Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Montreuil :
- à titre principal, d'annuler la décision implicite de refus, née du silence gardé par le maire de Bobigny sur leur demande de retrait de la décision du 12 octobre 2016, présentée le 25 juin 2018, par laquelle il ne s'est pas opposé à la déclaration préalable déposée par la société civile immobilière SGS Compagnie ou, à titre subsidiaire, d'annuler cette décision de non opposition à déclaration préalable ;
- d'enjoindre à cette même autorité de retirer cette décision de non opposition à déclaration préalable, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement ;
- et de mettre à la charge solidaire des défendeurs une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1810381 du 22 janvier 2020, le tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision implicite de rejet, née du silence gardé par le maire de Bobigny, sur la demande de retrait formée par M. et Mme A... le 25 juin 2018, de la décision de non opposition à déclaration préalable déposée le 12 octobre 2016, enjoint au maire de Bobigny de retirer sa décision de non opposition à la déclaration préalable, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, mis à la charge de la commune de Bobigny et de la SCI SGS Compagnie le versement d'une somme de 1 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 20 mars 2020 et 14 janvier 2022, la commune de Bobigny, représentée par Me Garrigues, avocate, demande à la cour :
1° de réformer le jugement du tribunal administratif de Montreuil ;
2° de rejeter la demande présentée par M. et Mme A... ;
3° de mettre à la charge de M. et Mme A... le versement de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête d'appel est recevable ;
- les premiers juges ont commis une erreur de droit en retenant que le pétitionnaire avait obtenu la décision de non opposition à déclaration préalable en commettant une fraude ;
- les premiers juges ont dénaturé les pièces du dossier ;
- le jugement est insuffisamment motivé en ce qui concerne l'élément moral qui caractérise la fraude et quant aux règles d'urbanisme que le pétitionnaire aurait entendu contourner ;
- la fraude n'est pas établie dès lors qu'elle s'apprécie à la date ou l'autorisation d'urbanisme a été délivrée, que l'élément intentionnel n'est pas démontré, que le pétitionnaire n'a commis qu'un simplement manquement au respect de l'autorisation délivrée et que la méconnaissance des règles d'urbanisme n'est pas établie ;
- les travaux réalisés présentaient une utilité pour la collectivité ;
- les conclusions à fin d'annulation de la décision de non opposition à déclaration préalable sont irrecevables en raison de leur tardiveté ;
- si le plan local d'urbanisme, entré en vigueur le 5 novembre 2016, avait été opposable, la commune n'aurait pas pu rejeter la demande d'autorisation d'urbanisme sur le fondement des articles 8, 9 12 et 13 de ce plan.
Par un mémoire enregistré le 5 février 2021, M. et Mme A..., représentés par Me Bouzar, avocat, concluent, à titre principal, au rejet de l'appel ou, à titre subsidiaire, à l'annulation de la décision de non opposition à la déclaration préalable de travaux du 12 octobre 2016 et à ce que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge des défendeurs au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutiennent que :
- la requête d'appel présentée par la commune de Bobigny est irrecevable, faute de production de la délibération autorisant le maire à former appel ;
- leur demande de première instance est recevable faute d'habilitation du maire à ester en justice ;
- aucun des moyens de la requête d'appel n'est fondé ;
- la décision de non opposition à la déclaration préalable de travaux du 12 octobre 2016 méconnaît les dispositions des articles 8, 9, 12 et 13 du plan local d'urbanisme.
Par un mémoire enregistré le 11 janvier 2022, la SCI SGS Compagnie, représentée par Me Simonet, avocat, demande à la cour de reformer le jugement du tribunal administratif de Montreuil, de rejeter la demande présentée par M. et Mme A... et de mettre à la charge de M. et Mme A... le versement de la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les conclusions à fin d'annulation de la décision implicite de rejet de la demande de retrait de la décision de non opposition à déclaration préalable sont tardives ;
- la fraude n'est pas établie ;
- les travaux déclarés auprès de l'administration ont été exécutés ;
- les allégations de M. et Mme A... sont sans fondement ;
- les conclusions à fin d'annulation de la décision de non opposition à déclaration préalable sont irrecevables en raison de leur tardiveté ;
- les dispositions des articles 8 et 9 du plan local d'urbanismes étaient inopposables aux travaux réalisés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de Mme Margerit, rapporteure publique,
- et les observations de Me Simonet pour la SCI SGS Compagnie .
