Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Melun de condamner le département du Val-de-Marne au paiement d'une somme de 105 000 euros au titre des heures supplémentaires effectuées et non acquittées et d'une somme de 50 000 euros au titre des préjudices subis, soit 20 000 euros au titre du préjudice financier et 30 000 euros au titre du préjudice moral.
Par un jugement n° 1410722 du 16 mai 2017, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 17PA02379 du 10 juillet 2018, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel contre ce jugement.
Par une décision n° 424039 du 5 novembre 2020, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté pour M. B..., a annulé l'arrêt du 10 juillet 2018 en tant qu'il a rejeté la demande de M. B... tendant au paiement par le département du Val-de-Marne de sommes dues au titre du forfait prévu à la première phrase du III de l'article 18 du décret n° 2002-9 du 4 janvier 2002, et renvoyé dans cette mesure l'affaire à la Cour.
Procédure devant la Cour :
Avant cassation :
Par une requête, enregistrée le 13 juillet 2017, M. B..., représenté par Me Icard, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 16 mai 2017 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) de condamner le département du Val-de-Marne à lui verser la somme de 145 110 euros au titre de paiement d'heures supplémentaires ;
3°) de condamner le département du Val-de-Marne à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation de son préjudice financier et la somme de 30 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
4°) de mettre à la charge du département du Val-de-Marne une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont fait droit à l'exception de prescription quadriennale pour la période antérieure au 1er janvier 2009 dès lors que sa demande du 28 décembre 2009 constitue un acte interruptif de prescription ;
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'il ne justifiait pas d'heures supplémentaires au titre de son travail de nuit ;
- il a subi un préjudice financier qui se chiffre à la somme de 20 000 euros puisqu'il a été privé du paiement de ses heures supplémentaires effectuées de nuit ;
- il a subi un préjudice moral qui se chiffre à la somme de 30 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mai 2018, le département du Val-de-Marne, représenté par Me Carrere, conclut au rejet de la requête et demande, en outre, qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- à titre principal, la requête doit être rejetée comme infondée car, d'une part, la prescription quadriennale est bien acquise pour la période antérieure au 1er janvier 2009 dans la mesure où la demande du 28 décembre 2009, non précise, ne peut être regardée comme un acte interruptif de prescription, d'autre part, pour l'ensemble de la période, les interventions de nuit ne sont pas justifiées ;
- à titre subsidiaire, si la Cour estimait que la demande du 28 décembre 2009 constitue un acte interruptif de prescription alors la requête serait tardive en application de la jurisprudence du Conseil d'Etat (arrêt n° 405535 du 9 mars 2018).
Par une ordonnance du 22 mai 2018, la clôture d'instruction a été reportée au 14 juin 2018 à 12 heures.
Un mémoire a été déposé pour M. B... le 22 juin 2018 postérieurement à la clôture de l'instruction.
Après cassation :
Par un mémoire enregistré le 22 avril 2021, le département du Val-de-Marne, représenté par Me Carrere, conclut :
1°) au rejet de la requête de M. B... ;
2°) à ce qu'il soit mis à la charge de M. B... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les conclusions indemnitaires demandant le paiement du forfait de trois heures sont nouvelles en appel, dès lors qu'elles n'ont jamais été introduites en première instance, et sont ainsi irrecevables ;
- ces conclusions sont en tout état de cause prescrites dès lors que le courrier du 28 décembre 2009, qui ne comporte pas de demande clairement formulée et qui n'indique aucun fondement juridique, ne saurait constituer une demande préalable et n'a donc pas interrompu le délai de prescription ;
- aucune rémunération forfaitaire n'était due pour les heures en chambre de veille qui entrent seulement dans le décompte de son temps de travail.
Par un mémoire enregistré le 2 juin 2022, M. B..., représenté par Me Auger, conclut :
1°) à la condamnation du département du Val-de-Marne à lui payer la somme de 49 245,06 euros, outre intérêts légaux à compter du 17 février 2017, date de sa première demande ;
2°) à la condamnation du département du Val-de-Marne à lui payer la somme de 20 000 euros en réparation de son préjudice moral, outre intérêts légaux à compter du 30 décembre 2013 ;
3°) à la mise à la charge du département du Val-de-Marne d'une somme de 7 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le décret n° 2002-9 du 4 janvier 2002 relatif au temps de travail et à l'organisation du travail dans les établissements mentionnés à l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public,
- les observations de M. B...,
- et les observations de Me Bouchard, représentant le département du Val-de-Marne.
