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22/11/2022 | FRANCE | N°21NT02277

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 22 novembre 2022, 21NT02277


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes, la société Immobilière Carrefour, la société Mercialys, la société Uranie et la société l'Immobilière Groupe Casino ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la délibération du 18 octobre 2018 par laquelle le conseil municipal de Lorient a approuvé la modification n° 3 du plan local d'urbanisme de la commune, ainsi que la décision portant rejet du recours gracieux formé contre cette décision.

Par un jugement nos 1806165, 1901853 du 4 juin 2021, le tribun

al administratif de Rennes a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par u...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes, la société Immobilière Carrefour, la société Mercialys, la société Uranie et la société l'Immobilière Groupe Casino ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la délibération du 18 octobre 2018 par laquelle le conseil municipal de Lorient a approuvé la modification n° 3 du plan local d'urbanisme de la commune, ainsi que la décision portant rejet du recours gracieux formé contre cette décision.

Par un jugement nos 1806165, 1901853 du 4 juin 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 août 2021 et 13 janvier 2022, les sociétés l'Immobilière Groupe Casino et Uranie, représentées par Me Bolleau, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 4 juin 2021 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) d'annuler la délibération du 18 octobre 2018 du conseil municipal de Lorient ainsi que la décision portant rejet du recours gracieux formé contre cette décision ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Lorient le versement à chacune de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il ne comporte pas les signatures prescrites par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- le jugement attaqué est irrégulier en ce que le tribunal a omis d'examiner le moyen tiré de ce que le rapport de présentation soumis à enquête publique était insuffisant ;

- la délibération méconnaît les dispositions de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales ;

- l'évaluation environnementale est insuffisante ;

- le rapport de présentation est également insuffisant ;

- le dossier soumis à enquête publique est insuffisant ;

- la délibération contestée méconnaît les dispositions de l'article L. 153-31 du code de l'urbanisme en que la commune aurait dû procéder à une révision et non à une modification du plan local d'urbanisme ;

- la délibération contestée est incompatible avec les orientations du schéma de cohérence territoriale du Pays de Lorient s'agissant de la zone de Lorient Nord ; l'ouverture immédiate de la zone à l'urbanisation n'est pas nécessaire ;

- la délibération contestée est incompatible avec les objectifs du projet d'aménagement et de développement durables relatifs au renouvellement urbain et à la gestion économe des espaces ;

- la délibération contestée méconnaît les dispositions de l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 novembre 2021, la commune de Lorient, représentée par Me Eveno, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge des sociétés requérantes le versement de la somme globale de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable en ce qu'elle a été introduite tardivement ;

- aucun des moyens soulevés par les requérantes n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,

- et les observations de Me Louche, représentant les sociétés l'Immobilière Groupe Casino et Uranie, et de Me Eveno, représentant la commune de Lorient.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 18 octobre 2018, le conseil municipal de Lorient a approuvé la modification n° 3 du plan local d'urbanisme de la commune relative à la modification du zonage et à l'ouverture à l'urbanisation d'un terrain d'une superficie d'environ 10 hectares, classé antérieurement en zone 2 AUi, pour le développement du pôle commercial de Kérulvé. La société l'Immobilière Groupe Casino, propriétaire de locaux commerciaux au sein du centre commercial Lorient Larmor (Lorient) et la société Uranie, propriétaire de locaux commerciaux au sein du centre commercial Géant Casino (Lanester) relèvent appel du jugement du 4 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette délibération et de la décision implicite portant rejet de leur recours gracieux.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ". Il ressort des pièces de la procédure que la minute du jugement attaqué comporte l'ensemble des signatures requises par les dispositions précitées. Par suite, le moyen tiré de ce que ce jugement serait entaché d'une irrégularité, faute d'être revêtu des signatures du président, du rapporteur et du greffier, doit être écarté.

