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27/10/2021 | FRANCE | N°20PA01754

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 27 octobre 2021, 20PA01754


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 13 avril 2015 par laquelle le ministre des finances et des comptes publics l'a licenciée à compter du 15 mai 2015, ensemble les décisions rejetant ses recours gracieux et hiérarchiques et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 162 532,86 euros en réparation des préjudices que lui ont causés ces décisions.

Par un jugement n° 1513684/5-2 du 13 octobre 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa deman

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Par un arrêt n° 16PA03718 du 20 décembre 2018, la Cour administrative d'appe...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 13 avril 2015 par laquelle le ministre des finances et des comptes publics l'a licenciée à compter du 15 mai 2015, ensemble les décisions rejetant ses recours gracieux et hiérarchiques et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 162 532,86 euros en réparation des préjudices que lui ont causés ces décisions.

Par un jugement n° 1513684/5-2 du 13 octobre 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 16PA03718 du 20 décembre 2018, la Cour administrative d'appel de Paris a condamné l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros tous intérêts compris, réformé ce jugement en ce qu'il a de contraire à son arrêt, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus de sa requête.

Par une décision n° 428272 du 10 juillet 2020, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt, renvoyé l'affaire à la Cour et mis à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 12 décembre 2016, 25 juillet et

13 septembre 2017, 20 novembre et 12 décembre 2018, et 28 octobre 2020, Mme B..., représentée par Me Jérôme Jeanjean, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1513684/5-2 du 13 octobre 2016 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 13 avril 2015 contestée devant ce tribunal ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 102 688,62 euros en réparation de son préjudice financier au titre des pertes de rémunération et la somme de 35 000 euros en réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence qu'elle estime avoir subis, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts ;

4°) d'enjoindre au ministre des finances et des comptes publics de procéder à la reconstitution de ses droits à pension pour la période d'éviction, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a, dans le délai de recours contentieux, formé un recours gracieux à l'encontre de la décision du 13 avril 2015 ; ce recours a eu pour effet de proroger le délai de recours contentieux ; les conclusions qu'elle a présentées tendant à l'annulation de cette décision étaient donc recevables ;

- il appartenait à l'administration, dès l'entrée en vigueur du décret n° 2014-1318 du 3 novembre 2014 et en application de son article 3, de lui proposer un nouveau contrat pour régulariser sa situation au titre de la période d'essai en la fixant à trois mois, son contrat ayant été conclu pour une durée de trois ans ; en tout état de cause, c'est à la date à laquelle son contrat est entré en vigueur, soit au 1er décembre 2014, que le tribunal devait se placer pour déterminer le décret applicable ; l'administration a donc commis une faute en la maintenant irrégulièrement en période d'essai durant six mois, période au cours de laquelle elle a été licenciée ;

- en l'absence de toute régularisation de son contrat, elle a été privée des garanties statutaires prévues à l'article 1-2 du décret du 17 janvier 1986 qui prévoient la consultation des instances partitaires sur les décisions individuelles de licenciement intervenues postérieurement à la période d'essai ; en outre, son licenciement a été prononcé en méconnaissance de l'obligation de communication de son dossier, dès lors qu'elle n'a pu le consulter dans un délai raisonnable et qu'il était au demeurant incomplet ; enfin, elle n'a pas reçu, préalablement à l'entretien préalable, l'information de son droit à être représentée par un défenseur de son choix ;

- les motifs invoqués pour son licenciement ont fait l'objet d'une appréciation manifestement erronée et ne justifient pas son licenciement ;

- elle a fait l'objet d'une sanction disciplinaire déguisée ;

- son préjudice s'élève à la somme 102 688 euros au titre des pertes de rémunérations du fait d'une rupture anticipée de son contrat, 15 000 euros au titre du préjudice moral subi résultant de la remise en cause injustifiée de ses capacités professionnelles et 20 000 euros au titre des troubles dans ses conditions d'existence.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 mai 2017, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 29 octobre 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 20 novembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-83 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n°86-83 du 17 janvier 1986 ;

- la décret n° 2014-1318 du 3 novembre 2014 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bonneau-Mathelot,

