Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Par deux réclamations soumises d'office par le directeur départemental des finances publiques de l'Isère l'une au tribunal administratif de Grenoble et l'autre au tribunal administratif de Lyon, M. B... a demandé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de cotisation sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012 et 2013 et des pénalités correspondantes.
Par un jugement nos 1725053 - 1904626 du 26 novembre 2019, le tribunal administratif de Lyon a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer, à concurrence des montants dégrevés, sur les conclusions à fin de décharge des prélèvements sociaux et des pénalités correspondantes mises à la charge de M. B... au titre des années 2012 et 2013 et a rejeté le surplus des conclusions de ses demandes.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 25 janvier 2020, et des mémoires complémentaires, enregistrés les 11 octobre 2021 et 10 janvier 2022, M. B..., représenté par Me Tournoud, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la réduction de ces impositions et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal administratif de Lyon est territorialement incompétent pour statuer sur le litige en application de l'article R. 312-1 du code de justice administrative ;
- la proposition de rectification du 25 juin 2015 est insuffisamment motivée au regard de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales en ce qui concerne les rectifications issues de la vérification de comptabilité de l'EURL Ben Autos imposées sur le fondement du 1° de l'article 109-1 du code général des impôts ;
- l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales a été méconnu dès lors que l'administration n'a pas répondu à sa demande de communication des documents obtenus de tiers utilisés pour rehausser ses bases imposables ;
- la méthode de reconstitution du résultat de l'EURL Ben Autos est radicalement viciée et excessivement sommaire dès lors que l'administration n'a pas valorisé les stocks conformément au 3 de l'article 38 du code général des impôts, ce qui rend mal fondées les insuffisances de marge retenues ;
- une part des bénéfices réalisés ne peut pas être regardée comme ayant été désinvestie de l'entreprise ;
- les revenus réintégrés doivent être qualifiés de revenus d'activité et soumis à ce titre au contributions sociales sur les revenus d'activité en application de l'article L. 131-6 du code de la sécurité sociale pour la part excédant 10 % du capital social, des primes d'émission et des sommes versées en compte courant ;
- l'administration fiscale est incompétente pour établir, contrôler et recouvrer ces contributions sociales ;
- les bases imposables aux contributions sociales ne sont pas établies ;
- la majoration pour manquement délibéré de 40 % n'est pas justifiée.
Par des mémoires, enregistrés le 28 septembre 2020 et le 4 février 2022, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Caraës,
- les conclusions de Mme Vinet, rapporteure publique,
- et les observations de Me Morand, représentant M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. L'EURL Ben Autos, qui avait pour activité l'achat-revente de véhicule d'occasion, et dont M. A... B... était le gérant et l'unique associé a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant, en matière d'impôt sur les sociétés, sur les exercices clos les 30 juin 2012 et 30 juin 2013 à l'issue de laquelle l'administration, après avoir écarté la comptabilité présentée comme irrégulière et non probante, a reconstitué ses chiffres d'affaires et ses résultats imposables à l'impôt sur les sociétés. L'administration a considéré que les omissions de recettes rapportées aux bénéfices de l'EURL Ben Autos étaient constitutives de revenus distribués qu'elle a imposés entre les mains de M. B..., regardé comme maître de l'affaire, sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts. L'administration a également soumis à l'impôt sur le revenu, au titre de l'année 2013, dans la catégorie des traitements et salaires, les rémunérations de gérance de l'intéressé qu'elle a évaluées à 13 500 euros. En conséquence de ces rehaussements, M. B... a été assujetti, au titre des années 2012 et 2013, à des compléments d'impôt sur le revenu et à des contributions sociales, notifiés sur le fondement de la procédure contradictoire, auxquels ont été appliqués, outre les intérêts de retard, la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue au a) de l'article 1729 du code général des impôts, s'agissant des impositions établies au titre de l'année 2012, et la majoration de 10 % pour omission de dépôt de la déclaration de revenus prévue au a) du 1 de l'article 1728 du code ainsi que la majoration de 10 % de l'article 1758 A du code, s'agissant des imposition établies au titre de l'année 2013. Le jugement d'une première réclamation de M. B... contre ces impositions transmise d'office par l'administration au tribunal administratif de Grenoble, a été attribué au tribunal administratif de Lyon par ordonnance du président de la section du contentieux du Conseil d'Etat du 6 avril 2019. L'administration a, par la suite, transmis d'office au tribunal administratif de Lyon une seconde réclamation de M. B... ayant le même objet. Par un jugement du 26 novembre 2019, ce tribunal, après avoir joint les deux demandes dont il était saisi et constaté que les conclusions relatives aux prélèvements sociaux et aux pénalités correspondantes étaient partiellement devenues sans objet du fait d'un dégrèvement prononcé en cours d'instance, a rejeté le surplus des conclusions des demandes de M. B.... Celui-ci relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas entièrement fait droit à ses demandes.
