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23/02/2023 | FRANCE | N°20LY03741

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 23 février 2023, 20LY03741


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Valespace a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler le titre exécutoire n° 35 émis le 4 avril 2018 par lequel le président du syndicat mixte de traitement des déchets Savoie Déchets l'a constituée débitrice de la somme de 1 225 769 euros représentant le coût des travaux de mise en conformité du centre de tri de Chambéry qu'elle exploitait jusqu'à l'échéance de la délégation de service public, et de la décharger de l'obligation de payer cette somme.

Par jugement n° 1

802961 du 5 novembre 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

P...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Valespace a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler le titre exécutoire n° 35 émis le 4 avril 2018 par lequel le président du syndicat mixte de traitement des déchets Savoie Déchets l'a constituée débitrice de la somme de 1 225 769 euros représentant le coût des travaux de mise en conformité du centre de tri de Chambéry qu'elle exploitait jusqu'à l'échéance de la délégation de service public, et de la décharger de l'obligation de payer cette somme.

Par jugement n° 1802961 du 5 novembre 2020, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires enregistrés le 18 décembre 2020, le 30 avril 2021 et le 15 juillet 2021, la société Valespace, désormais dénommée Dalkia Wastenergy Tri, représentée par Me Polderman demande à la cour, le cas échéant après avoir ordonné une expertise sur l'existence des non-conformités alléguées :

1°) d'annuler ce jugement ainsi que ce titre exécutoire, et de la décharger de l'obligation de payer la somme de 1 225 769 euros ;

2°) de condamner le syndicat mixte de traitement des déchets Savoie Déchets à lui verser la somme de 276 458,19 euros au titre des intérêts moratoires ;

3°) à titre subsidiaire, de réduire le montant de la créance après imputation des intérêts moratoires estimés à 276 458,19 euros ;

4°) de mettre à la charge du syndicat mixte de traitement des déchets Savoie Déchets une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier car entaché de contradictions et pour s'être fondé sur une pièce non produite ;

- au fond, elle n'a pas reconnu l'existence des non-conformités invoquées par le syndicat mixte de traitement des déchets Savoie Déchets ;

- l'existence et la nature de ces non-conformités n'est pas établie ;

- le syndicat mixte de traitement des déchets Savoie Déchets n'a pas justifié le montant des travaux dont il lui impose le financement ;

- la prise en charge de ces travaux ne lui incombe pas ;

- le syndicat mixte de traitement des déchets Savoie Déchets a méconnu le protocole d'accord conclu le 1er avril 2016 ;

- les travaux n'ont pas été réalisés ;

- elle reprend l'ensemble des moyens soulevés en première instance ;

- dans le cas où la cour confirmerait le rejet de sa demande d'annulation du titre exécutoire, il convient de réduire le montant de la somme réclamée, par déduction des intérêts moratoires d'un montant de 276 458,19 euros dus par Savoie déchets en application de l'article 3.2 du protocole.

Par mémoires enregistrés le 4 mars 2021 et le 13 décembre 2022, ce dernier non communiqué, le syndicat mixte de traitement des déchets Savoie Déchets demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) à titre subsidiaire, de condamner la société Valespace à lui verser la somme de 1 163 149 euros HT ;

3°) de condamner la société Valespace à lui verser la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement n'est entaché d'aucune irrégularité ;

- le centre de tri connaît des dysfonctionnements et des non-conformités dans la mesure où les produits du tri ne sont pas conformes aux cahiers des charges des éco-organismes et des acquéreurs de ces déchets ;

- ces dysfonctionnements ont été constatés par des audits établis entre juillet 2016 et décembre 2017 ainsi que par des procès-verbaux de constat d'huissier établis entre les 19 et 29 décembre 2017 ;

- ces non-conformités concernent le tri des flux dits " gros de magasin " (GDM), des flux de papier-carton non complexés (PCNC) et des emballages ménagers recyclables (EMR) ;

- la part des produits impropres, équivalent à 8% pour les GDM, 18,62% pour les EMR, et 3% pour les PCNC, excède les limites de, respectivement, 2,5 ou 3%, 5% et 3%, prévues par les prescriptions techniques minimales ;

- ces seuils sont repris par les arrêtés portant cahier des charges des éco-organismes ;

- le montant des travaux strictement nécessaires pour la mise en conformité de la ligne de production, soit 2 083 000 euros HT, correspond à celui évalué par la société TIRU, actionnaire de la requérante, dans le cadre de son offre de reprise ;

