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06/02/2020 | FRANCE | N°19NC02223

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 06 février 2020, 19NC02223


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'EARL Grand Fossé et M. et Mme C... G... ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 15 mars 2018 par lequel le maire de Saint-Loup-en-Champagne a délivré à M. B... un permis de construire une maison à usage d'habitation sur un terrain situé rue des Bois.

Par un jugement no 1800935 du 9 mai 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 juillet 201

9, l'EARL Grand Fossé et M. et Mme G..., représentés par Me D..., demandent à la cour :

1°) d'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'EARL Grand Fossé et M. et Mme C... G... ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 15 mars 2018 par lequel le maire de Saint-Loup-en-Champagne a délivré à M. B... un permis de construire une maison à usage d'habitation sur un terrain situé rue des Bois.

Par un jugement no 1800935 du 9 mai 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 juillet 2019, l'EARL Grand Fossé et M. et Mme G..., représentés par Me D..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 9 mai 2019 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 15 mars 2018 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de M. B... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement est irrégulier, faute d'avoir visé la note en délibéré enregistrée le 25 avril 2019 ;

- le permis de construire méconnaît l'article L. 111-3 du code rural en tant que la règle d'éloignement réciproque des constructions à usage d'habitation et des exploitations agricoles n'est pas respectée, sans qu'importe la circonstance, à la supposer établie, que l'exploitation aurait été irrégulièrement implantée ;

- il méconnaît l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme en tant que l'implantation d'un bâtiment à usage d'habitation à proximité de l'exploitation agricole est de nature à faire peser un risque d'atteinte à la salubrité publique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 octobre 2019, M. B... conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge des requérants en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens présentés par les requérants ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 9 janvier 2020, l'EARL Grand Fossé et M. et Mme G... concluent aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens.

Ils soutiennent en outre que l'arrêté du 15 mars 2018 méconnaît les dispositions de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme.

Les parties ont été informées, par un courrier du 10 janvier 2020, qu'en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, la cour était susceptible de relever d'office le moyen tiré de l'autorité de chose jugée s'attachant au dispositif du jugement n° 1600297 du 25 janvier 2018 et aux motifs qui en sont le soutien nécessaire.

Par un mémoire enregistré le 12 janvier 2020, l'EARL Grand Fossé et M. et Mme G... ont présenté leurs observations sur le moyen relevé d'office.

Par un mémoire enregistré le 13 janvier 2020, M. B... a présenté ses observations sur le moyen relevé d'office.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dietenhoeffer, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public,

- et les observations de Me F..., représentant l'EARL Grand Fossé et M. et Mme G... et de Me E..., représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 22 décembre 2015, le préfet des Ardennes a refusé de délivrer à M. B... un permis de construire pour la réalisation d'une maison d'habitation sur la parcelle cadastrée section 0E n° 77 sur le territoire de la commune de Saint-Loup-en-Champagne. Par un jugement du 25 janvier 2018, devenu définitif, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de réexaminer la demande de permis de construire. Le 15 mars 2018, le maire de Saint-Loup-en-Champagne, agissant au nom de l'Etat, a délivré à M. B... le permis de construire sollicité. L'EARL Grand Fossé et M. et Mme G... relèvent appel du jugement du 9 mai 2019, par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ce permis.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique (...). / Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont il est fait application / Mention y est faite que le rapporteur et le commissaire du gouvernement et, s'il y a lieu, les parties, leurs mandataires ou défenseurs ainsi que toute personne entendue sur décision du président en vertu du deuxième alinéa de l'article R. 731-3 ont été entendus. / Mention est également faite de la production d'une note en délibéré. / La décision fait apparaître la date de l'audience et la date à laquelle elle a été prononcée. ".

3. Il ressort du dossier de première instance qu'immédiatement après l'audience publique qui s'est tenue le 25 avril 2019, l'EARL Grand Fossé et les époux G... ont adressé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne une note en délibéré qui a été enregistrée au greffe le même jour. Or, les visas du jugement attaqué ne font pas mention de ce mémoire et ce jugement est ainsi entaché d'une irrégularité qui en justifie l'annulation.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par l'EARL Grand Fossé et M. et Mme G... devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.

Sur la demande présentée devant le tribunal administratif :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " L'autorité compétente pour délivrer le permis de construire, d'aménager ou de démolir et pour se prononcer sur un projet faisant l'objet d'une déclaration préalable est : / a) Le maire, au nom de la commune, dans les communes qui se sont dotées d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, ainsi que, lorsque le conseil municipal l'a décidé, dans les communes qui se sont dotées d'une carte communale ; lorsque le transfert de compétence à la commune est intervenu, ce transfert est définitif ; / b) Le préfet ou le maire au nom de l'Etat dans les autres communes ". Aux termes de l'article L. 422-5 du même code : " Lorsque le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale est compétent, il recueille l'avis conforme du préfet si le projet est situé : / a) Sur une partie du territoire communal non couverte par une carte communale, un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu (...) ". Ces dernières dispositions ne s'appliquent que lorsque le maire est compétent, en vertu du a de l'article L. 422-1, pour délivrer le permis de construire au nom de la commune, et non lorsqu'il exerce cette compétence au nom de l'Etat.

