Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le comité social et économique central de la société Janssen-Cilag, le comité social et économique de l'établissement de Val-de-Reuil, la fédération chimie énergie CFDT, la fédération CFE - CGC chimie, le syndicat national CFTC des salariés des industries pharmaceutiques, le syndicat national UNSA chimie pharmacie ont demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la décision du 30 juillet 2020 par laquelle la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Normandie a homologué le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi de la société Janssen-Cilag France.
Par un jugement n° 2003814 du 24 décembre 2020, le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 23 février 2021, 30, 31 mars et 20 avril 2021, le comité social et économique central de la société Janssen-Cilag et autres, représentés par Me A... B..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cette décision du 30 juillet 2020 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au profit de chacun des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le décret n°2020-88 du 5 février 2020 ;
- le décret n°2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Ghislaine Borot, présidente-rapporteure,
- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,
- les observations de Me A... B... représentant le comité social et économique central de la société Janssen-Cilag et autres, M. E... D..., représentant la ministre du travail, de l'emploi et de la formation et Me F... C..., représentant la société Janssen-Cilag.
Considérant ce qui suit :
1. La société Janssen-Cilag, qui appartient au groupe Johnson et Johnson, exerce son activité sur deux sites, situés à Issy-les-Moulineaux et Val-de-Reuil. Le site de Val-de-Reuil comporte notamment un centre de recherche spécialisé en chimie médicinale et science analytique. L'entreprise a envisagé d'arrêter la totalité de l'activité de ce centre de recherche et de la regrouper avec l'activité de recherche réalisée à Beerse en Belgique, impliquant ainsi la suppression de quarante-deux emplois. Le comité social et économique central de Janssen-Cilag et le comité social et économique de l'établissement de Val-de-Reuil ont été consultés pour la première fois sur ce projet respectivement les 3 et 4 février 2020. Des négociations se sont déroulées de mars à juin 2020 entre la direction et les organisations syndicales représentatives en vue de tenter de parvenir à la conclusion d'un accord collectif majoritaire. Les négociations ayant toutefois échoué, le comité social et économique central et le comité social et économique de l'établissement de Val-de-Reuil ont été consultés pour la dernière fois respectivement les 2 et 1er juillet 2020 et ont émis un avis défavorable. Par une décision du 30 juillet 2020, la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Normandie a homologué le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi de la société Janssen-Cilag. Le comité social et économique central de la société Janssen-Cilag, le comité social et économique de l'établissement de Val-de-Reuil, la fédération chimie énergie CFDT, la fédération CFE - CGC chimie, le syndicat national CFTC des salariés des industries pharmaceutiques, le syndicat national UNSA chimie pharmacie relèvent appel du jugement du 24 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne l'incompétence territoriale de l'auteur de la décision d'homologation :
2. Aux termes de l'article L. 1233-57-8 du code du travail dans sa version en vigueur au 7 février 2020, issu du décret du 5 février 2020 relatif à la déconcentration de décisions administratives individuelles et à la simplification de procédures dans les domaines du travail et de l'emploi : " L'autorité administrative compétente pour prendre la décision d'homologation ou de validation mentionnée à l'article L. 1233-57-1 est celle du lieu où l'entreprise ou l'établissement concerné par le projet de licenciement collectif est établi. Si le projet de licenciement collectif porte sur des établissements relevant de la compétence d'autorités différentes, l'autorité administrative compétente est désignée dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. ". Aux termes de l'article R.*1233-3-4 du code du travail : " L'autorité administrative mentionnée aux articles L. 1233-39, L. 1233-46, L. 1233-48 à L. 1233-50, L. 1233-53 et L. 1233-56 à L. 1233-57-8 est le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi dont relève l'établissement en cause. ".
3. Aux termes de l'article L. 2313-1 du code du travail : " (...) / Des comités sociaux et économiques d'établissement et un comité social et économique central d'entreprise sont constitués dans les entreprises d'au moins cinquante salariés comportant au moins deux établissements distincts. " Aux termes de l'article L. 2313-2 du même code : " Un accord d'entreprise, conclu dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 2232-12, détermine le nombre et le périmètre des établissements distincts. ". Aux termes de l'article L. 2313-3 du même code : " En l'absence d'accord conclu dans les conditions mentionnées à l'article L. 2313-2 et en l'absence de délégué syndical, un accord entre l'employeur et le comité social et économique, adopté à la majorité des membres titulaires élus de la délégation du personnel du comité, peut déterminer le nombre et le périmètre des établissements distincts. " En vertu de l'article L. 2313-4 du code du travail, en l'absence d'accord, l'employeur fixe le nombre et le périmètre des établissements distincts, compte tenu de l'autonomie de gestion du responsable de l'établissement, notamment en matière de gestion du personnel.
