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07/02/2020 | FRANCE | N°19NT01615

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 07 février 2020, 19NT01615


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet des Côtes-d'Armor a déféré au tribunal administratif de Rennes, comme prévenu d'une contravention de grande voirie, M. F... D... et a demandé au tribunal de condamner ce dernier au paiement d'une amende en application de l'article L. 2132-26 du code général de la propriété des personnes publiques.

Par un jugement n° 1801482 du 21 janvier 2019, le tribunal administratif de Rennes a condamné M. D... à payer une amende de 800 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requ

te enregistrée le 26 avril 2019, M. D..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'an...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet des Côtes-d'Armor a déféré au tribunal administratif de Rennes, comme prévenu d'une contravention de grande voirie, M. F... D... et a demandé au tribunal de condamner ce dernier au paiement d'une amende en application de l'article L. 2132-26 du code général de la propriété des personnes publiques.

Par un jugement n° 1801482 du 21 janvier 2019, le tribunal administratif de Rennes a condamné M. D... à payer une amende de 800 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 avril 2019, M. D..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 janvier 2019 ;

2°) de rejeter la demande de condamnation formulée par le préfet des Côtes-d'Armor ;

3°) subsidiairement, de réduire à de plus justes proportions le montant de l'amende prononcée.

Il soutient que :

- il n'est pas justifié en l'état, de ce que M. A..., sous-préfet, aurait reçu délégation de pouvoir pour notifier les procès-verbaux de police de grande-voirie et pour saisir le tribunal administratif, afin qu'il soit statué sur la contravention relevée, la demande de première instance étant donc irrecevable ;

- il n'est pas justifié, en l'état, de ce que M. B... serait effectivement commissionné par le président du conseil départemental des Côtes-d'Armor, en application de l'article L. 5331-13 du code des transports, et agréé par le procureur de la République, afin de constater les contraventions de grande voirie ;

- l'administration ne justifie pas d'une notification régulière, avant le 1er avril 2018, du procès-verbal contesté ;

- les infractions qui lui sont reprochées ne sont pas constituées.

Une mise en demeure a été adressée au ministre de la transition écologique et solidaire par un courrier du 18 juillet 2019 et est restée sans réponse.

Par un courrier du 31 octobre 2019, la cour a informé les parties que le moyen tiré de ce que le premier juge a méconnu son obligation d'épuiser son pouvoir juridictionnel, dès lors qu'il ne s'est pas prononcé sur l'action domaniale, même s'il n'était pas saisi de conclusions en ce sens, était susceptible d'être relevé d'office.

Vu :

- le procès-verbal de contravention de grande voirie du 16 octobre 2017 ;

- la notification du procès-verbal de contravention de grande voirie ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code pénal ;

- le code de procédure pénale ;

