Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme C... G... et Mme B... H... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 21 mars 2018 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a confirmé la décision de l'autorité consulaire française à Tananarive (Madagascar) refusant un visa d'entrée et de court séjour à Mme G....
Par un jugement n° 1801147 du 1er avril 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 3 septembre 2019, Mme C... G... et Mme B... H... épouse F..., représentées par Me Renard, demandent à la cour :
- d'annuler le jugement du 1er avril 2019 ;
- d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visas du 21 mars 2018 ;
- d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer à Mme C... G... le visa de court séjour sollicité ou à défaut de procéder au réexamen de sa demande dans un délai de 15 jours suivant le prononcé de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
- de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 800 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elles soutiennent que :
- une erreur d'appréciation a été commise quant à l'appréciation des ressources ;
- une erreur manifeste d'appréciation a été commise quant à l'existence d'un risque de détournement de l'objet du visa ;
-les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ont été méconnus.
Mme G... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er juillet 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention d'application de l'accord de Schengen signée le 19 juin 1990 ;
- le règlement (UE) n°2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Brisson a entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... G..., ressortissante malgache née le 31 août 1969, a sollicité le 20 décembre 2017 de l'autorité consulaire française à Tananarive (Madagascar) la délivrance d'un visa de court séjour pour visite familiale. Après le rejet de sa demande par l'autorité consulaire le 22 décembre 2017, Mme G... a formé le 13 février 2018 un recours devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France. La commission a rejeté ce recours par une décision du 21 mars 2018. Par un jugement du 1er avril 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de Mme C... G... et de sa fille Mme B... H... tendant à l'annulation de cette décision. Les intéressées relèvent appel de ce jugement.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Pour rejeter le recours formé par Mme G..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur l'insuffisance des ressources de la demandeuse de visa pour financer son séjour en France et sur la circonstance qu'il existe un risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires.
3. En premier lieu, aux termes de l'article 10 de la convention d'application de l'accord de Schengen signée le 19 juin 1990 : " 1. Il est institué un visa uniforme valable pour le territoire de l'ensemble des Parties contractantes. Ce visa (...) peut être délivré pour un séjour de trois mois au maximum (...) ". Aux termes de l'article 6 du règlement (UE) n°2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 : " 1. Pour un séjour prévu sur le territoire des Etats membres, d'une durée n'excédant pas 90 jours sur toute période de 180 jours (...), les conditions d'entrée pour les ressortissants de pays tiers sont les suivantes : (...) c) justifier l'objet et les conditions du séjour envisagé, et disposer de moyens de subsistance suffisants, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour dans leur pays d'origine ou le transit vers un pays tiers dans lequel leur admission est garantie, ou être en mesure d'acquérir légalement ces moyens (...) " / (...) 4. L'appréciation des moyens de subsistance se fait en fonction de la durée et de l'objet du séjour et par référence aux prix moyens en matière d'hébergement et de nourriture dans l'État membre ou les États membres concernés, pour un logement à prix modéré, multipliés par le nombre de jours de séjour. (...) L'appréciation des moyens de subsistance suffisants peut se fonder sur la possession d'argent liquide, de chèques de voyage et de cartes de crédit par le ressortissant de pays tiers. Les déclarations de prise en charge, lorsqu'elles sont prévues par le droit national, et les lettres de garantie telles que définies par le droit national, dans le cas des ressortissants de pays tiers logés chez l'habitant, peuvent aussi constituer une preuve de moyens de subsistance suffisants. (...) ".
4. En vertu de l'article L. 211-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger qui déclare vouloir séjourner en France pour une durée n'excédant pas trois mois dans le cadre d'une visite familiale ou privée doit présenter un justificatif d'hébergement. Ce justificatif prend la forme d'une attestation d'accueil signée par la personne qui se propose d'assurer le logement de l'étranger, ou son représentant légal, et validée par l'autorité administrative. Cette attestation d'accueil constitue le document prévu par la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 pour justifier les conditions de séjour dans le cas d'une visite familiale ou privée. ". Selon l'article L. 211-4 du même code, l'attestation d'accueil " est accompagnée de l'engagement de l'hébergeant de prendre en charge, pendant toute la durée de validité du visa (...) et au cas où l'étranger accueilli n'y pourvoirait pas, les frais de séjour en France de celui-ci, limités au montant des ressources exigées de la part de l'étranger pour son entrée sur le territoire en l'absence d'une attestation d'accueil. ".