S'agissant de l'existence d'un établissement :
4. Il ressort des pièces du dossier que par un accord du 12 juin 2019 relatif à la mise en place des instances représentatives du personnel conclu entre la société Janssen-Cilag et les organisations syndicales représentatives, sur le fondement des dispositions de l'article L. 2313-2 du code du travail citées au point 3, il a été convenu que la société Janssen-Cilag comporte deux établissements distincts, celui d'Issy-les-Moulineaux et celui de Val-de-Reuil et que chacun de ces établissements dispose d'un comité social et économique d'établissement. Il est également prévu la constitution d'un comité social et économique central. Dès lors que le site de Val-de-Reuil a été ainsi reconnu comme un établissement distinct par cet accord d'entreprise, il doit être également reconnu comme un établissement au sens des dispositions de l'article L. 1233-57-8 et R*.1233-3-4 du code du travail citées au point 2. Par suite, les requérants ne peuvent utilement soutenir que le site de Val-de-Reuil ne disposerait pas d'une autonomie de gestion propre à le faire regarder comme un établissement, ce critère de l'autonomie de gestion n'étant mentionné que par l'article L. 2313-4 du code du travail dans le cas d'une décision unilatérale de l'employeur.
5. Au surplus, il est constant que les quarante-deux postes supprimés concernent uniquement l'établissement de Val-de-Reuil, lequel comptait au 31 mai 2020, quatre-cents-soixante salariés en contrat à durée indéterminée contre huit-cents deux à Issy-les-Moulineaux, siège de l'entreprise Janssen-Cilag. L'établissement de Val-de-Reuil, dirigé par un directeur de site, comprend non seulement le centre de recherche mais aussi une unité de production de produits cosmétiques et de médicaments sans ordonnance. Même si l'établissement a vu certaines de ses fonctions supports amoindries à la suite d'une réorganisation opérée en 2017 pour centraliser certaines tâches administratives à l'étranger et que les deux directeurs scientifiques du centre de recherche étaient placés sous l'autorité scientifique du directeur régional basé à Beerse en Belgique, il ressort néanmoins des pièces du dossier et notamment de l'organigramme de septembre 2020, dont la teneur est corroborée par d'autres organigrammes datant de 2019, avant le plan de sauvegarde de l'emploi, que des fonctions supports nécessaires à la gestion de l'établissement en matière de finance, informatique, qualité et conformité, hygiène et sécurité, ressources humaines, demeurent au sein de l'établissement. L'établissement dispose par ailleurs de son propre comité social et économique depuis l'accord du 12 juin 2019 évoqué au point précédent et en disposait également auparavant ainsi que le rappelle le préambule de cet accord. Par suite, compte tenu de l'ensemble de ces modalités de gestion, l'établissement de Val-de-Reuil peut être regardé comme disposant d'une autonomie de gestion suffisante.
S'agissant des allégations relatives à la compétence concurrente d'autorités différentes :
6. Les appelants doivent être regardés comme ayant entendu se prévaloir des dispositions de l'article L. 1233-57-8 du code du travail cité au point 2 qui prévoient des modalités spécifiques de détermination de l'autorité compétente dans le cas où le projet de licenciement collectif porte sur des établissements relevant de la compétence d'autorités différentes. Mais en l'espèce, le projet de licenciement collectif ne concerne que l'établissement de Val-de-Reuil. Les appelants ne sauraient utilement le contester en se prévalant des modalités de mise en oeuvre de l'article L. 1233-24-1 du code du travail relatif aux accords collectifs sur les plans de sauvegarde de l'emploi ou de ce que le comité social et économique central a été consulté par application de L. 1233-36 du code du travail et l'autorité administrative du siège de l'entreprise informée par application de l'article L. 1233-51 du même code, car une telle consultation résulte de ce que le projet excède le pouvoir du chef d'établissement concerné, mais ne remet pas en cause le fait que seul l'établissement du Val-de-Reuil est concerné par le projet de licenciement collectif, ce qui est le seul critère à prendre en compte pour l'application des articles L. 1233-57-8 et R*. 1233-3-4 du code du travail pour la détermination de l'autorité compétente pour homologuer le plan de sauvegarde de l'emploi. Par ailleurs, dès lors que la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Normandie était bien compétente, les appelants ne sauraient pas plus utilement invoquer, sur la base d'une capture d'écran du portail de saisine de la demande, un vice entachant selon eux la désignation par le ministre de cette direction régionale alors qu'au demeurant les dispositions de l'article R. 1233-3-5 du code du travail qu'ils invoquent sont relatives à la procédure de détermination de l'autorité administrative compétente lorsque le projet porte sur des établissements relevant de la compétence d'autorités différentes ce qui ne correspond pas au cas d'espèce.
7. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'incompétence territoriale dont serait entachée la décision d'homologation doit être écarté.
En ce qui concerne les vices de procédure affectant la décision d'homologation :
8. Ainsi qu'il a été dit au point précédent, la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Normandie était seule compétente pour prendre la décision en litige. Par suite, le moyen tiré de ce que l'employeur n'aurait pas informé, sans délai et par tout moyen, le comité social et économique ainsi que les organisations syndicales, de la compétence de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Normandie, conformément aux dispositions du dernier alinéa de l'article R. 1233-3-5 du code du travail applicable lorsque le projet de licenciement collectif porte sur des établissements relevant de la compétence de plusieurs directeurs régionaux, doit être écarté comme inopérant.
9. Aux termes de l'article D. 1233-14-1 du code du travail : " Le délai prévu à l'article L. 1233-57-4 court à compter de la réception par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi du dossier complet.
/ Le dossier est complet lorsqu'il comprend les informations permettant de vérifier le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, les modalités d'information et de consultation du comité social et économique, la pondération et le périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements, le calendrier des licenciements, le nombre de suppressions d'emploi et les catégories professionnelles concernées, et les modalités de mise en oeuvre des mesures de formation, d'adaptation et de reclassement et, lorsqu'un accord est conclu en application de l'article L. 1233-24-1, les informations relatives à la représentativité des organisations syndicales signataires. / Lorsque le dossier est complet, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi en informe, sans délai et par tout moyen permettant de donner date certaine, l'employeur, le comité social et économique ainsi que les organisations syndicales représentatives en cas d'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1. /(...) ".
10. La demande d'homologation a été déposée le 9 juillet 2020. Si le dossier a d'abord été déclaré complet au 15 juillet 2020 par l'administration dans un courrier du 21 juillet 2020 adressé à la société Janssen-Cilag, un second courrier du 28 juillet 2020, qui annule et remplace le précédent, mentionne la complétude du dossier au 9 juillet 2020 et que l'administration a jusqu'au 30 juillet 2020 pour prendre une décision expresse d'homologation. Les appelants soutiennent n'avoir été informés que le 28 juillet du caractère complet du dossier au 9 juillet, soit deux jours avant l'intervention de la décision d'homologation, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article D. 1233-14-1 du code du travail. Il résulte des dispositions précitées que l'information sur le caractère complet du dossier constitue le point de départ du délai dans lequel doit être prononcée la décision d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi. Ainsi, en cas de décision implicite, cette information permet au comité social et économique de connaître la date à laquelle est née cette décision, et par suite, la date limite de recours contre celle-ci. Toutefois, en l'espèce, la décision d'homologation a été prise de façon expresse le 30 juillet 2020. Les appelants ont pu contester cette décision dans le délai de recours contentieux. La circonstance que la décision d'homologation ne vise pas leurs observations datées du 21 juillet 2020 est sans incidence sur sa légalité, dès lors qu'aucune disposition du code du travail n'exige que la procédure d'homologation présente un caractère contradictoire. Dans ces conditions, la méconnaissance de l'article D. 1233-14-1 du code du travail n'a pas privé les appelants de garanties et a été sans influence sur le sens de la décision d'homologation. Par suite, le moyen doit être écarté.
