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26/06/2020 | FRANCE | N°19NT00258

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 26 juin 2020, 19NT00258


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Sous le n° 1204984, la communauté d'agglomération Quimper Bretagne Occidentale a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, de condamner les sociétés MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA IARD à lui verser conjointement la somme de 1 533 908,28 euros au titre de la réparation des désordres affectant la station d'épuration du Corniguel, assortie des intérêts au double du taux de l'intérêt légal à compter du 14 mai 2012 et de leur capitalisation, et d'autre part, de condamner conjointemen

t les sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD aux entiers dépens à ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Sous le n° 1204984, la communauté d'agglomération Quimper Bretagne Occidentale a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, de condamner les sociétés MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA IARD à lui verser conjointement la somme de 1 533 908,28 euros au titre de la réparation des désordres affectant la station d'épuration du Corniguel, assortie des intérêts au double du taux de l'intérêt légal à compter du 14 mai 2012 et de leur capitalisation, et d'autre part, de condamner conjointement les sociétés MMA IARD assurances mutuelles et MMA IARD aux entiers dépens à hauteur de 46 697,81 euros.

Sous le n° 1602534, cette même communauté d'agglomération a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, de condamner la société SOGEA Bretagne BTP à lui verser la somme de 1 533 908,28 euros au titre de la réparation des désordres affectant la station d'épuration du Corniguel, assortie des intérêts et de leur capitalisation, sous déduction des sommes susceptibles d'être mises à la charge des sociétés MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA IARD dans la première instance, et d'autre part, de condamner la société SOGEA Bretagne BTP aux entiers dépens à hauteur de 46 697,81 euros, sous déduction des sommes susceptibles d'être mises à la charge des sociétés MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA IARD dans la première instance.

Par un jugement n° 1204984, 1602534 du 26 novembre 2018, le tribunal administratif de Rennes, en premier lieu, a condamné conjointement les sociétés MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA IARD à verser à la communauté d'agglomération de Quimper Bretagne Occidentale une somme globale de 1 580 606,09 euros TTC au titre du préfinancement des travaux de réparation des désordres affectant la station d'épuration du Corniguel, tout en précisant que les sommes de 23 058 euros TTC, 105 408 euros TTC et 1 405 442,28 euros TTC porteraient intérêts au double du taux légal à compter du 6 janvier 2016 pour les deux premières sommes et à compter du 9 mai 2018 pour la troisième et que ces intérêts seraient capitalisés à la date du 6 janvier 2017 pour les deux premières sommes et à chaque échéance annuelle, à compter de cette date, pour produire eux-mêmes intérêts (article 1er), en deuxième lieu, a mis à la charge conjointe des sociétés MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA IARD le versement à la communauté d'agglomération d'une somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 2), a rejeté la requête n° 1602534 de la communauté d'agglomération Quimper Bretagne Occidentale (article 3), a rejeté les conclusions des sociétés SOGEA Bretagne BTP, MMA IARD Assurances Mutuelles, MMA IARD, Cabinet Bourgois, Merlin et Socotec au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 4) et a rejeté les conclusions de la société Socotec au titre des dépens de la seconde instance (article 5).

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 janvier 2019, et un mémoire, enregistré le 27 août 2019, la société MMA IARD Assurances Mutuelles et la société MMA IARD, représentées par la SCP Depasse, Daugan, Quesnel, A..., demandent à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement du 26 novembre 2018 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il leur est défavorable et de rejeter les demandes indemnitaires présentées en première instance par la communauté d'agglomération Quimper Bretagne Occidentale ;

2°) à titre subsidiaire, de condamner solidairement la société SOGEA Bretagne BTP et les cabinets Merlin et Bourgois à leur verser la somme de 1 533 908,28 euros au titre des réparations des désordres affectant la station d'épuration de Corniguel et à prendre en charge les dépens comprenant les frais d'expertise à hauteur de 46 697,81 euros, sommes à assortir des intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2018 ;

3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Quimper Bretagne Occidentale ou de toute partie perdante la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- les conclusions à fin d'appel en garantie dirigées contre les constructeurs sont recevables, bien que nouvelles en appel ; en effet, elles sont justifiées par la condamnation prononcée en première instance, qui constitue un élément nouveau ;