2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. ". Il résulte de ces dispositions que l'administration doit indiquer au contribuable, dans la proposition de rectification, les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées. Hormis le cas où elle se réfère à un document qu'elle joint à la proposition de rectification ou à la réponse aux observations du contribuable, l'administration peut satisfaire cette obligation en se bornant à se référer aux motifs retenus dans une proposition de rectification, ou une réponse à ses observations, consécutive à un précédent contrôle et qui lui a été régulièrement notifiée, à la condition qu'elle identifie précisément la proposition ou la réponse en cause et que celle-ci soit elle-même suffisamment motivée. En cas de motivation par référence, l'administration doit, en principe, annexer les documents auxquels elle se réfère dans la proposition de rectification ou en reprendre la teneur.
3. Si la proposition de rectification du 25 juin 2015 adressée à M. B... mentionne, s'agissant des rehaussements procédant de l'imposition des revenus distribués par l'EURL Ben Autos, la nature des impôts concernés, les dispositions applicables, la catégorie d'imposition retenue, les années d'imposition et le montant des bases imposables, elle se borne, pour ce qui concerne l'exposé des motifs de rectifications, à reproduire un passage de la proposition de rectification du 24 juin 2015 adressée à l'EURL Ben Autos. Cet extrait, intitulé " 5-2 : Insuffisance de déclaration de marge : reconstitution des recettes et des charges ", expose les modalités de calcul des chiffre d'affaires reconstitués et la façon dont les recettes omises ont été mises en évidence mais ne comporte aucune indication sur les motifs du rejet de la comptabilité de l'EURL Ben Autos. En s'abstenant de fournir ces éléments qui conditionnent la possibilité pour l'administration de procéder à une reconstitution extra-comptable des recettes de l'entreprise, l'administration n'a pas indiqué à M. B... l'ensemble des motifs de fait et de droit lui permettant d'engager utilement une discussion contradictoire avec le service. Dans ces conditions, la proposition de rectification qui a été personnellement adressée au contribuable ne peut être regardée comme étant, par elle-même, suffisamment motivée. Si une copie de la proposition de rectification du 24 juin 2015 concernant l'EURL Ben Autos était annexée à la proposition de rectification envoyée à M. B..., il est constant, ainsi que le reconnaît le ministre dans ses écritures, que ce document n'était pas accompagné des 5 annexes donnant le détail de l'ensemble des achats et des ventes au moyen desquels a été effectuée la reconstitution des chiffres d'affaires de l'EURL Ben Autos. Il suit de là que la proposition de rectification du 24 juin 2015 ne respecte pas, non plus, l'exigence de motivation prescrite par l'article L. 57 précité du livre des procédures fiscales. Au demeurant la proposition de rectification adressée à M. B... ne comporte aucun renvoi explicite invitant le contribuable à se référer à la proposition de rectification annexée, la seule mention dans l'en-tête de la proposition de rectification que le document comporte " des annexes de trente pages " ne pouvant en tenir lieu.
4. Si le ministre fait valoir que l'administration a notifié à l'EURL Ben Autos, à l'adresse de son siège social, la proposition de rectification la concernant, il ressort de l'examen de la proposition de rectification adressée à M. B... qu'elle ne comporte aucun renvoi explicite invitant le contribuable à s'y référer. Ni la circonstance que le conseil de M. B... représente également l'EURL Ben Autos, ni le fait que M. B..., dans le cadre de la procédure le concernant, a présenté des observations, lesquelles ne comportent aucune mention relative aux annexes à la proposition de rectification adressée à l'EURL Ben Autos, ne permettent de le regarder, quand bien même il était le gérant de l'EURL Ben Autos, comme ayant eu nécessairement connaissance du mode de calcul des rehaussements envisagés à son encontre résultant de l'insuffisance de déclaration de la marge bénéficiaire de l'EURL Ben Autos à la date à laquelle il a reçu, à son adresse personnelle, la proposition de rectification le concernant.
5. Il résulte de ce qui vient d'être dit que la proposition de rectification adressée à M. B... ne respecte pas l'exigence de motivation requise par l'article L. 57 du livre des procédures fiscales s'agissant des rectifications notifiées sur le fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts et que les impositions procédant de ces rectifications ont été établies suivant une procédure irrégulière.
6. M. B... reprend en appel le moyen qu'il avait invoqué en première instance tiré de la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Lyon.
7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués dans la requête, que M. B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 2012 et 2013 correspondant aux redressements notifiés dans la catégorie des revenus des capitaux mobiliers sur le fondement du 1° de l'article 109-1 du code général des impôts, des contributions sociales établies au titre des années 2012 et 2013 à raison de ces redressements et des pénalités correspondantes.
Sur les frais liés au litige :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... dans l'instance en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : M. B... est déchargé des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 2012 et 2013 correspondant aux redressements notifiés dans la catégorie des revenus des capitaux mobiliers sur le fondement du 1° de l'article 109-1 du code général des impôts, des contributions sociales établies au titre des années 2012 et 2013 à raison de ces redressements et des pénalités correspondantes.
Article 2 : Le jugement du 26 novembre 2019 du tribunal administratif de Lyon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 10 février 2022, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
Mme Evrard, présidente assesseure,
Mme Caraës, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 avril 2022.
La rapporteure,
R. Caraës
Le président,
D. PruvostLa greffière,
M.-T. Pillet
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 20LY00382