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08/04/2021 | FRANCE | N°20MA02634

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 08 avril 2021, 20MA02634


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... E... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 30 novembre 2018 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1909032 du 13 janvier 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 31 juillet 2

020, Mme E..., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribuna...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... E... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 30 novembre 2018 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1909032 du 13 janvier 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 31 juillet 2020, Mme E..., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 13 janvier 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 30 novembre 2018 du préfet des Bouches-du-Rhône ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal n'a pas répondu aux moyens tirés de la notification irrégulière de l'arrêté contesté et de ce que le préfet n'a pas procédé à un examen réel et sérieux de sa situation ;

- la notification de l'arrêté est entachée d'irrégularité ;

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- l'arrêté méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 et celles du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'une erreur de fait ;

- la décision de refus de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît également les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été méconnu ;

- sa situation nécessitait une prolongation du délai de départ volontaire en application de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008.

La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire.

Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 juin 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné, par décision du 19 mars 2021, Mme Mylène Bernabeu, présidente, pour assurer les fonctions de présidente par intérim de la 3ème chambre à compter du 20 mars 2021, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- et les observations de Me C... représentant Mme E....

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., ressortissante arménienne née le 28 mars 1990 a sollicité, le 27 novembre 2017, le renouvellement de son titre de séjour, sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 30 novembre 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme E... relève appel du jugement du 13 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort du dossier de première instance qu'à l'appui de sa demande, Mme E... a fait valoir un moyen tiré de la notification irrégulière de l'arrêté préfectoral du 30 novembre 2018. Alors même que ce moyen était inopérant, le tribunal administratif ne l'a pas visé et n'y a pas répondu. Par suite, sans qu'il soit nécessaire d'examiner l'autre moyen relatif à la régularité du jugement, le jugement est entaché d'irrégularité et doit être annulé.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme E... devant le tribunal administratif et sur le surplus de ses conclusions devant la Cour.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

4. L'arrêté attaqué, du 30 novembre 2018, comportait la mention des voies et délais de recours et a été notifié à Mme E... au plus tard le 12 décembre 2018, date à laquelle l'intéressée a déposé une demande d'aide juridictionnelle en vue de contester l'arrêté devant le tribunal administratif. Mme E... ayant été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 19 mars 2019, l'arrêté était devenu définitif le 19 mai 2019. Toutefois, dès lors qu'aucune pièce du dossier ne permet d'établir la date à laquelle la requérante a reçu notification de la décision du bureau d'aide juridictionnelle, le préfet des Bouches-du-Rhône n'est pas fondé à soutenir que la requête enregistrée au greffe du tribunal le 24 octobre 2019 était tardive.

Sur la légalité de l'arrêté du 30 novembre 2018 :

En ce qui concerne les moyens communs :

5. En premier lieu, les conditions de notification d'une décision administrative sont sans incidence sur sa légalité. Par suite, la circonstance que l'arrêté contesté a été notifié personnellement à la requérante et non à sa tutrice, désignée par ordonnance du juge des tutelles du 5 novembre 2018, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté.

6. En deuxième lieu, par un arrêté du 10 septembre 2018, régulièrement publié au recueil des actes administratifs le même jour, le préfet des Bouches-du-Rhône a donné délégation à M. A... pour signer tous les actes dans la limite de ses attributions, au nombre desquelles figure la police des étrangers. Ainsi, le moyen tiré de l'incompétence dont serait entaché l'arrêté attaqué doit être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) constituent une mesure de police (...) ". L'article L. 211-5 du même code dispose que : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

8. L'arrêté en litige vise notamment les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquelles l'intéressée a fondé sa demande. Il précise son identité, ses conditions d'entrée et de séjour en France, qu'elle n'établit pas être dépourvue d'attaches personnelles et familiales en Arménie où elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans. L'autorité préfectorale n'est pas tenue de préciser de manière exhaustive le détail de l'ensemble des éléments considérés. Ainsi, cet arrêté ne présente pas un caractère stéréotypé et est suffisamment motivé au regard des exigences de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation doit, dès lors, être écarté.

9. En quatrième et dernier lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment des motifs de l'arrêté attaqué, que le préfet des Bouches-du-Rhône s'est livré à un examen particulier de la situation de Mme E..., alors même qu'il n'a pas mentionné que, par deux ordonnances du juge des tutelles du 20 juin 2018 et du 5 novembre 2018, elle avait été placée sous sauvegarde de justice avec désignation d'un mandataire spécial et sous tutelle. Dès lors, le moyen tiré du défaut d'examen particulier doit être écarté.

En ce qui concerne la décision de refus de séjour :

10. En premier lieu, aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Chaque année, un rapport présente au Parlement l'activité réalisée au titre du présent 11° par le service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ainsi que les données générales en matière de santé publique recueillies dans ce cadre. ". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays (...) ".