En ce qui concerne la procédure d'information et de consultation des comités sociaux et économiques :
11. Le moyen tiré l'irrégularité de la procédure d'information et de consultation des comités sociaux et économiques se rattache à la même cause juridique de légalité interne dont procédaient certains des moyens soulevés en première instance. Par suite, contrairement ce à que soutient la société Janssen-Cilag, ce moyen est recevable.
12. Lorsqu'elle est saisie par un employeur d'une demande d'homologation d'un document unilatéral fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi, il appartient à l'administration de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise, ou désormais du comité social et économique, a été régulière. Elle ne peut légalement accorder l'homologation demandée que si le comité a été mis à même d'émettre régulièrement un avis, d'une part sur l'opération projetée et ses modalités d'application et, d'autre part, sur le projet de licenciement collectif et le plan de sauvegarde de l'emploi. Il appartient à ce titre à l'administration de s'assurer que l'employeur a adressé au comité d'entreprise, ou désormais au comité social et économique avec la convocation à sa première réunion, ainsi que, le cas échéant, en réponse à des demandes exprimées par le comité, tous les éléments utiles pour qu'il formule ses deux avis en toute connaissance de cause dans des conditions qui ne sont pas susceptibles d'avoir faussé sa consultation.
13. Il ressort des pièces du dossier et notamment de l'accord de méthode du 3 mars 2020, modifié par deux avenants, que la dernière consultation du comité social et économique central et celle du comité social et économique de l'établissement de Val-de-Reuil respectivement fixés les 2 et 1er juillet avaient pour objet le projet d'adaptation de l'organisation de l'établissement de Val-de-Reuil et d'émettre un avis soit sur le projet d'accord majoritaire soit sur le projet de licenciement pour motif économique et le plan de sauvegarde de l'emploi présenté par voie unilatérale. Avant le terme des négociations collectives, la société a adressé le 24 juin 2020 le " projet de livre I " destiné à être soumis aux comités sociaux et économiques en cas d'échec des négociations. Les appelants font valoir que ce projet était similaire au document unilatéral adressé pour homologation à l'administration et que la procédure d'information et de consultation des comités sociaux et économiques a été privée de tout effet utile. Mais alors qu'il n'appartient à l'administration que de s'assurer de ce que l'employeur a adressé au comité social et économique tous les éléments utiles pour qu'il formule son avis en toute connaissance de cause, dans des conditions qui ne sont pas susceptibles d'avoir faussé sa consultation, la seule circonstance qu'aucune modification n'ait été apportée au projet de livre I après les avis émis, ne permet pas de considérer que les conditions de consultation de ces comités s'opposaient à l'homologation du plan. De même, le fait que la présidente de la société Janssen-Cilag a décidé le 14 août 2020, postérieurement à la décision contestée, d'accorder à titre exceptionnel une " prime de bonne fin " à l'ensemble des salariés concernés par le plan de sauvegarde de l'emploi, ne peut être regardé comme révélant une irrégularité de la procédure d'information et de consultation, et est sans influence sur la légalité de la décision d'homologation. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'administration ne pouvait admettre la régularité de procédure d'information et de consultation des comités sociaux et économiques doit être écarté.
Sur le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi :
14. Aux termes de l'article L. 1233-61 du code du travail : " Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre. / Ce plan intègre un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement sur le territoire national des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité, notamment celui des salariés âgés ou présentant des caractéristiques sociales ou de qualification rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile. ". Aux termes de l'article L. 1233-62 du même code : " Le plan de sauvegarde de l'emploi prévoit des mesures telles que : / 1° Des actions en vue du reclassement interne sur le territoire national, des salariés sur des emplois relevant de la même catégorie d'emplois ou équivalents à ceux qu'ils occupent ou, sous réserve de l'accord exprès des salariés concernés, sur des emplois de catégorie inférieure ; / 1° bis Des actions favorisant la reprise de tout ou partie des activités en vue d'éviter la fermeture d'un ou de plusieurs établissements ; / 2° Des créations d'activités nouvelles par l'entreprise ; / 3° Des actions favorisant le reclassement externe à l'entreprise, notamment par le soutien à la réactivation du bassin d'emploi ; / 4° Des actions de soutien à la création d'activités nouvelles ou à la reprise d'activités existantes par les salariés ; / 5° Des actions de formation, de validation des acquis de l'expérience ou de reconversion de nature à faciliter le reclassement interne ou externe des salariés sur des emplois équivalents ; / 6° Des mesures de réduction ou d'aménagement du temps de travail ainsi que des mesures de réduction du volume des heures supplémentaires réalisées de manière régulière lorsque ce volume montre que l'organisation du travail de l'entreprise est établie sur la base d'une durée collective manifestement supérieure à trente-cinq heures hebdomadaires ou 1 600 heures par an et que sa réduction pourrait préserver tout ou partie des emplois dont la suppression est envisagée. ".