- les travaux de génie civil n'étaient pas couverts par le contrat d'assurance dommage-ouvrage souscrit le 21 décembre 2001 ; seuls l'étaient les travaux portant sur les bâtiments ;

- ce n'est que le 24 avril 2010 que la communauté d'agglomération a déclaré le sinistre, alors qu'il portait sur des désordres connus depuis le 27 décembre 2004 ; l'action dirigée contre l'assureur est donc prescrite par application de l'article L. 114-1 du code des assurances ;

- l'objet de la demande indemnitaire se rapporte à des désordres qui, dès lors qu'ils étaient apparents lors de la réception, n'entrent pas dans le champ du volet dommages-ouvrage du contrat d'assurance ;

- ce volet dommage-ouvrage du contrat d'assurance ne peut être mobilisé sans mise en demeure préalablement adressée à l'entrepreneur, la société SOGEA, demeurée infructueuse au sens de l'article L. 242-1 du code des assurances ; or aucune lettre de mise en demeure n'a été adressée à cet entrepreneur ;

- l'application du régime défini par l'article L. 242-1 du code des assurances était réservé aux seuls travaux de bâtiment ; la communauté d'agglomération n'avait, en sa qualité de maître d'ouvrage de droit public, pas l'obligation de souscrire un contrat d'assurance dommages-ouvrage pour l'édification des ouvrages de génie civil ; en tout état de cause, le paragraphe 1 de l'article L. 243-1-1 du code des assurances exclut de l'obligation d'assurance dommages-ouvrage les ouvrages de traitement de résidus urbains, de déchets industriels et d'effluents, ce qui recouvre notamment une station d'épuration ; dès lors que le contrat souscrit ne relevait pas de l'article L. 242-1 du code des assurances, les sanctions prévues par cet article en cas de non-respect du délai d'instruction d'une déclaration de sinistre ne trouvaient pas à s'appliquer ;

- l'action de la communauté d'agglomération et celle des constructeurs, au titre du volet responsabilité décennale du contrat d'assurance, sont prescrites ;

- son recours subrogatoire contre les constructeurs doit être accueilli.

Par un mémoire, enregistré le 1er août 2019, la société Cabinet Bourgois et la société Merlin, représentées par la SCP Balon, concluent, à titre principal, au rejet de la requête et demandent à la cour :

1°) à titre subsidiaire, de condamner les sociétés SOGEA Bretagne BTP et Socotec Construction à les garantir d'éventuelles condamnations prononcées à leur encontre ;

2°) de mettre à la charge de toute partie perdante la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles font valoir, à titre principal que les appels en garantie dirigés contre elles pour la première fois en appel sont irrecevables et, à titre subsidiaire, que les moyens soulevés à l'appui de ces appels en garantie ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 19 septembre 2019, la société Socotec Construction, représentée par la SELARL Ares, conclut au rejet de la requête en tant qu'elle est dirigée contre elle et demande à la cour :

1°) à titre subsidiaire, de rejeter les conclusions d'appel provoqué de la société Cabinet Bourgois et de la société Merlin ;

2°) à titre infiniment subsidiaire, de condamner la société Cabinet Bourgois, la société Merlin et la société SOGEA Bretagne BTP à la garantir des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre ;

3°) de mettre à la charge de la société Cabinet Bourgois et de la société Merlin ou de toute partie perdante la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir, à titre principal, que les conclusions d'appel en garantie dirigées contre elle, nouvelles en appel, sont irrecevables et, à titre subsidiaire, que les moyens soulevés à l'appui de ces conclusions ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 24 septembre 2019, la communauté d'agglomération Quimper Bretagne Occidentale conclut au rejet de la requête et demande à la cour :

1°) à titre principal, par la voie de l'appel incident, de réformer l'article 1er du jugement attaqué en tant qu'il a fixé le point de départ des intérêts au 6 janvier 2016, s'agissant des sommes de 23 058 euros TTC et de 105 408 euros TTC, et au 9 mai 2018, s'agissant de la somme de 1 405 442,28 euros TTC et d'assortir la condamnation des sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles au versement de la somme de 1 533 908,28 euros TTC, prononcée en première instance, des intérêts au double du taux légal à compter du 15 mai 2012, et de leur capitalisation à la date du 15 mai 2013 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