- il incombe à la société Valespace, en application des articles 3.2.1, 6.1, 7.2 et 9 du contrat de délégation de service public, tel que modifié par ses avenants, d'assumer les frais de remise en état des installations ;

- ces travaux, qui sont nécessaires pour mettre l'installation en conformité avec les normes en vigueur, sont distincts des travaux de modernisation prévus par l'article 8 du contrat, qui sont relatifs aux investissements prospectifs ;

- le protocole transactionnel du 18 juillet 2016 n'avait pas pour objet de régler le différend afférent à ces travaux de mise en conformité.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur l'irrecevabilité des conclusions à fin de condamnation de la société Valespace, nouvelles en appel.

La société Valespace a présenté des observations le 13 janvier 2023 et soutient que ses conclusions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles se rattachent à sa demande initiale de décharge de l'obligation de payer.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Evrard, présidente,

- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public,

- les observations de Me Cano pour la société Valespace, et celles de Me Benguigui pour le syndicat mixte de traitement des déchets Savoie Déchets.

Une note en délibéré, présentée par le syndicat mixte de traitement des déchets Savoie Déchets a été enregistrée le 26 janvier 2023.

Une note en délibéré, présentée par la société Valespace a été enregistrée le 31 janvier 2023.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Chambéry a confié, par convention du 30 décembre 1994 modifiée par plusieurs avenants, la conception, la construction et l'exploitation d'un centre de tri des déchets recyclables ménagers à la société Valespace, désormais dénommée Dalkia Wastenergy Tri, pour la période du 1er janvier 1995 au 31 décembre 2008 reconduite jusqu'au 31 décembre 2017. Après avoir fait réaliser un audit de l'installation qui aurait révélé des anomalies de fonctionnement, le président du syndicat a, le 4 avril 2018, émis un titre exécutoire d'un montant de 1 225 769 euros correspondant au coût des travaux de mise en conformité chiffré à 2 083 000 euros dont ont été déduites les sommes de 719 815 euros et 137 416 euros que le syndicat s'était engagé à verser au délégataire en exécution d'un protocole d'accord conclu le 18 juillet 2016. La société Valespace relève appel du jugement du 5 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande à fin d'annulation de ce titre exécutoire et de décharge de l'obligation de payer la somme de 1 225 769 euros. Elle demande, en outre, la condamnation du syndicat à lui verser des intérêts moratoires.

Sur les conclusions aux fins d'annulation du titre exécutoire et de décharge de l'obligation de payer :

2. Aux termes de l'article 4.2 de la convention de délégation du 30 décembre 1994, telle que modifiée par ses avenants du 31 mai 2007 et du 26 décembre 2012 : " Nature et composition. (...) Chambéry métropole se réserve le droit de demander l'adéquation du tri aux PTM (Prescriptions Techniques Minimales) d'écoemballage ou toutes filières agréées. La caractérisation de la composition sera hebdomadaire suivant la méthodologie retenue entre les parties ". Aux termes de l'article 6.1 de cette convention : " Conditions d'exploitation. (...) Concernant les installations mises à disposition : Celles-ci doivent être maintenues en parfait état de propreté et d'entretien, et l'exploitation doit répondre aux prescriptions, règlements et circulaires en vigueur ". Aux termes de l'article 7 de la convention : " 7.1 Engagement relatif au taux de valorisation. La qualité et la quantité des déchets issus des collectes sélectives de Chambéry métropole sont réputées conformes à celles énoncées à l'article 4 de la Convention. (...) 7.2 Engagement relatif à la qualité des matériaux valorisés. L'Entrepreneur s'engage à respecter les prescriptions des repreneurs ". Et aux termes de l'article 9 : " Mise en conformité. Les dépenses qui pourraient être entraînées par des travaux de mise en conformité des installations avec les règlements techniques et administratifs publiés postérieurement à la date de leur prise en charge, seront supportées par l'Entrepreneur ".