15. Lorsqu'elle est saisie d'une demande d'homologation d'un document élaboré en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail, il appartient à l'administration, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de vérifier la conformité de ce document et du plan de sauvegarde de l'emploi dont il fixe le contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles applicables, en s'assurant notamment du respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des dispositions des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 précités. A ce titre elle doit, au regard de l'importance du projet de licenciement, apprécier si les mesures contenues dans le plan sont précises et concrètes et si, à raison, pour chacune, de sa contribution aux objectifs de maintien dans l'emploi et de reclassement des salariés, elles sont, prises dans leur ensemble, propres à satisfaire à ces objectifs compte tenu, d'une part, des efforts de formation et d'adaptation déjà réalisés par l'employeur et, d'autre part, des moyens dont dispose l'entreprise. Il revient notamment à l'autorité administrative de s'assurer que le plan de reclassement intégré au plan de sauvegarde de l'emploi est de nature à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité. L'employeur doit, à cette fin, avoir identifié dans le plan l'ensemble des possibilités de reclassement des salariés dans l'entreprise. En outre, lorsque l'entreprise appartient à un groupe, l'employeur, seul débiteur de l'obligation de reclassement, doit avoir procédé à une recherche sérieuse des postes disponibles pour un reclassement dans les autres entreprises du groupe. Pour l'ensemble des postes de reclassement ainsi identifiés, l'employeur doit avoir indiqué dans le plan leur nombre, leur nature et leur localisation.
16. Les appelants soutiennent comme en première instance, que les mesures contenues dans le plan de sauvegarde de l'emploi, sont insuffisantes non seulement au regard des moyens financiers du groupe Johnson et Johnson, dont le chiffre d'affaires s'élève notamment en 2019 à 71,68 milliards d'euros, et de l'augmentation des ventes mondiales dans le secteur pharmaceutique à 3,6 % cette même année, mais aussi compte tenu de l'écart significatif existant entre ces mesures et celles qui avaient été proposées par la direction dans le projet d'accord majoritaire.
17. Ainsi que l'a relevé le tribunal administratif, le document unilatéral homologué par l'administration comporte, en annexe III, une liste de postes de reclassement en France indiquant leur nature et leur localisation et, en annexe IV, le nombre et la nature des postes disponibles à Beerse. Il décrit le processus de reclassement interne et à l'étranger. Sont prévus, en cas de reclassement interne en France, une aide au " voyage professionnel de reconnaissance ", la mise en place d'une période d'adaptation avec maintien du contrat de travail avec l'entreprise d'origine et détachement dans l'unité d'accueil, une formation d'adaptation à la charge de l'employeur, des aides à la mobilité géographique incluant des aides au relogement, au déménagement, à l'installation, la prise en charge temporaire de frais de double résidence, des aides au reclassement du conjoint, une compensation financière, en cas de reclassement à un salaire inférieur, de 100 % pendant douze mois dans la limite de 1 500 euros bruts par mois. En cas de reclassement à l'étranger, il est prévu soit le bénéfice des dispositions précédentes, soit le bénéfice du dispositif permanent " global mobility " s'il est plus favorable. Des mesures particulières sont prévues en cas de reclassement à Beerse. Si des salariés doivent être licenciés, ils bénéficient d'un congé de reclassement leur permettant de se consacrer totalement à la recherche d'un emploi en percevant une rémunération, la durée du congé et de ses prolongations éventuelles étant de 18 mois pour les salariés de moins de cinquante ans et de vingt-quatre mois pour ceux de cinquante ans et plus, la rémunération maintenue, hors primes exceptionnelles, étant de 100 % du salaire de référence pendant douze mois et de 85 % au-delà. Il est prévu que ces salariés bénéficient également des prestations d'un cabinet de reclassement afin, notamment, de les aider à analyser leur situation, leur besoin éventuel de formation, de les préparer à leurs entretiens d'embauche. Les salariés ayant retrouvé un emploi au cours du congé de reclassement pourront bénéficier d'aides au relogement, au déménagement, de la prise en charge temporaire de frais de double résidence, d'une prime d'installation, d'une aide au reclassement du conjoint, d'une compensation du différentiel de salaire. Outre l'intervention du cabinet de reclassement, des aides sont également prévues pour créer ou reprendre une entreprise, ainsi que des aides à la formation. Il est également prévu que les salariés perçoivent, en cas de rupture du contrat de travail, une indemnité complémentaire à l'indemnité conventionnelle de licenciement, ainsi qu'une indemnité additionnelle forfaitaire dont le montant varie selon l'âge et l'ancienneté. Il est constant que le coût prévisionnel du plan de sauvegarde était compris entre 7,1 et 11,5 millions d'euros soit une moyenne comprise entre 169 047 euros et 273 809 euros par salarié concerné.
