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28/06/2021 | FRANCE | N°21MA00086

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre, 28 juin 2021, 21MA00086


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... H..., Mme I... H..., agissant en son nom propre et en qualité de représentante légale de ses enfants mineurs F... A... et Candice Prost, et M. E... H..., agissant en son nom propre et en qualité de représentant légal de ses enfants mineurs J... H... et Alice H..., ont demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner le centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud à réparer les préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait du décès de Mme B... H....

Par un jugement n° 150

5863 du 8 janvier 2018, le tribunal administratif de Marseille a condamné cet éta...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... H..., Mme I... H..., agissant en son nom propre et en qualité de représentante légale de ses enfants mineurs F... A... et Candice Prost, et M. E... H..., agissant en son nom propre et en qualité de représentant légal de ses enfants mineurs J... H... et Alice H..., ont demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner le centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud à réparer les préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait du décès de Mme B... H....

Par un jugement n° 1505863 du 8 janvier 2018, le tribunal administratif de Marseille a condamné cet établissement notamment à verser à M. C... H... la somme de 14 000 euros et rejeté le surplus de la demande.

Par un arrêt n° 18MA00963 du 3 octobre 2019, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par M. H... et autres contre ce jugement en tant qu'il rejetait le surplus de leur demande.

Par une décision n° 436433 du 31 décembre 2020, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté par M. H..., annulé cet arrêt de la Cour en tant qu'il statue sur l'indemnisation des préjudices patrimoniaux de M. H... pour la période antérieure au 30 avril 2017 et a renvoyé l'affaire à celle-ci dans la mesure de la cassation ainsi prononcée.

Procédure devant la Cour :

Par des mémoires enregistrés le 11 février 2021, le 24 mars 2021, le 29 mars 2021, le 14 avril 2021, le 2 mai 2021 et le 17 juin 2021, M. H..., représenté par Me D..., demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Marseille du 8 janvier 2018 en tant que celui-ci a rejeté ses conclusions tendant à l'indemnisation de ses préjudices patrimoniaux pour la période antérieure au 30 avril 2017 ;

2°) de condamner le centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud à lui verser la somme de 219 490,73 francs suisses en réparation de ces préjudices, avec intérêts au taux légal à compter du 23 avril 2015 ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- pour la période du 4 avril 2013 au 30 avril 2016, la perte de revenus s'élève à 276 011,19 francs suisses, compte tenu d'un revenu moyen annuel de 80 596 francs suisses, d'un taux de capitalisation à retenir de 5,599 et d'une part d'auto-consommation de 40 % ;

- pour la période du 1er mai 2016 au 30 avril 2017, la perte de revenus s'élève à 37 547 francs suisses compte tenu d'un revenu moyen annuel identique et de la perception par lui-même d'une pension de retraite d'un montant annuel de 27 564 francs suisses.

Par des mémoires enregistrés le 17 mars 2021, le 26 mars 2021, le 7 juin 2021 et le 15 juin 2021, le centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud, représenté par Me G..., conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. H... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. K...,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de Me D..., représentant M. H....

Considérant ce qui suit :

1. Admise en urgence au centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud depuis la veille, Mme H... y est décédée le 4 avril 2013 des suites d'un choc septique de grande ampleur. Après avoir reconnu la responsabilité pour faute de cet établissement dans la survenance du décès de Mme H..., le tribunal administratif de Marseille, par un jugement du 8 janvier 2018, l'a, en particulier, condamné à verser à M. C... H..., en sa qualité de conjoint survivant, la somme de 14 000 euros en réparation de son préjudice d'affection et rejeté sa demande portant sur la réparation de son préjudice économique. Par un arrêt n° 18MA00963 du 3 octobre 2019, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé contre ce jugement par M. H.... Ce dernier s'étant pourvu en cassation, par une décision n° 436433 du 31 décembre 2020, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé cet arrêt en tant qu'il statue sur l'indemnisation des préjudices patrimoniaux de M. H... pour la période antérieure au 30 avril 2017 et a renvoyé l'affaire à la Cour dans la mesure de la cassation ainsi prononcée.

Sur le préjudice :

2. Le préjudice économique subi par une personne du fait du décès de son conjoint est constitué par la perte des revenus de la victime qui étaient consacrés à son entretien, compte tenu, le cas échéant, de ses propres revenus et déduction faite des prestations reçues en compensation.

