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24/06/2020 | FRANCE | N°19PA02886

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 24 juin 2020, 19PA02886


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D... C..., dans le dernier état de leurs écritures, ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2011 et qui restaient à leur charge.

Par jugement n° 1706560/1-1 du 27 juin 2019, le Tribunal administratif de Paris a fait droit à leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par un recours et un mémoire enregistrés

les 3 septembre et 5 décembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D... C..., dans le dernier état de leurs écritures, ont demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2011 et qui restaient à leur charge.

Par jugement n° 1706560/1-1 du 27 juin 2019, le Tribunal administratif de Paris a fait droit à leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par un recours et un mémoire enregistrés les 3 septembre et 5 décembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la Cour d'annuler l'article 1er de ce jugement du 27 juin 2019 du Tribunal administratif de Paris et de rétablir M. et Mme C... au rôle de l'impôt sur le revenu et de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus à hauteur de 42 200 154 euros.

Il soutient que :

- M. et Mme C... ne remplissaient pas la seconde condition, cumulative, de l'accord intervenu entre les administrations française et suisse en février 1968, qui requiert que la base d'imposition cantonale et communale ne s'écarte pas notablement de celle qui est déterminante pour l'impôt fédéral direct, et qu'elle soit égale ou supérieure aux éléments du revenu du contribuable qui proviennent de Suisse et de France ;

- les attestations produites ne permettent pas de vérifier que les revenus de source française ont été déclarés aux autorités suisses et de vérifier si les critères chiffrés posés par la convention franco-suisse et l'accord intervenu entre les administrations des deux États sont remplis ;

- les plus-values réalisées par M. et Mme C... en France font partie des revenus privilégiés par la convention et doivent être prises en compte pour examiner si le double seuil prévu par les accords entre les deux Etats est respecté ;

- on ne peut déduire du seul renvoi par le paragraphe n° 7 de la documentation administrative 14 B 2211 en date du 10 décembre 1972 à la circulaire suisse du 23 février 1968 que l'administration française aurait implicitement admis de se référer au droit suisse pour définir la notion de revenus de source française privilégiés au sens de la convention ; dans le cas contraire, il y a lieu de considérer que les autorités suisses prévoient la prise en compte des gains de cession de valeurs mobilières pour la comparer avec l'imposition forfaitaire sur la dépense.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 24 septembre et 18 octobre 2019,

M. et Mme C..., représentés par Me D... B..., concluent au rejet du recours du ministre et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que les moyens invoqués par le ministre ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 29 novembre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au

16 décembre 2019.

Par un courrier en date du 14 avril 2020, le président de la 2ème chambre de la Cour a informé les parties que la décision à intervenir était susceptible d'être fondée sur le moyen d'ordre public tiré de ce que le jugement est irrégulier en tant que le premier juge n'a pas constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer à hauteur des dégrèvements accordés en cours d'instance.

Par un mémoire enregistré le 6 mai 2020, M. et Mme C... ont présenté leurs observations relatives à ce moyen d'ordre public et font valoir que le jugement attaqué est régulier.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention du 9 septembre 1966 entre la France et la Suisse en vue d'éliminer les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l'évasion fiscales modifiée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de Mme Jimenez, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant M. et Mme C....

Une note en délibéré présentée pour M. et Mme C..., a été enregistrée le 11 juin 2020.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme C..., qui s'étaient établis en Suisse le 27 juillet 2010, ont fait l'objet, au cours de l'année 2014, d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle qui a porté sur leurs revenus des années 2011 et 2012, au titre desquelles ils avaient souscrit des déclarations de non-résidents. L'administration fiscale ayant considéré qu'ils n'étaient pas résidents fiscaux de Suisse à la date de la cession, le 27 juin 2011, des 4 375 actions composant l'intégralité du capital de la société SA Financière PB qu'ils ont entièrement cédé, ils ont fait l'objet d'une rectification découlant notamment de l'imposition de cette plus-value mobilière dans leurs revenus imposables en France. Le ministre de l'action et des comptes publics demande à la Cour d'annuler le jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a déchargé

M. et Mme C..., en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu restées à leur charge au titre de l'année 2011 à la date à laquelle il a statué et dont les intéressés demandaient la décharge dans le dernier état de leurs écritures.

2. Aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française. " Aux termes de l'article 4 B du même code : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : / a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; / b. Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; / c. Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques ". Il est constant que les requérants, compte tenu de leur patrimoine foncier et de la détention de valeurs mobilières dans plusieurs sociétés, avaient en France le centre de leurs intérêts économiques en 2011. Ils doivent ainsi être regardés comme ayant eu, au titre de ladite année, leur domicile fiscal en France au sens de la loi française.