- une note en délibéré a été enregistrée le 22 juin 2022 pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., assistant socio-éducatif titulaire de la fonction publique hospitalière, a d'abord exercé les fonctions d'éducateur assurant les nuits au relais social d'urgence (RSU), puis il a été affecté à la Maison d'enfants à caractère social (MECS) de la commune de Vitry et, en dernier lieu au foyer de l'enfance de Vitry-sur-Seine. Par un courrier en date du 27 décembre 2013, il a demandé au département du Val-de-Marne le paiement d'une somme de 105 000 euros correspondant aux heures supplémentaires qu'il estime avoir effectuées entre le 27 octobre 2004 et le 21 juin 2009. Devant le silence gardé par le département, il a saisi le tribunal administratif de Melun d'une demande tendant à la condamnation du département du Val-de-Marne à lui verser la somme de 105 000 euros au titre du paiement d'heures supplémentaires, ainsi que la somme de 50 000 euros en réparation de préjudices subis. Par un jugement du 16 mai 2017, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par un arrêt du 10 juillet 2018, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel formé contre ce jugement. Par une décision du 5 novembre 2020, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé l'arrêt du 10 juillet 2018 en tant qu'il a rejeté la demande de M. B... tendant au paiement par le département du Val-de-Marne de sommes dues au titre du forfait prévu à la première phrase du III de l'article 18 du décret n° 2002-9 du 4 janvier 2002 et renvoyé dans cette mesure l'affaire à la Cour.
2. Pour annuler l'arrêt n° 17PA02379 du 10 juillet 2018, le Conseil d'Etat relevé qu'eu égard à l'argumentation dont elle était saisie, la Cour s'était, faute de répondre à la demande tendant au versement d'une somme correspondant au forfait de trois heures par nuit prévue par la première phrase du III de l'article 18 du décret du 4 janvier 2002, méprise sur la portée des demandes de M. B... et avait ainsi entaché son arrêt d'insuffisance de motivation.
3. Aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 4 janvier 2002 relatif au temps de travail et à l'organisation du travail dans les établissements mentionnés à l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " La durée du travail est fixée à 35 heures par semaine dans les établissements mentionnés à l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée. Le décompte du temps de travail est réalisé sur la base d'une durée annuelle de travail effectif de 1 607 heures maximum, sans préjudice des heures supplémentaires susceptibles d'être effectuées. Cette durée est réduite pour les agents soumis à des sujétions spécifiques dans les conditions prévues aux articles 2 à 4 ci-après." . Aux termes de l'article 2 du même décret : " Sont soumis à des sujétions spécifiques : 1° Les agents en repos variable ; 2° Les agents travaillant exclusivement de nuit ; 3° Les agents en servitude d'internat. Sont des agents en repos variable les agents qui travaillent au moins 10 dimanches ou jours fériés pendant l'année civile. Sont des agents travaillant exclusivement de nuit les agents qui effectuent au moins 90 % de leur temps de travail annuel en travail de nuit tel que défini à l'article 7 ci-après. Sont des agents en servitude d'internat les agents qui exercent leurs fonctions dans les établissements énumérés aux 4°, 5° et 6° de l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée, fonctionnant en internat toute l'année, sont appelés à participer de façon régulière aux servitudes nocturnes d'internat auprès des personnes accueillies, et y effectuent au moins 10 surveillances nocturnes par trimestre. " ; Aux termes de l'article 3 du même décret : " La durée annuelle de travail effectif mentionnée au deuxième alinéa de l'article 1er du présent décret est réduite pour les agents soumis aux sujétions spécifiques dans les conditions ci-après :/1° Pour les agents en repos variable, la durée annuelle de travail effectif est réduite à 1 582 heures, hors jours de congés supplémentaires tels que définis à l'article 1er, cinquième et sixième alinéa, du décret du 4 janvier 2002 susvisé. En outre, les agents en repos variable qui effectuent au moins 20 dimanches ou jours fériés dans l'année civile bénéficient de deux jours de repos compensateurs supplémentaires. /2° Pour les agents travaillant exclusivement de nuit, la durée annuelle de travail effectif est réduite à 1 560 heures, hors jours de congés supplémentaires tels que définis à l'article 1er, cinquième et sixième alinéa, du décret du 4 janvier 2002 susvisé. A compter du 1er janvier 2004, la durée annuelle de travail effectif est réduite à 1 476 heures, hors jours de congés supplémentaires tels que définis à l'article 1er, cinquième et sixième alinéa, du décret du 4 janvier 2002 susvisé. /3° Les agents en servitude d'internat bénéficient de 5 jours ouvrés consécutifs de repos compensateurs supplémentaires pour chaque trimestre, à l'exception du trimestre comprenant la période d'été. Ces jours sont exclusifs de toute compensation des jours fériés coïncidant avec ces repos compensateurs. Ils ne sont pas attribués lorsque l'agent en servitude d'internat est en congé ou en absence autorisée ou justifiée plus de 3 semaines au cours du trimestre civil à l'exception des périodes de formation en cours d'emploi.". Aux termes de l'article 4 du même décret : " (...) Pour les agents qui alternent des horaires de jour et des horaires de nuit, la durée annuelle de travail effectif est réduite au prorata des périodes de travail de nuit effectuées. ". Aux termes de l'article 7 de ce décret : " (...) 