La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/02/2021 | FRANCE | N°20DA00570

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 04 février 2021, 20DA00570


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B..., veuve A..., a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner, en application de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010, le comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires à l'indemniser des préjudices subis par son mari, M. D... A....

Par un jugement n° 1303203 du 31 janvier 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 17DA00589 du 8 juillet 2019, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par Mme A... cont

re ce jugement.

Par une décision n° 434424 du 25 mars 2020, le Conseil d'Etat statua...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B..., veuve A..., a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner, en application de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010, le comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires à l'indemniser des préjudices subis par son mari, M. D... A....

Par un jugement n° 1303203 du 31 janvier 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 17DA00589 du 8 juillet 2019, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par Mme A... contre ce jugement.

Par une décision n° 434424 du 25 mars 2020, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté pour Mme A..., a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai en date du 8 juillet 2019 et a renvoyé l'affaire devant la même cour.

Procédure devant la cour :

Par une requête initialement enregistrée sous le n° 17DA00589, le 30 mars 2017 et par un mémoire enregistré le 22 décembre 2018, Mme A..., représentée par Me E... F..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 31 janvier 2017 ;

2°) d'enjoindre au comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires de procéder à l'évaluation de ses préjudices de toute nature liés à la maladie radio-induite de son mari, dans le délai de trois mois, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, à compter de la décision à intervenir ;

3°) de majorer les sommes dues des intérêts de droit et de capitaliser ces sommes à compter de la date de la première demande d'indemnisation ;

4°) de mettre la somme de 3 000 euros à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 modifiée ;

- la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 ;

- le décret n° 2014-1049 du 15 septembre 2014 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... A... est décédé d'un cancer de l'intestin grêle le 10 juillet 2009. Imputant cette affection à son service militaire accompli à Mururoa du 14 octobre 1973 au 1er août 1974, sa veuve, Mme C... A... a demandé une indemnisation au comité d'indemnisation des victimes d'essais nucléaires. Elle a saisi le tribunal administratif de Lille du rejet de cette demande. Elle a relevé appel du jugement du 31 janvier 2017 qui a rejeté ses demandes. Le Conseil d'Etat, par sa décision du 25 mars 2020, a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 8 juillet 2019 qui confirmait le jugement du tribunal administratif de Lille et a renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Douai.

2. La demande de Mme A... tend à son indemnisation en tant qu'ayant droit de M. D... A.... Le contentieux relatif à la mise en oeuvre du régime d'indemnisation des victimes d'essais nucléaires, créé par la loi du 5 janvier 2010, relève exclusivement du plein contentieux. Par suite, la juridiction administrative se prononce au vu des textes applicables à la date à laquelle elle statue.

3. Aux termes du I de l'article 4 de la loi du 5 juillet 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français, applicable à la date du présent arrêt : " Les demandes d'indemnisation sont soumises au comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires, qui se prononce par une décision motivée dans un délai de huit mois suivant le dépôt du dossier complet. " et aux termes du V du même article dans sa version issue de la la loi du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 : " Ce comité examine si les conditions sont réunies. Lorsqu'elles le sont, l'intéressé bénéficie d'une présomption de causalité, à moins qu'il ne soit établi que la dose annuelle de rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français reçue par l'intéressé a été inférieure à la limite de dose efficace pour l'exposition de la population à des rayonnements ionisants fixée dans les conditions prévues au 3° de l'article L. 1333-2 du code de la santé publique. ". Les dispositions de l'article 57 de la loi du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne prévoient que : " Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, le b du 2° du I de l'article 232 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 est applicable aux demandes déposées devant le comité d'indemnisation des victimes d'essais nucléaires avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 précitée. ".