- les conclusions de Mme Jimenez, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... a été recrutée, en application de l'article 6 de la loi du 11 janvier 1984, par un contrat à durée déterminée (CDD) de trois ans du 1er décembre 2014 au 30 novembre 2017 inclus, qu'elle a signé le 24 octobre 2014, pour exercer les fonctions de médecin de prévention au sein des services déconcentrés des ministères de l'économie et des finances dans le département des Bouches-du-Rhône, à raison de deux jours et demi par semaine, assorti d'une période d'essai de six mois. Mme B... n'ayant pas donné satisfaction dans l'accomplissement de ses fonctions, elle a été informée, par une décision du 13 avril 2015 du chef du bureau du recrutement et de la valorisation des cadres supérieurs et des contractuels du ministère chargé des finances, confirmée le lendemain par une décision des ministres chargés de l'économie et des finances, de son licenciement avec effet au 14 mai 2015. Par un jugement n° 1513684/5-2 du 13 octobre 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 13 avril 2015, ensemble les décisions rejetant ses recours gracieux et hiérarchiques et à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 162 532,86 euros en réparation de ses préjudices. Par un arrêt n° 16PA03718 du 20 décembre 2018, la Cour administrative d'appel de Paris a condamné l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros tous intérêts compris, réformé le jugement du tribunal en ce qu'il avait de contraire à son arrêt, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus de sa requête. Par une décision n° 428272 du 10 juillet 2020, le conseil d'Etat, à la demande de Mme B..., a annulé cet arrêt, renvoyé l'affaire à la Cour et mis à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre aux conclusions à fin d'annulation:

2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative dans sa rédaction alors en vigueur : " (...), la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / (...) ". Aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".

3. Il résulte de l'instruction que la décision du 13 avril 2015, qui comporte la mention des voies et délais de recours, a été notifiée à Mme B... le 17 avril 2015. Dans le délai de recours contentieux de deux mois, qui a commencé à courir à compter de cette date, pour expirer le 18 juin 2015, Mme B... a formé, le 28 mai 2015, un recours, qu'elle a qualifié de " recours gracieux ", reçu le 1er juin 2015, par lequel elle a indiqué, après avoir contesté les motifs de son licenciement " sans cause réelle et sérieuse ", prendre acte de la décision de licenciement prise à son encontre, et s'est bornée à demander " l'application de la loi en réparation des préjudices subis pour licenciement abusif ". En constatant ainsi qu'elle avait fait l'objet d'un licenciement, dont elle n'a souhaité tirer des conséquences que sur le terrain indemnitaire, Mme B... ne peut être regardée comme ayant invité le chef du bureau du recrutement et de la valorisation des cadres supérieurs et des contractuels du ministère chargé des finances à reconsidérer sa position, mais comme l'ayant exclusivement saisi d'une demande indemnitaire préalable qui n'a pu avoir pour effet de proroger le délai de recours contentieux. Il en va de même, en tout état de cause, du recours hiérarchique qu'elle a formé le 15 juillet 2015, soit une fois ce délai expiré. Il suit de là que le ministre de l'économie et des finances est fondé à soutenir que les conclusions tendant à l'annulation de la décision portant licenciement de Mme B..., enregistrées au greffe du tribunal le 8 août 2015, étaient tardives et, par suite, irrecevables.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation des préjudices subis :

En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat :

S'agissant de la durée de la période d'essai :

4. Aux termes de l'article 9 du décret du 17 janvier 1986, dans sa rédaction issue de l'article 3 du décret du 3 novembre 2014 : " Le contrat ou l'engagement peut comporter une période d'essai qui permet à l'administration d'évaluer les compétences de l'agent dans son travail et à ce dernier d'apprécier si les fonctions occupées lui conviennent. / (...). / La durée initiale de la période d'essai peut être modulée à raison d'un jour ouvré par semaine de durée de contrat, dans la limite : / (...) ; / - de trois mois lorsque la durée initialement prévue au contrat est supérieure ou égale à deux ans ; / (...) ".