3. En second lieu, il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Rennes a expressément répondu aux moyens que comportaient les mémoires produits par les sociétés l'Immobilière Casino et Uranie. En particulier le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, n'a pas omis de répondre au moyen tiré de l'insuffisance du dossier soumis à enquête publique, moyen qu'il a écarté par des motifs suffisamment précis, en droit et en fait, aux points 17 à 30 du jugement attaqué. Par suite, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité sur ce point.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. En premier lieu, il y a lieu d'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, le moyen tiré de l'irrégularité, au regard des dispositions des articles L. 2121-10 et L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales, des convocations adressées aux conseillers municipaux pour la séance du 18 octobre 2018, que les requérants réitèrent en appel sans apporter de précisions nouvelles.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 151-4 du code de l'urbanisme : " Le rapport de présentation explique les choix retenus pour établir le projet d'aménagement et de développement durables, les orientations d'aménagement et de programmation et le règlement (...) ". Aux termes de l'article R. 151-1 du même code : " Pour l'application de l'article L. 151-4, le rapport de présentation : (....) / 3° Analyse l'état initial de l'environnement, expose la manière dont le plan prend en compte le souci de la préservation et de la mise en valeur de l'environnement ainsi que les effets et incidences attendus de sa mise en œuvre sur celui-ci. ". Aux termes de l'article R. 151-3 du code de l'urbanisme : " Au titre de l'évaluation environnementale lorsqu'elle est requise, le rapport de présentation : 2° Analyse les perspectives d'évolution de l'état initial de l'environnement (...) ; / 3° Expose les conséquences éventuelles de l'adoption du plan sur la protection des zones revêtant une importance particulière pour l'environnement, (...). ". Aux termes de l'article L. 104-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige, et qui reprend les dispositions de l'article L. 121-10 du code de l'urbanisme : " Font (...) l'objet de l'évaluation environnementale prévue à l'article L. 104-1 les documents suivants qui déterminent l'usage de petites zones au niveau local : 1° Les plans locaux d'urbanisme : a) Qui sont susceptibles d'avoir des effets notables sur l'environnement, au sens de l'annexe II à la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001, compte tenu notamment de la superficie du territoire auquel ils s'appliquent, de la nature et de l'importance des travaux et aménagements qu'ils autorisent et de la sensibilité du milieu dans lequel ceux-ci doivent être réalisés ; (...) ". Aux termes de l'article L. 104-4 du code de l'urbanisme, qui reprend les dispositions de l'article L. 121-11 du code de l'urbanisme : " Le rapport de présentation des documents d'urbanisme mentionnés aux articles L. 104-1 et L. 104-2 : / 1° Décrit et évalue les incidences notables que peut avoir le document sur l'environnement ; / 2° Présente les mesures envisagées pour éviter, réduire et, dans la mesure du possible, compenser ces incidences négatives ; / 3° Expose les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue de la protection de l'environnement, parmi les partis d'aménagement envisagés, le projet a été retenu. ". Aux termes de l'article R. 122-17 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - Les plans et programmes devant faire l'objet d'une évaluation environnementale sont énumérés ci-dessous : 53° Plan local d'urbanisme couvrant le territoire d'au moins une commune littorale au sens de l'article L. 321-2 du code de l'environnement ".

