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26/10/2021 | FRANCE | N°20DA00521

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 26 octobre 2021, 20DA00521


Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 20 mars 2020, 27 avril 2020 et 26 février 2021, la société EDPR France Holding, représentée par Me Arnaud Gossement, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Aisne en date du 20 novembre 2019 en tant qu'il refuse de lui délivrer l'autorisation unique pour la construction et l'exploitation des éoliennes E3 à E7 du parc éolien " Les grands bails " sur le territoire de la commune de Montloué, ainsi que la décision implicite de rejet de

son recours gracieux formé le 17 janvier 2020 ;

2°) de lui délivrer l'autorisation ...

Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 20 mars 2020, 27 avril 2020 et 26 février 2021, la société EDPR France Holding, représentée par Me Arnaud Gossement, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Aisne en date du 20 novembre 2019 en tant qu'il refuse de lui délivrer l'autorisation unique pour la construction et l'exploitation des éoliennes E3 à E7 du parc éolien " Les grands bails " sur le territoire de la commune de Montloué, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 17 janvier 2020 ;

2°) de lui délivrer l'autorisation unique demandée ;

3°) à titre subsidiaire, de lui délivrer l'autorisation unique et d'enjoindre au préfet de l'Aisne de fixer les conditions d'exploitation de l'autorisation unique dans un délai de 8 jours à compter de la notification de l'arrêt à venir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) à titre infiniment subsidiaire, d'enjoindre au préfet de l'Aisne de lui délivrer ou de statuer à nouveau sur l'autorisation unique, dans un délai de 8 jours à compter de l'arrêt à venir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Baes-Honoré, présidente-assesseure,

- les conclusions de M. Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me Florian Ferjoux, représentant la société EDPR France Holding.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS EDPR France Holding a présenté les 28 février 2017 et 6 avril 2018 une demande tendant à obtenir l'autorisation unique pour une installation de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent regroupant six aérogénérateurs et 2 postes de livraison, dénommé parc éolien " Les grands bails ". Par un arrêté du 20 novembre 2019, le préfet de l'Aisne a délivré l'autorisation sollicitée pour l'éolienne E1 et les deux postes de livraison, mais opposé un refus pour les éoliennes E3 à E7. Par la présente requête, la société EDPR France Holding demande à la cour d'annuler cet arrêté ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la compétence de l'auteur de l'acte :

2. La décision contestée a été signée par M. B... préfet de l'Aisne. Si la requérante soutient que ce dernier n'était plus compétent pour signer l'acte contesté puisqu'il avait été nommé préfet de la Charente-Maritime par un décret du Président de la République du 7 novembre 2019 publié le lendemain, il résulte des pièces du dossier que M. B... n'a quitté ses fonctions que le 22 novembre 2019, soit postérieurement à l'intervention de l'acte contesté. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte attaqué doit être écarté.

En ce qui concerne la motivation de l'acte :

3. La requérante soutient que l'arrêté est insuffisamment motivé en tant qu'il porte refus de permis de construire. Toutefois, il résulte de l'arrêté, d'une part, que le projet a été refusé au regard de l'impact des éoliennes sur la commodité du voisinage et le cadre de vie des habitants, d'autre part, que son destinataire était à même de comprendre la teneur de l'ensemble des motifs énoncés. Le moyen invoqué à ce titre manque ainsi en fait et doit donc être écarté.

En ce qui concerne la méconnaissance de l'article L. 511-1 du code de l'environnement :

4. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. (...) ".

5. Pour rejeter la demande d'autorisation de la société EDPR France Holding, le préfet s'est principalement fondé sur l'atteinte à la commodité du voisinage et n'a cité qu'incidemment l'atteinte au paysage. Il a relevé que le projet, situé dans la grande plaine agricole de la Champagne en Vermandois, est " visible depuis de larges vues ". Il a comptabilisé le nombre, non contesté par la société requérante, de parcs déjà construits ou autorisés dans des rayons de 1,5 et 10 kilomètres, soit 2 avec 18 éoliennes à un kilomètre, 7 avec 68 éoliennes à 5 kilomètres et 14 à 126 éoliennes à 10 kilomètres. Il a estimé que le projet n'est pas cohérent avec les parcs proches de Lislet, Montcornet et Bois de Lislet, ne répond pas à l'objectif de densification et génère un effet de saturation. Après avoir relevé les angles de saturation visuelle à partir des villages de Dizy-le-Gros, La Ville-aux-Bois-les-Dizy et Le Thuel, il a estimé que les éoliennes E3 à E7 créent un effet d'encerclement à impacts forts sur la commodité du voisinage et le cadre de vie des habitants de ces communes. Il a enfin relevé que les mesures de réduction annoncées par la société pétitionnaire ne permettaient pas de limiter les impacts.

