Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une première requête enregistrée sous le n° 1902525, Mme A... C... et M. D... B... ont demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle le maire de la commune de Miramas a rejeté leur demande préalable d'indemnisation et d'autre part, de condamner la commune de Miramas à leur verser une somme globale de 155 716 euros en réparation de leurs préjudices.
Par une seconde requête enregistrée sous le n° 1906483, Mme C... et M. B... ont demandé au même tribunal, d'une part, d'annuler la décision implicite par laquelle la présidente de la métropole Aix-Marseille-Provence a rejeté leur demande préalable d'indemnisation et, d'autre part, de condamner la métropole Aix-Marseille-Provence à leur verser une somme globale de 155 716 euros en réparation de leurs préjudices.
Par un jugement n° 1902525, 1906483 du 11 juin 2021, le tribunal administratif de Marseille, après avoir joint ces deux requêtes, a condamné la métropole Aix-Marseille-Provence à verser à Mme C... et à M. B... une somme globale de 29 000 euros en réparation de leurs préjudices, sous déduction des sommes déjà perçues par eux à titre de provision en exécution de l'ordonnance du président du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence du 22 avril 2014, a mis à la charge de la métropole une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des parties.
Par un arrêt n° 21MA03621 du 19 décembre 2022, la Cour, saisie de l'appel de Mme C... et de M. B..., a d'une part, annulé ce jugement en tant qu'il s'est prononcé au fond sur leurs conclusions tendant à la réparation des préjudices nés de l'occupation de la terrasse de leur habitation, renvoyé ces conclusions devant le Tribunal des conflits et sursis à statuer sur ces prétentions jusqu'à ce que le Tribunal des conflits ait tranché la question de savoir quel est l'ordre de juridiction compétent pour connaître de cette partie du litige, d'autre part, réduit à 12 000 euros la somme de 29 000 euros que la métropole Aix-Marseille-Provence a été condamnée à leur verser à l'article 1er du jugement attaqué, et réformé ce jugement sur ce point, et enfin, rejeté le surplus des conclusions des parties.
Par une décision n° 4274 du 12 juin 2023, le Tribunal des conflits a, d'une part, déclaré la juridiction administrative compétente pour connaître de la demande formée par Mme C... et M. B..., d'autre part, déclaré l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 19 décembre 2022, nul et non avenu en ce qu'il a annulé le jugement du 11 juin 2021 du tribunal administratif de Marseille en tant qu'il s'était prononcé au fond sur les conclusions de Mme C... et de M. B... tendant à la réparation des préjudices nés de l'occupation de la terrasse de leur habitation et, enfin, renvoyé la cause et les parties devant la Cour.
Procédure devant la Cour :
Par une lettre du 27 juin 2023, la Cour a invité les parties à produire dans un délai de deux mois un mémoire récapitulatif ne portant que sur la partie du litige concernée par le renvoi au Tribunal des conflits.
Par un mémoire récapitulatif du 4 juillet 2023, la commune de Miramas, représentée par Me Teissier, conclut, à titre principal, à sa mise hors de cause, subsidiairement à la réduction des prétentions indemnitaires des requérants à de plus justes proportions et, en tout état de cause, à ce que soit mise à la charge des intéressés la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune fait valoir que :
- elle doit être mise hors de cause au titre de l'indemnisation des préjudices accidentels causés par des travaux publics exécutés par le syndicat d'agglomération nouvelle Ouest Provence, aux droits duquel est venue la métropole, ainsi seule responsable de ces conséquences dommageables ;
- les sommes réclamées au titre de la perte de jouissance et d'intimité de la cour-terrasse sont excessives au regard de l'indemnité provisionnelle accordée par le juge des référés, et ne sauraient excéder les 250 euros mensuels.
Par un mémoire récapitulatif, enregistré le 22 août 2023, la métropole Aix-Marseille-Provence, représentée par Me Catsicalis, conclut au rejet de la demande de Mme C... et de M. B... relative à l'indemnisation des préjudices qu'ils disent avoir subis du fait de l'occupation de leur terrasse et à ce que soit mise à la charge de ceux-ci la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La métropole fait valoir que :
- les conclusions tendant à l'indemnisation du préjudice lié à la perte de jouissance de la terrasse sont irrecevables, car le montant réclamé à ce titre a doublé en appel, alors que le préjudice n'est pas continu, et ne sont en tout état de cause pas fondées, les intéressés, qui ont tenté de retarder la fin des travaux et le retrait de la palissade, ayant été déjà indemnisés par une allocation provisionnelle et ayant pu profiter de leur terrasse aux beaux jours ;
- le préjudice lié à la perte d'intimité n'est pas anormal et ne peut donc être indemnisé, la présence des ouvriers sur le chantier n'étant ni continue ni permanente.