6. En l'espèce, le rapport de présentation du plan local d'urbanisme de la commune de Lorient a fait l'objet d'un additif spécifique dédié à la modification n°3 et à l'ouverture à l'urbanisation de la zone 2 AU de " Lorient Nord ", secteur de " Kerulvé Nord ". Ce document décrit précisément les motifs de la modification du zonage envisagée au sein de ce secteur, tirés des difficultés rencontrées par certaines enseignes, de l'attractivité de la zone industrielle, de la diversité fonctionnelle de l'urbanisation et de l'insuffisance du foncier au sein de la seule zone de la Cardonnière (Uid) au regard des besoins de la population. Il mentionne l'ouverture à l'urbanisation dans la seule continuité des zones d'activités actuelles de la Cardonnière et de Kérulvé, dans les limites de la zone 2 AUi fixées par le règlement graphique du plan local d'urbanisme de 2005, reconduit sur ce point en 2013. Il comporte une présentation détaillée de l'étude de circulation diligentée par la commune auprès du bureau d'étude spécialisé IRIS en novembre 2016, de l'usage des sols et du projet d'aménagement de " Kerulvé nord ", ainsi que l'exposé des objectifs de la modification, visant à désenclaver la zone, à conforter le pôle commercial et à contribuer à la création d'emplois. Par ailleurs le rapport de présentation comporte une évaluation environnementale, réalisée en novembre 2017, décrivant l'état initial de l'environnement dans ses composantes géologiques, biologiques, écologiques, paysagères et aquatiques ainsi que les caractéristiques de la zone de " Kerulvé Nord ". L'étude analyse les effets de la modification projetée sur la circulation, la qualité de l'air et le réseau de surveillance de l'air, les incidences notables du projet sur l'environnement et mentionne les mesures de nature à éviter, réduire ou compenser son impact. Le rapport de présentation comporte enfin des développements consacrés aux solutions de substitution au projet, et rappelle que " les zones à vocation artisanales, industrielles ou commerciales figurant au plan local d'urbanisme présentent uniquement des opportunités en densification. Ces opportunités sont systématiquement étudiées mais ne rendent pas toujours possibles de nouvelles installations d'entreprises. Il n'existe pas de zone 1AUi (zone à être urbanisée pour de l'activité) sur la Ville de Lorient, donc aucun secteur nouveau possible en zone d'activités. ". Dans ces conditions, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que le rapport de présentation du plan local d'urbanisme, dans sa version issue de la modification n°3, serait insuffisant ou incomplet.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 122-20 du code de l'environnement : " L'évaluation environnementale est proportionnée à l'importance du plan, schéma, programme et autre document de planification, aux effets de sa mise en œuvre ainsi qu'aux enjeux environnementaux de la zone considérée. / II.- Le rapport environnemental, qui rend compte de la démarche d'évaluation environnementale, comprend un résumé non technique des informations prévues ci-dessous : 3° Les solutions de substitution raisonnables permettant de répondre à l'objet du plan, schéma, programme ou document de planification dans son champ d'application territorial. Chaque hypothèse fait mention des avantages et inconvénients qu'elle présente, notamment au regard des 1° et 2° ; (...) / 6° La présentation successive des mesures prises pour : / a) Eviter les incidences négatives sur l'environnement du plan, schéma, programme ou autre document de planification sur l'environnement et la santé humaine ; / b) Réduire l'impact des incidences mentionnées au a ci-dessus n'ayant pu être évitées ; / c) Compenser, lorsque cela est possible, les incidences négatives notables du plan, schéma, programme ou document de planification sur l'environnement ou la santé humaine qui n'ont pu être ni évités ni suffisamment réduits. S'il n'est pas possible de compenser ces effets, la personne publique responsable justifie cette impossibilité. ".

8. Ainsi qu'il a été dit au point 6, la délibération contestée portant modification du plan local d'urbanisme a été précédée d'une évaluation environnementale, réalisée en novembre 2017. Ce document comporte un chapitre consacré à la présentation du sol et du sous-sol (géologie, usage des sols, consommation foncière), de la biodiversité (trame verte et bleue, site Natura 2000, zone naturelle d'intérêt écologique faunistiques et floristique, zones importantes pour la conservation des oiseaux, sites inscrits et zones humides), du paysage et cadre de vie, de la ressource en eau, de la qualité de l'air, du plan climat énergie territorial, des déplacements et du plan de déplacement urbain, des risques naturels et technologiques, de l'agriculture et des déchets du site de " Kerulvé Nord ". Il comporte deux autres chapitres respectivement consacrés aux incidences du projet sur l'environnement et aux mesures de nature à les éviter, les réduire ou les compenser. Contrairement à ce que soutiennent les sociétés requérantes, l'étude analyse suffisamment les effets de la modification projetée sur la circulation et la qualité de l'air, dès lors notamment que l'étude de circulation réalisée en 2016, mentionnée au point 6, conclut à l'absence d'augmentation notable, du fait du projet, de la circulation routière sur la rue de Kérulvé. Par ailleurs, la circonstance que le document ne prévoirait pas la création de corridors destinés à permettre le déplacement d'espèces ciblées n'est pas de nature à établir une insuffisance, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les espèces animales présentes au sein de la zone naturelle d'intérêt écologique faunistiques et floristique seraient également présentes sur le site de " Kerulvé Nord ". Par suite, le moyen tiré de ce que l'évaluation environnementale serait insuffisante doit être écarté.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 153-19 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " Le projet de plan local d'urbanisme arrêté est soumis à enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement par le président de l'établissement public de coopération intercommunale ou le maire. ". Aux termes de l'article R. 153-8 du même code : " Le dossier soumis à l'enquête publique est composé des pièces mentionnées à l'article R. 123-8 du code de l'environnement et comprend, en annexe, les différents avis recueillis dans le cadre de la procédure. ".

10. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport du commissaire enquêteur, que le dossier soumis à enquête publique a comporté une présentation de la modification n°3 du plan local d'urbanisme de Lorient, laquelle a constitué l'additif spécifique ajouté au rapport de présentation du plan local d'urbanisme mentionné au point 6, ainsi que l'étude environnementale mentionnée au point 8. Ainsi qu'il a été dit aux points 6 et 8, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces documents, dont le contenu a été regardé par le commissaire enquêteur comme " suffisamment clair pour permettre au commissaire enquêteur et au public intéressé d'appréhender les principales caractéristiques du projet, ses impacts éventuels sur l'environnement et sur les riverains. ", seraient entachés d'insuffisance. La circonstance que le commissaire enquêteur aurait émis une réserve tendant à ce que soit limitée " la surface de la zone 1AUIa au strict besoin correspondant à 3 000 m² de surface commerciale au maximum prévus pour les dix ans à venir, en respectant les prescriptions du document d'orientation et d'objectifs du SCOT du Pays de Lorient en matière de surface de parkings, soit au total 5 000 m² au maximum " n'est pas de nature à établir que l'étude environnementale et la présentation de la modification n°3 du plan local d'urbanisme, figurant dans le dossier soumis à enquête publique, seraient incomplètes. Dès lors, le moyen tiré de ce que le dossier soumis à enquête publique serait insuffisant doit être écarté.

11. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 153-31 du code de l'urbanisme : " Le plan local d'urbanisme est révisé lorsque l'établissement public de coopération intercommunale ou la commune décide : / 1° Soit de changer les orientations définies par le projet d'aménagement et de développement durables ; / 2° Soit de réduire un espace boisé classé, une zone agricole ou une zone naturelle et forestière ; / 3° Soit de réduire une protection édictée en raison des risques de nuisance, de la qualité des sites, des paysages ou des milieux naturels, ou d'une évolution de nature à induire de graves risques de nuisance. / 4° Soit d'ouvrir à l'urbanisation une zone à urbaniser qui, dans les neuf ans suivant sa création, n'a pas été ouverte à l'urbanisation ou n'a pas fait l'objet d'acquisitions foncières significatives de la part de la commune ou de l'établissement public de coopération intercommunale compétent, directement ou par l'intermédiaire d'un opérateur foncier. ".

12. D'une part, il ressort des pièces du dossier que la zone de " Kérulvé Nord ", initialement classée par le plan local d'urbanisme en zone 2AU, se situe dans le prolongement de la zone commerciale de Kérulvé, du centre commercial K2 et de la zone artisanale de la Cardonnière. Il ressort notamment de l'étude de circulation, réalisée en novembre 2016 par le bureau d'études IRIS à la demande de la commune de Lorient, que l'augmentation du trafic généré par l'extension de la zone d'activité sera limitée, quel que soit le scénario d'aménagement futur retenu. En outre, contrairement à ce que soutiennent les sociétés requérantes, qui n'apportent aucun élément précis en ce sens, il ne ressort pas des pièces du dossier que les aménagements futurs entraîneront des graves risques de nuisances sonores, olfactives ou visuelles pour les habitants du village de Kérulvé. Par ailleurs, la surface concernée par la modification n°3 du plan local d'urbanisme représente une superficie limitée à 10 hectares, soit 0,57 % de la surface totale du territoire de la commune de Lorient. Dans ces conditions, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir l'extension de la zone commerciale serait de nature à provoquer de graves risques de nuisance au sens des dispositions du 3° de l'article L. 153-31 du code de l'urbanisme.

