Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 5 juin 2019 par laquelle la ministre du travail, retirant le rejet du recours hiérarchique de son employeur, la société JFM présenté contre la décision de l'inspecteur du travail du 15 novembre 2018 ayant refusé d'autoriser son licenciement, a annulé cette décision et a autorisé son licenciement pour motif disciplinaire.
Par un jugement n° 1903052 lu le 31 août 2020, le tribunal a fait droit à sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés le 14 octobre 2020 et le 21 janvier 2021, la société JFM, représentée par Me Caramel, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et de rejeter la demande de M. A... ;
2°) de mettre à la charge de M. A... une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision de la ministre du travail est suffisamment motivée ;
- la procédure d'enquête a été conduite régulièrement ;
- les faits étaient avérés et suffisamment grave pour justifier un licenciement.
Par un mémoire enregistré le 22 décembre 2020, M. A..., représenté par Me Gourret, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de la société JFM une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un mémoire enregistré le 17 mars 2021, (non communiqué) la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion conclut à ce qu'il soit fait droit à la requête de la société JFM.
Elle s'en remet à ses écritures de première instance.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
Par une ordonnance du 25 janvier 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 19 mars 2021.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Djebiri, première conseillère ;
- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;
- et les observations de Me Barre pour la société JFM, ainsi que celles de Me Gourret pour M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A... employé en qualité de responsable du département frais libre-service par la société JFM (Hyper U), élu titulaire de la délégation unique du personnel, délégué syndical et représentant syndical au comité d'entreprise, a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 5 juin 2019 par laquelle la ministre du travail, retirant le rejet du recours hiérarchique présenté par la société JFM, a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 15 novembre 2018 et autorisé son licenciement pour motif disciplinaire. La société JFM relève appel du jugement du 4 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à la demande de M. A... en raison de l'insuffisance gravité de ses fautes.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé
3. La ministre du travail a fondé sa décision d'autorisation de licenciement sur les griefs tirés de la mise en vente d'une palette de cent quatre-vingt-treize bouteilles de lait périmées depuis une semaine, de l'insuffisante rotation des produits de son rayon, de la mise en vente d'un paquet de gaufre périmé de quatre jours et des lacunes dans l'affichage des prix des produits. Ces faits, matériellement établis, présentent, en raison tant des fonctions de garant de la qualité et de fraîcheur des produits assumées par M. A... que des conséquences d'un manque de vigilance sur la sécurité alimentaire de la clientèle, un degré de gravité suffisante pour justifier un licenciement. La société JFM est donc fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a regardé comme fondé le moyen tiré de l'insuffisante gravité de la faute.
4. Il appartient à la cour, saisie par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. A....
5. D'une part, aux termes de l'article R. 2421-5 du code du travail, applicable à la décision du ministre du travail statuant sur recours hiérarchique : " (...) La décision de l'inspecteur du travail est motivée (...) ". D'autre part, aux termes de l'article R. 2422-1 du même code : " Le ministre chargé du travail peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours (...) du salarié (...) ", tandis qu'aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits (...) ".
6. Il résulte de la combinaison de ces dispositions et des principes rappelés au point 2 que lorsque le ministre, saisi d'un recours hiérarchique, statue de nouveau sur la demande d'autorisation de licenciement, sa décision est soumise aux mêmes obligations de motivation que la décision de l'inspecteur du travail qu'il annule. Il doit donc exposer les motifs qui le conduisent à regarder la faute comme matériellement établie et d'un degré de gravité suffisante, mais aussi à écarter le lien entre l'exercice de l'activité représentative du salarié et la demande de l'employeur.
7. Or, il ressort des pièces du dossier que la ministre du travail après avoir annulé la décision de l'inspecteur du travail refusant d'autoriser le licenciement, a autorisé par décision du 5 juin 2019 le licenciement pour motif disciplinaire, sans exposer en quoi la demande de l'employeur ne pouvait être regardée comme liée au mandat exercé par l'intéressé, alors qu'elle censure l'appréciation portée sur cette question par l'inspectrice du travail. Il suit de là que la décision litigieuse ne répond aux exigences des dispositions citées au point 5 et que ce vice suffisait à entraîner l'annulation prononcée en première instance. Dès lors, la société JFM n'est pas fondée à se plaindre de ce que par le jugement attaqué, le tribunal a annulé la décision du 5 juin 2019 et les conclusions de sa requête doivent être rejetées.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Les conclusions de la société JFM, partie perdante, doivent être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. A....
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société JFM est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société JFM, à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion et à M. B... A....
Délibéré après l'audience du 24 février 2022 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Djebiri, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mars 2022.
N° 20LY03005 2