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02/10/2020 | FRANCE | N°19NT02392;19NT02461

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 02 octobre 2020, 19NT02392 et 19NT02461


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association des habitants Plumereau-Halles-Résistance-Victoire de Tours a demandé au tribunal administratif d'Orléans, en premier lieu, d'annuler la décision par laquelle la préfète d'Indre-et-Loire a rejeté sa demande tendant à ce qu'il soit mis fin à l'exploitation de la licence de 4ème catégorie n° 2345 délivrée à M. F..., propriétaire et exploitant du débit de boissons " Rose Bonbon ", situé 104 rue du commerce et 1 rue des orfèvres à Tours, et en second lieu, d'enjoindre à la préfète

d'Indre-et-Loire de mettre fin à l'exploitation de la licence de 4ème catégorie déli...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association des habitants Plumereau-Halles-Résistance-Victoire de Tours a demandé au tribunal administratif d'Orléans, en premier lieu, d'annuler la décision par laquelle la préfète d'Indre-et-Loire a rejeté sa demande tendant à ce qu'il soit mis fin à l'exploitation de la licence de 4ème catégorie n° 2345 délivrée à M. F..., propriétaire et exploitant du débit de boissons " Rose Bonbon ", situé 104 rue du commerce et 1 rue des orfèvres à Tours, et en second lieu, d'enjoindre à la préfète d'Indre-et-Loire de mettre fin à l'exploitation de la licence de 4ème catégorie délivrée à M. F... et d'interdire l'exploitation de cette licence à moins de 75 mètres d'un autre établissement disposant d'une licence dans le périmètre de l'arrêté préfectoral du 2 avril 1997.

Par un jugement n° 1703909 du 25 avril 2019, le tribunal administratif d'Orléans a, en premier lieu, annulé la décision implicite du 18 octobre 2017 par laquelle la préfète d'Indre-et-Loire a rejeté le recours administratif formé par l'association des habitants Plumereau-Halles-Résistance-Victoire de Tours et en second lieu, enjoint à la préfète d'Indre-et-Loire de procéder au retrait du récépissé de déclaration délivré à M. F... dans un délai de deux mois.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le numéro 19NT02392 le 21 juin 2019 et le 20 mai 2020, M. E... F..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 25 avril 2019 ;

2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif d'Orléans par l'association des habitants Plumereau-Halles-Résistance-Victoire de Tours ;

3°) de mettre à la charge de l'association des habitants Plumereau-Halles-Résistance-Victoire de Tours la somme de trois mille euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le récépissé de sa déclaration de mutation et de translation de débit de boissons ne méconnait pas les dispositions de l'arrêté du préfet d'Indre-et-Loire du 2 avril 1997 qui ne réglemente que les nouveaux débits de boissons et non ceux existant déjà au sein du périmètre de protection de 75 mètres ; en application de l'article L. 3332-7 du code de la santé publique, la translation d'un débit de boissons effectuée par son propriétaire n'est pas considérée comme l'ouverture d'un nouveau débit de boissons ; il a sollicité la mutation et la translation d'un débit de boissons déjà exploité dans le périmètre de protection et n'a pas ouvert un nouveau débit de boissons à consommer sur place au sens de l'arrêté du 2 avril 1997 ; il était bien propriétaire du fonds de commerce exploité au sein de l'établissement Rose Bonbon et du fait de la mutation, la licence IV n° 2345 avait intégré son fonds de commerce ;

- le tribunal administratif d'Orléans a commis une erreur ; le vendeur de la licence IV n'était pas M. B... A..., mais la société Himalaya.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 17 mars 2020 et le 23 juin 2020, l'association des habitants Plumereau-Halles-Résistance-Victoire de Tours, représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de M. F... ;

2°) à titre subsidiaire, d'enjoindre à la préfète d'Indre-et-Loire de prendre une nouvelle décision dans un délai de quinze jours ;

