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26/01/2022 | FRANCE | N°20PA03029

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 26 janvier 2022, 20PA03029


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société QBE Insurance International Limited a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie :

1°) de prononcer la décharge des impositions supplémentaires à l'impôt sur les sociétés mises à sa charge pour des montants de 29 890 465 francs CFP au titre de l'exercice clos en 2015 et de 32 306 827 francs CFP au titre de l'exercice clos en 2016 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions supplémentaires à la contribution sociale additionnelle (CSA) mises à sa charge pour

des montants de 15 081 418 francs CFP au titre de l'exercice clos en 2015 et de 3 911 424 f...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société QBE Insurance International Limited a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie :

1°) de prononcer la décharge des impositions supplémentaires à l'impôt sur les sociétés mises à sa charge pour des montants de 29 890 465 francs CFP au titre de l'exercice clos en 2015 et de 32 306 827 francs CFP au titre de l'exercice clos en 2016 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions supplémentaires à la contribution sociale additionnelle (CSA) mises à sa charge pour des montants de 15 081 418 francs CFP au titre de l'exercice clos en 2015 et de 3 911 424 francs CFP au titre de l'exercice clos en 2016 ;

3°) de prononcer la décharge des impositions supplémentaires à l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières (IRVM) et des centimes additionnels mises à sa charge pour des montants de 21 037 579 francs CFP au titre de l'exercice clos en 2015 et de 23 605 854 francs CFP au titre de l'exercice clos en 2016 ;

4°) de prononcer la décharge des impositions supplémentaires à la contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés (CAIS) té mises à sa charge pour des montants de 2 994 434 francs CFP au titre de l'exercice clos en 2015 et de 3 359 417 francs CFP au titre de l'exercice clos en 2016 ;

5°) et de lui verser de plein droit un intérêt moratoire sur les sommes indument perçues.

Par un jugement n° 1900534 du 17 septembre 2020, le Tribunal administratif de

Nouvelle-Calédonie a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 22 octobre 2020 et 24 mars 2021, la société QBE Insurance International Limited, représentée par Me Chevalier, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1900534 du 17 septembre 2020 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;

2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;

3°) de mettre à la charge du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie une somme de

300 000 francs CFP sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement n'est pas motivé sur les raisons qui ont mené le juge à considérer que les charges litigieuses sont des prestations imputables au fonctionnement général de l'entreprise n'entrant pas dans le cycle de production ;

- les conclusions tendant à l'annulation de la décision de rejet de la réclamation sont recevables ;

- il incombe à la Cour en application de l'article 107 de la loi organique du 19 mars 1999 de saisir le Conseil d'Etat, afin qu'il statue sur le moyen tiré de ce qu'en ne définissant pas la notion de fait généraux, et en renvoyant cette définition au pouvoir réglementaire, le législateur a entaché d'incompétence négative l'article 6 de la loi du pays n° 2015-5 du 18 décembre 2015 plafonnant la déductibilité fiscale des frais généraux et méconnu l'article 99 de la loi organique du 19 mars 1999 ;

- l'arrêté n°2016-379/GNC élargit la liste des charges à soumettre au plafonnement, alors que l'esprit de la loi du pays renvoie aux seuls frais de direction et d'administration ;

- les services fiscaux n'ont pas expliqué en quoi ces charges ne seraient pas constitutives de frais de production nécessaires à l'exploitation, engagés dans l'intérêt de l'entreprise en Nouvelle-Calédonie, et d'autre part, en quoi elles seraient supérieures au prix du marché ;

- l'article 21 V du code n'est pas adapté aux contrôles sur place et prive totalement de portée les articles 18 III et 925.1 du code des impôts ;

- l'application de l'article 21 V du code des impôts lors de la vérification sur place a été accompagnée d'une absence totale d'investigation de l'administration fiscale ;

- à l'issue du contrôle sur place, la méthode de détermination des refacturations intra groupe n'a pas été remise en cause par le service ;

- les charges en litige sont la contrepartie de prestations réelles nécessaires à l'activité d'assurance et non réalisées par le personnel de l'établissement en Nouvelle-Calédonie ;

- la méthode du partage des bénéfices est adaptée à la répartition des charges entre entités du groupe.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 février 2021, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, représenté par la SCP Buk Lament-Robillot conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société QBE Insurance International Limited de la somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les conclusions à fin d'annulation de la décision de rejet de la réclamation sont irrecevables ;

- les moyens soulevés par la société QBE Insurance International Limited ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie ;

- la convention fiscale en date des 31 mars et 5 mai 1983 conclue entre la France et la Nouvelle-Calédonie ;

- la loi du pays n° 2015-5/GNC du 18 décembre 2015 plafonnant la déductibilité fiscale des frais généraux encourus par les entreprises ayant leur siège social ou leur direction effective en dehors de la Nouvelle-Calédonie ;

- l'arrêté n° 2016-379/GNC du 2 mars 2016 relatif au plafonnement de la déductibilité des frais généraux encourus par les entreprises ayant leur siège social ou leur direction effective en dehors de la Nouvelle-Calédonie ;

- le code des impôts de la Nouvelle-Calédonie et notamment le V de son article 21 ;

- le code de justice administrative dans sa version applicable en Nouvelle-Calédonie.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Magnard,

- les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique,

- les observations de Me Robillot pour le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.