- le code des transports ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les conclusions de M. Sacher, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet des Côtes-d'Armor a déféré au tribunal administratif de Rennes, comme prévenu d'une contravention de grande voirie, M. D..., propriétaire du navire de plaisance " Sonnet ", pour avoir refusé d'obtempérer à l'ordre de remonter sa ligne de mouillage à l'étrave et d'enlever la chaîne ainsi que les cadenas le reliant par la poupe au catway, causant des dégâts au ponton. Par un jugement du 21 janvier 2019, le tribunal a condamné M. D... à payer une amende de 800 euros M. D... fait appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 774-2 du code de justice administrative : " Dans les dix jours qui suivent la rédaction d'un procès-verbal de contravention, le préfet fait faire au contrevenant notification de la copie du procès-verbal. (...) La notification indique à la personne poursuivie qu'elle est tenue, si elle veut fournir des défenses écrites, de les déposer dans le délai de quinzaine à partir de la notification qui lui est faite. Il est dressé acte de la notification ; cet acte doit être adressé au tribunal administratif et y être enregistré comme les requêtes introductives d'instance. ". Aux termes de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques dans sa rédaction alors en vigueur : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous. ". Aux termes de l'article L. 2132-3 du même code : " Nul ne peut bâtir sur le domaine public maritime ou y réaliser quelque aménagement ou quelque ouvrage que ce soit sous peine de leur démolition, de confiscation des matériaux et d'amende (...) ". Ces dispositions tendent à assurer, au moyen de l'action domaniale qu'elles instituent, la remise du domaine public maritime dans un état conforme à son affectation publique en permettant aux autorités chargées de sa protection d'ordonner au propriétaire d'un bien irrégulièrement construit, qu'il l'ait ou non édifié lui-même, sa démolition, ou de confisquer des matériaux. Ces dispositions habilitent également les autorités publiques à mettre en oeuvre une action répressive, consistant dans le prononcé par le tribunal administratif d'une amende sanctionnant l'atteinte portée au domaine public maritime par des constructions irrégulières. Il résulte de ces dispositions que le juge de la contravention de grande voirie, dès qu'il est saisi par une autorité compétente, doit se prononcer tant sur l'action publique que sur l'action domaniale, que lui soient ou non présentées des conclusions en ce sens. Si le préfet des Côtes-d'Armor a uniquement demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner M. D... au paiement d'une amende dissuasive, il appartenait au tribunal de se prononcer également sur l'action domaniale, ce que le tribunal n'a pas fait. Dès lors, il y a lieu d'annuler dans cette mesure le jugement attaqué, d'évoquer sur ce point et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les conclusions présentées par le préfet devant le tribunal administratif de Rennes.

Sur la régularité de la procédure :

3. En premier lieu, il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, les moyens tirés de ce qu'il n'est pas justifié en l'état, de ce que M. A..., sous-préfet, aurait reçu délégation de pouvoir pour notifier les procès-verbaux de police de grande-voirie et pour saisir le tribunal administratif, afin qu'il soit statué sur la contravention relevée, la demande de première instance étant donc irrecevable et de ce qu'il n'est pas justifié, en l'état, de ce que M. B... serait effectivement commissionné par le président du conseil départemental des Côtes-d'Armor, en application de l'article L. 5331-13 du code des transports, et agréé par le procureur de la République, afin de constater les contraventions de grande voirie, que le requérant reprend en appel sans apporter de précisions nouvelles.

4. En second lieu, si l'observation du délai de dix jours mentionné par l'article L. 774-2 du code de justice administrative n'est pas prescrite, à peine de nullité, la notification tardive du procès-verbal ne doit pas porter atteinte aux droits de la défense.

5. Il résulte de l'instruction, et notamment des énonciations du procès-verbal qui font foi jusqu'à preuve du contraire, que le surveillant du port a rencontré le 14 septembre 2017

M. D..., présent sur son bateau, et l'a mis en demeure verbalement de mettre fin immédiatement aux infractions qui lui sont reprochées et notamment de remonter à bord sa ligne de mouillage et d'enlever les cadenas et la chaîne. En outre, le surveillant de port a attesté que M. D... s'était présenté à l'adresse indiquée dans le procès-verbal de mise en demeure du 5 octobre 2017 et dans le procès-verbal de contravention de grande voirie du 16 octobre 2017, entre fin décembre 2017 et début janvier 2018, afin d'échanger avec l'agent d'accueil sur la procédure qu'il avait reçue, l'existence même de ces échanges n'étant pas contestée par le requérant, qui se borne à soutenir qu'ils ne pouvaient valoir notification dès lors qu'il ne parle pas français. Ainsi, alors même que l'administration ne produit ni d'accusé de réception de la mise en demeure préalable du 5 octobre 2017, ni d'accusé de réception, en particulier à l'adresse de l'intéressé en Angleterre, du procès-verbal de contravention de grande voirie du 16 octobre 2017, antérieur au nouveau courrier de notification daté du 29 mars 2018, soit le même jour que l'introduction de la demande de première instance du préfet, la tardiveté de la notification n'a pas mis M. D... dans l'ignorance des faits qui lui étaient reprochés ni dans l'impossibilité de réunir des éléments de preuve utiles pour sa défense. Dès lors, le moyen tiré du non-respect du principe du contradictoire doit être écarté.

