Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) à lui payer la somme de 15 000 euros en réparation de ses préjudices financier et moral.
Par un jugement n° 1903046 du 10 juin 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 9 août 2020 et des mémoires enregistrés le 26 février 2021 et le 3 mai 2021 (non communiqué), présentés pour Mme B..., il est demandé à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1903046 du 10 juin 2020 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) de prononcer la condamnation demandée, outre intérêts au taux légal à compter de l'introduction de la requête ;
3°) de mettre à la charge de l'ONACVG la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier à défaut pour les premiers juges d'avoir répondu au moyen tiré de ce que le refus de l'autoriser à séjourner chez un collègue contrevenait aux dispositions du deuxième paragraphe de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 ; les premiers juges ont méconnu les règles de la charge de la preuve ;
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'elle ne caractérisait pas une ou plusieurs fautes engageant la responsabilité de l'ONACVG lui ayant causé un préjudice certain, direct et personnel alors qu'elle avait produit des éléments précis, concordants et incontestés de nature à l'établir ;
- elle a subi un préjudice économique résultant d'un manque à gagner durant deux mois ainsi qu'un préjudice moral.
Par des mémoires enregistrés les 24 février et 30 mars 2021, présentés pour l'ONACVG, il conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 26 février 2021, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 31 mars 2021.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Seillet, président assesseur ;
- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;
- et les observations de Me Viegas, pour Mme B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., adjointe administrative principale de 2ème classe, qui avait été affectée, par une décision du 29 janvier 2009 du ministre de la défense, à compter du 1er avril 2009, au service des anciens combattants et victimes de guerre près l'ambassade de France en Algérie, qui relève de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, avait fait l'objet d'une décision de la directrice générale de l'ONACVG du 8 juillet 2015 autorisant la poursuite de son affectation dans ce service pour une période de deux ans, à partir du 1er octobre 2014 et jusqu'au 30 septembre 2016. Par un jugement, devenu définitif, du tribunal administratif de Paris du 21 décembre 2016, cette décision a été annulée en tant qu'elle fixait le point de départ de cette période de deux ans au 1er octobre 2014 alors que, selon ce jugement, l'autorisation de poursuivre l'affectation devait prendre effet le 8 juillet 2015. Mme B..., qui est restée affectée au service des anciens combattants et victimes de guerre près l'ambassade de France en Algérie jusqu'au 31 juillet 2017, a adressé à l'ONACVG, le 19 décembre 2018, une réclamation tendant au versement d'une indemnité en réparation des préjudices qu'elle imputait à des faits de harcèlement moral tant avant la fin de son affectation en Algérie qu'après sa mutation, le 1er août 2017, dans un établissement du ministère de la défense, situé à Lyon. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande de condamnation de l'ONACVG à l'indemniser des préjudices qu'elle affirme avoir subis.
2. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 susvisée portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l'évaluation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés (...) ".
3. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Pour être qualifiés de harcèlement moral, ces agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.
Sur la régularité du jugement attaqué :
4. Il résulte des dispositions précitées du deuxième paragraphe de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 que l'interdiction qu'elles posent de prendre des mesures lorsqu'elles visent un fonctionnaire qui a subi ou refusé de subir des agissements de harcèlement moral, qui a exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ou qui a témoigné de tels agissements ou les a relatés, ne s'applique qu'à des mesures prises par une administration envers l'un de ses agents, dans le cadre de leurs relations de service ou disciplinaires. Dès lors, Mme B... ne pouvait utilement soutenir que la décision par laquelle la direction du service des anciens combattants et victimes de guerre près l'ambassade de France en Algérie, dont elle ne relevait plus, avait, en janvier 2018, rejeté la demande, présentée par un agent de ce service résidant sur le site de ce service, d'autoriser son accès sur ce site afin de l'héberger, était intervenue en méconnaissance des dispositions du deuxième alinéa de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983. Par suite, en ne répondant pas à ce moyen, qui était inopérant, les premiers juges n'ont pas entaché le jugement attaqué d'irrégularité.
Sur le fond :
5. D'une part, le recours déposé en novembre 2015 devant le tribunal administratif de Paris par Mme B... aux fins d'annulation de la décision de la directrice générale de l'ONACVG du 8 juillet 2015 autorisant la poursuite de son affectation dans ce service pour une période de deux ans en tant qu'elle fixait le point de départ de cette affection au 1er octobre 2014 n'a pas eu pour effet, en l'absence de caractère suspensif d'un tel recours, et alors que le juge des référés de ce tribunal, par une ordonnance du 20 octobre 2016, avait rejeté la demande de suspension de l'exécution de la décision du 8 juillet 2015, de faire perdre à cette décision son caractère exécutoire. Dès lors, en se bornant à se prévaloir, en premier lieu, d'une lettre du 21 septembre 2016 de la directrice générale de l'ONACVG qui, après lui avoir rappelé que son recours n'était pas suspensif, l'invitait à rechercher activement une nouvelle affectation, la requérante n'apporte aucun élément établissant avoir fait l'objet d'agissements répétés de la part de ladite directrice générale. En second lieu, Mme B..., qui se borne à produire un document qu'elle a elle-même rédigé le 16 mars 2017, relatif au comportement prêté au directeur lors d'un entretien du 27 septembre 2016 et par la suite, ainsi que des certificats médicaux attestant de son état de santé et reprenant ses dires quant à ses conditions de travail, n'apporte pas d'éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral à raison du comportement qu'elle impute audit directeur.
6. D'autre part, ainsi qu'il a été dit au point 4, nonobstant la circonstance que l'autorisation d'accès au site du service des anciens combattants et victimes de guerre près l'ambassade de France en Algérie qu'avait présentée en janvier 2018 un agent de ce service l'avait été afin de permettre l'hébergement de Mme B... à son domicile dans des locaux relevant de ce service, elle ne peut utilement soutenir que le rejet de cette demande d'autorisation serait intervenue en méconnaissance des dispositions précitées du deuxième alinéa de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983, qui ne concernent que les relations entre une administration et un de ses fonctionnaires, alors au demeurant que le recours qu'elle avait formé contre la décision de prolongation de son affectation du 8 janvier 2015 ne constituait pas une action en justice visant à faire cesser des faits de harcèlement.
7. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins de condamnation et de mise à la charge de l'ONACVG d'une somme au titre des frais liés au litige.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre.
Délibéré après l'audience du 20 janvier 2022 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre ;
M. Seillet, président assesseur ;
Mme Djebiri, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 février 2022.
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N° 20LY02247