3°) de mettre à la charge de M. F... la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les dispositions de l'arrêté préfectoral du 2 avril 1997 ont été méconnues ; M. F... n'étant pas propriétaire du fonds de commerce exploité au 23 rue de la Monnaie ou un ayant-droit de ce propriétaire, la mutation demandée ne constitue pas une translation au sens des dispositions de l'article L. 3332-7 du code de la santé publique, mais l'ouverture d'un nouveau débit de boissons au sein du périmètre réglementé par l'arrêté préfectoral du 2 avril 1997 ; les dispositions de l'article L. 3332-2 du code de la santé publique ont aussi été méconnues ;

- aucune des conditions nécessaires pour la reconnaissance d'une décision créatrice de droit n'est réunie dans le cas de la délivrance d'un récépissé de déclaration de translation ou de transfert d'un débit de boissons ;

o la délivrance du récépissé litigieux est un acte administratif purement recognitif non créateur de droit qui pouvait être retiré postérieurement au délai de quatre mois, conformément aux dispositions de L. 243-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

o elle ne devient pas non plus un acte administratif créateur de droits postérieurement au délai de quinze jours imparti pour le contrôle a posteriori de la déclaration ; l'apposition sur la façade de l'établissement d'une plaque portant la mention " licence IV " ne pouvait avoir pour effet de regarder les informations mentionnées sur la plaque comme étant suffisantes pour faire courir le délai de recours contentieux contre le récépissé ; le délai de recours gracieux a été ouvert le 14 août 2017 par la transmission par les services de la mairie à l'association des documents relatifs à la licence concernée et à sa mutation au profit de M. F... ; le délai de recours contentieux est toujours ouvert ; tant que les délais de recours ne sont pas épuisés, la délivrance du récépissé ne constitue pas un acte créateur de droits et peut être modifié ou abrogé sans délai en application de l'article L. 243-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- à titre subsidiaire, l'autorité administrative, lorsqu'elle constate qu'une de ses décisions ayant créé des droits est entachée d'une illégalité de nature à en entrainer l'annulation par voie contentieuse peut en prononcer elle-même l'annulation tant que les délais de recours contentieux ne sont pas expirés ; dès lors quand bien même la délivrance du récépissé serait assimilée à une décision créatrice de droit, il appartenait à la préfète d'Indre-et-Loire de prononcer son retrait avant l'expiration du délai de recours ouvert le 14 août 2017 ;

- pour les mêmes motifs, c'est à bon droit que le tribunal administratif d'Orléans a ordonné à la préfète d'Indre-et-Loire de retirer à M. F... le récépissé de déclaration de translation dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement qui constatait l'illégalité de l'acte ;

- à titre subsidiaire, il doit être enjoint à la préfète d'Indre-et-Loire de prendre à nouveau une décision au regard de l'illégalité constatée de la délivrance du récépissé de la déclaration litigieuse dans un délai de quinze jours.

Par une ordonnance du 5 mars 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 mars 2020, et prorogée jusqu'au 23 juin 2020 par l'effet de l'article 16 de l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.

II. Par une requête, enregistrée sous le numéro 19NT02461 le 24 juin 2019, la préfète d'Indre-et-Loire demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1703909 du tribunal administratif d'Orléans du 25 avril 2019 ;

2°) de rejeter les demandes présentées devant le tribunal administratif d'Orléans par l'association des habitants Plumereau-Halles-Résistance-Victoire de Tours.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier puisque le jugement qui lui a été notifié ne comporte aucune des signatures du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience en méconnaissance de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- le tribunal administratif a requalifié à tort la déclaration de M. F..., qui était une déclaration de translation et de mutation de la licence IV, en déclaration d'ouverture d'un nouveau débit de boissons ; il n'y a pas eu de méconnaissance de l'article R. 3335-15 du code de la santé publique et de l'arrêté préfectoral du 2 avril 1997 ; les conditions posées par l'article L. 3332-7 du code de la santé publique sont cumulatives et cet article implique de prendre en compte le propriétaire actuel du fonds de commerce, l'acquéreur seul indiqué dans le formulaire ; M. F... est non seulement l'exploitant du débit Rose Bonbon mais également le propriétaire du fonds de commerce auquel la licence est désormais rattachée, conformément à l'article R. 3332-7 du code de la santé publique ; les zones protégées par l'arrêté préfectoral du 2 avril 1997 ne font pas partie de celles qui font l'objet de restrictions en application du 2° de l'article L. 3332-7 du code de la santé publique ; la licence était exploitée au sein de la même zone protégée ; la mutation et la translation n'ont donc pas changé le nombre de débits existants dans la zone délimitée par l'arrêté du 2 avril 1997 ;