Sur la réalité de l'infraction :

6. Aux termes de l'article L. 5335-2 du code des transports : " Il est interdit de porter atteinte au bon état et à la propreté du port et de ses installations (...) ". L'article R. 5337-1 du même code dispose : " Constitue une contravention de grande voirie la violation des interdictions ou le manquement aux obligations prévues par le règlement général de police défini au chapitre III et par les règlements locaux le complétant. ". Aux termes de l'article R. 5337-2 du même code : " Tout capitaine, maître ou patron d'un bateau, navire ou engin flottant doit, dans les limites d'un port maritime, obéir aux ordres donnés par les officiers de port, officiers de port adjoints, surveillants de port et auxiliaires de surveillance concernant les mesures de sécurité et de police destinées à assurer la protection et la conservation du domaine public des ports maritimes. / Le fait de ne pas obtempérer aux ordres prévus au premier alinéa est puni de l'amende prévue par le premier alinéa de l'article L. 2132-26 du code général de la propriété des personnes publiques. ". Aux termes de l'article R. 5333-9 du même code : " (...) Les règlements particuliers précisent les conditions dans lesquelles le stationnement et le mouillage des ancres sont autorisés dans le port à l'exception des chenaux d'accès (...) " et aux termes de son article R. 5333-12 : " Tout navire, bateau ou engin flottant amarré dans le port et armé doit avoir à bord le personnel nécessaire pour effectuer toutes les manoeuvres qui peuvent s'imposer et pour faciliter les mouvements des autres navires, bateaux ou engins flottants. S'il est désarmé, il doit comporter au moins un gardien à bord (...) ". Aux termes de l'article 11 du règlement particulier de police du port de Binic : " (...) D'une manière générale, le propriétaire doit veiller à ce que son navire, à toute époque et en toutes circonstances, ne cause, ni dommage aux ouvrages du port ou aux autres navires, ni gêne dans l'exploitation du port. Les agents chargés de la police du port sont qualifiés pour faire effectuer, en tant que de besoin, les manoeuvres jugées nécessaires aux frais exclusifs du propriétaire et sans que la responsabilité du surveillant de port ne soit en rien engagée. " et aux termes de son article 27 : " Les usagers du port ne peuvent en aucun cas modifier les ouvrages portuaires mis à leur disposition. / Ils sont tenus de signaler sans délai aux agents chargés de la police du port, toute dégradation qu'ils constatent aux ouvrages du port mis à leur disposition, qu'elle soit de leur fait ou non./ Ils sont responsables des avaries qu'ils occasionnent à ces ouvrages. Les dégradations sont réparées aux frais des personnes qui les ont occasionnées, sans préjudice des suites données à la contravention de grande voirie dressée à leur encontre. ".

7. M. D... soutient avoir dû mouiller l'ancre du navire et cadenasser la chaîne dès lors que le maître de port de Binic l'avait menacé de détacher son navire, alors qu'il constitue son habitation, et de le laisser divaguer. Toutefois, cette circonstance ne résulte pas de l'instruction, les attestations produites ne faisant état que d'une volonté du maître de port que M. D... quitte le port de Binic et, surtout, elle ne peut être regardée comme constitutive d'un cas de force majeure ou d'un fait de l'administration assimilable à un cas de force majeure. Il ressort des procès-verbaux et des photographies jointes, non sérieusement contredits par les photographies produites par le requérant, que la chaîne de mouillage du navire appartenant à M. D... frottait contre la défense en bois du ponton, occasionnant une usure prématurée de l'ouvrage portuaire, qu'il n'a pas déclarée. Le requérant ne saurait utilement soutenir que d'autres navires comportaient des dispositifs similaires et il n'est pas établi que les dommages auraient été causés par le câble d'alimentation électrique des bateaux. En outre, une chaîne et des cadenas reliaient le navire par la poupe au catway à l'arrière, ce qui était de nature à entraver la manoeuvre du voilier et ainsi à gêner l'exploitation du port et engendrer des dangers pour les autres usagers, en cas de naufrage ou d'incendie. M. D... n'a pas obtempéré à l'ordre qui lui a été donné par le surveillant du port, le 14 septembre 2017, de remonter sa ligne de mouillage à l'étrave et d'enlever la chaîne ainsi que les cadenas précités. Il n'est pas établi que l'intéressé, qui n'était pas présent lors de l'établissement des procès-verbaux en octobre 2017, aurait déclaré à l'accueil du port l'identité du gardien de son navire, la surveillance demandée par M. D... n'ayant lieu, au demeurant, qu'en cas de mauvais temps. Les infractions reprochées tenant à l'atteinte à la conservation du domaine public portuaire, l'absence de déclaration de dégâts causés aux ouvrages du port et l'absence de gardiennage en méconnaissance des dispositions précitées sont ainsi constituées.