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme A... ont, par un courrier du 25 août 2018, reçu le lendemain, demandé au maire de la commune de Bobigny de retirer la décision du 12 octobre 2016 portant non opposition à déclaration préalable déposée par la SCI SGS Compagnie de travaux sur une construction existante, de travaux de démolition et de réhabilitation, de l'aménagement d'un local pour les déchets et d'un local appartenant à ERDF, devenu Enedis en 2008. Cette demande a été rejetée par une décision implicite de rejet née du silence de l'autorité administrative intervenue le 27 août 2018. M. et Mme A... ont saisi le tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant, " à titre principal, à l'annulation de cette décision implicite ou, à titre subsidiaire, à l'annulation de cette décision de non opposition à déclaration préalable ". Par un jugement n° 1810381 du 22 janvier 2020, le tribunal administratif de Montreuil a annulé décision implicite de rejet de la demande de retrait de la décision de non opposition à déclaration préalable, enjoint au maire de Bobigny de retirer sa décision de non opposition à la déclaration préalable dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, mis à la charge de la commune de Bobigny et de la SCI SGS Compagnie le versement d'une somme de 1 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions de la requête. La commune de Bobigny fait appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, les moyens invoqués par la commune de Bobigny tirés de ce que les premiers juges auraient commis une erreur de droit et dénaturé les pièces du dossier en retenant que le pétitionnaire avait obtenu la décision de non opposition à déclaration préalable en commettant une fraude, se rattachent au bien-fondé du jugement attaqué. Ils sont donc sans incidence sur sa régularité et doivent être écartés.
3. En second lieu, il résulte des points 2, 3 et 5 du jugement attaqué, que les premiers juges ont suffisamment répondu en droit et en fait sur le moyen afférent à l'élément moral caractérisant la fraude et celui tiré de ce que le pétitionnaire aurait entendu commettre cette fraude pour contourner les règles d'urbanisme.
Sur le fond :
4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme : " Le délai de recours contentieux à l'encontre d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15. ". Aux termes de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme : " La décision de non-opposition à une déclaration préalable ou le permis de construire ou d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peuvent être retirés que s'ils sont illégaux et dans le délai de trois mois suivant la date de ces décisions. Passé ce délai, la décision de non-opposition et le permis ne peuvent être retirés que sur demande expresse de leur bénéficiaire ".
5. Un tiers justifiant d'un intérêt à agir est recevable à demander, dans le délai du recours contentieux, l'annulation de la décision par laquelle l'autorité administrative a refusé de faire usage de son pouvoir d'abroger ou de retirer un acte administratif obtenu par fraude, quelle que soit la date à laquelle il l'a saisie d'une demande à cette fin. Dans un tel cas, il incombe au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, d'une part, de vérifier la réalité de la fraude alléguée et, d'autre part, de contrôler que l'appréciation de l'administration sur l'opportunité de procéder ou non à l'abrogation ou au retrait n'est pas entachée d'erreur manifeste, compte tenu notamment de la gravité de la fraude et des atteintes aux divers intérêts publics ou privés en présence susceptibles de résulter soit du maintien de l'acte litigieux soit de son abrogation ou de son retrait.
6. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de la réalisation par la SCI SGS Compagnie, durant l'été 2016, de travaux sans autorisation sur une construction existante, composée d'une maison et d'annexes, sur un terrain situé au 33 rue d'Anjou qu'elle avait acquis le 5 février 2016, les riverains du 33 rue d'Anjou ont averti la commune de Bobigny de l'irrégularité de ces constructions par un courrier du 29 août 2016. Par une demande du 12 septembre 2016, complétée le 20 septembre suivant, cette SCI a déposé une déclaration préalable portant sur des travaux sur une construction existante, des travaux de démolition et de réhabilitation, l'aménagement d'un local affecté aux déchets et un local ERDF. Par une décision du 12 octobre 2016, le maire de la commune de Bobigny ne s'est pas opposé à cette déclaration préalable de travaux. Mme A..., voisine immédiate, a par un courrier daté du 15 décembre 2016, demandé au maire de dresser un procès-verbal d'infraction à l'encontre de la SCI. Par un courrier daté du 13 février 2017, le maire de la commune a informé le conseil de Mme A..., qu'à la suite de diverses visites de contrôle du chantier, il avait été constaté, notamment, la réalisation de travaux non conformes à l'autorisation d'urbanisme, et en particulier la fermeture d'un abri à vélo, la modification de la hauteur du local d'activité et l'aménagement des combles. La commune ajoutait que le pétitionnaire avait finalement démoli l'abri à vélo pour réaliser un abri ouvert, réduit la hauteur