- elle était en situation de compétence liée pour rejeter la demande de l'association des habitants Plumereau-Halles-Résistance-Victoire ; lors de son dépôt et pendant un délai de quinze jours, la déclaration préalable en matière de débit de boissons n'est pas une décision créatrice de droits et doit être requalifiée de décision simplement récognitive au sens de l'article L. 243-1 du code des relations entre le public et l'administration ; le récépissé de déclaration du débit de boissons constitue néanmoins une décision créatrice de droits pour son destinataire lorsqu'il est maintenu après l'expiration du délai de quinze jours suivant la signature du récépissé en mairie ; le retrait d'une décision créatrice de droit ne peut être effectuée en cas d'illégalité que dans un délai de quatre mois conformément à l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration ; la demande de l'association lui étant parvenue après l'écoulement de ce délai de quatre mois elle était tenue de rejeter la demande de l'association ;

- pour les mêmes motifs, les premiers juges ne pouvaient lui enjoindre de retirer le récépissé de déclaration délivré à M. F... en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, alors qu'un simple réexamen de la demande de l'association était nécessaire conformément à l'article L. 911-2 du code de justice administrative.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 9 décembre 2019 et le 17 mars 2020, l'association des habitants Plumereau-Halles-Résistance-Victoire de Tours, représentée par Me D...-H..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête de la préfète d'Indre-et-Loire ;

2°) à titre subsidiaire, d'enjoindre à la préfète d'Indre-et-Loire de prendre une nouvelle décision dans un délai de quinze jours ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de M. F... les sommes de 4 000 euros chacun en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les dispositions de l'arrêté préfectoral du 2 avril 1997 ont été méconnues ; M. F... n'étant pas propriétaire du fonds de commerce exploité au 23 rue de la Monnaie ou un ayant-droit de ce propriétaire, la mutation demandée ne constitue pas une translation au sens des dispositions de l'article L. 3332-7 du code de la santé publique, mais l'ouverture d'un nouveau débit de boissons au sein du périmètre réglementé par l'arrêté préfectoral du 2 avril 1997 ; les dispositions de l'article L. 3332-2 du code de la santé publique ont aussi été méconnues ;

- aucune des conditions nécessaires pour la reconnaissance d'une décision créatrice de droit n'est réunie dans le cas de la délivrance d'un récépissé de déclaration de translation ou de transfert d'un débit de boissons ;

o la délivrance du récépissé litigieux est un acte administratif purement recognitif non créateurs de droit qui pouvait être retiré postérieurement au délai de quatre mois, conformément aux dispositions de L. 243-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

o elle ne devient pas non plus un acte administratif créateur de droits postérieurement au délai de quinze jours imparti pour le contrôle a posteriori de la déclaration ; l'apposition sur la façade de l'établissement d'une plaque portant la mention " licence IV " ne pouvait avoir pour effet de regarder les informations mentionnées sur la plaque comme étant suffisantes pour faire courir le délai de recours contentieux contre le récépissé ; le délai de recours gracieux a été ouvert le 14 août 2017 par la transmission par les services de la mairie à l'association des documents relatifs à la licence concernée et à sa mutation au profit de M. F... ; le délai de recours contentieux est toujours ouvert ; tant que les délais de recours ne sont pas épuisés, la délivrance du récépissé ne constitue pas un acte créateur de droits et peut être modifié ou abrogé sans délai en application de l'article L. 243-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- à titre subsidiaire, l'autorité administrative, lorsqu'elle constate qu'une de ses décisions ayant créé des droits est entachée d'une illégalité de nature à en entrainer l'annulation par voie contentieuse peut en prononcer elle-même l'annulation tant que les délais de recours contentieux ne sont pas expirés ; dès lors quand bien même la délivrance du récépissé serait assimilée à une décision créatrice de droit, il appartenait à la préfète d'Indre-et-Loire de prononcer son retrait avant l'expiration du délai de recours ouvert le 14 août 2017 ;