6. Il ressort des pièces du dossier que la commune de Saint-Loup-en-Champagne ne dispose pas d'un plan local d'urbanisme ou d'un document en tenant lieu et que le maire de la commune a délivré le permis de construire du 15 mars 2018 au nom de l'Etat. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 422-5 du code de l'urbanisme est inopérant et doit être écarté.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 422-7 du code de l'urbanisme : " Si le maire (...) est intéressé au projet faisant l'objet de la demande de permis ou de la déclaration préalable, soit en son nom personnel, soit comme mandataire, le conseil municipal de la commune ou l'organe délibérant de l'établissement public désigne un autre de ses membres pour prendre la décision ". Il résulte de termes même de cette disposition que l'obligation qu'elle édicte ne s'impose qu'à l'examen des demandes de permis de construire instruites au nom de la commune, à l'exclusion de celles instruites au nom de l'Etat s'agissant des communes dépourvues de plan local d'urbanisme. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 422-7 du code de l'urbanisme doit dès lors être écarté comme inopérant.

8. En outre, il ressort des pièces du dossier que le maire de Saint-Loup-en-Champagne a délivré le permis de construire contesté à M. B... à la suite de l'annulation d'un premier refus de permis par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, qui avait assorti cette annulation d'une injonction de réexamen. Dans ces conditions et contrairement à ce que soutiennent les requérants, la seule circonstance que M. B... a la qualité d'adjoint au maire de la commune, ne suffit pas à démontrer que la décision contestée aurait méconnu le principe d'impartialité.

9. En troisième lieu, l'autorité de chose jugée s'attachant au dispositif d'un jugement d'annulation devenu définitif ainsi qu'aux motifs qui en sont le support nécessaire faisait obstacle à ce que, en l'absence de modification de la situation de droit ou de fait, le permis de construire sollicité soit à nouveau refusé par l'autorité administrative ou que le permis accordé soit annulé par le juge administratif, pour un motif identique à celui qui avait été censuré par le tribunal administratif.

10. Pour annuler l'arrêté du 22 décembre 2015 par lequel le préfet des Ardennes a refusé de faire droit, une première fois, à la demande de permis de construire présentée par M. B..., le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a, par un jugement n°1600297 du 25 janvier 2018, devenu définitif, considéré que le bâtiment d'élevage agricole exploité par l'EARL Grand Fossé et ses gérants, M. et Mme G..., au voisinage du terrain d'assiette du projet, n'avait pas été régulièrement édifié et que le permis ne pouvait donc être légalement refusé ni sur le fondement des dispositions de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime ni sur celui des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, alors que M. B... avait présenté sa demande en toute connaissance des nuisances sonores et olfactives auxquelles il serait exposé à raison de la présence de l'exploitation agricole.

11. Il s'en suit qu'en l'absence de changement qui aurait affecté la réalité de la situation de fait ou de modification de la situation de droit, les moyens tirés par l'EARL Grand Fossé et M. et Mme G... de ce que le permis de construire accordé à M. B... le 15 mars 2018 en exécution du jugement du 25 janvier 2018 méconnaîtrait la règle d'éloignement prescrite par l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime, d'une part, et les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, d'autre part, sont inopérants et doivent être écartés.

12. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable en l'espèce : " En l'absence de plan local d'urbanisme, de tout document d'urbanisme en tenant lieu ou de carte communale, les constructions ne peuvent être autorisées que dans les parties urbanisées de la commune ".

13. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des cartes produites, que la rue du Bois, où se situe le terrain d'assiette de la construction projetée, dessert plusieurs constructions, dont l'une se trouve au droit du projet. En outre, il ressort des mêmes pièces que la limite des parties urbanisées de la commune est marquée, à l'est de la rue du Bois, par le chemin du Grand Fossé, sans qu'importe la circonstance que le projet sera implanté dans une " dent creuse ". Par suite, et sans qu'il soit besoin d'en examiner la recevabilité, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme doit être écarté.

14. Il résulte de ce qui précède que l'EARL Grand Fossé et M. et Mme G... ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté du 15 mars 2018 du maire de Saint-Loup-en-Champagne.

Sur les frais liés aux instances :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat et de M. B..., qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, le versement de la somme que l'EARL Grand Fossé et M. et Mme G... demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées sur le même fondement par M. B....

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en date du 9 mai 2019 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par l'EARL Grand Fossé et M. et Mme G... devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. B... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'EARL Grand Fossé et M. et Mme C... G..., à M. A... B..., à la commune de Saint-Loup-en-Champagne et au ministre de l'intérieur.

N° 19NC02223 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NC02223
Date de la décision : 06/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Procédure - Jugements - Chose jugée.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Légalité interne du permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Jérôme DIETENHOEFFER
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : LEXCAP

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-02-06;19nc02223 ?
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