2°) à titre subsidiaire, par la voie de l'appel provoqué, d'annuler l'article 3 du jugement attaqué et de condamner la société SOGEA Bretagne BTP à lui verser, d'une part, la somme de 1 533 908,28 euros au titre de la réparation des désordres affectant la station d'épuration du Corniguel, assortie des intérêts et de leur capitalisation et, d'autre part, la somme de 46 697,81 euros au titre des dépens ;

3°) de mettre à la charge conjointe des sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la société SOGEA Bretagne BTP la somme de 3 000 euros à ce même titre.

Elle fait valoir que :

- les moyens soulevés par les requérantes ne sont pas fondés ;

- ce n'est pas aux dates retenues par le tribunal administratif mais le 15 mai 2012 qu'elle a mis pour la première fois en demeure son assureur de payer l'indemnité ; ainsi, c'est à compter de cette date que courent les intérêts au double du taux légal ;

- la responsabilité contractuelle, ou à défaut décennale, de la société SOGEA Bretagne BTP est engagée ; le montant des travaux de réparation des désordres est de 1 533 908,28 euros.

Un mémoire, enregistré le 9 juin 2020 à 9 H 23, a été présenté pour la société Sogea Bretagne BTP, par Me B..., qui a déclaré se constituer au soutien des intérêts de ladite société par une lettre enregistrée le 8 juin à 14 H 59, après la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code des assurances ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jouno, rapporteur,

- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant la société MMA Iard assurances mutuelles et la société MMA Iard venant aux droits de la société Covea Risks, et de Me E..., représentant la communauté d'agglomération Quimper Bretagne Occidentale.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Quimper a entrepris, à partir de 1997, des travaux de restructuration, d'extension et de mise à niveau de la station d'épuration du Corniguel. Une mission complète de maîtrise d'oeuvre a été confiée à un groupement conjoint composé notamment des sociétés cabinet Merlin et cabinet Bourgois. La société Socotec France, aux droits de laquelle vient la société Socotec Construction, a été chargée du contrôle technique de l'opération. La société SOGEA Bretagne BTP s'est vu attribuer le marché de génie civil par un acte d'engagement du 28 novembre 2001. Parallèlement, la commune de Quimper a conclu un marché portant sur l'assurance de ces travaux. Le 28 décembre 2001, elle a attribué le lot n° 2 de ce marché, relatif à la " police unique de chantier ", à la société Lange, courtier en assurances mandataire de la société MMA IARD.

2. La compétence de la commune de Quimper en matière d'assainissement a été transférée le 1er janvier 2002 à communauté d'agglomération Quimper communauté, aux droits de laquelle vient la communauté d'agglomération Quimper Bretagne Occidentale. Les travaux ont été réceptionnés le 27 décembre 2004, avec effet au 20 décembre 2004. Compte tenu de la présence de désordres, la réception a été assortie de réserves, levées, au plus tard, le 31 mars 2005. La communauté d'agglomération, constatant la réapparition de désordres, selon elle de nature décennale, a déclaré un sinistre, le 27 avril 2010, à la société AON Assurances Risques Services, venant aux droits et obligations de la société Lange. Mais l'assureur a estimé, le 25 juin 2010, au vu d'une expertise diligentée par ses soins, que les désordres allégués étaient apparents lors de la réception et avaient fait l'objet de réserves, en sorte qu'ils ne relevaient pas de l'assurance dommages-ouvrage souscrite par la communauté d'agglomération. Cette dernière a alors saisi, le 2 février 2011, le juge des référés du tribunal administratif de Rennes afin que soit ordonnée une mesure d'expertise. L'expert désigné par une ordonnance du 18 mars 2011, M. D..., a rendu un premier rapport le 27 octobre 2014, puis un second rapport le 23 février 2018.