4. Par suite, il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu qu'à la date du présent arrêt qui statue au fond, dès lors qu'un demandeur satisfait aux conditions de temps, de lieu et de pathologie prévues par l'article 2 de la loi du 5 janvier 2010 modifiée, il bénéficie de la présomption de causalité entre l'exposition aux rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français et la survenance de sa maladie. Cette présomption ne peut être renversée que si l'administration établit que la dose annuelle de rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français reçue par l'intéressé a été inférieure à la limite de 1 millisievert (mSv). Si, pour le calcul de cette dose, l'administration peut utiliser les résultats des mesures de surveillance de la contamination tant interne qu'externe des personnes exposées, qu'il s'agisse de mesures individuelles ou collectives en ce qui concerne la contamination externe, il lui appartient de vérifier, avant d'utiliser ces résultats, que les mesures de surveillance de la contamination interne et externe ont, chacune, été suffisantes au regard des conditions concrètes d'exposition de l'intéressé. En l'absence de mesures de surveillance de la contamination interne ou externe et en l'absence de données relatives au cas des personnes se trouvant dans une situation comparable à celle du demandeur du point de vue du lieu et de la date de séjour, il appartient à l'administration de vérifier si, au regard des conditions concrètes d'exposition de l'intéressé précisées ci-dessus, de telles mesures auraient été nécessaires. Si tel est le cas, l'administration ne peut être regardée comme rapportant la preuve de ce que la dose annuelle de rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français reçue par l'intéressé a été inférieure à la limite de 1 milli sievert.

5. En l'espèce, il n'est pas contesté que M. A... est décédé d'une pathologie considérée comme radio-induite telle que figurant sur la liste en annexe du décret du 15 septembre 2014 relatif à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français, dans sa version applicable. Il a par ailleurs été affecté en Polynésie française entre le 14 octobre 1973 au 1er août 1974. Il remplit donc les conditions définies par l'article 2 de la loi du 5 janvier 2010 pour bénéficier de la présomption de causalité entre l'exposition aux rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français et la survenance de sa maladie.

6. Pour renverser cette présomption, la ministre des armées fait valoir que M. A... était embarqué sur le bâtiment base Maurienne. Ce bâtiment était éloigné lors des essais de la zone de tir, à l'extérieur d'un périmètre de sécurité dont l'amplitude variait en fonction de l'énergie de l'engin expérimenté et des conditions météorologiques. La ministre des armées indique également que le bâtiment était placé hors des vents dominants et demeurait éloigné jusqu'à ce que soit constatée une décroissance significative de la radioactivité. Les témoignages produits par l'appelante, s'ils indiquent que le bâtiment revenait dans l'atoll juste après le tir, ne viennent pas contredire les assertions de la ministre des armées. De même, l'imprécision sur les expositions à la radioactivité qu'ils rapportent ne permettent d'établir ni qu'elles auraient concerné M. A..., ni, compte tenu de l'absence d'éléments sur leur ampleur et leur fréquence, que les mesures de surveillance étaient insuffisantes. En sens inverse, le comité d'indemnisation des victimes d'essais nucléaires se fonde sur une étude du commissariat à l'énergie atomique qui indique qu'il n'y a pas eu de retombées des essais réalisés en juin et juillet 1974 pendant la période d'affectation de M. A... sur le bâtiment Maurienne. Par suite, M. A... étant considéré comme personnel non affecté à des travaux sous rayonnement n'était pas soumis à une surveillance dosimétrique. Les résultats de la dosimétrie d'ambiance sur le bâtiment Maurienne établissent que celle-ci était égale à zéro entre octobre 1973 et décembre 1973 et entre avril 1974 et août 1974, sachant que les essais nucléaires avaient lieu pendant l'hiver austral, entre juin et septembre. Mme A... soutient néanmoins qu'outre l'exposition de son époux à des irradiations, l'atoll était contaminé. Elle se fonde principalement sur un témoignage d'un ingénieur en radioprotection du service mixte de sécurité radiologique, en poste en Polynésie à l'époque pour soutenir que des très fines poussières radioactives se déposaient dans le lagon. Toutefois la ministre des armées soutient, sans être contredite sur ce point que la baignade était règlementée par ce service et que la pêche et la consommation de poissons étaient interdites. Le comité d'indemnisation des victimes d'essais nucléaires précise également que la nourriture n'était pas d'origine locale et que l'eau était soit importée, soit provenait de bouilleurs. Compte tenu des conditions concrètes d'exposition de M. A... rappelées ci-dessus, d'autres mesures de surveillance n'apparaissaient pas nécessaires et les mesures collectives établissent une absence d'exposition supérieure au seuil mentionné au point 4. Ces éléments permettent donc de renverser la présomption de responsabilité.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par suite sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions à fins d'injonction et au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me E... F... pour Mme C... A..., au comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires et à la ministre des armées.

1

2

N°20DA00570

1

3

N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA00570
Date de la décision : 04/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-05 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Responsabilité régie par des textes spéciaux.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : TEISSONNIERE TOPALOFF LAFFORGUE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-02-04;20da00570 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award