Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL La Roche du Marais, la SCI La Fosse et M. H... ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la délibération du 6 février 2019 par laquelle le conseil municipal de la commune nouvelle de la Hague a renoncé à l'acquisition des parcelles cadastrées section B 485, 486, 487, 488, 489, 490 et des murs de l'hôtel de la Roche du Marais et à sa mise à bail commercial et a retiré les délibérations D2016.09.22-9 du 22 septembre 2016 et D2016.11.03-08 du 3 novembre 2016 du conseil municipal d'Omonville-la-Petite et d'enjoindre à la commune de la Hague de procéder à l'acquisition de ces parcelles et des murs de l'hôtel de la Roche du Marais pour un prix de 500 000 euros hors frais notariés et de régulariser un bail commercial avec la SARL La Roche du Marais pour la location des murs de l'hôtel pour un loyer annuel de 24 000 euros hors taxe.
Par un jugement n° 1900668 du 18 juin 2020, le tribunal administratif de Caen a, en premier lieu, rejeté les conclusions tendant à l'annulation de la délibération du 6 février 2019 en tant qu'elle concerne l'autorisation de signer un bail commercial comme présentées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaitre et en second lieu a rejeté le surplus des conclusions.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 août 2020 et le 1er mars 2021, la SARL La Roche du Marais, la SCI La Fosse et M. B... H..., représentés par Me E..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1900668 du tribunal administratif de Caen du 18 juin 2020 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la délibération du conseil municipal de la commune de La Hague du 6 février 2019 ;
3°) d'enjoindre à la commune de La Hague de procéder à l'acquisition auprès de la SCI La Fosse des parcelles cadastrées section B n° 485, 486, 487, 488, 489 et 490, ainsi que les murs de l'hôtel de la Roche du Marais pour un prix de 500 000 euros hors frais notariés, dans un délai d'un mois sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de la commune de La Hague la somme de six mille euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les délibérations du conseil municipal de la commune d'Omonville-la-Petite du 22 septembre 2016 et du 3 novembre 2016 sont créatrices de droit ;
- la délibération méconnait les dispositions des articles L. 122-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration et n'a pas été précédée d'une procédure contradictoire préalable ;
- la délibération méconnait les dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration et est insuffisamment motivée ;
- la délibération est entachée d'erreur de fait :
o l'avis du service des Domaines avait bien été sollicité par la commune d'Omonville-la-Petite en 2015 ;
o il ne peut être fait droit à la demande de substitution de motifs de la commune de La Hague ;
- la délibération méconnait les dispositions de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration car les délibérations des 22 septembre et 3 novembre 2016 ne sont pas illégales et ont été retirées après l'expiration du délai de quatre mois ;
- la délibération méconnait les dispositions de l'article 1583 du code civil.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 18 novembre 2020 et le 23 mars 2021, la commune de La Hague, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et demande, en outre, qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SARL La Roche du Marais, la SCI La Fosse et M. H... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens soulevés par la SARL La Roche du Marais, la SCI La Fosse et M. H... ne sont pas fondés ;
- à supposer que la délibération soit entachée d'erreur de fait, elle demande une substitution de motifs ; la délibération peut être légalement fondée sur le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation du prix par rapport à l'estimation faite par le service des Domaines.
Par une ordonnance du 3 mars 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 24 mars 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme J..., première conseillère,
- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,
- et les observations de Me E..., représentant la SCI La Fosse, la SARL La Roche du Marais et M. H... et de Me I..., représentant la commune de La Hague.