3. Entretemps, la communauté d'agglomération a introduit devant le tribunal administratif de Rennes, le 7 décembre 2012, une première demande, sous le n° 1204984, tendant à la condamnation des sociétés MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA IARD à lui verser au titre du préfinancement des travaux nécessaires à la réparation des désordres, sur le fondement du contrat d'assurance, la somme de 1 533 908,28 euros TTC majorée des intérêts au double du taux de l'intérêt légal à compter du 14 mai 2012 et de leur capitalisation ainsi que, au titre des dépens, la somme de 46 697,81 euros. Par une seconde demande, enregistrée sous le n° 1602534, la communauté d'agglomération a demandé au tribunal de condamner la société SOGEA Bretagne BTP à lui verser la même somme principale de 1 533 908,28 euros TTC sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs. Par un jugement n° 1204984-1602534 du 26 novembre 2018, le tribunal administratif de Rennes, en premier lieu, a condamné conjointement les sociétés MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA IARD à verser à la communauté d'agglomération de Quimper Bretagne Occidentale les sommes de 1 533 908,28 euros TTC au titre du préfinancement des travaux de réparation des désordres affectant la station d'épuration du Corniguel et de 46 697,81 euros TTC au titre des frais d'expertise, soit une somme globale de 1 580 606,09 euros TTC, tout en précisant que les sommes de 23 058 euros TTC, 105 408 euros TTC et 1 405 442,28 TTC - dont le total correspond à 1 533 908,28 euros - porteraient intérêts au double du taux légal à compter du 6 janvier 2016 pour les deux premières et à compter du 9 mai 2018 pour la troisième et que les intérêts seraient capitalisés à la date du 6 janvier 2017 et à chaque échéance annuelle pour les deux premières sommes (article 1er). Les premiers juges ont par ailleurs rejeté la requête n° 1602534 de la communauté d'agglomération Quimper Bretagne Occidentale, dirigée contre la société SOGEA Bretagne BTP (article 3). Devant la cour, les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles relèvent appel de ce jugement, tandis que la communauté d'agglomération Quimper Bretagne Occidentale présente des conclusions d'appel incident.

Sur l'appel principal :

En ce qui concerne les conclusions principales des requérantes :

4. Aux termes de l'article L. 242-1 du code des assurances, dans sa rédaction en vigueur à la date de souscription du contrat d'assurance en litige : " Toute personne physique ou morale qui, agissant en qualité de propriétaire de l'ouvrage, (...) fait réaliser des travaux de bâtiment, doit souscrire avant l'ouverture du chantier, pour son compte ou pour celui des propriétaires successifs, une assurance garantissant, en dehors de toute recherche des responsabilités, le paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs au sens de l'article 1792-1, les fabricants et importateurs ou le contrôleur technique sur le fondement de l'article 1792 du code civil. / Toutefois, l'obligation prévue au premier alinéa ci-dessus ne s'applique [pas] aux personnes morales de droit public (...), lorsque ces personnes font réaliser pour leur compte des travaux de bâtiment pour un usage autre que l'habitation. / L'assureur a un délai maximal de soixante jours, courant à compter de la réception de la déclaration du sinistre, pour notifier à l'assuré sa décision quant au principe de la mise en jeu des garanties prévues au contrat./ Lorsqu'il accepte la mise en jeu des garanties prévues au contrat, l'assureur présente, dans un délai maximal de quatre-vingt-dix jours, courant à compter de la réception de la déclaration du sinistre, une offre d'indemnité, (...) destinée au paiement des travaux de réparation des dommages. (...) / Lorsque l'assureur ne respecte pas l'un des délais prévus aux deux alinéas ci-dessus ou propose une offre d'indemnité manifestement insuffisante, l'assuré peut, après l'avoir notifié à l'assureur, engager les dépenses nécessaires à la réparation des dommages. L'indemnité versée par l'assureur est alors majorée de plein droit d'un intérêt égal au double du taux de l'intérêt légal. (...) ". Ces dispositions instituent une procédure spécifique de préfinancement des travaux de réparation des désordres couverts par la garantie décennale avant toute recherche de responsabilité.