18. Il ne résulte d'aucun texte, et en particulier pas de l'article L. 1233-24-4 du code du travail, ni d'aucun principe applicable en l'espèce, que le document élaboré unilatéralement à la suite de l'échec de négociations d'un accord collectif ne pourrait pas contenir des mesures moins favorables pour les salariés que celles que l'employeur s'était dit prêt à accepter en cas de conclusion d'un accord collectif. Comme l'ont à bon doit estimé les premiers juges, en tenant compte des moyens du groupe, sans pour autant devoir y être proportionnées, les mesures décrites au point 17 sont précises, concrètes et, prises dans leur ensemble, de nature à faciliter le reclassement du personnel et le maintien dans l'emploi des quarante-deux salariés concernés. Même si selon les appelants leur coût pourrait s'avérer " négligeable " pour un groupe comme Johnson et Johnson, l'administration a pu légalement considérer qu'elles étaient d'un niveau suffisant et propres à satisfaire aux objectifs mentionnés par les articles L. 1233-61 à L. 1233-63 du code du travail.
19. Au surplus, s'il est exact que la société n'a pas repris des mesures proposées lors des négociations comme un congé de cessation anticipée destiné aux salariés les plus âgés, une mesure incitative au bénéfice d'un futur employeur en cas d'embauche d'un salarié d'au moins cinquante ans et qu'elle a réduit la prime incitative au reclassement des salariés en cas de mobilité sur le site de Beerse en Belgique ainsi que plusieurs mesures de reclassement externe, et des indemnités additionnelles, elle en a confirmé une part significative comme le bénéfice d'un bonus de rétention de 70% de la rémunération annuelle au bout de deux ans sur place en cas de déménagement en Belgique, ainsi qu'une version améliorée du dispositif " Global Mobility " spécifique pour un tel déménagement, un allongement de la durée du congé de reclassement à dix-huit mois pour les salariés de moins de cinquante ans et de vingt-quatre mois pour les plus de cinquante ans, durées supérieures à celles prévues par l'article R. 1233-31 du code du travail, et avec une allocation d'un montant correspondant à 100 % du salaire de base de référence pour les douze premiers mois puis 85 % les mois suivants.
En ce qui concerne les catégories professionnelles :
20. Il appartient à l'administration, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'homologation d'un document qui fixe les catégories professionnelles mentionnées au 4° de l'article L. 1233-24-2 cité ci-dessus, de s'assurer, au vu de l'ensemble des éléments qui lui sont soumis, notamment des échanges avec les représentants du personnel au cours de la procédure d'information et de consultation ainsi que des justifications qu'il appartient à l'employeur de fournir, que ces catégories regroupent, en tenant compte des acquis de l'expérience professionnelle qui excèdent l'obligation d'adaptation qui incombe à l'employeur, l'ensemble des salariés qui exercent, au sein de l'entreprise, des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune. Au terme de cet examen, l'administration refuse l'homologation demandée s'il apparaît que les catégories professionnelles concernées par le licenciement ont été déterminées par l'employeur en se fondant sur des considérations, telles que l'organisation de l'entreprise ou l'ancienneté des intéressés, qui sont étrangères à celles qui permettent de regrouper, compte tenu des acquis de l'expérience professionnelle, les salariés par fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune, ou s'il apparaît qu'une ou plusieurs catégories ont été définies dans le but de permettre le licenciement de certains salariés pour un motif inhérent à leur personne ou en raison de leur affectation sur un emploi ou dans un service dont la suppression est recherchée.