Considérant ce qui suit :
1. La SCI La Fosse a acquis en mars 2009 sur le territoire de la commune d'Omonville-la-Petite (Manche) un ensemble immobilier constitué des parcelles cadastrées section B n° 485 à 490 au lieu-dit " Hameau Mesnil ", sur lesquelles est édifié un hôtel. Les membres de la SCI La Fosse sont la SARL La Roche du Marais, M. et Mme B... et Francine H..., Mme G... H... et M. A... H.... L'exploitation de l'hôtel a été confiée à la SARL La Roche du Marais, constituée entre M. et Mme B... et Francine H..., Mme G... H... et M. D... F.... En 2015, à la suite de difficultés économiques connues par l'hôtel, la famille H... a proposé à la commune d'Omonville-la-Petite d'acheter l'ensemble immobilier et d'en confier l'exploitation à bail à la SARL La Roche du Marais. Le projet a été refusé par les conseillers municipaux lors d'une réunion du 18 juin 2015. Ultérieurement, la commune ayant été à nouveau sollicitée, le conseil municipal, lors de sa séance du 20 mai 2016, a accepté de faire une offre d'achat après une expertise du bâtiment et des devis en vue de la mise aux normes d'accessibilité de l'immeuble. Par une délibération du 22 septembre 2016, le conseil municipal de la commune d'Omonville-la-Petite a décidé de faire une proposition d'achat à la SCI La Fosse pour un montant de 500 000 euros. Par une nouvelle délibération du 3 novembre 2016, le conseil municipal a autorisé le maire de la commune à entreprendre les démarches d'acquisition auprès d'un notaire et à signer l'acte notarié d'achat et d'autre part a autorisé le maire à faire établir par un notaire un bail commercial pour la location des murs de l'hôtel pour un loyer mensuel de 2 000 euros. Par une délibération du 8 décembre 2016, l'assemblée générale de la SCI La Fosse a autorisé la gérante de la société à céder l'ensemble immobilier à la commune pour un prix global de 500 000 euros. Par une délibération du même jour, l'assemblée générale de la SARL La Roche du Marais a autorisé sa gérante à prendre à bail auprès de la commune l'hôtel de la Roche du Marais.
2. La commune nouvelle de La Hague a été créée, à compter du 1er janvier 2017, à la place de dix-neuf communes dont la commune d'Omonville-la-Petite. A la demande de l'ancien maire de la commune d'Omonville-la-Petite, la commission " administration générale, affaires générales juridiques - commande publique, plan local d'urbanisme " de La Hague a réexaminé l'affaire et estimé que la légalité de l'acquisition était discutable. Le 27 juin 2017, le conseil municipal de la commune de La Hague a été saisi d'un projet de délibération annulant et remplaçant la délibération du 3 novembre 2016 et tendant à la proposition d'un nouveau prix d'achat de l'immeuble pour un montant de 371 800 euros. Ce projet n'a néanmoins pas été adopté et, en conséquence, la demande de la SARL La Roche du Marais, de la SCI La Fosse et M. B... H... dirigée contre la délibération qui aurait été adoptée ce même jour a été rejetée par un jugement du tribunal administratif de Caen du 31 décembre 2018. Par une délibération du 6 février 2019, le conseil municipal de la commune de La Hague a décidé de renoncer au projet d'acquisition de l'ensemble immobilier de l'hôtel de la Roche du Marais et de retirer les délibérations du 22 septembre 2016 et du 3 novembre 2016. La SARL La Roche du Marais, la SCI La Fosse et M. B... H... relèvent appel du jugement du 18 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la délibération du 6 février 2019.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ". Par ailleurs, l'article 1582 du code civil dispose que : " La vente est une convention par laquelle l'un s'oblige à livrer une chose, et l'autre à la payer ". L'article 1583 du même code dispose que : " Elle est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès lors qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée, ni le prix payé ".
4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment de la motivation détaillée de la délibération du 6 février 2019 du conseil municipal de la commune de La Hague, que ce dernier a souhaité " retirer de l'ordonnancement juridique les propositions d'achat et de bail commercial formulées par le conseil municipal d'Omonville-la-Petite " et qu'en raison du renoncement pur et simple au projet d'acquisition, il avait décidé de " retirer les délibérations D2016.09.22- du 22 septembre 2016 et D2016.11.03-08 du 3 novembre 2016 d'Omonville-la-Petite ". La commune de La Hague ne saurait donc sérieusement soutenir que la délibération de son conseil municipal du 6 février 2019 n'aurait procédé qu'à l'abrogation et non au retrait des délibérations du 22 septembre 2016 et du 3 novembre 2016.