5. En l'espèce, les requérantes se prévalent d'un document intitulé " conditions particulières - assurance multirisque de chantier ", édité le 29 avril 2010, et correspondant, selon ses termes, à une " situation à effet au 1er novembre 2001 ". Ce document porte sur un " contrat n° 111791844 " qui aurait été conclu avec la commune de Quimper pour les travaux de la station d'épuration du Corniguel, liste les ouvrages faisant l'objet de l'assurance " dommages des ouvrages de génie civil " et précise que le contrat en cause se compose de ces " conditions particulières " et d'un " tableau des garanties " comprenant notamment une " convention spéciale " n° 887a portant sur " l'assurance dommage des ouvrages de génie civil ", une " convention spéciale " n° 811e portant sur " l'assurance dommages des ouvrages de bâtiment " et une " convention spéciale " n° 812c ayant pour titre " assurance des ouvrages de bâtiment - responsabilité civile décennale des constructeurs ".

6. Toutefois, d'une part, il résulte de l'instruction, notamment de l'annexe à l'acte d'engagement du 28 décembre 2001 mentionné au point 1 ci-dessus, que les seules pièces constitutives du marché relatif à la " police unique de chantier ", conclu originellement par la commune de Quimper, sont cet acte d'engagement et son annexe, le mandat donné par la société MMA IARD à la société Lange ainsi que le cahier des charges du marché incluant des " conditions spéciales " et des " conditions générales ", les premières prévalant sur les secondes. Ainsi, aucun des documents particuliers cités au point précédent et invoqués par les requérantes ne fait partie des pièces signées par les parties constituant le marché relatif à la " police unique de chantier " destinée à couvrir les travaux de la station d'épuration du Corniguel. D'ailleurs, ces documents, édités près de neuf ans après la conclusion de ce marché, ne comportent aucune mention, signature ou apostille établissant qu'ils auraient été approuvés par la commune de Quimper ou la communauté d'agglomération Quimper Bretagne Occidentale.

7. D'autre part, si les désordres déclarés par la communauté d'agglomération à son assureur, qui portaient sur des infiltrations d'eau pluviale dans le stockeur de boues chaulées, sur un défaut d'étanchéité du digesteur en raison de fissures et sur des entrées d'eau dans le réseau de désodorisation, doivent effectivement être regardés comme affectant des ouvrages de génie civil, il ressort des termes du cahier des charges du marché relatif à la " police unique de chantier ", notamment de la partie des " conditions spéciales " relative à la " nature des garanties ", que l'assurance souscrite s'applique en particulier, s'agissant de son " volet " dommages-ouvrage " comme de son volet " responsabilité civile décennale ", aux " désordres de nature décennale " affectant les ouvrages de génie civil. Ainsi, même si, en vertu des dispositions de l'article L. 242-1 du code des assurances la commune de Quimper, alors maître d'ouvrage, n'était pas tenue de souscrire une assurance dommages-ouvrage, les parties au contrat ont entendu se placer, s'agissant des dommages concernant les ouvrages de génie civil de la station d'épuration, sous le régime, notamment procédural, défini par ces dispositions et par les textes pris pour leur application. Les requérantes ne peuvent dès lors être fondées à soutenir que la garantie des dommages à l'ouvrage comprise dans le contrat d'assurance " police unique de chantier " (PUC) souscrit par la commune de Quimper et repris par la communauté d'agglomération ne couvrait que les travaux relatifs aux bâtiments et non les travaux de génie civil.

8. Or, c'est par un courrier daté du 27 avril 2010, reçu le 28 avril 2010, que la communauté d'agglomération a déclaré les désordres mentionnés au point précédent à la société AON Assurances Risques Services, laquelle, venant aux droits et obligations de la société Lange, avait la qualité de mandataire de la société MMA IARD. Cette dernière société n'a fait connaître son refus de mise en jeu des garanties prévues au contrat d'assurances, s'agissant de ces désordres, que par un courrier daté du 25 juin 2010, reçu par les services de la commune de Quimper le 29 juin suivant. Ainsi, la société MMA IARD a outrepassé le délai maximal de soixante jours à l'intérieur duquel elle était tenue de notifier à son assuré, en vertu de l'article L. 242-1 du code des assurances, sa décision quant au principe de la mise en jeu des garanties prévues au contrat. Par ce seul fait, eu égard au caractère " maximal " de ce délai qui ne saurait ainsi être dépassé, elle s'est privée de la faculté d'opposer à son assurée toute cause de non garantie. Elle ne peut donc utilement ni invoquer le caractère apparent à la réception, où ils ont fait l'objet de réserves, des désordres qui lui ont été déclarés, ni soutenir que ces désordres n'auraient été déclarés qu'après l'expiration du délai d'épreuve de dix ans propre à la garantie décennale des constructeurs, ni faire valoir que la prescription biennale prévue par l'article L. 114-1 du code des assurances aurait été acquise au terme d'une période de deux ans suivant l'établissement du procès-verbal de réception du 27 décembre 2004.