13. D'autre part il ressort des pièces du dossier que, par une délibération du 19 décembre 2013, la commune de Lorient a approuvé, après concertation et enquête publique, la révision générale de son plan local d'urbanisme, laquelle a notamment emporté l'élaboration d'un nouveau projet d'aménagement et de développement durables et de nouveaux règlements écrit et graphique. Eu égard à l'ampleur des modifications du parti d'aménagement qu'elle a induit, qui a concerné l'ensemble du territoire communal, ainsi qu'à la refondation des différents documents composant le plan local d'urbanisme qu'elle a emporté, c'est à la date de l'approbation de cette révision générale, soit le 19 décembre 2013 qu'il convient de fixer le point de départ du délai de neuf années prévues par les dispositions précitées du 4° de l'article L. 153-31 code de l'urbanisme. Par voie de conséquence ce délai n'était pas expiré à la date d'approbation de la délibération attaquée et ces dispositions n'ont pas été méconnues.

14. Il résulte de ce qui précède que les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que les auteurs du plan local d'urbanisme auraient entaché la modification en litige d'une erreur de droit en recourant à une procédure de modification plutôt qu'à une procédure de révision du plan local d'urbanisme.

15. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 131-4 du code de l'urbanisme : " Les plans locaux d'urbanisme (...) sont compatibles avec : 1° Les schémas de cohérence territoriale (...) ". Aux termes de l'article L. 131-6 du même code : " Lorsque le plan local d'urbanisme, (...) a été approuvé avant l'un des documents énumérés aux 1° à 4° de l'article L. 131-4, il est, si nécessaire, rendu compatible avec ce document : 1° Dans un délai d'un an s'il s'agit d'un schéma de cohérence territoriale ou de trois ans si la mise en compatibilité implique une révision du plan local d'urbanisme (...) ". L'article L. 142-1 du même code prévoit que : " Sont compatibles avec le document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale : 1° Les plans locaux d'urbanisme (...) ".

16. Pour apprécier la compatibilité d'un plan local d'urbanisme avec un schéma de cohérence territoriale, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle de l'ensemble du territoire couvert en prenant en compte l'ensemble des prescriptions du document supérieur, si le plan ne contrarie pas les objectifs qu'impose le schéma, compte tenu des orientations adoptées et de leur degré de précision, sans rechercher l'adéquation du plan à chaque disposition ou objectif particulier.

17. Le document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale du Pays de Lorient, qui identifie la zone de " Lorient Nord " comme une zone d'activités commerciales de type 1, prévoit notamment que " Afin de renforcer la fonction économique des centralités et de limiter la consommation excessive de foncier, il est indispensable de réserver l'implantation en zones d'activités aux entreprises qui en ont un besoin absolu (industrie, logistique, construction, services aux entreprises...) / Prescription : Les plan local d'urbanisme (ou le document en tenant lieu) définissent les destinations, et le cas échéant les sous-destinations, des bâtiments à réaliser dans les zones d'activités. Ils garantissent que ne peuvent s'implanter dans les nouvelles zones d'activités que les entreprises dont le fonctionnement est incompatible avec une localisation en centralité notamment en raison de flux logistiques, des surfaces de stockage nécessaires, de nuisances olfactives ou sonores, d'impératif d'accès rapides aux 4 voies. (...) / Prescription : Les ZACOM sont exclusivement le lieu d'implantation des équipements commerciaux majeurs dont le format et la logistique ne sont pas compatibles avec un fonctionnement en centralité ". En outre, selon le schéma de cohérence territoriale du Pays de Lorient : " les besoins en zones d'activités nouvelles sont estimés entre 181 et 213 ha cessibles d'ici 2037. Cette estimation (...) se base sur la consommation moyenne de foncier économique au cours des 10 dernières années en prenant en compte (...) le fait que les zones d'activités ne sont plus destinées à accueillir du commerce et des activités tertiaires ne relevant pas des services aux entreprises (11 ha par an au lieu de 15 ha) " et " Les plan local d'urbanisme (ou le document en tenant lieu) délimitent à leur échelle, et selon un rythme approprié aux besoins de mises sur le marché de nouveaux terrains en zones d'activités, les périmètres correspondants aux zones d'activités identifiées dans le schéma de cohérence territoriale. ".

