Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) Finrec a demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge des amendes qui lui ont été infligées sur le fondement de l'article 1737 du code général des impôts au titre des années 2012 et 2013, ainsi que la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie pour la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013.
Par un jugement joint n° 1804998 et n° 1810675 du 5 février 2020, Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
I - Par une requête et un mémoire enregistrés sous le n° 20PA01019 le 17 mars 2020 et le 23 octobre 2020, la SAS Finrec, représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1804998 du 7 février 2020 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de lui accorder la décharge des amendes mises en recouvrement au titre des années 2012 et 2013 pour un montant global de 109 508 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SAS Finrec soutient que :
- l'administration a estimé qu'elle avait déduit de la taxe sur la valeur ajoutée sur des factures de complaisance mais les opérations ont bien été réalisées même si les factures émanent de tiers et non des personnes qui ont réellement effectué les opérations ;
- il appartiendrait à l'administration de démontrer que la société SPEC n'est pas le véritable fournisseur de services ;
- M. B... est l'associé gérant de la société SPEC qui est une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée et l'on ne peut faire de différence entre la personne physique associée unique et le dirigeant de la société ayant rendue les prestations ;
- les prestations n'ont pas été rendues par M. B... personne physique mais bien par l'associé unique de la société SPEC, ainsi elle n'avait aucune intention frauduleuse ;
- elle n'a participé à aucun circuit de fraude ;
- la société a bénéficié d'un dégrèvement de 122 859 euros pour la période vérifiée qui confirme son absence de volonté d'éluder l'impôt, et la pénalité pour manquement délibéré est ainsi mal fondée.
Par un mémoire enregistré le 28 avril 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Le ministre soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
II - Par une requête et un mémoire enregistrés, sous le n° 20PA01020, le 17 mars 2020 et le 11 mars 2021, la SAS Finrec, représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1810675 du 5 février 2020 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de lui accorder la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie pour la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013 ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SAS FINREC soutient que :
- l'écriture de 178 846 euros au titre de l'année 2011 provient d'une régularisation de taxe sur la valeur ajoutée collectée due sur les exercices antérieurs et elle n'avait pas à être incluse dans les déclarations CA3 et CA4 ;
- l'administration a estimé à tort que cette somme correspondait à un passif injustifié ;
- l'administration en a déduit que ce montant correspondait à un chiffre d'affaires de 912 479 euros, ce qui correspond à une extrapolation dénuée de fondement ;
- la société aurait dû comptabiliser une somme de 289 650,76 euros, qui correspond à des cumuls de taxe sur la valeur ajoutée antérieurs dans le compte de produit ;
- la discordance en base n'est pas de 1 463 645,38 euros mais de 551 166,38 euros puisqu'il faut déduire ce chiffre d'affaires extrapolé.
Par un mémoire en défense enregistré le 28 avril 2020 le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Le ministre soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 ;
- les décrets n° 2020-1404 et n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus, au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- et les conclusions de Mme Lescaut, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société par actions simplifiée (SAS) FINREC exerce une activité de recouvrement amiable et contentieux de créances civiles, commerciales, administratives et sociales auprès de personnes physiques ou morales. Consécutivement à une procédure de vérification de sa comptabilité, elle a fait l'objet notamment de rappels de taxe sur la valeur ajoutée et d'une amende fiscale prévue par les dispositions du 1 de l'article 1737-I du code général des impôts. La SAS Finrec relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
2. Les requêtes n° 20PA01019 et 20PA01020 portant sur le même jugement et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée collectée :
3. Aux termes du 2 de l'article 269 du code général des impôts relatif à la taxe sur la valeur ajoutée : " La taxe est exigible : / (...) c) Pour les prestations de services (...) lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération (...) ".
4. Il résulte de l'instruction que l'administration s'est fondée sur les documents comptables présentés par la société au vérificateur et les montants de chiffre d'affaires déclarés au titre de la taxe sur la valeur ajoutée en vue de reconstituer un chiffre d'affaires non déclaré en matière de taxe sur la valeur ajoutée, et de rehausser l'assiette de la taxe sur le chiffre d'affaires collectée à hauteur de cette discordance.
5. La société soutient que l'écriture de régularisation au crédit du compte de taxe sur la valeur ajoutée collectée inscrit en comptabilité le 21 mai 2012 pour un montant de 178 846 euros ne correspondrait pas à un chiffre d'affaires relatif à l'année 2011, mais à un cumul de taxe sur la valeur ajoutée collectée non comptabilisée. L'administration a cependant estimé que cette taxe correspondait à un chiffre d'affaires de 912 479 euros, soit 178 846 euros divisés par le taux de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à l'époque de 19,6 %, qu'il convenait de retrancher de la base figurant déclarée en 2011. Dès lors que la société ne justifie pas l'allégation selon laquelle elle aurait disposé d'un cumul de taxe sur la valeur ajoutée collectée antérieur de 289 650,76 euros, l'administration pouvait à bon droit se fonder sur la discordance constatée pour la période litigieuse, dans la limite au demeurant favorable à la requérante du quantum proposé dans la proposition de rectification initiale du 18 décembre 2014, alors que les observations subséquentes de la société auraient dû conduire à augmenter la base du rehaussement.
6. Les rehaussements de taxe sur la valeur ajoutée litigieux ne sont, en tout état de cause, pas fondés sur un quelconque " passif injustifié " mais sur une insuffisance de déclaration de chiffre d'affaires au regard de la collecte de cet impôt comme il a été dit aux points qui précèdent.