3. Aux termes du § 2 de l'article 3 de la convention conclue le 9 septembre 1966 entre la France et la Suisse : " Pour l'application de la convention par un Etat contractant, tout terme ou expression qui n'y est pas défini a le sens que lui attribue le droit de cet Etat concernant les impôts auxquels s'applique la convention, à moins que le contexte n'exige une interprétation différente. Le sens attribué à un terme ou expression par le droit fiscal de cet Etat prévaut (...) ". Aux termes de l'article 4 de la même convention : " 1. Au sens de la présente Convention, l'expression " résident d'un Etat contractant " désigne toute personne qui, en vertu de la législation dudit Etat, est assujettie à l'impôt dans cet Etat en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue. 2. Lorsque, selon la disposition du paragraphe 1, une personne physique est considérée comme résident de chacun des Etats contractants, le cas est résolu d'après les règles suivantes : a) Cette personne est considérée comme résident de l'Etat contractant où elle dispose d'un foyer d'habitation permanent, cette expression désignant le centre des intérêts vitaux, c'est-à-dire le lieu avec lequel les relations personnelles sont les plus étroites ; b) Si l'Etat contractant où cette personne a le centre de ses intérêts vitaux ne peut pas être déterminé, ou si elle ne dispose d'un foyer d'habitation permanent dans aucun des Etats contractants, elle est considérée comme résident de l'Etat contractant où elle séjourne de façon habituelle ; (...) 6. N'est pas considérée comme résident d'un Etat contractant au sens du présent article : (...) b) Une personne physique qui n'est imposable dans cet Etat que sur une base forfaitaire déterminée d'après la valeur locative de la ou des résidences qu'elle possède sur le territoire de cet Etat ".

4. Il est constant que les époux C... ont été imposés en Suisse sur une base forfaitaire et il n'est ni établi ni même allégué que cette base forfaitaire n'a pas été calculée à partir de la valeur locative de leur résidence. M. et Mme C... ne contestent d'ailleurs pas que les stipulations du b) du 6 du 4 de la convention franco-suisse leur étaient applicables. C'est par suite à bon droit que l'administration fiscale a refusé, sur la base de ces stipulations, de reconnaître qu'ils étaient, au titre de l'année en cause, domiciliés fiscalement en Suisse.

5. Les requérants se sont toutefois prévalus, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'accord amiable intervenu en application de l'article 27 de ladite convention sous forme d'échange de lettres le 29 février 1968 entre les autorités compétentes françaises et suisses. Cet accord, publié à la documentation de base sous la référence 14 B-2111 n° 7 du 12 septembre 1972, a été rapporté en 2012 mais était encore en vigueur pour l'année d'imposition en litige. En vertu de cet accord, une personne physique imposée au forfait dans un Etat peut se voir reconnaître la qualité de résident fiscal de cet Etat : " a - si la base d'imposition fédérale, cantonale et communale, est supérieure à cinq fois la valeur locative de l'habitation du contribuable ou à une fois et demie le prix de pension qu'il paie, et - b si la base d'imposition cantonale et communale ne s'écarte pas notablement de celle qui est déterminante pour 1'IDN (Impôt fédéral pour la défense nationale), ladite base cantonale et communale devant, en tout état de cause, être égale ou supérieure aux éléments du revenu du contribuable qui proviennent de Suisse et de France, pour les revenus de source française, lorsqu'ils sont privilégiés par la convention, notamment dividendes, intérêts, redevances de licences (voir circulaire de l'Administration fédérale suisse des Contributions du 29 février 1968 annexe n°13) ".

6. La doctrine ainsi invoquée, dont le juge de l'impôt est tenu de faire une application littérale, sans se livrer à son interprétation au regard du droit suisse ou des principes en vigueur pour l'interprétation des conventions internationales, ne fait pas mention des plus-values et ne définit pas la notion de revenus privilégiés. Elle ne contient, en conséquence, aucune interprétation formelle du texte fiscal différente de ce qui précède, dont M. et Mme C... puissent se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales. C'est par suite à tort que les premiers juges ont accordé, sur ce fondement, la décharge des impositions en litige. Il y a lieu par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer, sur les autres moyens présentés par M. et Mme C... devant le tribunal administratif et devant la Cour.

7. L'imposition litigieuse étant conforme tant à la loi fiscale qu'aux engagements internationaux de la France invoqués par les intéressés, M. et Mme C... ne sauraient valablement se prévaloir d'une atteinte à la sécurité juridique, au droit public international, à la hiérarchie des normes ni d'une méconnaissance des règles constitutionnelles prévoyant la primauté des conventions internationales.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a déchargé M. et Mme C..., en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à leur charge au titre de l'année 2011. Il y a lieu de remettre les sommes correspondantes à la charge des époux C.... En revanche, il n'y a pas lieu de remettre à la charge de ces derniers les sommes représentatives de la contribution sur les hauts revenus établie au titre de la même année, les premiers juges n'ayant pas prononcé la décharge de cette imposition. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat les sommes demandées par M. et Mme C... sur le fondement des dispositions de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1706560/1-1 du 27 juin 2019 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, ainsi que les intérêts et majorations correspondants, établies au nom de M. et Mme C... au titre de l'année 2011 et dont les premiers juges ont prononcé la décharge, sont remises à la charge des intéressés.

Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du ministre de l'action et des comptes publics est rejeté

Article 4 : Les conclusions de M. et Mme C... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics et à

M. et Mme D... C....

Délibéré après l'audience du 10 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. A..., premier conseiller,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 juin 2020.

Le président,

I. BROTONS

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

2

N° 19PA02886


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA02886
Date de la décision : 24/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: Mme JIMENEZ
Avocat(s) : HPML AVOCATS ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-06-24;19pa02886 ?
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