'autorité du préfet de police de Paris, les missions et l'organisation de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris sont fixées Par décret en Conseil d'Etat. ". Aux termes de l'article

R. 1321-19 du code de la défense : " La brigade de sapeurs-pompiers de Paris, placée pour emploi sous l'autorité du préfet de police, est chargée de la prévention, de la protection et de la lutte contre les incendies, à Paris (...). / Elle concourt, avec les autres services et professionnels concernés, (...) aux secours d'urgence dans les limites territoriales mentionnées à l'alinéa précédent. ". Lorsqu'il assure, à Paris, les missions qui lui sont attribuées Par ces dispositions, le préfet de police y exerce des missions de police municipale prévues Par les dispositions de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales. La responsabilité de l'Etat peut, Par suite, être recherchée pour les fautes éventuellement commises dans l'exercice de ces missions dans les conditions fixées Par l'article L. 2216-2 du même code.

8. Il résulte de l'instruction que Mme B... a adressé, le 26 juin 2017, une demande indemnitaire préalable aux sapeurs-pompiers de Paris puis a recherché leur responsabilité devant le tribunal administratif de Paris à raison des fautes imputées à l'équipe de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris dans la prise en charge de M. A... B... lors de leur intervention le

14 novembre 2013 au domicile de ses grands-parents situé à Paris. Dans ces conditions, la responsabilité de l'Etat pouvait être valablement engagée dans les conditions fixées Par l'article L. 2216-2 du code général des collectivités territoriales.

En ce qui concerne les fautes :

9. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) ".

10. Il résulte des dispositions des articles R. 6311-1 à R. 6311-13 du code de la santé publique que le SAMU, qui comporte un centre de réception et de régulation des appels, est chargé d'assurer une écoute médicale permanente, de déterminer et de déclencher la réponse la mieux adaptée à la nature des appels, de s'assurer de la disponibilité des moyens d'hospitalisation, publics ou privés, adaptés à l'état du patient, d'organiser le cas échéant le transport dans un établissement public ou privé en faisant appel à un service public ou à une entreprise privée de transports sanitaires et de veiller à l'admission du patient. En outre, le médecin régulateur est chargé d'évaluer la gravité de la situation et de mobiliser l'ensemble des ressources disponibles, en vue d'apporter la réponse la plus appropriée à l'état du patient et de veiller à ce que les soins nécessaires lui soient effectivement délivrés. Il doit pour ce faire se fonder sur une estimation du degré de gravité avérée ou potentielle de l'atteinte à la personne concernée, une appréciation du contexte, de l'état et des délais d'intervention des ressources disponibles. Ces appréciations reposent sur un dialogue entre le médecin régulateur et la personne concernée, ou, le cas échéant, son entourage.

11. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise judiciaire déposé le 7 août 2019, ainsi que de la retranscription des échanges téléphoniques ayant eu lieu le 14 novembre 2013 avec l'assistant régulateur médical puis le médecin régulateur du SAMU, que Mme B..., qui avait fait état de sa formation médicale en qualité de dentiste, a exposé avec précision les symptômes présentés Par son fils. Elle a en particulier fait état d'une perte de connaissance prolongée à la suite d'une chute, associée à une pâleur et à des difficultés respiratoires malgré la réalisation d'un bouche-à-bouche. Selon l'expert, les signes cliniques décrits, et notamment l'état d'inconscience persistant de M. B... alors que dix minutes s'étaient écoulées depuis son malaise, étaient évocateurs d'une situation de gravité potentielle qui aurait dû conduire, dans le doute, à l'envoi d'un véhicule médicalisé du SAMU. Il ne résulte pas de l'instruction, et n'est pas allégué, que les moyens disponibles au moment des faits n'auraient pas permis d'envoyer immédiatement sur place un véhicule médicalisé équipé de moyens de diagnostic et de réanimation. Dès lors, en décidant de faire intervenir une équipe des sapeurs-pompiers de Paris, le médecin régulateur du SAMU a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'AP-HP.

12. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que lors de l'arrivée des pompiers à

10 heures 42, M. B... présentait une tachycardie avec une tension artérielle imprenable, une polypnée de compensation, une anémie, une pâleur et des sueurs, dans un contexte de douleurs abdominales intenses. Selon les rapports d'expertise judiciaire déposés les 12 juillet 2016 et 7 août 2019, une telle symptomatologie témoignait de signes évidents d'un état de choc imposant une prise en charge médicale en urgence immédiate. Néanmoins, il résulte de l'instruction que les pompiers ont tardé à effectuer le bilan clinique et à solliciter l'intervention d'une équipe médicale du SAMU. Par le jugement attaqué, qui n'est pas contesté Par les parties sur ce point, les premiers juges ont retenu que la brigade des sapeurs-pompiers de Paris avait ainsi commis des retards fautifs dans la prise en charge de M. B....

13. En dernier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise judiciaire déposé le 7 août 2019, que les symptômes présentés Par M. B... exposés au point précédent, dans un contexte de douleurs abdominales extrêmes, étaient évocateurs d'un état de choc, et plus précisément d'une détresse circulatoire aigue à type de choc hémorragique au niveau abdominal. Toutefois, l'équipe médicale du SAMU, lors de son arrivée sur les lieux à 11 heures 32, a attribué ces signes cliniques à une cause cardiaque, ce qui l'a conduit à prendre des décisions inadaptées à l'état de santé de M. B.... A cet égard, l'expert indique que le SAMU a administré des médicaments inappropriés au traitement de choc hémorragique abdominal, et notamment l'injection d'adrénaline à une posologie réservée au traitement d'un arrêt cardiaque, et l'injection de Cordarone (r) ayant pour effet de réduire la contractibilité myocardique. En outre, l'expert relève l'insuffisance du remplissage vasculaire, inférieur à mille millilitres de sérum physiologique, durant l'intervention du SAMU. Si l'AP-HP conteste ce dernier manquement, il résulte toutefois de l'instruction, et notamment de la note de synthèse rédigée Par l'expert le 6 juin 2019 et annexée au rapport déposé le 7 août suivant, que le remplissage vasculaire massif fait partie des recommandations de prise en charge du choc hémorragique et aurait dû ainsi être mis en œuvre. Dans ces conditions, l'erreur fautive de diagnostic du SAMU, qui s'est orienté vers une cause cardiaque, a été à l'origine de manquements thérapeutiques engageant la responsabilité de

l'AP-HP.

En ce qui concerne le lien de causalité et la perte de chance :

14. Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public de santé a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise Par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage advienne. La réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel, déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue.

15. S'il est constant que la cause du décès de M. B... ne peut être déterminée avec certitude en l'absence d'autopsie, il résulte des rapports déposés les 12 juillet 2016 et

7 août 2019 que les experts sont parvenus à la conclusion que l'hypothèse la plus probable du décès est une rupture de l'aorte abdominale, laquelle a pu intervenir de façon spontanée ou résulter d'une dissection aortique ou d'un anévrysme de l'aorte.

16. D'une part, il résulte de la note de synthèse rédigée Par l'expert le 6 juin 2019 et annexée au rapport déposé le 7 août suivant que les fautes commises Par le médecin régulateur du SAMU puis Par la brigade des sapeurs-pompiers de Paris ont retardé d'au moins 45 minutes la prise en charge Par une équipe médicale du SAMU. En outre, les fautes commises Par l'équipe médicale du SAMU ont allongé la durée d'intervention au domicile de M. B..., évaluée à 70 minutes, retardant ainsi son transfert à l'hôpital en vue d'y subir une intervention chirurgicale. Si les experts indiquent que la succession de ces fautes n'a pas directement causé le décès de

M. B... dès lors que la gravité de sa pathologie, même prise en charge dans des conditions optimales, l'exposait à un risque vital, ils relèvent également qu'une prise en charge sans délai aurait permis d'améliorer le pronostic global de l'intéressé. Dans ces conditions, les fautes commises tant Par le SAMU que Par les sapeurs-pompiers ont privé M. B... d'une chance d'échapper à son décès Par la mise en œuvre, sans retard, d'une prise en charge adaptée à son état de santé.