11. Il ressort des pièces du dossier que Mme E... est atteinte d'une déficience intellectuelle profonde due à une phénylcétonurie, diagnostiquée en 1994. Il résulte de l'avis émis le 1er juillet 2018, que le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que si l'état de santé de l'intéressée nécessitait une prise en charge médicale, dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, elle pouvait y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et que son état de santé lui permettait de voyager sans risque vers son pays d'origine. Mme E... produit des certificats médicaux établis par le Dr Mazodier, praticien hospitalier du service de médecine interne et immunologie clinique du centre hospitalier universitaire la Conception, en date des 9 avril 2019, 21 janvier 2020 et 4 novembre 2020, selon lesquels à sa " connaissance " le traitement, consistant dans la prise en charge diététique, la " prescription d'aliments hypoprotidiques " et des " mélanges d'acides aminés sans phénylalanine ", " n'est pas disponible en Arménie ", un certificat médical établi le 30 janvier 2020 par le Dr Gueguen, psychiatre, selon lequel " il est très peu probable " que la prise en charge médicale de l'intéressée puisse " l'être dans le pays d'origine ", ainsi qu'un certificat médical en date du 16 novembre 2020 établi par le Dr Tahmazov, psychiatre, selon lequel " les soins entrepris (...) ne pourraient être délivrés en Arménie ". Toutefois, ces certificats, qui ne précisent pas le type de soins qui pourrait ne pas exister en Arménie, ainsi que les considérations générales sur la situation du système de santé en Arménie, ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration et à établir que la requérante ne pourrait poursuivre son traitement en Arménie, où elle a vécu jusqu'en 2015. Au demeurant, la requérante produit également un document daté du 29 avril 2020 selon lequel les personnes atteintes de cette maladie peuvent acheter " des aliments pauvres en protéines dans les magasins ". Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

12. En deuxième lieu, la seule circonstance que le préfet ait indiqué, par erreur, que l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration mentionnait que l'état de santé de Mme E... nécessitait une prise en charge dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, est sans incidence sur la légalité de la décision contestée, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier qu'il s'agit d'une erreur purement matérielle de retranscription de l'avis émis.

13. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger (...) dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, (...) ".

14. La requérante, célibataire et sans enfant, soutient être entrée en France en 2015, à l'âge de vingt-cinq ans. Elle ne justifie pas, par les pièces qu'elle produit, ne plus avoir d'attaches familiales dans son pays d'origine, où résiderait son père, alors que ses attaches familiales en France sont constituées de sa mère et de ses deux frères, qui sont également en situation irrégulière. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels la décision en litige a été prise. Ainsi, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ont été méconnues. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

15. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. ". Il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu notamment de ce qui a été dit aux points 11 et 14, qu'en ne procédant pas à la régularisation de Mme E... à titre humanitaire ou exceptionnel, le préfet des Bouches-du-Rhône aurait méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et la décision fixant le pays de destination :

16. Il ressort des pièces du dossier que, par ordonnance du juge des tutelles du 5 novembre 2018, Mme E... a été placée sous la tutelle de sa mère. Il ressort également des documents médicaux, et plus particulièrement des certificats du Dr Gueguen des 22 février 2017 et 7 mai 2019 que la requérante est dans l'impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison de ses " déficiences mentales sévères " et de ses altérations physiques étant " dans l'incapacité de s'exprimer par le langage, ni même par une gestuelle explicitant ses attentes ", la " dépendance à son entourage immédiat est totale ". L'état de santé de Mme E... ne lui permet pas " d'assumer sans crainte des lieux publics ou même la présence de personnes inconnues pour elle ". Elle souffre d'une absence d'autonomie due à son handicap qui rend nécessaire une assistance à plein temps que seule peut garantir la présence de sa mère à ses côtés, " évitant ainsi les éventuelles crises de panique, ou d'agitation intempestive ". Ces éléments sont de nature à établir que Mme E... est dans l'impossibilité de voyager sans risque vers l'Arménie et à remettre en cause l'appréciation portée par le collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration sur ce point. Il en résulte, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, que Mme E... est fondée à demander l'annulation de l'arrêté attaqué en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français et, par voie de conséquence, la décision fixant le délai de départ volontaire et celle fixant le pays de destination.

17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... est seulement fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 30 novembre 2018 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

18. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé ". Aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 513-4, L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. ".

19. L'exécution du présent arrêt n'implique pas qu'un titre de séjour soit délivré à Mme E.... L'annulation prononcée par le présent arrêt implique seulement que le préfet des Bouches-du-Rhône, conformément aux dispositions du premier alinéa de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, procède au réexamen de la situation de Mme E... et munisse l'intéressée d'une autorisation provisoire de séjour. Par suite, il y a lieu, en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, d'enjoindre à cette autorité de procéder au réexamen de la situation de Mme E... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, sans délai, une autorisation provisoire de séjour.

Sur les frais liés au litige :

20. Mme E... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me C... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me C... d'une somme de 1 500 euros.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 13 janvier 2020 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 30 novembre 2018 du préfet des Bouches-du-Rhône est annulé en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination.

Article 3 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer une autorisation provisoire de séjour à Mme E... et, dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt, de réexaminer sa situation au regard du droit au séjour.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande de Mme E... présentée devant le tribunal administratif et le surplus de ses conclusions devant la Cour sont rejetés.

Article 5 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à Me C... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... E..., à Me C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 25 mars 2021, où siégeaient :

- Mme Bernabeu, présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Femenia, premier conseiller,

- Mme D..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 avril 2021.

2

N° 20MA02634

mtr


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA02634
Date de la décision : 08/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme BERNABEU
Rapporteur ?: Mme Sylvie CAROTENUTO
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) : CHARTIER

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-04-08;20ma02634 ?
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