Considérant ce qui suit :

1. La société de droit australien QBE Insurance International Limited dont le siège social est situé à Sydney (Australie) exerce une activité d'assurance spécialisée dans les risques commerciaux et dispose en Nouvelle-Calédonie d'un établissement stable. L'établissement calédonien de la SA QBE Insurance International Limited a fait l'objet, au cours de l'année 2018, d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle lui ont été notifiés des rappels d'impôt sur les sociétés, de contribution sociale additionnelle (CSA), de contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés (CAIS), d'impôt sur le revenu des valeurs mobilières (IRVM), d'impôt sur le revenu des créances et de centimes additionnels au titre des exercices clos en 2015 et 2016. La société QBE Insurance International Limited relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces rappels.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il résulte de l'examen du jugement attaqué que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments soulevés par la société requérante à l'appui de ses moyens, ont statué sur le moyen qu'il leur était soumis, tiré de ce que les charges litigieuses étaient constitutives de frais généraux au sens du V de l'article 21 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie. Le jugement est par suite suffisamment motivé à cet égard.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision implicite de rejet de la réclamation préalable :

3. La décision par laquelle l'administration statue sur la réclamation contentieuse du contribuable ne constitue pas un acte détachable de la procédure d'imposition. Elle ne peut, en conséquence, être déférée à la juridiction administrative par la voie du recours pour excès de pouvoir, et ne peut faire l'objet d'un recours contentieux qu'au titre de la procédure fixée par les articles 1096 et suivants du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie. Contrairement à ce qui est soutenu, il ne résulte nullement de l'article 1113 du même code, aux termes duquel : " L'action doit être introduite devant le tribunal compétent dans le délai de 3 mois à partir du jour de la réception de l'avis par lequel l'administration notifie au contribuable la décision prise sur sa réclamation./Toutefois, le contribuable qui n'a pas reçu avis de la décision de l'administration dans le délai de 6 mois suivant la date de présentation de sa réclamation peut saisir le tribunal dès l'expiration de ce délai. " et qui régit les délais dans lesquels un contentieux fiscal peut être soumis à la juridiction contentieuse, qu'une décision de rejet d'une réclamation contentieuse en matière fiscale puisse faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. C'est dès lors à bon droit que le tribunal a rejeté comme irrecevables les conclusions présentées devant lui par la société à fin d'annulation de la décision de rejet de sa réclamation préalable, aucune irrecevabilité n'étant par ailleurs opposée aux conclusions à fin de décharge des impositions.

Sur les conclusions à fin de décharge des impositions litigieuses :

4. Le V de l'article 21 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie, dans sa rédaction issue de la loi du pays n° 2015-5 du 18 décembre 2015 plafonnant la déductibilité fiscale des frais généraux encourus par les entreprises ayant leur siège social ou leur direction effective en dehors de la Nouvelle-Calédonie, dispose : " Les entreprises ayant leur siège social ou leur direction effective en dehors de la Nouvelle-Calédonie peuvent déduire du montant de leur bénéfice imposable, la quote-part des frais généraux supportés au lieu du siège social ou de la direction, afférente aux activités exercées en Nouvelle-Calédonie, dans la limite de 5 % du montant des services extérieurs, au sens de la comptabilité privée, nécessités par lesdites activités. Un arrêté du gouvernement précise les services extérieurs à prendre en compte pour l'application de cette disposition. / Cette déduction est subordonnée aux conditions cumulatives suivantes : 1. les frais affectés aux activités exercées en Nouvelle-Calédonie ont été engagés dans l'intérêt direct des entreprises en Nouvelle-Calédonie. (...) / Les dispositions du présent paragraphe s'appliquent également aux frais généraux facturés aux sociétés assujetties à l'impôt sur les sociétés en Nouvelle-Calédonie, par les sociétés liées non imposables à cet impôt en Nouvelle-Calédonie, lorsque ces dernières détiennent, directement ou indirectement, au moins 10 % du capital de l'entreprise imposée en Nouvelle-Calédonie. Deux sociétés sont réputées liées lorsqu'elles ont en commun des dirigeants de droit ou de fait, ou sont détenues, directement ou indirectement, par une personne morale ou physique, à hauteur de 10 % au moins de leur capital, ou encore lorsqu'au moins 10 % du capital de l'une est détenu, directement ou indirectement, par l'autre. ". Dans son article 6, la loi du pays citée ci-dessus dispose : " Des arrêtés du gouvernement précisent, en tant que de besoin, les dispositions de la présente loi du pays ". L'arrêté n° 2016-379/GNC du 2 mars 2016 pris pour application de la loi du pays de 2015 qui modifie le V de l'article 21 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie dispose en son article 2 : " Les dispositions du V de l'article 21 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie s'appliquent aux frais et charges de toute nature affectés à une entreprise calédonienne par son siège social ou par une société liée au sens de la disposition légale précitée, établi (e) en dehors de le Nouvelle-Calédonie, à l'exception toutefois de ceux afférents : 1°) aux achats de marchandises, matières premières, fournitures ; 2°) aux autres charges directes de production, y compris la mise à disposition de personnel lorsque ce dernier est directement affecté à la production ; 3°) aux charges financières ".