- pour les mêmes motifs, c'est à bon droit que le tribunal administratif d'Orléans a ordonné à la préfète d'Indre-et-Loire de retirer à M. F... le récépissé de déclaration de translation dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement qui constatait l'illégalité de l'acte ;

- à titre subsidiaire, il doit être enjoint à la préfète d'Indre-et-Loire de prendre à nouveau une décision au regard de l'illégalité constatée de la délivrance du récépissé de la déclaration litigieuse dans un délai de quinze jours.

Par un mémoire, enregistré le 27 mars 2020, l'établissement " Rose Bonbon " et M. F..., représentés par Me C..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1703909 du tribunal administratif d'Orléans du 25 avril 2019 ;

2°) de rejeter les demandes de l'association des habitants Plumereau-Halles-Résistance-Victoire présentées devant le tribunal administratif d'Orléans ;

3°) de mettre à la charge de l'association des habitants Plumereau-Halles-Résistance-Victoire la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que le récépissé de sa déclaration de mutation et de translation de débit de boissons ne méconnait pas les dispositions de l'arrêté du préfet d'Indre-et-Loire du 2 avril 1997 qui ne réglemente que les nouveaux débits de boissons et non ceux existant déjà au sein du périmètre de protection de 75 mètres ; en application de l'article L. 3332-7 du code de la santé publique, la translation d'un débit de boissons effectuée par son propriétaire n'est pas considérée comme l'ouverture d'un nouveau débit de boissons ; il a sollicité la translation mais aussi la mutation d'un débit de boissons déjà exploité dans le périmètre de protection et n'a pas ouvert un nouveau débit de boissons à consommer sur place au sens de l'arrêté du 2 avril 1997 ; il était bien propriétaire du fonds de commerce exploité au sein de l'établissement Rose Bonbon et du fait de la mutation, la licence IV n° 2345 avait intégré son fonds de commerce ; la licence IV a bien intégré son fonds de commerce ; il est donc propriétaire du fonds auquel la licence est attachée.

Par une ordonnance du 5 mars 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 mars 2020, et prorogée jusqu'au 23 juin 2020 par l'effet de l'article 16 de l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.

Un mémoire présenté pour l'association des habitants Plumereau-Halles-Résistance-Victoire, enregistré le 23 juillet 2020 après la clôture de l'instruction, n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G..., première conseillère,

- les conclusions de M. Besse, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La requête n° 19NT02392 présentée pour M. F... et la requête n° 19NT02461 présentée par le préfet d'Indre-et-Loire sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a donc lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.

2. M. E... F..., exploitant l'établissement " Rose Bonbon " situé 104 rue du Commerce et 1 rue des Orfèvres à Tours (Indre-et-Loire), a déposé auprès de la mairie de Tours le 16 février 2017 une déclaration pour exploiter une licence IV, n° 2345, à compter du 4 mars 2017 par mutation et translation d'un débit de boissons anciennement installé 23 rue de la Monnaie. Par un courrier du 17 août 2017, parvenu le lendemain auprès des services de la préfecture, l'association des Habitants Plumereau-Halles-Résistance-Victoire a demandé au préfet d'Indre-et-Loire " d'interdire l'exploitation de la licence IV " par l'établissement " Rose Bonbon " en invoquant la méconnaissance de l'article 1er de l'arrêté préfectoral du 2 avril 1997 interdisant l'implantation de tout nouveau débit de boissons à consommer sur place des 2ème, 3ème et 4ème catégories autour des débits de ces mêmes catégories déjà existants dans un périmètre de protection de 75 mètres, au sein d'un périmètre délimité par les rues des Tanneurs, Constantine, Marceau, des Halles, de la Victoire et la place Rouget de l'Isle. N'obtenant aucune réponse explicite, l'association a saisi le 9 novembre 2017 le tribunal administratif d'Orléans d'une demande tendant à l'annulation du rejet par le préfet d'Indre-et-Loire de son recours gracieux. Par un jugement n° 1703909 du 25 avril 2019, le tribunal administratif d'Orléans a annulé la décision implicite par laquelle le préfet d'Indre-et-Loire a rejeté le recours de l'association des habitants tendant au retrait du récépissé de déclaration de mutation et de translation de la licence IV du débit de boissons exploité 23 rue de la Monnaie en faveur de l'établissement " Rose Bonbon ". M. F... et la préfète d'Indre-et-Loire relèvent appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. L'article R. 741-7 du code de justice administrative dispose que : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".