18. Il ressort des pièces du dossier que la délibération contestée approuvant la modification n° 3 du plan local d'urbanisme de Lorient prévoit la réalisation de 3 000 m² de commerces. Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, le projet n'est pas incompatible avec l'objectif visant à limiter la consommation foncière, dès lors que la zone concernée était déjà classée par le document antérieur en zone 2AU d'urbanisation future. Si le rapport de présentation indique que des terrains en cours de commercialisation sont actuellement disponibles au sein de la zone de la Cardonnière (Uid) et peuvent ainsi être mobilisés pour l'accueil de nouvelles activités économiques, l'extension de cette zone, prolongée par le secteur concerné par la modification du plan local d'urbanisme, est expressément prévue par le schéma de cohérence territoriale au titre de la création de nouvelles zones d'activités " destinées aux besoins des entreprises industrielles, de construction, artisanales, logistiques, de services aux entreprises et toutes entreprises fortement consommatrices d'espaces par la nature de leur activité. La très grande majorité de ces sites (19/24) constituent des extensions de ZA existantes. ". En tout état de cause, les sociétés requérantes, qui invoquent les orientations et objectifs rappelés aux points précédents, n'apportent pas d'éléments permettant de porter une appréciation globale sur la compatibilité du plan avec les orientations et objectifs du schéma de cohérence territoriale pris, dans leur ensemble, à l'échelle du territoire couvert. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'incompatibilité du classement contesté par le plan local d'urbanisme de Lorient avec les objectifs fixés par le schéma de cohérence territoriale doit être écarté.

19. En septième lieu, aux termes de l'article L. 151-2 du code de l'urbanisme : " Le plan local d'urbanisme comprend : 1° Un rapport de présentation ; / 2° Un projet d'aménagement et de développement durables ; / 3° Des orientations d'aménagement et de programmation ; / 4° Un règlement ; / 5° Des annexes. / Chacun de ces éléments peut comprendre un ou plusieurs documents graphiques. Ces documents graphiques peuvent contenir des indications relatives au relief des espaces auxquels il s'applique. ". Aux termes de l'article L. 151-4 du même code : " Le rapport de présentation explique les choix retenus pour établir le projet d'aménagement et de développement durables, les orientations d'aménagement et de programmation et le règlement. ". Aux termes de l'article L. 151-5 du même code : " Le projet d'aménagement et de développement durables définit : / 1° Les orientations générales des politiques d'aménagement, d'équipement, d'urbanisme, de paysage, de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers, et de préservation ou de remise en bon état des continuités écologiques ; (...) / Il fixe des objectifs chiffrés de modération de la consommation de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain. ". Aux termes de l'article L. 151-6 du même code : " Les orientations d'aménagement et de programmation comprennent, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, des dispositions portant sur l'aménagement, l'habitat, les transports, les déplacements et, en zone de montagne, sur les unités touristiques nouvelles. (...). ". Aux termes du I de l'article L. 151-8 du même code : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3. ".

20. Pour apprécier la cohérence exigée au sein du plan local d'urbanisme entre le règlement et le projet d'aménagement et de développement durables, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle du territoire couvert par le document d'urbanisme, si le règlement ne contrarie pas les orientations générales et objectifs que les auteurs du document ont définis dans le projet d'aménagement et de développement durables, compte tenu de leur degré de précision. Par suite, l'inadéquation d'une disposition du règlement du plan local d'urbanisme à une orientation ou à un objectif du projet d'aménagement et de développement durables ne suffit pas nécessairement, compte tenu de l'existence d'autres orientations ou objectifs au sein de ce projet, à caractériser une incohérence entre ce règlement et ce projet.