5. En premier lieu, aux termes des premier et troisième alinéas de l'article 107 de la loi organique du 19 mars 1999 : " Les lois du pays ont force de loi dans le domaine défini à l'article 99. Elles ne sont susceptibles d'aucun recours après leur promulgation (...) Les dispositions d'une loi du pays intervenues en dehors du domaine défini à l'article 99 ont un caractère réglementaire. Lorsqu'au cours d'une procédure devant une juridiction de l'ordre administratif ou de l'ordre judiciaire, la nature juridique d'une disposition d'une loi du pays fait l'objet d'une contestation sérieuse, la juridiction saisit, par un jugement qui n'est susceptible d'aucun recours, le Conseil d'État qui statue dans les trois mois. Il est sursis à toute décision sur le fond jusqu'à ce que le Conseil d'État se soit prononcé sur la nature de la disposition en cause (...) ". La circonstance qu'en ne définissant pas la notion de frais généraux, et en renvoyant cette définition au pouvoir réglementaire, le législateur aurait entaché d'incompétence négative la loi du pays n° 2015-5 du

18 décembre 2015 plafonnant la déductibilité fiscale des frais généraux et méconnu ainsi l'article 99 de la loi organique du 19 mars 1999, lequel indique en son point 5. que les " règles relatives à l'assiette et au recouvrement des impôts, droits et taxes de toute nature " relèvent de la loi du pays, n'est pas de nature à affecter la nature juridique des dispositions de ladite loi du 28 décembre 2015, lesquelles conservent en tout état de cause un caractère législatif. La société requérante n'est par suite pas fondée à demander à la Cour de saisir le Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article 107 de la loi organique du 19 mars 1999, afin qu'il statue sur le moyen tiré de l'incompétence négative du législateur.

6. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit, l'article 6 de la loi du pays du

18 décembre 2015 habilite le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie à préciser par arrêté les dispositions de la loi modifiant le V de l'article 21 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie. Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie était donc habilité à préciser par voie d'arrêté la notion de frais généraux figurant audit V de cet article. En excluant du dispositif de plafonnement les achats de marchandises, de matières premières, de fournitures, les autres charges directes de production, y compris la mise à disposition de personnel lorsque ce dernier est directement affecté à la production et les charges financières, et en soumettant à ce dispositif les autres frais et charges de toute nature affectés à une entreprise calédonienne par son siège social ou par une société liée au sens de la disposition légale précitée, établi (e) en dehors de la Nouvelle-Calédonie, l'arrêté n° 2016-379/GNC du 2 mars 2016 n'a pas méconnu l'habilitation donnée par le législateur.

7. En troisième lieu, il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire que l'article 21 V du code des impôts ne puisse être mis en œuvre dans le cadre d'un contrôle sur place. Notamment, la société requérante ne saurait valablement soutenir que les dispositions combinées des articles 18 et 925-1 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie, qui organisent un dispositif de lutte anti-fraude et de contrôle des bénéfices indirectement transférés hors de la Nouvelle-Calédonie soit par la majoration ou la diminution des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, seraient seules adaptées à un contrôle sur place, et feraient obstacle à l'application, à l'issue d'un tel contrôle, des dispositions du V de l'article 21 dudit code.