5. Les agents contractuels de l'Etat étant placés vis-à-vis de leur administration dans une situation légale et réglementaire, les modifications apportées aux règles qui régissent leur emploi leur sont, en principe, et sauf dispositions contraires, immédiatement applicables. Toutefois, les limitations de la durée de la période d'essai et de son éventuel renouvellement désormais prévues par le décret du 3 novembre 2014 ne peuvent s'appliquer, sauf à revêtir un caractère rétroactif, qu'à compter de la date d'entrée en vigueur de ce texte, soit le 6 novembre 2014.

6. Il résulte de l'instruction que Mme B... a signé le 24 octobre 2014 un CDD d'une durée de trois ans, assorti d'une période d'essai de six mois, pour exercer, à compter du 1er décembre 2014, les fonctions de médecin de prévention. A cette dernière date, l'article 3 du décret du 3 novembre 2014 étant entré en vigueur, la période d'essai applicable au CDD de Mme B... ne pouvait légalement courir que pour une durée de trois mois du 1er décembre 2014 au 28 février 2015. Mme B... est, dans ces conditions, fondée à soutenir que l'administration, qui a méconnu les dispositions sus-rappelées de l'article 9 du décret du 17 janvier 1986, était tenue de régulariser sa situation et à, de ce fait, commis une illégalité constitutive d'une faute.

S'agissant des garanties de procédure :

7. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

8. En premier lieu, Mme B... se prévaut des stipulations de l'article 12 de son contrat aux termes duquel " en cas de faute se rattachant à l'exercice de la profession médicale, l'avis du comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) compétents sera requis ". Il ne résulte, toutefois, pas de l'instruction que l'administration, qui a seulement entendu retenir à son encontre son incapacité à exercer les fonctions pour lesquelles elle avait été engagée, soit une insuffisance professionnelle, ait entendu prononcer à son encontre une sanction disciplinaire. Il suit de là que le CHSCT n'avait pas à être consulté préalablement à son licenciement. L'administration n'avait pas davantage à l'informer de son droit à être représentée par un défenseur de son choix en vertu des dispositions de l'article 44 du décret du 17 janvier 1986 applicables à la seule procédure disciplinaire.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article 44 du décret du 17 janvier 1986 : " L'agent contractuel peut être licencié pour un motif d'insuffisance professionnelle. L'agent doit préalablement être mis à même de demander la communication de l'intégralité de toute pièce figurant dans son dossier individuel, dans un délai suffisant permettant à l'intéressé d'en prendre connaissance. Le droit à communication concerne également toute pièce sur laquelle l'administration entend fonder sa décision, même si elle ne figure pas au dossier individuel ".

10. Il résulte de l'instruction que, par un courriel du 30 mars 2015, l'administration a invité Mme B... à consulter son dossier le 9 avril 2015 entre 11h30 et 12h30, soit quelques heures avant l'entretien préalable à son licenciement fixé le même jour à 14h30. Par ailleurs, après avoir consulté son dossier, Mme B... n'a disposé que de la seule journée du vendredi 10 avril 2015 pour préparer sa défense avant l'intervention de la décision prononçant son licenciement le lundi 13 avril 2015. Mme B... ne peut, dans ces circonstances, être regardée comme ayant disposé d'un délai suffisant pour présenter utilement sa défense avant l'intervention de la décision contestée. En outre, ainsi que le fait valoir Mme B... sans être sérieusement contestée, son dossier ne comportait pas le rapport du 5 mars 2015 du médecin coordonnateur régional, son supérieur hiérarchique, sur lequel s'est fondée l'administration pour prendre la décision en litige.

11. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article 1er-2 du décret du 17 janvier 1986 : (...). / Ces commissions sont obligatoirement consultées sur les décisions individuelles relatives aux licenciements intervenant postérieurement à la période d'essai (...) ". Aux termes de l'article 47-1 de ce même décret : " Lorsqu'à l'issue de la consultation de la commission consultative paritaire prévue à l'article 1er-2 et de l'entretien préalable prévu à l'article 47, l'administration décide de licencier un agent, elle lui notifie sa décision par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre précise le ou les motifs du licenciement, ainsi que la date à laquelle celui-ci doit intervenir compte tenu des droits à congés annuels restant à courir et de la durée du préavis ". Il est constant que la commission administrative paritaire prévue par ces dispositions du décret du 17 janvier 1986 n'a pas été saisie préalablement à la décision du 13 avril 2015 portant licenciement de Mme B....