de ce local et maintenu le comble aménagé, celui-ci étant susceptible d'être régularisé. Nonobstant le dépôt par le pétitionnaire le 10 novembre 2017 d'une déclaration d'achèvement des travaux, M. et Mme A... ont fait dresser un constat d'huissier le 12 mars 2018 établissant, photos à l'appui, la réalisation de travaux non conformes à ceux qui ont été autorisés par la décision de non opposition à déclaration préalable, et en particulier, la réalisation d'une surélévation de la construction avec la création d'un étage au dessus du garage côté rue, l'aménagement des combles, la création d'une nouvelle construction d'habitation avec la suppression de l'espace jardin à la place du local affecté aux vélos, poubelles et compteurs ERDF, le remplacement d'une part essentielle des espaces de pleine terres par des dalles minérales sur la cour, des ajouts et des modifications de fenêtres et de velux et la création de logements tendant vers l'habitation collective par la modification de la configuration de la construction. Il en résulte que le pétitionnaire a déposé une demande de déclaration préalable portant sur des travaux ne correspondant pas à ceux qui ont été réalisés sur le terrain et qu'il a, ainsi, porté à la connaissance du service instructeur des informations erronées de nature à l'induire en erreur. Eu égard, à la gravité et au nombre de manquements des travaux réalisés au regard de ceux qui ont été autorisés par la décision du 12 octobre 2016 et à la qualité du pétitionnaire, qui ne conteste pas dans ses écritures être un professionnel de l'immobilier, la SCI SGS Compagnie doit être regardée comme ayant intentionnellement procédé dès 2016 à une manœuvre frauduleuse, afin de tromper l'administration quant au respect des dispositions du plan d'occupation des sols alors en vigueur, relatives à la superficie minimale des espaces verts et d'obtenir la délivrance d'une autorisation d'urbanisme. Si les appelants soutiennent en appel que la commune n'aurait pas pu légalement rejeter la demande d'autorisation d'urbanisme sur le fondement des articles 8, 9 12 et 13 du nouveau plan local d'urbanisme, il est constant que ce plan, qui est devenu opposable que le 5 novembre 2016, n'était pas entré en vigueur à la date de la décision de non opposition à déclaration préalable du 12 octobre 2016 et qu'aucune nouvelle demande d'autorisation d'urbanisme de régularisation n'a, au demeurant, été déposée postérieurement à cette date d'entrée en vigueur. La SCI SGS Compagnie n'est pas fondée à soutenir que la demande de retrait présentée par M. et Mme A..., voisin immédiat de la construction litigieuse, serait tardive, dès lors que la fraude ne serait pas démontrée.
7. En second lieu, la commune de Bobigny fait valoir que les travaux effectivement réalisés par le pétitionnaire présentaient un intérêt, eu égard au mauvais état de la construction existante. S'il est vrai que les travaux permettent d'améliorer l'état de la construction, cette seule circonstance ne suffit pas à caractériser un intérêt public ou privé à protéger qui aurait permis de passer outre le comportement de la société pétitionnaire qui a manifestement et consciemment déposé un dossier de déclaration préalable comportant des informations erronées, afin de tromper le service instructeur quant au respect des règles du plan d'occupation des sols alors en vigueur relatives, notamment à la superficie minimale des espaces verts, dont la finalité est d'intérêt général.
8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non recevoir, ni statuer sur les conclusions présentées à titre subsidiaire par M. et Mme A..., que la commune de Bobigny et la SCI SGS Compagnie ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé la décision par laquelle maire de cette commune a implicitement rejeté la demande présentée par M. et Mme A... tendant au retrait de la décision de non opposition à une déclaration préalable déposée par la SCI SGS Compagnie du 12 octobre 2016.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
10. M. et Mme A... n'étant pas la partie perdante, les conclusions par la commune de Bobigny et la SCI SGS Compagnie tendant à mettre à leur charge une somme en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Il y a en revanche lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Bobigny et de la SCI SGS Compagnie le versement d'une somme de 1 000 euros chacun à verser à M. et Mme A... sur le fondement de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête présentée par la commune de Bobigny et les conclusions présentées par la SCI SGS Compagnie sont rejetées.
Article 2 : La commune de Bobigny et la SCI SGS Immobilier verseront à M. et Mme A... la somme de 1 000 euros chacun sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Bobigny, à la SCI SGS Compagnie et à M. et Mme A....
Délibéré après l'audience du 23 juin 2022, à laquelle siégeaient :
M. Even, président de chambre,
Mme Colrat, première conseillère,
M. Fremont, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juillet 2022.
Le rapporteur,
M. FREMONTLe président,
B. EVENLa greffière,
A. GAUTHIER
La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme
La greffière,
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No 20VE00981