En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée déductible :
7. D'une part, aux termes de l'article 207 de l'annexe II du code général des impôts : " Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable (...) ".
8. D'autre part, en vertu des dispositions combinées des articles 271, 272 et 283 du code général des impôts et de l'article 230 de l'annexe II à ce code, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucun bien ou aucune prestation de services. Dans le cas où l'auteur de la facture était régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d'établir qu'il s'agissait d'une facture fictive ou d'une facture de complaisance. Si l'administration apporte des éléments suffisants permettant de penser que la facture ne correspond pas à une opération réelle, il appartient alors au contribuable d'apporter toutes justifications utiles sur la réalité de cette opération.
9. Il résulte de l'instruction, et des propres écritures de la requérante, qu'elle a payé à des tiers des prestations qui lui ont été facturées par la société SPEC. En 2012, elle n'a réglé que 4 200 euros à la société et 137 665,72 euros au gérant M. B.... En 2013, elle a réglé 64 000 euros à la société SPEC et 40 000 euros au gérant, ainsi que 23 650 euros et 17 700 euros à deux autres sociétés. Il est constant que toutes ces sommes ont été facturées par la société SPEC. Or, cette dernière société ne déclarait pas la taxe sur la valeur ajoutée.
10. Il résulte également de l'instruction que les relations commerciales entre les deux sociétés sont anciennes et bien établies. De plus, il n'est pas contesté que M. A... B..., le gérant de son fournisseur SPEC, est son actionnaire ultime à parts égales, avec son propre gérant, M. F... E.... Les chèques ont été versés de celui-ci à celui-là de manière itérée lors de la période 2012 à 2013.
11. Ainsi, dès lors que la société Finrec ne pouvait ignorer que la société SPEC ne déclarait pas à la taxe sur la valeur ajoutée des factures qui ne lui étaient pas payées, l'administration établit que les factures dont s'agit étaient des factures de complaisance. C'est donc à bon droit, alors que la société ne justifie pas de la réalisation par la société auteur de ces factures des prestations qui y étaient mentionnées, qu'elle a refusé la déduction de la taxe qui les grevait.
Sur l'amende fiscale qui sanctionne les factures de complaisance :
12. Aux termes du I de l'article 1737 du code général des impôts : " Entraîne l'application d'une amende égale à 50 % du montant : / 1. Des sommes versées ou reçues, le fait de travestir ou dissimuler l'identité ou l'adresse de ses fournisseurs ou de ses clients, les éléments d'identification mentionnés aux articles 289 et 289 B et aux textes pris pour l'application de ces articles ou de sciemment accepter l'utilisation d'une identité fictive ou d'un prête-nom ". Il résulte de ces dispositions que l'administration peut mettre l'amende ainsi prévue à la charge de la personne qui a délivré la facture, ou à la charge de la personne destinataire de la facture, si elle établit que la personne concernée a, soit travesti ou dissimulé l'identité, l'adresse ou les éléments d'identification de son client ou de son fournisseur, soit accepté l'utilisation, en toute connaissance de cause, d'une identité fictive ou d'un prête-nom.
13. Il résulte de ce qui a été dit aux points 8, 9 et 10 du présent arrêt que la SAS Finrec a mentionné des déductions indues de taxe sur la valeur ajoutée en présentant des factures non conformes à la réalité du bénéficiaire des sommes concernées, et, que déduisant une taxe sur la valeur ajoutée dont elle savait qu'elle n'était pas collectée par la société émettrice de la facture, et alors que le gérant de cette société était son associé par sociétés interposées, elle a activement participé à un circuit de fraude visant à déduire indûment la taxe sur la valeur ajoutée due au Trésor. C'est par suite à bon droit que le service a appliqué aux sommes y figurant l'amende prévue par les dispositions de l'article 1737 précité du code général des impôts.
Sur les pénalités :
14. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ". Il résulte des dispositions de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales et du principe de présomption d'innocence prévu notamment au 2 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que la charge de la preuve du bien-fondé de l'application des majorations pour manquement délibéré repose sur l'administration.
15. Pour établir la pénalité de manquement délibéré, l'administration fait valoir que la société a omis de déclarer pour la période correspondant aux années 2012 et 2013 presque un cinquième de son chiffre d'affaires à la taxe sur la valeur ajoutée. Le fait qu'une partie des rehaussements proposés en matière d'impôt sur les sociétés ait donné lieu à un dégrèvement de la part de l'administration dans la phase administrative du contentieux n'est pas de nature à remettre en cause ces constats et, en tout état de cause, reste sans incidence sur le manquement commis en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve du manquement délibéré de la requérante à ses obligations fiscales et, par suite, du bien-fondé de l'application de la majoration de 40 % prévue par l'article 1729 du code général des impôts.
16. Il résulte de ce qui précède que la SAS Finrec n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes. Ses requêtes, y compris ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'État n'étant pas la partie perdante à l'instance, doivent dès lors être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête n° 20PA01019 de la SAS Finrec est rejetée.
Article 2 : La requête n° 20PA01020 de la SAS Finrec est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée (SAS) Finrec et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée au directeur général des finances publiques - directeur de contrôle fiscal
Île-de-France (division juridique)
Délibéré après l'audience du 6 mai 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Formery, président de chambre,
- M. Platillero, président-assesseur,
- M. D..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 mai 2021.
Le rapporteur,
B. D...Le président,
S.-L. FORMERY
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA01019-20PA01020