21. Il ressort du document unilatéral homologué par la décision contestée que vingt-deux catégories professionnelles ont été recensées au sein de l'établissement de Val-de-Reuil, parmi lesquelles quatre sont concernées par le projet de licenciement à savoir la catégorie " Analyste IT ", celle d'" assistant ", celle de " directeur scientifique " et enfin celle de " scientifiques ". Si ces quatre catégories professionnelles sont comme les dix-huit autres catégories professionnelles présentes dans l'établissement de Val-de-Reuil, subdivisées en postes et non en sous-catégorie professionnelle, il ressort des pièces du dossier et notamment d'une notice explicative relative aux catégories professionnelles retenues dans le cadre du projet d'adaptation de l'activité du site de Val-de-Reuil sur la définition de ces catégories que les licenciements éventuels seront opérés sur la base des catégories professionnelles et non des postes.
22. Il résulte également de cette notice explicative que la catégorie " analyste IT " rassemble " les métiers dont l'objectif consiste à analyser les besoins de l'entreprise et la fourniture de conseils dans le domaine informatique/technologique pour les différentes activités du site. Le poste d'analyste IM en recherche et développement entre dans cette catégorie de la même façon que les autres postes relevant des autres secteurs d'activité du site (production, qualité, etc...). Il s'agit en effet de salariés qui occupent des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune. Un poste de cette catégorie professionnelle est supprimé sur six. Une application des critères d'ordre sera donc nécessaire dans cette catégorie ". S'agissant de la catégorie assistant, elle " rassemble les métiers d'assistanat sur le site. Les deux postes de " executive secretary " et " secretary " du département de recherche et développement sont intégrés dans la même catégorie que le poste " executive assistant " appartenant au département de l'usine de production. Il s'agit en effet de salariées qui occupent des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune. Deux postes de cette catégorie professionnelle sont supprimés sur trois. Une application des critères d'ordre sera donc nécessaire dans cette catégorie. ". Pour la catégorie " directeur scientifique ", elle " rassemble les postes de direction du département recherche et développement dont les principales missions consistent à développer des stratégies par aire thérapeutique pour influencer les parties prenantes internes ou externes afin d'identifier, poursuivre ou superviser des opportunités de collaboration sur des projets innovants stratégiques et scientifiques dans les domaines de la recherche pharmaceutique ". La catégorie " scientifiques " rassemble " les postes opérationnels dans le domaine de la recherche pharmaceutique avec des connaissances scientifiques nécessaires pour supporter les projets scientifiques dans les différentes aires thérapeutiques. Les postes de cette catégorie sont en charge d'assurer le support opérationnel de ces projets ". La note indique aussi, s'agissant des directeurs scientifiques et des scientifiques, que tous les postes de la catégorie professionnelle sont supprimés et que donc aucune application des critères d'ordre ne sera nécessaire. Les appelants n'apportent aucun élément à l'appui de leur allégation selon laquelle les intitulés de poste " Assistant scientist " et " Senior principal scientist " ne correspondraient pas à des qualifications et fonctions similaires au sein de la catégorie professionnelle " scientifique " décrite ci-avant. Dès lors, les quatre catégories professionnelles concernées par le projet de licenciement ont bien été construites au regard de l'exercice de fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune. Le moyen tiré de ce que ces catégories auraient été définies afin de permettre le licenciement des salariés du seul centre de recherche ne peut qu'être écarté.
23. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le comité social et économique central de la société Janssen-Cilag et les autres appelants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des appelants la somme réclamée par la société Janssen-Cilag sur le même fondement.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du comité social et économique central de la société Janssen-Cilag et autres est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la société Janssen-Cilag au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me A... B... pour le comité social et économique central de la société Janssen-Cilag, le comité social et économique de l'établissement de Val-de-Reuil, la fédération chimie énergie CFDT, la Fédération CFE CGC chimie, le syndicat national CFTC des salariés des industries pharmaceutiques, le syndicat national UNSA chimie pharmacie, à Me F... C... pour la société Janssen-Cilag et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
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N°21DA00427
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