4. Si l'ampliation du jugement notifiée aux parties ne comporte pas les signatures du président, du rapporteur et du greffier de la formation de jugement, il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement comporte les mentions exigées par les articles R. 741-2 et R. 741-7 du code de justice administrative, et en particulier les signatures du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience. La préfète d'Indre-et-Loire n'est donc pas fondée à soutenir que le jugement du tribunal administratif d'Orléans serait irrégulier.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. L'article L. 3332-4-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable à la date de la décision implicite contestée, dispose que : " Une personne qui veut ouvrir un débit de boissons mentionné aux articles L. 3331-2 ou L. 3331-3 est tenue de faire, dans les conditions prévues aux premier à septième alinéas de l'article L. 3332-3, une déclaration qui est transmise au procureur de la République ainsi qu'au représentant de l'Etat dans le département conformément au dernier alinéa du même article. Les services de la préfecture de police ou de la mairie lui en délivrent immédiatement un récépissé qui justifie de la possession de la licence de la catégorie sollicitée (...) /Une mutation dans la personne du propriétaire ou du gérant ou une modification de la situation du débit de boissons doit faire l'objet d'une déclaration identique, qui est reçue et transmise dans les mêmes conditions. Toutefois, en cas de mutation par décès, la déclaration est valablement souscrite dans le délai d'un mois à compter du décès ". L'article L. 3332-7 du même code dispose que : " N'est pas considérée comme ouverture d'un nouveau débit la translation sur le territoire d'une commune d'un débit déjà existant : / 1° Si elle est effectuée par le propriétaire du fonds de commerce ou ses ayants droit et si elle n'augmente pas le nombre des débits existant dans ladite commune ; / 2° Si elle n'est pas opérée dans une zone établie par application des articles L. 3335-1, L. 3335-2, L. 3335-8 ". Aux termes de l'article R. 3335-15 du code de la santé publique : " Le préfet peut déterminer par arrêté, dans certaines communes et sans préjudice des droits acquis, les distances en deçà desquelles des débits de boissons à consommer sur place des 3e et 4e catégories ne peuvent être établis à proximité de débits des mêmes catégories déjà existants ".

6. Par ailleurs, l'article 1er de l'arrêté du préfet d'Indre-et-Loire du 2 avril 1997 dispose que : " Sur une partie de la ville de Tours, à l'intérieur du périmètre figurant au plan annexé et délimité : / - au Nord : par la rue des Tanneurs ; / - à l'Est : par les rues Constantine et Marceau ; / - au Sud : par la rue des Halles ; / - à l'Ouest : par la rue de la Victoire et la place Rouget de l'Isle. / - lesdites rues et la place Rouget de l'Isle n'étant pas concernées par les dispositions de l'arrêté - aucun nouveau débit de boissons à consommer sur place de 2ème, 3ème et 4ème catégories ne pourra être ouvert ou transféré autour des débits de ces mêmes catégories déjà existants, dans un périmètre de protection de 75 mètres ".