17. D'autre part, il résulte des rapports d'expertise judiciaire déposés les 12 juillet 2016 et 7 août 2019, que les ruptures de l'aorte abdominale, quelle que soit leur cause, constituent des pathologies graves de survenue brutale pour lesquelles le pronostic vital se dégrade rapidement et le taux de survie demeure peu élevé. A cet égard, il résulte de l'instruction que lors de l'arrivée des pompiers sur les lieux à 10 heures 42, moins de quinze minutes après l'appel au SAMU, ce dernier se trouvait dans un état particulièrement préoccupant faisant suspecter une détresse circulatoire aigue à type de choc hémorragique d'origine abdominale, témoignant ainsi du rythme d'aggravation très rapide de sa pathologie. Si les premiers juges ont relevé que M. B... était un sujet jeune et que la littérature médicale rapportait des cas comparables au pronostic de survie bien meilleur que ceux habituellement recensés pour ce type de pathologies, il résulte toutefois de l'expertise déposée le 7 août 2019 que cette littérature médicale concernait des patients souffrant du syndrome d'Elhers-Danlos dont l'âge n'est pas précisé et qu'en l'absence d'autopsie, aucune élément ne permet d'établir que M. B... souffrait d'un tel syndrome. Au demeurant, cette expertise fait état d'autres articles mentionnant le taux de mortalité élevé de patients jeunes souffrant du syndrome d'Elhers-Danlos, victimes d'une rupture de l'aorte abdominale. Dans ces conditions, compte tenu de l'impossibilité de déterminer avec certitude le mécanisme de survenue du décès de M. B... faute d'une autopsie qui a été refusée Par sa famille, du rythme très rapide de dégradation de son état de santé et de la gravité des signes cliniques qu'il a présentés lors de l'arrivée des pompiers, il y a lieu d'évaluer la perte de chance d'éviter son décès à 30 % et, Par suite, de réformer le jugement du tribunal administratif sur ce point.

18. Eu égard au déroulement des faits et à la nature des fautes commises Par la brigade des sapeurs-pompiers de Paris et Par le SAMU de Paris, la part de responsabilité peut être fixée à 80 % pour l'AP-HP et 20 % Par l'Etat et la ville de Paris, chacun pour moitié, ainsi que l'ont retenu les premiers juges sans que ce partage de responsabilité ne soit contesté Par les parties.

Sur les préjudices de Mme B... :

19. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise judiciaire réalisée Par un psychiatre et déposé le 19 octobre 2016, que Mme B... a présenté un état de stress post-traumatique aigu ainsi qu'un deuil traumatique pathologique, à l'origine de troubles dépressifs chroniques d'intensité sévère, du fait des circonstances traumatisantes du décès de son fils. Dans les circonstances de l'espèce, le préjudice d'affection de Mme B... inclut, outre la douleur morale liée au décès de son fils vivant à son domicile et auquel elle a assisté, le retentissement pathologique avéré, notamment dépressif, subi Par l'intéressée. Dès lors, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme de 120 000 euros et en portant ainsi à 36 000 euros, après application du taux de perte de chance de 30 %, la somme de 30 000 euros allouée Par les premiers juges.

20. En second lieu, la survenue, chez les proches d'une victime décédée, de pathologies consécutives à ce décès portant atteinte à leur intégrité psychique ne peut être regardée comme la conséquence directe de la faute commise Par la personne publique et ne saurait, dès lors, ouvrir un droit à réparation des préjudices résultant de ces pathologies. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à solliciter l'indemnisation des préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux qu'elle impute à la pathologie dépressive dont elle souffre. Il en résulte que les demandes tendant à l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire, du déficit fonctionnel permanent, du préjudice d'agrément et du préjudice d'établissement doivent être rejetées. Il en va de même des demandes d'indemnisation des frais de psychothérapie, des pertes de revenus, des pertes de droit à la retraite et de l'incidence professionnelle subies dans les suites de ses troubles dépressifs.

21. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est fondée à demander que l'indemnité que le tribunal administratif a condamné l'Etat, la ville de Paris et l'AP-HP à lui verser soit portée à la somme de 64 083,50 euros. Compte tenu du partage de responsabilité retenu,

l'AP-HP doit être condamnée à verser à Mme B... une somme de 51 266,80 euros et la ville de Paris et l'Etat une somme de 6 408,35 euros chacun.

