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09/07/2021 | FRANCE | N°20MA04092

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 09 juillet 2021, 20MA04092


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... et Mme E... A... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler les arrêtés du 12 mars 2020 par lesquels la préfète de l'Aude leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2002183 et 2002184 du 15 juillet 2020, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Montpellier a rejeté ces demandes.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requêt

e, enregistrée le 5 novembre 2020, sous le n° 20MA04092, M. A..., représenté par Me B..., deman...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... et Mme E... A... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler les arrêtés du 12 mars 2020 par lesquels la préfète de l'Aude leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2002183 et 2002184 du 15 juillet 2020, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Montpellier a rejeté ces demandes.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée le 5 novembre 2020, sous le n° 20MA04092, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 15 juillet 2020 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 mars 2020 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de l'Aude de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil Me B... en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, ce règlement emportant renonciation à l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

s'agissant de la régularité du jugement attaqué :

- le tribunal a opéré une substitution de motif sans débat contradictoire ;

- il n'a pas répondu au moyen tiré du défaut d'examen de sa situation opposé à la décision fixant le pays de destination ;

s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur de fait ;

- elle viole les articles L. 743-3 et L. 311-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle est contraire aux stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

s'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation et d'une erreur de droit ;

- elle viole les dispositions de l'article L. 513-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 septembre 2020.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 février 2021, la préfète de l'Aude conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

II. Par une requête, enregistrée le 5 novembre 2020, sous le n° 20MA04093, Mme A..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 15 juillet 2020 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 mars 2020 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de l'Aude de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil Me B... en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, ce règlement emportant renonciation à l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

s'agissant de la régularité du jugement attaqué :

- le tribunal a opéré une substitution de motif sans débat contradictoire ;

- il n'a pas répondu au moyen tiré du défaut d'examen de sa situation opposé à la décision fixant le pays de destination ;

s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur de fait ;

- elle viole les articles L. 743-3 et L. 311-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle est contraire aux stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

s'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation et d'une erreur de droit ;

- elle viole les dispositions de l'article L. 513-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 septembre 2020.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 février 2021, la préfète de l'Aude conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes de M. et Mme A... sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

2. M. A..., né le 30 avril 1987 et Mme A..., née le 13 mai 1993, tous deux de nationalité albanaise, seraient, selon leurs déclarations, entrés en France le 28 août 2019 accompagnés de leur premier enfant né le 24 août 2018. Un second enfant est né le 1er octobre 2019 sur le territoire français. Ils ont présenté, le 11 septembre 2019, deux demandes d'asile qui ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides par deux décisions du 23 janvier 2020, confirmées le 13 juillet 2020 par la Cour nationale du droit d'asile. Par deux arrêtés du 12 mars 2020, la préfète de l'Aude leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 15 juillet 2020 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Montpellier qui a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés du 12 mars 2020.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 311-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'un étranger a présenté une demande d'asile qui relève de la compétence de la France, l'autorité administrative, après l'avoir informé des motifs pour lesquels une autorisation de séjour peut être délivrée et des conséquences de l'absence de demande sur d'autres fondements à ce stade, l'invite à indiquer s'il estime pouvoir prétendre à une admission au séjour à un autre titre et, dans l'affirmative, l'invite à déposer sa demande dans un délai fixé par décret. (...) ". Selon l'article D. 311-3-2 du même code : " Pour l'application de l'article L. 311-6, les demandes de titres de séjour sont déposées par le demandeur d'asile dans un délai de deux mois. Toutefois, lorsqu'est sollicitée la délivrance du titre de séjour mentionné au 11° de l'article L. 313-11, ce délai est porté à trois mois. ". Aux termes de l'article L. 743-3 du code précité : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé ou qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2 et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une mesure d'éloignement prévue au titre Ier du livre V et, le cas échéant, des pénalités prévues au chapitre Ier du titre II du livre VI. (...) ".

4. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

5. Il ne ressort pas des pièces du dossier, en dépit de la mesure d'instruction diligentée par le greffe de la Cour, que la préfète de l'Aude aurait fourni à M. et Mme A... la notice d'information relative aux possibilités de demander un titre de séjour dès le début de l'examen par la France de leurs demandes d'asile, notice mentionnant notamment la possibilité de demander un titre de séjour en langue albanaise. Ce vice a été de nature à priver les requérants d'une garantie. Par suite, les requérants sont fondés à soutenir que la préfète a méconnu les dispositions de l'article L. 311-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relative à l'information de la possibilité de déposer une demande d'admission au séjour à un autre titre que l'asile.

6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué, que M. et Mme A... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés préfectoraux du 12 mars 2020.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

7. Le présent arrêt implique seulement que la préfète de l'Aude réexamine la situation de M. et Mme A... et leur délivre une autorisation provisoire de séjour. Il convient de prescrire ce réexamen et cette délivrance dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

8. M. et Mme A... ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, leur avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me B... avocat de M. et Mme A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me B... de la somme de 1 500 euros.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 15 juillet 2020 et les arrêtés du 12 mars 2020 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la préfète de l'Aude de réexaminer la situation de M. et Mme A... et de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me B... une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me B... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions des requêtes de M. et Mme A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., à Mme E... A..., à Me B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de l'Aude et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Montpellier.

Délibéré après l'audience du 25 juin 2021, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Guidal, président assesseur,

- Mme C..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 juillet 2021.

2

N° 20MA04092, 20MA04093

bb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA04092
Date de la décision : 09/07/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 20/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-07-09;20ma04092 ?
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