Sur le montant de l'amende :

8. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 2132-26 du code général de la propriété des personnes publiques : " Sous réserve des textes spéciaux édictant des amendes d'un montant plus élevé, l'amende prononcée pour les contraventions de grande voirie ne peut excéder le montant prévu par le 5° de l'article 131-13 du code pénal (...) ". L'article 131-13 du code pénal dispose que : " (...) Le montant de l'amende est le suivant : (...) / 5° 1 500 euros au plus pour les contraventions de la 5ème classe, montant qui peut être porté à 3 000 euros en cas de récidive lorsque le règlement le prévoit, hors les cas où la loi prévoit que la récidive de la contravention est un délit. ". Lorsqu'il retient la qualification de contravention de grande voirie s'agissant des faits qui lui sont soumis, le juge est tenu d'infliger une amende au contrevenant. Alors même que les dispositions précitées ne prévoient pas de modulation des amendes, le juge, qui est le seul à les prononcer, peut toutefois, dans le cadre de ce contentieux répressif, moduler leur montant dans la limite du plafond prévu par la loi et du plancher que constitue le montant de la sanction directement inférieure, pour tenir compte de la gravité de la faute commise, laquelle est appréciée au regard de la nature du manquement et de ses conséquences. Dans les circonstances citées au point précédent, il y a lieu de fixer le montant de l'amende à une somme de 800 euros, comme l'a fait le premier juge.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes l'a condamné à payer une amende de 800 euros.

Sur l'action domaniale :

10. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 2132-3 du code général de la propriété des personnes publiques que dans le cadre de la procédure de contravention de grande voirie, le contrevenant peut être condamné par le juge, au titre de l'action domaniale, et à la demande de l'administration, à remettre lui-même les lieux en état en procédant à la destruction des ouvrages construits ou maintenus illégalement sur la dépendance domaniale ou à l'enlèvement des installations afin que le domaine public retrouve un état conforme à son affectation publique. Pour les motifs indiqués au point 7, il y a lieu de condamner M. D... à relever la chaîne de mouillage et à retirer la chaîne et les cadenas reliant son navire par la poupe au catway, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, et ce sous une astreinte de 50 euros par jour de retard.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1801482 du 21 janvier 2019 du tribunal administratif de Rennes est annulé en tant qu'il a omis de se prononcer sur l'action domaniale.

Article 2 : M. D... devra relever la chaîne de mouillage et retirer la chaîne et les cadenas reliant son navire par la poupe au catway du port de Binic, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, et ce sous une astreinte de 50 euros par jour de retard.

Article 3 : La requête de M. D... est rejetée.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... D... et au ministre de la transition écologique et solidaire.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet des Côtes-d'Armor.

Délibéré après l'audience du 24 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Célérier, président de chambre,

- Mme Buffet, premier conseiller,

- Mme C..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 7 février 2020.

Le rapporteur,

P. C...

Le président,

T. CELERIER

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19NT01615


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT01615
Date de la décision : 07/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CELERIER
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: M. SACHER
Avocat(s) : LE VACON

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-02-07;19nt01615 ?
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