En ce qui concerne les conclusions subsidiaires des requérantes :

9. En première instance, les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles n'avaient présenté aucune conclusion dirigée contre les sociétés cabinet Bourgois, Merlin et SOGEA Bretagne BTP. Ainsi, les conclusions présentées pour la première fois devant la cour par les requérantes, et dirigées contre ces sociétés en leur qualité de constructeurs, sont nouvelles en appel et ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées comme irrecevables.

Sur les conclusions d'appel incident de la communauté d'agglomération :

En ce qui concerne le point de départ de l'intérêt au double du taux légal :

10. Aux termes de l'article 1153 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 : " Dans les obligations qui se bornent au paiement d'une certaine somme, les dommages-intérêts résultant du retard dans l'exécution ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal (...). / Ces dommages et intérêts (...) / (...) ne sont dus que du jour de la sommation de payer, ou d'un autre acte équivalent telle une lettre missive s'il en ressort une interpellation suffisante, excepté dans le cas où la loi les fait courir de plein droit (...) ".

11. Lorsque, dans les cas mentionnés à l'article L. 242-1 du code des assurances, l'assureur est tenu de verser à son assuré une indemnité majorée d'intérêts dont le taux s'élève au double de celui de l'intérêt légal, ces intérêts courent à compter de la mise en demeure valant sommation de payer, ou d'un acte équivalent, adressée à l'assureur en application des dispositions précitées de l'article 1153 du code civil, reprises à l'article 1231-6 du même code. La circonstance éventuelle qu'à cette date, l'assuré n'ait pas engagé les dépenses nécessaires à la réparation des dommages est sans incidence à cet égard.

12. Il résulte de l'instruction que, par deux courriers datés du 14 mai 2012, rédigés dans les mêmes termes, et adressés tant à la société AON Assurances Risques Services, mandataire de la société MMA IARD, qu'à cette dernière, le président de la communauté d'agglomération a indiqué que, " en application du 5ème alinéa de l'article L. 242-1 du code des assurances, [il estimait] que la garantie des désordres de nature décennale (...) était acquise " et qu'il entendait " engager (...) les dépenses nécessaires à la réparation des dommages ". Puis il précisait que " cette notification [faisait] courir de plein droit sur l'indemnité (...) un intérêt égal au double du taux de l'intérêt légal ". Ce courrier a été réceptionné par la société MMA IARD le 15 mai 2012 et par son mandataire, la société AON Assurances Risques Services, le jour suivant. Un tel courrier constituait, eu égard à son objet et à son caractère comminatoire, une mise en demeure de payer l'indemnité, au sens des dispositions précitées de l'article 1153 du code civil. Dès lors, l'intérêt au double du taux légal, qui en application du cinquième alinéa de l'article L. 242-1 du code des assurances majore l'indemnité principale due à la communauté d'agglomération par son assureur, d'un montant non-contesté en appel de 1 533 908,28 euros TTC, court à compter du 15 mai 2012, et non pas, comme l'ont retenu les premiers juges à compter du 6 janvier 2016 ou du 9 mai 2018.

En ce qui concerne la capitalisation des intérêts :

13. Pour l'application des dispositions de l'article 1154 du code civil, reprises, postérieurement à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, à l'article 1343-2 du même code, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond. Cette demande prend toutefois effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée et pourvu qu'à cette date il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière. Le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande.