3. Il résulte de l'instruction que, au moment de son décès, Mme H... exerçait, en tout ou partie à son domicile, pour le compte d'un établissement bancaire suisse, une activité de traitement de données informatiques dans le cadre d'une société en nom collectif de droit suisse dénommée Etudes et réalisations de solutions informatiques (ERSI), dont elle était associée avec son époux. Les factures étaient émises au nom de cette société et étaient payables sur un compte en Suisse dont M. H... était titulaire. Si les bordereaux d'imposition produits par M. H... établis par l'administration fiscale du canton de Genève au titre des impôts cantonaux et communaux sur les revenus perçus par le couple dans ce canton en 2010, 2011, 2012 et 2013 et le patrimoine ne distinguent pas les revenus propres à chacun des époux, les avis de taxation établis par cette administration au titre des années 2010, 2011 et 2012 font apparaître, pour le calcul du revenu brut, un bénéfice net perçu propre à chacun des époux dont le cumul correspond, pour chaque année, au bénéfice net réalisé par la société ERSI. Dans la mesure où il résulte des attestations et des extraits de comptes produits que le chiffre d'affaires réalisé par cette société dépendait exclusivement de l'activité de Mme H..., cette société ayant d'ailleurs été radiée du registre du commerce après son décès, le montant des revenus que celle-ci percevait avant son décès correspond donc, dans les circonstances de l'espèce, au bénéfice net de la société ERSI. Dans ces conditions, eu égard tant au montant de ce bénéfice réalisé au cours des années 2010, 2011 et 2012 que du revenu imposable au titre de ces mêmes années, le montant des revenus tirés de l'activité de Mme H... doit être évalué en moyenne à 83 000 francs suisses par an, soit 66 000 euros. En outre, M. et Mme H... percevaient ensemble des revenus immobiliers qui s'élevaient en moyenne à 27 508 francs suisses par an, soit environ 22 000 euros. Selon les avis d'imposition français produits par M. H..., celui-ci ne tirait aucun revenu de son activité d'élevage de chevaux de courses, alors exercée, qui générait un déficit fiscal. Il ne ressort pas de ces derniers avis que les revenus industriels et commerciaux non professionnels et les bénéfices non commerciaux professionnels y figurant sur certains révélaient une activité pérenne et distincte de celle réalisée au sein de la société ERSI. Dans ces conditions, les revenus que percevaient ensemble M. et Mme H... avant le décès de Mme H... doivent être évalués au montant total annuel de 88 000 euros. Déduction faite de la part de ces revenus correspondant à la consommation personnelle de Mme H..., évaluée à 40 % par M. H... lui-même, soit 35 200 euros, ce dernier doit donc être regardé comme devant disposer normalement d'un revenu annuel de 52 800 euros à la date du décès de son épouse.

4. Si le requérant a produit un courrier de la caisse suisse de compensation daté du 12 décembre 2016, selon lequel cette caisse aurait versé à Mme H..., née le 30 avril 1952, une rente simple de vieillesse de 1 693 francs suisses par mois, à partir du 1er mai 2016, date de son soixante-quatrième anniversaire, âge légal de la retraite pour les femmes en Suisse, il fait valoir, sans être contredit, que son épouse n'aurait en réalité cessé d'exercer une activité professionnelle qu'après son soixante-cinquième anniversaire, le 30 avril 2017 et ne demande pas réparation du préjudice économique subi au-delà de cette date. Eu égard au montant annuel de 52 800 euros retenu au point 3, le montant des revenus dont il aurait pu disposer au cours de la période de quatre ans entre avril 2013 et avril 2017 s'élève à 211 200 euros.

5. M. H..., né le 11 mai 1949, bénéficie depuis le 1er juin 2014 d'une rente ordinaire de vieillesse versée par la caisse suisse de compensation. L'avis de taxation établi par l'administration fiscale du canton de Genève au titre des impôts cantonaux et communaux sur les revenus de M. et Mme H... perçus en 2013 retient, pour chacun des époux, un bénéfice net correspondant aux revenus tirés de l'activité de la société ERSI et donc de Mme H..., ainsi que des revenus immobiliers d'un montant de 26 953 francs suisses. Les avis de taxation établis par cette administration pour l'imposition des revenus de M. H... perçus de 2014 à 2017 retiennent les revenus d'une rente AVS/AI et des revenus immobiliers, à hauteur, sur l'intégralité de ces quatre années, de 197 032 francs suisses, soit, du 1er janvier 2014 au 30 avril 2017, 162 349 francs suisses, soit 146 000 euros environ. Les avis d'imposition établis par l'administration française au titre de l'impôt sur les revenus perçus en 2014, 2015, 2016 et 2017 font état d'un montant de pension, retraite ou rente égal, respectivement, à 13 505 euros, 19 399 euros, 1 461 euros et 54 098 euros. Il sera fait une juste appréciation des revenus perçus et déclarés en France du 1er janvier 2017 au 30 avril 2017 en les évaluant à la somme de 18 033 euros. Ainsi, le montant des revenus dont M. H... a bénéficié en France entre avril 2013 et avril 2017 s'élève à la somme totale de 52 398 euros, l'instruction n'ayant pas révélé la perception de revenus en 2013. Il suit de là, d'une part, que le montant total de ses revenus sur cette période doit être évalué à la somme de 198 398 euros, d'autre part, que, compte tenu de ce qu'il aurait disposé, au cours de cette période, de revenus atteignant 211 200 euros, si son épouse n'était pas décédée, il justifie d'une perte de revenus de 12 802 euros.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. H... est seulement fondé à demander que l'indemnité de 14 000 euros, que le tribunal administratif de Marseille a condamné le centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud à lui verser, soit portée à la somme de 26 802 euros.

Sur les intérêts :

7. M. H... a droit aux intérêts au taux légal correspondant à l'indemnité de 26 802 euros à compter du 23 avril 2015, date de réception de sa demande d'indemnité par le centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud.

Sur les frais liés au litige :

8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. H... et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La somme de 14 000 euros que le centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud a été condamné à verser à M. H... par le jugement du tribunal administratif de Marseille du 8 janvier 2018 est portée à 26 802 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 23 avril 2015.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 8 janvier 2018, est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud versera à M. H... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. H... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... H... et au centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud.

Copie en sera adressée à la société Mutuelle du Mans Assurance.

Délibéré après l'audience du 22 juin 2021, où siégeaient :

- M. Badie, président,

- M. K..., président assesseur,

- M. Ury, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 juin 2021.

N° 21MA00086 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA00086
Date de la décision : 28/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-04-03-02-01-02 Responsabilité de la puissance publique. Réparation. Évaluation du préjudice. Préjudice matériel. Perte de revenus. Perte de revenus subie du fait du décès d'une personne.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Philippe D'IZARN DE VILLEFORT
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-06-28;21ma00086 ?
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