8. En quatrième lieu, il est constant que la vérification de comptabilité de la SA QBE Insurance International Limited s'est déroulée dans les locaux de son établissement stable, entre le 20 mars 2018 et le 26 juillet 2018, en présence du directeur de l'établissement, de la responsable administratif et financier et d'un expert-comptable de la société Fidec Nouvelle-Calédonie, selon la procédure contradictoire prévue par les articles 965 et suivants du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie. Une réunion de synthèse a eu lieu le 26 juillet 2018 en présence du directeur de l'établissement, de la responsable du service administratif et financier, de l'expert-comptable et du vérificateur. Dans le cas où la vérification de la comptabilité d'une entreprise a été effectuée dans ses locaux, il appartient au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire de justifier que l'administration aurait refusé un tel débat. En se bornant à faire valoir que l'administration n'a procédé à aucune investigation relative aux frais généraux litigieux, la société QBE Insurance International Limited n'apporte pas une telle justification. La circonstance qu'à l'issue du contrôle, l'administration ait mis en œuvre les dispositions du V de l'article 21 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie en plafonnant la déductibilité des frais généraux facturés par le siège social australien ne révèle par elle-même aucune irrégularité de la procédure de contrôle, le contribuable gardant la possibilité, en vertu de la décision n° 2019-819 QPC du Conseil constitutionnel du 7 janvier 2020, d'apporter la preuve que la part de ses frais généraux excédant le montant de 5 % de ses services extérieurs ne correspond pas à un transfert indirect de bénéfices.

9. En cinquième lieu, il résulte de l'instruction que les frais facturés par le siège social australien qui sont, selon les écritures mêmes de la société QBE Insurance International Limited, relatifs au soutien et à la formation technique, à la gestion des risques, à la gestion informatique, aux services actuariels et à la réassurance, tous domaines gérés de manière globale par le siège pour les établissements du groupe, ont le caractère de frais généraux au sens des dispositions combinées du V de l'article 21 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie et de l'arrêté n° 2016-379/GNC du

2 mars 2016 pris pour son application. La circonstance que ces frais correspondent à des prestations nécessaires à l'exercice de l'activité de l'établissement situé en Nouvelle Calédonie n'est pas de nature à faire obstacle à leur qualification comme frais généraux au sens desdites dispositions.

10. En sixième lieu, il résulte du point 21. de la décision QPC 20196819 du 7 janvier 2020 du Conseil constitutionnel que les dispositions du V de l'article 21 du code des impôts ne sauraient, sans porter une atteinte disproportionnée au principe d'égalité devant les charges publiques, faire obstacle à ce que l'entreprise soit autorisée à apporter la preuve que la part de ses frais généraux qui excède le montant de 5 % de ses services extérieurs ne correspond pas à un transfert indirect de bénéfices. Il appartient alors au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie, d'apporter la preuve de l'absence de transfert de bénéfices en justifiant de l'existence et de la valeur de contreparties au moins équivalentes aux frais exposés. Il suit de là que la société requérante, à qui incombe la charge de renverser la présomption de transfert indirect de bénéfices, pour le montant de ses frais généraux excédant 5 % du montant des services extérieurs, n'est pas fondée à soutenir que l'administration fiscale n'aurait pas fourni les éléments permettant de constater que les charges ne seraient pas nécessaires à l'exploitation, qu'elles n'auraient pas été engagées dans l'intérêt de l'entreprise en Nouvelle-Calédonie, que le prix des services correspondants serait supérieur au prix du marché et que la méthode de détermination des refacturations intra groupe ne serait pas adaptée.

11. En septième lieu, si la société QBE Insurance International Limited produit un certain nombre de documents, relatifs notamment à la structure du groupe, aux capacités de l'établissement situé en Nouvelle-Calédonie, et à la nature de son activité, permettant de constater l'usage effectif dans le cadre de l'exploitation de l'établissement de certains des services fournis par le siège, elle ne met pas la Cour en mesure de chiffrer la valeur des prestations rendues et d'apprécier le caractère normal des sommes facturées en échange desdites prestations en se bornant à produire un tableau de répartition des charges entre entités du groupe, non appuyé de pièces justificatives, et à invoquer de manière générale le caractère adapté de la méthode du partage des bénéfices utilisée pour effectuer cette répartition. Ainsi, la société QBE Insurance International Limited n'établit pas que les sommes comptabilisées au titre des frais généraux en litige ne correspondaient pas à un transfert de bénéfices et, dès lors, ne combat pas utilement, par les éléments qu'elle produit, la présomption de transfert de bénéfices qui concerne les frais généraux excédant le plafond de déductibilité prévu au V de l'article 21 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie.

12. Il résulte de ce qui précède que la société QBE Insurance International Limited n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, sa requête ne peut qu'être rejetée, ensemble les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées sur le même fondement par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société QBE Insurance International Limited est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société QBE Insurance International Limited et au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.

Copie en sera adressée au Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.

Délibéré après l'audience du 12 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. Platillero, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 janvier 2022.

Le rapporteur,

F. MAGNARDLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

S. DALL'AVA

La République mande et ordonne au Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 20PA03029


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA03029
Date de la décision : 26/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : SCP BUK LAMENT - ROBILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 01/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-01-26;20pa03029 ?
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