2° Le travail de nuit comprend au moins la période comprise entre 21 heures et 6 heures, ou toute autre période de 9 heures consécutives entre 21 heures et 7 heures, sans préjudice de la protection appropriée prévue à l'article 3 et des mesures prises au titre de l'article 9 (...) ". Aux termes de l'article 18 du même décret : " I. - Les agents mentionnés aux articles 2, premier alinéa, 9 et 37 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée occupant des emplois correspondant à ceux relevant du corps des infirmiers, du corps des aides-soignants et des corps socio-éducatifs de la fonction publique hospitalière, exerçant à temps plein sur des emplois à temps complet et assurant en chambre de veille au sein d'un des établissements mentionnés aux 4° à 6° de l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986 la responsabilité d'une période de surveillance nocturne sont soumis à une durée équivalente à la durée légale du travail. /II. - La période de présence en chambre de veille s'étend de l'heure du coucher à l'heure du lever des personnes accueillies, telles qu'elles sont fixées par le tableau de service, sans pouvoir excéder douze heures. /III. - Pour le calcul de la durée légale du travail, chacune des périodes mentionnées au II est décomptée comme trois heures de travail effectif pour les neuf premières heures et comme une demi-heure pour chacune des heures au-delà de neuf heures. Toutefois lorsque des interventions se révèlent nécessaires, les temps correspondants sont décomptés intégralement comme des temps de travail effectif, sans que la durée prise en compte pour chaque intervention puisse être inférieure à une demi-heure. /IV. - Le recours au régime d'équivalence prévu au I et au III du présent article ne peut avoir pour effet de porter :(...)2° A plus de douze heures, décomptées heure pour heure, la durée du travail de nuit de ces agents, sur une période quelconque de vingt-quatre heures ; ces agents bénéficient de périodes de repos d'une durée au moins équivalente au nombre d'heures effectuées au-delà de la huitième heure.".
4. Si M. B... soutient que chaque période de veille, de 21 h à 6 h, constituait un temps de travail effectif pour lequel il aurait dû être rémunéré intégralement et en heures supplémentaires de nuit, il est constant qu'au cours de la période du 1er janvier 2009 au 21 juin 2009, il a assuré ponctuellement, au sein des foyers d'accueil spécialisés de l'établissement, une surveillance nocturne à partir de 17 heures jusqu'à 11 heures le lendemain avec, durant cette période, une présence en chambre de veille entre 21 heures et 6 heures. Ainsi M. B... a alterné sur cette période, des horaires de jour et des horaires de nuit. En application des dispositions combinées précitées du 2° de l'article 7 et de l'article 18 du décret du 4 janvier 2002, les heures effectives à retenir sont, d'une part, au nombre de 4 heures entre 17 heures et 21 heures et, d'autre part, de 3 heures pour la période de présence en chambre de veille ainsi que le prévoit le III de l'article 18 précité, et enfin de 5 heures entre 6 heures et 11 heures, soit 12 heures effectives au total, sans préjudice des temps supplémentaires pour des interventions éventuelles pendant la présence en chambre de veille. Pour l'ensemble de la période du 27 octobre 2004 au 21 juin 2009 M. B... se borne à produire des plannings qui recensent les horaires accomplis mais qui ne démontrent nullement des interventions de nuit pouvant être décomptées en plus des 12 heures, en particulier durant la période exercée en chambre de veille, et de certaines heures supplémentaires déjà prises en compte. Faute pour le requérant d'établir, par la production de documents suffisamment probants, qu'il aurait effectivement accompli de telles interventions au cours de la période du 27 octobre 2004 au 21 juin 2009, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait accompli des heures supplémentaires au-delà de son temps de travail normal, non réglées par le département. Il s'ensuit que la demande de l'intéressé tendant au paiement des heures supplémentaires effectuées sur la période susvisée et des heures comptabilisées au-delà du forfait de 3 heures prévu au III de l'article 18 doit être rejetée sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'exception de prescription quadriennale opposée par le département du Val-de-Marne.
5. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du département du Val-de-Marne tendant à l'application du même article.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du département du Val-de-Marne présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au département du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 17 juin 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, présidente de chambre,
- Mme Briançon, présidente assesseure,
- M. Gobeill, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 juin 2022.
Le rapporteur,
J.-F. C...
La présidente,
M. A...La greffière,
V. BREME
La République mande et ordonne au ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA03309