3. Si les stipulations précitées de la convention du 30 décembre 1994 modifiée imposent au délégataire d'assumer les dépenses de mise en conformité des installations aux règlements techniques et administratifs et de respecter les " prescriptions, règlements et circulaires en vigueur " ainsi que les " prescriptions des repreneurs ", ces prescriptions n'ont pas été définies contractuellement, l'article 3.2 devenu 4.2 de la convention renvoyant uniquement au respect des " PTM (Prescriptions Techniques Minimales) d'écoemballage ou toutes filières agréées ", sans plus de précision. Ces prescriptions n'ont pas davantage été détaillées dans le cadre des audits commandés par la collectivité, lesquels se bornent à affirmer que le process industriel mis en œuvre par le centre de tri ne permet pas de trier les flux de matières selon les cahiers des charges des éco-organismes et des acquéreurs, sans définir les règles contenues par ces derniers. Enfin, si le syndicat mixte de traitement des déchets Savoie Déchets fait valoir que les prescriptions techniques minimales sont définies dans les annexes de l'arrêté du 12 novembre 2010 relatif au cahier des charges en vue de l'agrément d'un organisme ou d'une entreprise ayant pour objet de prendre en charge les emballages usagés dans les conditions prévues par le décret n° 92-377 du 1er avril 1992 et de l'arrêté du 2 novembre 2016 relatif à la procédure d'agrément et portant cahier des charges des éco-organismes de la filière des papiers graphiques en application des articles L. 541-10, L. 541-10-1 et D. 543-207 à D. 543-211 du code de l'environnement, il ne démontre pas, parmi les règles prévues par ces arrêtés qui définissent différentes catégories de " standards " (d'une part, " standard bureautique ", " standard à désencrer ", " standard papier-carton en mélange à trier ", " standard papier-carton mêlés triés " et, d'autre part " papier-carton complexé issu de la collecte séparée ", " papier-carton non complexé issu de la collecte séparée et/ou de la déchèterie ", " papier-carton mêlé issu de la collecte séparée "...) celles qui s'imposaient, eu égard à la nature des produits collectés, au centre de tri de Chambéry. Dans de telles conditions, le syndicat mixte de traitement des déchets Savoie Déchets ne pouvait estimer que la société était contractuellement tenue à la réalisation des travaux qu'elle a mis à sa charge, qui consistent dans le remplacement de l'ensemble des équipements d'exploitation et ont été évalués à la somme totale de 2 083 000 euros. Par suite, le syndicat mixte de traitement des déchets Savoie Déchets ne pouvait, pour mettre la somme de 1 225 769 euros à la charge de la société Valespace, se fonder sur la méconnaissance par cette dernière de ses obligations de mise en conformité du centre de tri.

Sur les conclusions tendant au versement d'intérêts moratoires :

4. Les conclusions de la société Valespace tendant à ce que soit mise à la charge du syndicat mixte de traitement des déchets Savoie Déchets la somme de 276 458,19 euros au titre des intérêts moratoires, présentées directement devant la cour, sont irrecevables comme nouvelles en appel, et ne peuvent, par suite qu'être rejetées.

5. Il résulte de ce qui précède que la société Valespace est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre exécutoire émis par le syndicat mixte de traitement des déchets Savoie Déchets le 4 avril 2018 et à la décharge de l'obligation de payer la somme de 1 225 769 euros.

Sur les frais liés à l'instance :

6. Les dispositions précitées font obstacle à ce que la société Valespace, qui n'est pas la partie perdante, soit condamnée à verser au syndicat mixte de traitement des déchets Savoie Déchets une somme au titre des frais exposés à l'occasion de la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y pas lieu de mettre une telle somme à la charge du syndicat mixte de traitement des déchets Savoie Déchets.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1802961 du tribunal administratif de Grenoble du 5 novembre 2020 et le titre exécutoire n° 35 d'un montant de 1 225 769 euros émis, le 4 avril 2018, par le président du syndicat mixte de traitement des déchets Savoie Déchets à l'ordre de la société Valespace sont annulés.

Article 2 : La société Valespace est déchargée de l'obligation de payer la somme de 1 225 769 euros.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat mixte de traitement des déchets Savoie Déchets et à la société Dalkia Wastenergy Tri.

Délibéré après l'audience du 26 janvier 2023 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre,

Mme Evrard, présidente-assesseure,

Mme Duguit-Larcher, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 février 2023.

La rapporteure,

A. Evrard

Le président,

Ph. Arbarétaz

Le greffier,

J. Billot

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Le greffier,

2

N° 20LY03741


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY03741
Date de la décision : 23/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-02-02-01 Marchés et contrats administratifs. - Formation des contrats et marchés. - Mode de passation des contrats. - Délégations de service public.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : SELARL BG AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2023-02-23;20ly03741 ?
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