5. En second lieu, d'une part, par sa délibération du 22 septembre 2016 le conseil municipal de la commune d'Omonville-la-Petite a décidé " de faire une proposition d'achat à la SCI d'un montant de 500 000 euros " dans le cadre du " projet d'acquisition des murs de l'hôtel de La Roche du Marais ". D'autre part, à la suite de cette décision, il ressort des termes mêmes de la délibération du conseil municipal d'Omonville-la-Petite du 3 novembre 2016 que le conseil municipal, sans prévoir aucune condition particulière, a autorisé le maire de la commune à entreprendre les démarches d'acquisition des parcelles cadastrées section B n° 485 à 490 et l'immeuble constitué par l'hôtel de la Roche du Marais pour un montant total de 500 000 euros hors frais notariés et a voté une décision budgétaire modificative en vue de financer l'acquisition de l'ensemble immobilier. Enfin, il ressort des pièces du dossier que lors de sa séance du 8 décembre 2016, l'assemblée générale de la SCI La Fosse, propriétaire de l'ensemble immobilier, a expressément autorisé sa gérante à céder à la commune l'immeuble et le terrain, précisément désignés par leurs références cadastrales et leur contenance, pour un prix global de 500 000 euros. Dès lors qu'il est constant que la proposition de la commune d'Omonville-la-Petite n'avait pas été alors retirée, cette acceptation de son offre d'achat par la SCI propriétaire a créé des droits au profit de cette dernière.
6. Les droits créés au profit de la SCI La Fosse résultent de l'application des dispositions du code civil régissant les rapports entre parties au contrat de droit privé dont la conclusion est envisagée. Les parties ayant ainsi marqué leur accord sur l'objet et sur le prix, la délibération de l'assemblée générale de la SCI La Fosse a eu pour effet, en application des dispositions de l'article 1583 du code civil, de parfaire la vente. Dès lors, le conseil municipal de la commune de La Hague, venant aux droits de la commune d'Omonville-la-Petite, ne pouvait légalement décider, par la délibération litigieuse, de retirer les délibérations de 2016 dont résultait l'engagement d'achat de la commune, à supposer même que ces délibérations auraient été entachées d'illégalité, dès lors que le délai de quatre mois pendant lequel ce retrait était susceptible d'intervenir en vertu de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration était expiré et qu'il ne ressort aucunement des pièces du dossier que leur éventuelle illégalité aurait conféré aux délibérations des 22 septembre et 3 novembre 2016 un caractère inexistant.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI La Fosse est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du conseil municipal de la commune de La Hague du 6 février 2019 décidant le retrait des délibérations du 22 septembre 2016 et du 3 novembre 2016 du conseil municipal de la commune d'Omonville-la-Petite en tant que ces délibérations décidaient d'acquérir les parcelles cadastrées section B n° 485, 486, 487, 488, 489 et 490 et l'immeuble constitué par l'hôtel de la Roche du Marais.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Compte tenu du motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'il soit enjoint à la commune de La Hague d'autoriser son maire, dans un délai qu'il y a lieu de fixer à trois mois, à procéder à la signature d'un acte authentique de vente avec la SCI La Fosse pour la formalisation de la vente des parcelles cadastrées section B n° 485, 486, 487, 488, 489 et 490 et de l'immeuble constitué par l'hôtel de la Roche du Marais. Il n'y a pas lieu en revanche d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais du litige :
9. En premier lieu, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SCI La Fosse, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de La Hague demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
10. En second lieu, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de La Hague la somme de 1500 euros à verser, en application de ces mêmes dispositions, à la SCI La Fosse, propriétaire de l'ensemble immobilier.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1900668 du tribunal administratif de Caen du 18 juin 2020 et la délibération du 6 février 2019 par laquelle le conseil municipal de la commune de La Hague a décidé de retirer les délibérations du 22 septembre 2016 et du 3 novembre 2016 du conseil municipal de la commune d'Omonville-la-Petite en tant que ces délibérations décidaient d'acquérir les parcelles cadastrées section B n° 485, 486, 487, 488, 489 et 490 et l'immeuble constitué par l'hôtel de la Roche du Marais, sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à la commune de La Hague d'autoriser son maire, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, à procéder à la signature d'un acte authentique de vente avec la SCI La Fosse pour la formalisation de la vente des parcelles cadastrées section B n° 485, 486, 487, 488, 489 et 490 et de l'immeuble constitué par l'hôtel de la Roche du Marais.
Article 3 : La commune de La Hague versera à la SCI La Fosse la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions d'appel de la SCI La Fosse, de la SARL La Roche du Marais et de M. B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL La Roche du Marais, premier requérant dénommé, et à la commune de La Hague.
Délibéré après l'audience du 1er juin 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Rivas, président-assesseur,
- Mme J..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juin 2021.
La rapporteure,
M. J...Le président,
L. LAINÉ
La greffière,
S. LEVANT
La République mande et ordonne au préfet de la Manche en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT02606