Sur les intérêts :

22. Mme B... a droit aux intérêts au taux légal de la somme de 64 083,50 euros à compter du 4 juillet 2017, date de réception de sa réclamation préalable Par le SAMU et la brigade des sapeurs-pompiers ainsi qu'à la capitalisation de ces intérêts à compter du 4 juillet 2018, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêt, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur les droits de la caisse autonome de retraite des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes :

23. Compte tenu de ce qui a été dit au point 20 du présent arrêt, la CARCDSF ne peut prétendre au remboursement des indemnités journalières et de la pension de retraite pour inaptitude qu'elle a versées à Mme B... en compensation de ses pertes de gains professionnels.

Sur les frais liés au litige :

24. Il y a lieu, de maintenir à la charge de l'AP-HP, de la ville de Paris et de l'Etat, les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 5 709,53 euros, selon le partage de responsabilité retenu Par les premiers juges.

25. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'AP-HP la somme de 1 200 euros et de la ville de Paris et de l'Etat la somme 150 euros chacun à verser à Mme B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la CARCDSF présentées sur le même fondement pour les motifs exposés au point 23 du présent arrêt.

D E C I D E :

Article 1er : La somme de 46 466,80 euros que l'AP-HP a été condamnée à verser à

Mme B... Par le jugement du tribunal administratif de Paris du 13 novembre 2020 est portée à 51 266,80 euros. Cette somme est assortie des intérêts au taux légal à compter du 4 juillet 2017. Les intérêts échus à la date du 4 juillet 2018 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : La somme de 5 808,35 euros chacun que l'Etat et la ville de Paris ont été condamnés à verser à Mme B... Par le jugement du tribunal administratif de Paris du 13 novembre 2020 est portée à 6 408,35 euros chacun. Ces sommes sont assorties des intérêts au taux légal à compter du 4 juillet 2017. Les intérêts échus à la date du 4 juillet 2018 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 13 novembre 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'AP-HP versera à Mme B... la somme de 1 200 euros et la ville de Paris et l'Etat verseront à Mme B... la somme de 150 euros chacun en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent jugement sera notifié à Mme C... B..., à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris, à la ville de Paris, au préfet de police, à la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine, à la société Harmonie Mutuelle, à la société La Médicale de France et à la caisse autonome de retraite des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes.

Délibéré après l'audience du 14 avril 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère,

- Mme Gaëlle Dégardin, première conseillère.

Rendu public Par mise à disposition au greffe le 16 mai 2023.

La rapporteure,

G. E...Le président,

I. LUBEN

La greffière,

N. DAHMANILa République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA00218 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA00218
Date de la décision : 16/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-04-01-03-01 RESPONSABILITÉ DE LA PUISSANCE PUBLIQUE. - RÉPARATION. - PRÉJUDICE. - CARACTÈRE DIRECT DU PRÉJUDICE. - ABSENCE. - FAUTE AYANT ENTRAÎNÉ UNE PERTE DE CHANCE D'ÉVITER LE DÉCÈS DE LA VICTIME DIRECTE ET DOMMAGE CORPOREL SUBI PAR LA VICTIME « PAR RICOCHET » TENANT À LA SURVENUE D'UNE PATHOLOGIE PORTANT ATTEINTE À SON INTÉGRITÉ PSYCHIQUE À LA SUITE DE CE DÉCÈS - CONSÉQUENCE - ABSENCE D'INDEMNISATION DES PRÉJUDICES SUBIS PAR LA VICTIME « PAR RICOCHET » RÉSULTANT DE CETTE PATHOLOGIE.

60-04-01-03-01 1) La survenue, chez les proches d'une victime décédée (victimes « par ricochet »), de pathologies consécutives à ce décès portant atteinte à leur intégrité psychique (« deuil pathologique ») ne peut être regardée comme la conséquence directe de la faute commise par la personne publique ayant occasionné le décès et ne saurait, dès lors, ouvrir un droit à réparation des préjudices résultant de ces pathologies....En conséquence, la victime « par ricochet » n'est pas fondée à solliciter l'indemnisation des préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux découlant de la survenue d'un tel « deuil pathologique »....2) Le retentissement pathologique du décès subi par la victime « par ricochet » peut en revanche donner lieu à une indemnisation au titre du préjudice d'affection (tel que rappelée par la nomenclature dite « Dintilhac »), modulée en fonction de l'importance de ce retentissement.


Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Gaëlle DÉGARDIN
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : CABINET BERNFELD-OJALVO

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-05-16;21pa00218 ?
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