21. En l'espèce, les sociétés requérantes soutiennent que la délibération contestée n'est pas cohérente avec le projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme, et notamment l'orientation n°2 visant à favoriser l'économie du foncier disponible et préserver des espaces non imperméabilisés. Toutefois, la circonstance que la modification n° 3 du plan local d'urbanisme de Lorient prévoirait la réalisation de 3 000 m² de commerces n'apparaît pas de nature à compromettre cet objectif, alors même que l'orientation le projet d'aménagement et de développement comporte également une orientation n°4 - D visant à " préserver la vitalité commerciale " et n°1-C visant à " favoriser le renouvellement urbain et la requalification de l'existant ", laquelle prévoit au demeurant l'extension de la zone de " La Cardonnière " située en continuité avec le périmètre du " Secteur de Kérulvé Nord ". Par ailleurs, si l'orientation n°2 du projet d'aménagement et de développement durables prévoit, pour les opérations d'aménagement, la préservation d'espaces de pleine terre permettant de limiter l'imperméabilisation des sols, les requérantes ne contestent pas l'allégation de la commune selon laquelle la modification n° 3 contestée réserve, sur l'emprise de la zone 1AUi de 10 hectares, une surface de 7 000 m² pour de tels espaces. Dans ces conditions, le classement contesté n'apparaît pas de nature à compromettre les objectifs fixés par le plan d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme. Par suite, le moyen tiré de ce que le classement contesté ne serait pas cohérent avec le projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme ne peut qu'être écarté.

22. En huitième lieu, aux termes de l'article L. 151-1 du code de l'urbanisme : " Le plan local d'urbanisme respecte les principes énoncés aux articles L. 101-1 à L. 101-3. (...) ". Aux termes de l'article L. 101-2 du même code : " Dans le respect des objectifs du développement durable, l'action des collectivités publiques en matière d'urbanisme vise à atteindre les objectifs suivants : / 1° L'équilibre entre : (...) / b) Le renouvellement urbain, le développement urbain maîtrisé, la restructuration des espaces urbanisés, la revitalisation des centres urbains et ruraux, la lutte contre l'étalement urbain ; / c) Une utilisation économe des espaces naturels, la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières et la protection des sites, des milieux et paysages naturels (...) ".

23. En application de la décision n° 2000-436 DC du Conseil constitutionnel du 7 décembre 2000, les dispositions de l'article L. 121-1 du code de l'urbanisme, aujourd'hui reprises à son article L. 101-2, doivent être interprétées comme imposant seulement aux auteurs des documents d'urbanisme d'y faire figurer des mesures tendant à la réalisation des objectifs qu'elles énoncent. En conséquence, il appartient au juge administratif d'exercer un simple contrôle de compatibilité entre les règles fixées par un plan local d'urbanisme et ces dispositions du code de l'urbanisme.

24. En l'espèce la zone concernée par la modification contestée fait l'objet d'un classement en zone à urbaniser (2 AU) depuis 2005, confirmé en 2013, et ne représente que 10 hectares, soit 0, 57% du territoire communal qui présente une superficie totale d'environ 1 750 hectares. Les sociétés requérantes n'établissent ni qu'il existerait d'autres surfaces disponibles pour accueillir des activités économiques permettant l'installation de nouvelles entreprises, ni que l'extension de la zone commerciale ne répondrait pas à un besoin de la population communale ou que l'équilibre entre le renouvellement urbain et l'utilisation économe des espaces naturels serait rompu. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la délibération contestée du 18 octobre 2018 ne serait pas compatible avec les dispositions précitées de l'article L. 101-2 du code de l'urbanisme doit être écarté.

25. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée à la requête d'appel, que les sociétés l'Immobilière Groupe Casino et Uranie ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 4 juin 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

26. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Lorient, laquelle n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par les sociétés l'Immobilière Groupe Casino et Uranie et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de ces dernières le versement à la commune de Lorient, la somme globale de 750 euros chacune au titre des frais de même nature exposés par la commune de Lorient.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête des sociétés l'Immobilière Casino et Uranie est rejetée.

Article 2 : Les sociétés l'Immobilière Groupe Casino et Uranie verseront, chacune, une somme de 750 euros à la commune de Lorient au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société l'Immobilière Groupe Casino, à la société Uranie et à la commune de Lorient.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- M. Frank, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe 22 novembre 2022.

Le rapporteur,

A. A...Le président,

J. FRANCFORT

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au préfet du Morbihan, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°21NT02277


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT02277
Date de la décision : 22/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: M. Alexis FRANK
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : CONCORDE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-11-22;21nt02277 ?
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