Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 27 juillet 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande d'allocation de pension militaire d'invalidité.
Par un jugement n° 1908935 du 9 décembre 2020, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés les 8 février 2021 et 26 aout 2021, Mme B..., représentée par Me Moumni, demande à la cour, le cas échéant, après avoir ordonné une expertise :
1°) d'annuler ce jugement et la décision susmentionnée ;
2°) d'enjoindre au ministre des armées de la rétablir dans ses droits, dans le délai de deux mois à compter de l'arrêt et sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 4 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la comitialité avec crises généralisées récidivantes résulte d'agressions sexuelles subies pendant son service depuis 2009 ;
- les séquelles d'entorse récidivante de la cheville droite sont imputables à des blessures subies en service le 3 puis le 6 avril 2009 ; l'absence d'une deuxième entorse sur le livret médical et de rapport circonstancié ne saurait faire présumer qu'elle a été contractée hors du service.
Par des mémoires enregistrés les 26 juillet 2021 et 7 avril 2022 (ce dernier non communiqué), la ministre des armées conclut au rejet de la requête.
Elle soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 mai 2021.
Par une ordonnance du 18 mars 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 8 avril 2022.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Djebiri, première conseillère ;
- et les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B..., née en 1983, s'est engagée dans la gendarmerie nationale, le 3 mars 2009. Le 20 mai 2016, elle a sollicité le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité pour, d'une part, des séquelles d'entorse récidivante de la cheville droite caractérisées par une diminution modérée de la flexion dorsale et un appui douloureux à la marche, d'autre part, une maladie épileptique. Mme B... relève appel du jugement du 9 décembre 2020 qui a rejeté sa demande d'annulation du refus que lui a opposé la ministre des armées, le 27 juillet 2018.
2. Aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, applicable à la date de la demande de Mme B... : " Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service (...) ". Aux termes de l'article L. 3 du même code : " Lorsqu'il n'est pas possible d'administrer ni la preuve que l'infirmité ou l'aggravation résulte d'une des causes prévues à l'article L. 2, ni la preuve contraire, la présomption d'imputabilité au service bénéficie à l'intéressé (...) La présomption définie au présent article s'applique exclusivement aux constatations faites (...) soit au cours d'une expédition déclarée campagne de guerre, soit pendant le service accompli par les militaires pendant la durée légale (...) ". Aux termes de l'article L. 4 : " Les pensions sont établies d'après le degré d'invalidité. / Sont prises en considération les infirmités entraînant une invalidité égale ou supérieure à 10 % (...) ".
3. La situation de Mme B... ne relevant pas de l'un des cas de présomption d'imputabilité envisagés par l'article L. 3 précité, le lien de causalité entre ses infirmités et le service doit être prouvé.
Sur l'infirmité résultant des blessures à la cheville droite :
4. Il résulte de l'instruction que Mme B... a contracté deux entorses, l'une en service, le 6 avril 2009, lors d'une séance d'entraînement, l'autre en dehors du service, en septembre 2009. Dès lors qu'est rapportée la preuve de l'imputabilité au service de la blessure initiale, la part de cause étrangère au service, à savoir celle de septembre 2009, ne permet d'écarter l'imputabilité au service que si cette cause étrangère a été déterminante dans l'apparition de la pathologie dont il est demandé l'indemnisation des séquelles. Or, aucun élément du rapport d'expertise médicale ne permet d'attribuer les séquelles imputables respectivement à chacune de ces accidents, dont les effets cumulés aboutissent à la préconisation d'un taux d'invalidité non contesté de 10 %. Il suit de là que la part imputable au second accident ne peut être regardée comme ayant eu un effet déterminant dans l'apparition de l'infirmité dont souffre Mme B... et que doit lui être attribué de ce chef un taux de 10 % ouvrant droit à pension en vertu de l'article L. 4 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et du guide-barème désormais inséré à l'annexe 2 de ce code.
Sur l'infirmité résultant de l'épilepsie :
5. En deuxième lieu, il ressort de l'avis rendu le 20 juin 2018 par la commission consultative médicale, que Mme B... a présenté une crise d'épilepsie inaugurale de type tonico-clonique le 19 octobre 2012. Le guide-barème, prévu à l'article L. 125-3 du code des pension militaires d'invalidité et des victimes de guerre, et désormais codifié à l'annexe 2 de ce code, distingue trois catégories d'épilepsie : crise généralisée, crise unilatérale et crise partielle ou à prédominance unilatérale. Il résulte de l'instruction, notamment des compte-rendu médicaux établis par des praticiens en décembre 2018 que Mme B... souffre d'une épilepsie généralisée d'origine idiopathique, donc étrangère à tout traumatisme. Ainsi, en l'absence de preuve de lien entre l'apparition ou l'aggravation de cette maladie et les sévices sexuelles dont l'intéressée soutient avoir été victime en service, cette infirmité ne saurait donner lieu à l'attribution d'un taux d'invalidité en application de la rubrique du guide-barème inséré à l'annexe 2 du code, consacrée à l'épilepsie généralisée.
6. Il résulte de ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande d'attribution de pension militaire d'invalidité au titre des séquelles affectant sa cheville droite. En revanche, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté le surplus de sa demande. Il y a donc lieu d'annuler dans cette mesure, le jugement attaqué et la décision de refus de pension du 20 mai 2016 et d'enjoindre au ministre des armées d'attribuer à Mme B..., dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, une pension militaire d'invalidité au taux de 10 % à compter du 20 mai 2016 et de liquider le rappel de ses droits. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de prononcer d'astreinte.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, de mettre à la charge de l'État le versement à Me Moumni d'une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1908935 du 9 décembre 2020 du tribunal administratif de Lyon est annulé en tant qu'il a rejeté la demande d'annulation de la décision ministérielle du 27 juillet 2018 refusant une pension militaire d'invalidité à Mme B... au taux de 10 % pour son infirmité à la cheville droite.
Article 2 : La décision du 27 juillet 2018 par laquelle la ministre des armées a refusé une pension militaire d'invalidité à Mme B... est annulée en tant qu'elle refuse à Mme B... l'attribution d'une pension au taux de 10 % au titre de son infirmité à la cheville droite.
Article 3 : Il est enjoint au ministre des armées d'attribuer à Mme B... une pension militaire d'invalidité au taux de 10 % à compter du 20 mai 2016 et de liquider le rappel de ses droits, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'État versera à Me Moumni une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 23 juin 2022 à laquelle siégeaient :
M. Arbaretaz, président ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Djebiri, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juillet 2022.
La rapporteure,
C. Djebiri
Le président,
Ph. Arbaretaz
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre des armées, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
N° 21LY00382 2
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