Par une ordonnance du 16 août 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 5 septembre 2023, à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Revert,
- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,
- et les observations de Me Peltier, substituant Me Catsicalis, représentant la métropole Aix-Marseille-Provence.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... et M. B... sont propriétaires d'une maison individuelle située 7 rue Carnot à Miramas. L'immeuble comporte une cour en limite de laquelle se trouve le centre social Albert Schweitzer, qui était la propriété du syndicat d'agglomération nouvelle Ouest Provence. En vue de travaux d'extension et de rénovation de ce centre social, le syndicat a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence qui, par ordonnance du 22 avril 2014, lui a donné l'autorisation d'installer une palissade de sécurité dans la cour de l'immeuble de Mme C... et de M. B.... Le juge des référés a, par ailleurs, alloué à ces derniers une provision de 1 000 euros par mois au titre de la perte de jouissance de la cour, jusqu'à l'enlèvement des dispositifs de sécurité installés, et une provision de 15 000 euros à valoir sur les préjudices de toute nature résultant des travaux. La palissade a été retirée le 21 avril 2015. La métropole d'Aix-Marseille-Provence, qui vient aux droits du syndicat d'agglomération nouvelle Ouest Provence, a cédé à titre gratuit le centre social Albert Schweitzer à la commune de Miramas le 24 novembre 2016. Après avoir saisi le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence d'une demande à l'encontre de la métropole Aix-Marseille-Provence et de la commune de Miramas pour obtenir réparation des conséquences dommageables des travaux exécutés, qui a été rejetée par ordonnance du 21 décembre 2018 du juge de la mise en état comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître, Mme C... et M. B... ont présenté devant le tribunal administratif de Marseille un recours tendant aux mêmes fins. Par un jugement du 11 juin 2021, le tribunal a condamné la métropole Aix-Marseille-Provence à verser à Mme C... et à M. B... une somme globale de 29 000 euros en réparation de leurs préjudices, sous déduction des sommes déjà perçues par eux à titre de provision en exécution de l'ordonnance du président du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence du 22 avril 2014. Par un arrêt du 19 décembre 2022, la Cour, sur appel des intéressés et appel incident de la métropole, a fixé à 12 000 euros le montant du préjudice résultant de l'opération de travaux publics, sous déduction des sommes déjà versées au titre de la provision accordée sur ce point par l'ordonnance du 22 avril 2014 du juge des référés du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence, et renvoyé au Tribunal des conflits le soin de décider sur la question de compétence relative aux préjudices résultant de l'occupation temporaire du terrain. Par une décision du 12 juin 2023, le Tribunal des conflits a déclaré la juridiction administrative compétente pour connaître des conclusions de Mme C... et de M. B... tendant à la réparation des préjudices nés de l'occupation de la terrasse de leur habitation, d'autre part, déclaré l'arrêt de la Cour nul et non avenu en ce qu'il a annulé le jugement du 11 juin 2021 du tribunal administratif de Marseille en tant qu'il s'était prononcé au fond sur ces conclusions, et enfin, renvoyé devant la Cour la cause et les parties.
Sur la portée du renvoi par la décision du Tribunal des conflits :
2. Par son arrêt du 19 décembre 2022, la Cour, après avoir considéré que le préjudice moral en réparation duquel le tribunal a alloué aux appelants la somme de 3 000 euros, n'est pas distinct des troubles subis par eux du fait des nuisances de toute nature causées par les travaux d'élévation et d'extension du centre social, a fixé à 12 000 euros la somme due par la métropole Aix-Marseille-Provence en réparation de ce chef de préjudice et a ramené à ce montant la somme de 29 000 euros accordée par le tribunal aux intéressés en réparation de l'ensemble de leurs préjudices.
3. Dès lors que, par l'effet de la décision du Tribunal des conflits qui a déclaré nul et non avenu cet arrêt annulant le jugement attaqué en tant qu'il porte sur les conclusions indemnitaires de Mme C... et de M. B... relatives à la privation de jouissance de leur terrasse et à la perte d'intimité, ce jugement a été rétabli dans cette mesure, les conclusions d'appel principal et d'appel incident dont demeure saisie la Cour doivent être regardées comme dirigées contre cette seule partie du jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué en tant qu'il s'est prononcé sur les conclusions tendant à la réparation des préjudices nés de l'occupation de la terrasse de l'habitation de Mme C... et de M. B... :
En ce qui concerne la personne publique responsable :
4. Ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal aux points 5 et 6 de son jugement, les dommages dont les appelants demandent réparation, qui trouvent leur origine directe dans l'exécution des travaux publics exécutés du 27 mai 2014 au 24 février 2015 sous la maîtrise d'ouvrage du syndicat d'agglomération nouvelle Ouest Provence, aux droits duquel est venue la métropole Aix-Marseille-Provence et ayant consisté, notamment, en l'installation d'une palissade empiétant sur une profondeur de quatre mètres sur la cour intérieure de leur propriété, et qui revêtent un caractère accidentel compte tenu des conditions anormales d'exécution de ces travaux, engagent la responsabilité sans faute de la métropole. Dans la mesure où ce n'est que par acte de cession gratuite du 24 novembre 2016, soit après l'achèvement des travaux, que la commune de Miramas est devenue propriétaire du centre social ainsi agrandi et surélevé, et où aucune des stipulations de cet acte de cession ne prévoit le transfert à la commune des droits et obligations attachés à cet ouvrage public et nés antérieurement à sa conclusion, la responsabilité de la commune ne peut être recherchée à raison des conséquences dommageables des travaux publics réalisés sous la maîtrise d'ouvrage de la métropole.