7. En premier lieu, il est constant que l'établissement " Rose Bonbon " exploité par M. F... et au sein duquel il souhaite exploiter la licence IV qu'il a acquise en 2016 est situé à l'intérieur du périmètre de protection institué par l'arrêté préfectoral du 2 avril 1997, fondé sur les dispositions ultérieurement reprises dans l'article R. 3335-15 du code de la santé publique. Si M. F... et la préfète d'Indre-et-Loire soutiennent que l'intéressé a procédé à une translation d'un débit de boissons au sein du même périmètre de protection et qu'une telle translation ne peut être regardée comme l'ouverture d'un nouveau débit de boissons, en application des dispositions de l'article L. 3332-7 du code de la santé publique, qu'à la condition d'être effectuée par le propriétaire du fonds de commerce auquel est rattaché ce débit de boissons ou ses ayants-droits, il ressort des pièces du dossier, notamment du contrat de vente conclu entre M. F... et la société Himalaya, que ce contrat de vente a porté sur la seule licence IV à l'exclusion du fonds de commerce lui-même. Dès lors, M. F... n'étant pas le propriétaire du fonds de commerce auquel était rattachée la licence de débit de boissons en cause, le transfert de ce débit de boissons du 23 rue de la Monnaie à Tours au 104 rue du Commerce et 1 rue des Orfèvres de la même commune ne peut être regardé comme remplissant les conditions posées par l'article L. 3332-7 du code de la santé publique. Ce transfert du débit de boissons au sein de l'établissement " Rose Bonbon " constituait donc l'ouverture d'un nouveau débit de boissons, en méconnaissance des dispositions de l'arrêté préfectoral du 2 avril 1997, sans qu'ait d'incidence l'éventuelle erreur sur le nom du propriétaire antérieur de la licence de débits de boissons exploitée au 23 rue de la Monnaie.

8. En second lieu, l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration dispose que : " L'administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ".

9. En application des dispositions combinées des articles L. 3332-4-1 et L. 3332-3 du code de la santé publique, tant l'ouverture que la translation d'un débit de boissons doivent faire l'objet, quinze jours à l'avance, d'une déclaration préalable auprès du maire de la commune, dont le maire se borne à accuser réception sans préjuger de sa légalité. L'intervention du maire consiste uniquement, en application de l'article L. 3332-4-1 du code de la santé publique, à recevoir la déclaration, à en donner récépissé et à transmettre copie de cette déclaration au procureur de la République ainsi qu'au représentant de l'Etat dans le département. Dès lors, la délivrance du récépissé de déclaration par le maire de la commune de Tours à M. F... le 16 février 2017 n'a créé aucun droit à son profit. En outre, l'écoulement du délai de quinze jours prévu par les dispositions de l'article L. 3332-3 du code de la santé publique, délai au cours duquel le débit de boissons ne peut être légalement exploité, n'a pas non plus pour effet de faire naitre des droits à l'exploitation de la licence au profit du déclarant et ne saurait priver le préfet des pouvoirs de police spéciale qu'il tient notamment des dispositions des articles L. 3332-7 et R. 3335-15 du même code, pouvoirs que l'association des habitants Plumereau-Halles-Résistance-Victoire de Tours doit être regardée comme lui ayant demandé de mettre en oeuvre par le courrier parvenu en préfecture le 18 août 2017. Dès lors, la préfète d'Indre-et-Loire n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait été tenue de rejeter la demande de l'association des habitants en application des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration.

10. Il résulte de ce qui précède que la préfète d'Indre-et-Loire et M. F... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a annulé la décision implicite par laquelle la préfète d'Indre-et-Loire a rejeté la demande de l'association des habitants Plumereau-Halles-Résistance-Victoire de Tours.

Sur les frais du litige :

11. Il n'apparait pas inéquitable, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge de chacune des parties les frais d'instance qu'elles ont exposés.

DECIDE :

Article 1er : Les requêtes n° 19NT02392 et 19NT02461 de M. F... et de la préfète d'Indre-et-Loire sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions de l'association des habitants Plumereau-Halles-Résistance-Victoire de Tours tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F..., à l'association des habitants Plumereau-Halles-Résistance-Victoire de Tours et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera adressée pour information à la préfète d'Indre-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 15 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- Mme G..., première conseillère.

Lu en audience publique le 2 octobre 2020.

La rapporteure,

M. G...Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

V. DESBOUILLONS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT02392 - 19NT02461


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT02392;19NT02461
Date de la décision : 02/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Marie BERIA-GUILLAUMIE
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : ADVENTIS

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-10-02;19nt02392 ?
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