5. Il résulte de ces dispositions que l'obtention d'un visa de court séjour est subordonnée à la condition que le demandeur justifie à la fois de sa capacité à retourner dans son pays d'origine et de moyens de subsistance suffisants pendant son séjour. Il appartient au demandeur de visa dont les ressources personnelles ne lui assurent pas ces moyens d'apporter la preuve de ce que les ressources de la personne qui l'héberge et qui s'est engagée à prendre en charge ses frais de séjour au cas où il n'y pourvoirait pas sont suffisantes pour ce faire. Cette preuve peut résulter de la production d'une attestation d'accueil validée par l'autorité compétente et comportant l'engagement de l'hébergeant de prendre en charge les frais de séjour du demandeur, sauf pour l'administration à produire des éléments de nature à démontrer que l'hébergeant se trouverait dans l'incapacité d'assumer effectivement l'engagement qu'il a ainsi souscrit.
6. A l'appui de la demande de visa, Mme G... a fourni, outre une attestation bancaire indiquant qu'elle dispose d'une somme de 700 euros affectée à son voyage, une assurance pour un séjour à l'étranger, un billet d'avion aller et retour ainsi qu'une attestation d'accueil validée par le maire de la commune de Montigny-le-Bretonneux, émanant de sa fille, Mme F....
7. Le ministre soutient que cette dernière n'est pas en mesure de pourvoir aux besoins de sa mère durant son séjour en France dès lors qu'elle a trois enfants à charge, n'exerce pas d'activité professionnelle et que son compte bancaire présentait le 19 décembre 2017 un solde débiteur de 158 euros.
8. Si Mme F... a cessé son activité professionnelle d'hôtesse de caisse qu'elle exerçait afin de s'occuper de son fils aîné dont l'état de santé exige un important suivi médical et que le couple n'a déclaré au titre de ses revenus pour l'année 2016 qu'une somme de 8 719 euros, il ressort cependant des pièces du dossier que M. F... a conclu un contrat à durée indéterminée en juillet 2017 permettant ainsi au foyer de disposer d'un revenu mensuel de 1 600 euros. Le couple perçoit également des prestations familiales à concurrence de 1 800 euros par mois et dispose d'un logement de 80 m2. Dans ces conditions, les ressources de M. et Mme F... sont suffisantes pour assumer effectivement l'engagement de prendre en charge leur mère et belle-mère pendant une durée d'au plus trois mois. Les requérantes sont dès lors fondées à soutenir qu'il a été fait une inexacte application des dispositions précitées.
9. En second lieu, s'il est constant que Mme G..., sans emploi, avait présenté en 2017 une demande de visa de long séjour temporaire, cette circonstance n'est pas, à elle seule, de nature à démontrer que l'intéressée ne souhaiterait pas quitter le territoire national. En effet son époux et ses deux autres filles dont la benjamine, encore mineure, est scolarisée, résident à Madagascar, auprès des beaux-parents de Mme G..., lesquels disposent d'une propriété familiale dans laquelle cette dernière et ses enfants vivent. Dans ces conditions, les requérantes sont fondées à soutenir qu'en rejetant la demande de visa de Mme G... au motif qu'il existait un risque de détournement de l'objet du visa la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme G... et Mme B... H... sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
11. Eu égard à ses motifs, le présent arrêt implique nécessairement, sous réserve d'un changement dans les circonstances de fait ou de droit, que le ministre de l'intérieur délivre à l'intéressée un visa d'entrée et de court séjour. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au ministre d'y procéder dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement. Il n'y a pas lieu en revanche d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
12. Mme G... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Renard la somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 1er avril 2019 et la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 21 mars 2018 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur, sous réserve d'un changement dans les circonstances de fait ou de droit, de délivrer à Mme G... un visa d'entrée et de court séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Renard une somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... G..., à Mme B... H... épouse F... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 4 février 2020, où siégeaient :
- M. Perez, président de chambre,
- Mme Brisson, président-assesseur,
- M. L'hirondel premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 février 2020.
Le rapporteur,
C. BrissonLe président,
A. PEREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT03550