12. Il suit de là qu'en raison de l'irrégularité de la procédure de communication de son dossier et de l'absence de consultation de la commission administrative paritaire, Mme B... a été privée de garanties. Elle est, dans ces conditions, fondée à soutenir que la décision de licenciement du 13 avril 2015, qui est intervenue au terme d'une procédure irrégulière, est entachée d'illégalités constitutives de fautes.

S'agissant de l'insuffisance professionnelle :

13. Le licenciement pour inaptitude professionnelle d'un agent public ne peut être fondé que sur des éléments révélant l'inaptitude de l'agent à exercer normalement les fonctions pour lesquelles il a été engagé ou correspondant à son grade et non sur une carence ponctuelle dans l'exercice de ces fonctions. Toutefois, une telle mesure ne saurait être subordonnée à ce que l'insuffisance professionnelle ait été constatée à plusieurs reprises au cours de la carrière de l'agent ni qu'elle ait persisté après qu'il ait été invité à remédier aux insuffisances constatées. Par suite, une évaluation portant sur la manière dont l'agent a exercé ses fonctions durant une période suffisante et révélant son inaptitude à un exercice normal de ses fonctions est de nature à justifier légalement son licenciement.

14. Il résulte de l'instruction que l'administration s'est fondée, pour prendre la décision en litige du 13 avril 2015, sur le fait que Mme B... n'avait pas rempli ses obligations contractuelles soit la gestion et la réalisation des visites médicales confiées sur l'ensemble du département des Bouches-du-Rhône, notamment dans les villes d'Arles et Martigues, et qu'elle avait refusé de se rendre sur le lieu de trois urgences.

15. Mme B..., qui a été informée de ces motifs, soutient que les faits qui lui sont reprochés ne sont pas matériellement établis et que ceux dont fait état le rapport du 5 mars 2015 du médecin coordonnateur régional et dont se prévaut le ministre chargé de l'économie et des finances dans le cadre de la présente instance, n'ont pas été évoqués lors de l'entretien préalable. Si ce rapport décrit les problèmes de communication entre Mme B... et sa hiérarchie dans le cadre de la mise en place des visites médicales, les difficultés qu'elle a rencontrées pour programmer de telles visites sur les sites d'Arles et Martigues, ainsi que des problèmes de nature administrative, il ne résulte pas de l'instruction que les ministres chargés de l'économie et des finances aient entendu retenir l'ensemble de ces faits à l'encontre de Mme B..., seuls ayant été retenus ceux relatifs à la gestion et à la réalisation des visites médicales sur le département des Bouches-du-Rhône, ainsi que le précise le ministre de l'économie et des finances en appel. Il résulte ainsi de l'instruction que, si Mme B... a été recrutée au 1er décembre 2014 pour exercer ses fonctions au sein des services déconcentrés des ministères de l'économie et des finances dans le département des Bouches-du-Rhône, ainsi que le précisait, par ailleurs, sa lettre d'engagement, l'intéressée n'a principalement exercé ses fonctions qu'à Aix-en-Provence où avait été fixée sa résidence administrative. Elle ne conteste pas, ainsi que cela ressort du rapport du 5 mars 2015 du médecin coordonnateur régional, que cette situation a généré des conflits lorsque des agents situés en dehors de sa résidence administrative ont souhaité la rencontrer et qu'elle leur a demandé de se déplacer à Aix-en-Provence. Il résulte, également, de l'instruction que ce n'est que cinq mois après avoir pris ses fonctions, soit au mois d'avril, que Mme B... a programmé plusieurs journées consacrées aux visites médicales sur le site de Martigues, celle du 2 avril 2015 ayant finalement été annulée en raison de son placement en arrêt de travail. Elle ne peut, à cet égard, utilement invoquer la circonstance que la fixation de ces visites médicales à cette date résulterait d'une consigne de l'agent chargé de convoquer les agents du site. La circonstance que le médecin coordonnateur régional ait demandé à Mme B... d'annuler deux journées de visites médicales prévues les 16 et 23 avril 2015 est sans incidence sur le manque de diligence dont elle a fait preuve dans l'exécution de ses fonctions, l'intéressée s'étant montrée systématiquement réticente à tout déplacement hors de sa commune de résidence. Elle ne conteste pas, en outre, avoir délaissé le site d'Arles où elle n'a programmé aucune visite médicale. Par ailleurs, si la situation de trois agents a été signalée, au cours du mois de mars, à Mme B..., dont un, le 17 mars 2015, par le médecin coordonnateur régional, afin qu'elle le reçoive le plus rapidement possible en raison d'un état dépressif profond le rendant incapable de faire face à ses obligations professionnelles et aux règles élémentaires d'hygiène, il est constant que Mme B... n'a convoqué cet agent, ainsi qu'au demeurant les deux autres, que le 2 avril 2015, soit dans un délai qui ne peut être regardé comme raisonnable. Mme B... ne peut, à cet égard, utilement invoquer son expérience de plus de vingt ans en qualité de médecin de prévention, la liberté dont elle dispose en cette qualité pour organiser son activité, et le fait qu'elle ne disposait pas de matériel informatique avant la fin janvier 2015. En outre, le constat de l'insuffisance professionnelle de Mme B... n'était pas subordonné à ce qu'elle soit préalablement mise à même de remédier aux insuffisances constatées. A supposer même que la requérante ait entendu soutenir que la décision de son licenciement présentait un caractère prématuré, la période courant du 1er décembre 2004 au mois de mars 2015 était suffisante, eu égard aux faits relevés plus haut, pour que l'administration évalue son insuffisance professionnelle. Dans ces conditions, ces faits, qui révèlent l'inaptitude de Mme B... à exercer normalement les fonctions pour lesquelles elle a été engagée, et non une simple carence ponctuelle dans l'exercice de ces fonctions, sont de nature à justifier son licenciement pour insuffisance professionnelle.