6. Si la société requérante relève que le projet en litige se juxtapose aux parcs Lislet et Montcornet situés à moins d'un kilomètre et qu'il est situé dans une zone favorable au schéma régional éolien de la région Picardie mais également dans une zone identifiée comme un pôle de densification ainsi qu'en atteste l'étude paysagère, il résulte des photomontages de cette étude que les éoliennes du projet se détachent de la grappe d'éoliennes existantes, entraînant ainsi une perte de lisibilité des repères, et qu'elles remplissent les fenêtres non encore pourvues d'éoliennes, créant ainsi une occupation continue de l'horizon.

7. L'étude d'impact, reprenant une méthodologie des services de l'Etat, a évalué la saturation visuelle du point de vue de l'habitant à partir d'un indice d'occupation de l'horizon, d'un indice de densité sur les horizons occupés et d'un indice d'espace de respiration ou angle de respiration, auxquels doit s'ajouter une appréciation affinée au cas par cas de la topographie des lieux. Pour la commune de Dizy-le-Gros, le projet augmente les angles d'occupation de l'horizon de 303° à 327° alors que le seuil d'alerte est atteint à 120° et l'angle maximal sans éolienne, soit l'espace de respiration, est de 31°, le seuil d'alerte étant atteint lorsque l'espace est inférieur à 160°. Pour le village de La Ville-aux-Bois-les-Dizy, le projet augmente l'indice d'occupation des horizons qui passe de 265° à 291° et les photomontages 37 et 39 confortent cette analyse. Enfin, pour le village de Le Thuel, le projet augmente l'indice d'occupation des horizons qui passe de 253° à 287°. Il résulte par ailleurs de plusieurs photomontages que ni le relief ni la végétation ne pourront sensiblement masquer les machines.

8. Si une problématique d'encerclement et un phénomène de saturation étaient déjà présents avant le projet, ainsi qu'il résulte de l'avis de la mission régionale d'autorité environnementale du 10 juillet 2018 et de l'avis du commissaire-enquêteur, ce dernier a cependant noté une aggravation du phénomène de saturation pour les trois villages précédemment cités et a conclu que le projet de grand bail " ne constitue pas une densification à l'intérieur d'un pôle éolien existant, mais plutôt une extension dans une zone jusqu'ici préservée ".

9. Enfin il ne résulte pas de l'instruction que seulement trois des éoliennes en cause seraient de nature à augmenter l'effet de saturation visuelle.

10. Dans ces conditions, alors que les éoliennes E3 à E7 créeront un effet de saturation dans un paysage déjà largement saturé, les mesures de réduction envisagées, telles que le recul de 1 000 mètres par rapport à chaque habitation, le recul supplémentaire à certains endroits, la mise en place d'une bourse aux arbres et la synchronisation du balisage lumineux, ne permettront pas de remédier à cette situation.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la société EDPR France Holding n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Aisne en date du 20 novembre 2019.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

12. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la société EDPR France Holding, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par la société requérante doivent être rejetées.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société EDPR France Holding demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société EDPR France Holding est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société EDPR France Holding et à la ministre de la transition écologique.

Copie en sera transmise, pour information, au préfet de l'Aisne et à la commune de Montloue.

N° 20DA00521 3


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20DA00521
Date de la décision : 26/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

44-02 Nature et environnement. - Installations classées pour la protection de l'environnement.


Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: Mme Corinne Baes Honoré
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : SELARL GOSSEMENT AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-10-26;20da00521 ?
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