5. Il y a donc lieu, ainsi que le demande la commune de Miramas, de la mettre hors de cause.
En ce qui concerne le préjudice lié à la perte de jouissance de la terrasse :
6. D'une part, il résulte de l'instruction que par ordonnance du 22 avril 2014, le juge des référés du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a donné au syndicat d'agglomération nouvelle Ouest Provence l'autorisation d'installer une palissade de sécurité dans la cour de la maison des appelants, d'abord et pendant trois à quatre semaines sur une profondeur de
quatre mètres, puis pendant la durée restante des travaux, sur une profondeur de deux mètres.
Il ressort néanmoins des éléments de l'instance, et notamment des procès-verbaux de constat d'huissier produits par les intéressés, que pendant toute la durée des travaux, et jusqu'au
21 avril 2015, une palissade en bois a empiété de quatre mètres sur leur cour qui, selon les affirmations non contredites des requérants, présente normalement une profondeur de
huit mètres. Si aucune des pièces du dossier ne montre que les appelants n'ont pu tirer aucun usage de cette cour, même en période printanière et estivale, cette implantation même temporaire d'un élément de chantier sur leur propriété les a privés de la jouissance paisible de leur bien. Compte tenu des caractéristiques de cette cour, de l'usage qu'ils en faisaient avant ces travaux, et de la durée de ceux-ci, il sera fait une juste indemnisation de cette privation temporaire de jouissance en leur allouant la somme de 11 000 euros. La circonstance que, en exécution de l'ordonnance du juge judiciaire des référés, une somme de 10 866,67 euros a été allouée aux intéressés à titre provisionnel pour compenser cette perte prévisible de jouissance de la terrasse n'est pas de nature à remettre en cause la réalité et l'étendue de ce préjudice, mais seulement à justifier la déduction de cette somme de l'indemnité que la métropole devra leur verser à ce titre.
7. D'autre part, à rebours des affirmations de la métropole, les appelants, en souhaitant le 9 mars 2015 que la palissade ne soit ôtée qu'une fois les travaux définitivement achevés et dûment établie une déclaration d'achèvement, et non dès le 21 mars 2015 comme le proposait le syndicat, n'ont pas contribué à l'aggravation de leur préjudice, dès lors que le juge judiciaire a autorisé l'installation de cette palissade afin d'assurer la sécurité des riverains du chantier, dont les intéressés.
En ce qui concerne le préjudice lié à la perte d'intimité :
8. Il sera fait une juste réparation du préjudice subi par les appelants, pendant la durée d'installation de la palissade qui, par la profondeur de son implantation sur leur cour, a contribué à créer des vues directes sur leur habitation, du fait de la perte d'intimité qui résulte de celles-ci et qui présentent, comme il a été dit au point 4, le caractère d'un dommage accidentel, en leur accordant à ce titre la somme de 1 000 euros.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... et M. B... ne sont fondés à réclamer, en réparation de leurs préjudices résultant de l'occupation temporaire du terrain, que la somme de 12 000 euros, au paiement de laquelle doit être condamnée la métropole Aix-Marseille-Provence, sous déduction des sommes déjà reçues à ce titre par les intéressés en exécution de l'ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Marseille du 22 avril 2014. Il y a donc lieu, ainsi que le demande la métropole, de réformer le jugement attaqué en ce qu'il a de contraire à cette condamnation, et de rejeter non seulement le surplus des conclusions d'appel de la métropole, mais également les conclusions d'appel de Mme C... et de M. B... tendant à la condamnation de celle-ci à leur verser une somme supérieure à 12 000 euros, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de celles-ci.
Sur les frais liés à la poursuite de l'instance après l'arrêt de la Cour du 19 décembre 2022 :
10. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la métropole Aix-Marseille-Provence et de la commune de Miramas tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La commune de Miramas est mise hors de cause.
Article 2 : La somme que la métropole Aix-Marseille-Provence est condamnée à verser à Mme C... et M. B... en réparation de leurs préjudices correspondant à la privation temporaire de jouissance de leur terrasse et à la perte provisoire d'intimité est fixée à 12 000 euros. Cette somme sera versée sous déduction des sommes déjà reçues au titre de cette réparation par Mme C... et M. B... en exécution de l'ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Marseille du 22 avril 2014.
Article 3 : Le jugement n° 1902525, 1906483 rendu le 11 juin 2021 par le tribunal administratif de Marseille est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2 du présent arrêt.
Article 4 : Les conclusions d'appel de Mme C... et de M. B... relatives à leurs préjudices résultant de l'occupation temporaire de leur terrain, ainsi que le surplus des conclusions de la métropole Aix-Marseille-Provence et de la commune de Miramas, sont rejetés.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et M. D... B..., à la métropole Aix-Marseille-Provence et à la commune de Miramas.
Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Martin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023.
N° 21MA036212