La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/11/2020 | FRANCE | N°20DA01011

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 03 novembre 2020, 20DA01011


Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler les décisions implicites du préfet de la Seine-Maritime portant refus de récépissé de demande de titre de séjour et de titre de séjour ainsi que l'arrêté du même préfet du 25 octobre 2019 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi, d'autre part, d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour ou sinon une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du

réexamen de sa situation.

Par un jugement nos 1903557, 2000215 du 11 juin 202...

Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler les décisions implicites du préfet de la Seine-Maritime portant refus de récépissé de demande de titre de séjour et de titre de séjour ainsi que l'arrêté du même préfet du 25 octobre 2019 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi, d'autre part, d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour ou sinon une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation.

Par un jugement nos 1903557, 2000215 du 11 juin 2020, le tribunal administratif de Rouen, d'une part, a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre ces décisions implicites, d'autre part, a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de réexaminer la situation de M. B....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 juillet 2020, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement sauf en ce qu'il a constaté un non-lieu à statuer ;

2°) de rejeter la demande dirigée contre cet arrêté.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Marc Heinis, président de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

Sur les conclusions à fin d'annulation :

1. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention "salarié" ou la mention "travailleur temporaire" peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé ".

2. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.

3. M. B..., ressortissant tunisien né le 19 avril 2000, a déclaré être entré irrégulièrement en France et a demandé son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le 29 mars 2019.

En ce qui concerne l'âge lors de la prise en charge par l'aide sociale à l'enfance :

4. Il ressort des pièces du dossier, contrairement à ce qu'a relevé l'un des motifs de l'arrêté, que si M. B... a été pris en charge par l'Institut départemental de l'enfance, de la famille du handicap, pour l'insertion le 26 juillet 2018, il a été confié à l'aide sociale à l'enfance dès le 11 avril 2018 soit, à la date de la demande, avant l'âge de dix-huit ans.

En ce qui concerne l'appréciation globale sur la situation de l'intéressé :

S'agissant de l'erreur de droit :

5. Il ressort de la motivation de l'arrêté que le préfet s'est borné à prendre en compte la nature des liens de M. B... avec sa famille restée en Tunisie, sans examiner la demande au regard du caractère réel et sérieux de la formation suivie et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de l'intéressé dans la société française. L'arrêté était ainsi entaché d'erreur de droit.

S'agissant de l'erreur manifeste d'appréciation :

6. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. B..., alors pourtant qu'il souffre d'une polyarthrite invalidante dont un défaut de prise en charge pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, selon l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration en juillet 2019 après examen de l'intéressé, a obtenu à l'Institut départemental de l'enfance, de la famille du handicap où il était scolarisé, outre des appréciations élogieuses du conseil de classe et des enseignants, une moyenne de 16,52 sur 20 au 1er trimestre de l'année scolaire 2018/2019, de 14,14 sur 20 au 2ème trimestre et de 13,47 sur 20 au 3ème trimestre, a effectué plusieurs stages en restauration ayant donné lieu à des évaluations favorables et a obtenu le certificat d'aptitude professionnelle " agent polyvalent de restauration " le 3 octobre 2019.

7. D'autre part, les avis émis par la structure d'accueil en février et septembre 2019 ont mis en valeur les qualités relationnelles de l'intéressé et son engagement dans sa formation.

8. Dans les circonstances particulières de l'espèce, même si le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que M. B... pourrait bénéficier d'un traitement approprié à la pathologie dont il souffre en Tunisie où réside toute sa famille, l'arrêté était entaché d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé l'arrêté du 25 octobre 2019.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Compte tenu de sa motivation, le présent arrêt implique sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, en l'absence d'élément de fait ou de droit nouveau depuis l'arrêté invoqué à l'instance, de délivrer à M. B... le titre de séjour de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

11. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'impartir au préfet un délai d'un mois pour ce faire, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette prescription d'une astreinte.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

12. Dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me A... renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, l'Etat lui versera la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La requête du préfet de la Seine-Maritime est rejetée.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Maritime de délivrer à M. B... le titre de séjour sollicité au titre de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Rouen est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Sous réserve que Me A... renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, l'Etat lui versera la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., au ministre de l'intérieur, au préfet de la Seine-Maritime et à Me C... A....

N°20DA01011 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20DA01011
Date de la décision : 03/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: M. Marc Heinis
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : LEROY

Origine de la décision
Date de l'import : 17/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-11-03;20da01011 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award