14. Les premiers juges ont décomposé l'indemnité de 1 533 908,28 euros TTC due en principal à la communauté d'agglomération en trois sommes de 23 058 euros, 105 408 euros et 1 405 442,28 euros pour estimer, d'une part, que la capitalisation des intérêts majorant les deux premières sommes devait intervenir à la date du 6 janvier 2017, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, d'autre part, que la demande de capitalisation des intérêts majorant la troisième somme devait être rejetée car à la date de lecture du jugement les intérêts n'étaient pas dus pour une année entière. A l'appui de son appel incident, la communauté d'agglomération soutient que sa demande de capitalisation des intérêts doit être accueillie à compter du 15 mai 2013. Toutefois, il résulte de l'instruction que sa demande de capitalisation des intérêts n'a été présentée, pour la première fois, que par un mémoire enregistré au greffe du tribunal administratif le 9 mai 2018. Ainsi, elle n'est pas fondée à se plaindre de ce que les premiers juges ont estimé qu'il convenait de faire droit à la demande de capitalisation des intérêts majorant les sommes de 23 058 euros TTC et de 105 408 euros TTC à compter du 6 janvier 2017. En revanche, à la date à laquelle la capitalisation des intérêts était demandée, le 9 mai 2018, il était dû plus d'une année d'intérêts sur la somme de 1 405 442,28 euros TTC. Dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande. La communauté d'agglomération est donc fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif lui a refusé la capitalisation des intérêts majorant la somme de 1 405 442,28 euros TTC à compter du 9 mai 2018.

15. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes les a condamnées conjointement à verser à la communauté d'agglomération de Quimper Bretagne Occidentale une somme globale de 1 580 606,09 euros TTC assortie des intérêts et de leur capitalisation. D'autre part, la communauté d'agglomération Quimper Bretagne Occidentale est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont fixé le point de départ des intérêts dus à des dates postérieures au 15 mai 2012 et ont refusé de faire droit à sa demande de capitalisation des intérêts majorant la somme principale de 1 405 442,28 euros TTC.

Sur les frais liés au litige :

16. Il y a lieu de mettre à la charge des sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles, parties perdantes, le versement d'une part, à la société Socotec Construction, d'autre part, à la communauté d'agglomération Quimper Bretagne Occidentale d'une somme de 1 500 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a par ailleurs lieu de mettre à la charge de ces mêmes sociétés le versement à la société Cabinet Bourgois, d'une part, et à la société Cabinet Merlin, d'autre part, de la somme de 750 euros à ce même titre. En revanche, l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'oppose à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées au titre des frais exposés et non compris dans les dépens par les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles.

DECIDE :

Article 1er : La requête des sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles est rejetée.

Article 2 : Les intérêts, fixés au double des intérêts légaux, qui majorent l'indemnité principale de 1 533 908,28 euros TTC à laquelle le tribunal administratif a condamné les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles, courent à compter du 15 mai 2012. S'agissant de la somme de 1 405 442,28 euros TTC, incluse dans cette indemnité principale, les intérêts échus à la date du 9 mai 2018 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : L'article 1er du jugement n° 1204984, 1602534 du 26 novembre 2018 du tribunal administratif de Rennes, qui condamne les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles au paiement d'une indemnité principale de 1 533 908,28 euros TTC, dont le montant est compris dans la somme de 1 580 606,09 euros TTC qu'il mentionne, est réformé, d'une part, en tant qu'il fixe après le 15 mai 2012 le point de départ des intérêts majorant cette indemnité principale de 1 533 908,28 euros TTC et, d'autre part, en tant qu'il rejette la demande de capitalisation des intérêts majorant la somme de 1 405 442,28 euros TTC.

Article 4 : Les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles verseront à la communauté d'agglomération Quimper Bretagne Occidentale une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles verseront à la société Socotec Construction une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles verseront à la société Cabinet Bourgois et à la société Cabinet Merlin, chacune, une somme de 750 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié aux sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles, à la société Socotec Construction, à la société Aon France, à la société Cabinet Merlin, à la société Cabinet Bourgois, à la société SOGEA Bretagne BTP et à la communauté d'agglomération Quimper Bretagne Occidentale.

Délibéré après l'audience du 9 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Jouno, premier conseiller,

- Mme F..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 26 juin 2020.

Le rapporteur,

T. JounoLe président,

L. Lainé

Le greffier,

Mme C...

La République mande et ordonne au préfet du Finistère en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 19NT00258

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NT00258
Date de la décision : 26/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Thurian JOUNO
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : CABINET ACTB

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-06-26;19nt00258 ?
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