En ce qui concerne les préjudices :

16. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte des rémunérations ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations nettes et des allocations pour perte d'emploi qu'il a perçues au cours de la période d'éviction. La réparation intégrale du préjudice de l'intéressé peut également comprendre, à condition que l'intéressé justifie du caractère réel et certain du préjudice invoqué, celle de la réduction de droits à l'indemnisation du chômage qu'il a acquis durant la période au cours de laquelle il a été employé du fait de son éviction de son emploi avant le terme contractuellement prévu.

17. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4. à 15. du présent arrêt que si le chef du bureau du recrutement et de la valorisation des cadres supérieurs et des contractuels du ministère chargé des finances, qui a méconnu les dispositions de l'article 9 du décret du 17 janvier 1986 sur la période d'essai et n'a pas régularisé la situation de Mme B... au titre de la période d'essai, a entaché la décision en litige du 13 avril 2015 de vices de procédure tirés de l'irrégularité de la communication du dossier de Mme B... et de l'absence de consultation de la commission administrative paritaire préalablement à son licenciement, l'insuffisance des capacités professionnelles, de l'intéressée, caractérisée par une incapacité à s'organiser et un manque de diligence dans l'exécution de ses fonctions, justifiait la mesure de licenciement prise à son encontre. Il suit de là que les illégalités dont la décision du 13 avril 2015 est entachée ne sont pas de nature à ouvrir à Mme B... un droit à l'indemnité qu'elle sollicite au titre des préjudice résultant de cette seule mesure de licenciement.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

18. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme B..., n'implique aucune autre mesure d'exécution. Il suit de là que les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de procéder à la reconstitution de ses droits à pension pour la période d'éviction, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à Mme B... D... la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 13 octobre 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président,

- M. Platillero, président-assesseur,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 octobre 2021.

Le rapporteur,

S. BONNEAU-MATHELOTLe président,

I. BROTONS

Le greffier,

I. BEDR

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA01754


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA01754
Date de la décision : 27/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Sonia BONNEAU-MATHELOT
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : SCP SVA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-10-27;20pa01754 ?
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