Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 9 février 2018 par laquelle le président de l'université de Reims Champagne-Ardenne a désigné Mme E... et M. B... en qualité d'administrateurs provisoires du laboratoire d'ingénierie et de sciences des matériaux (LISM), pour la gestion administrative, financière et scientifique du laboratoire, et leur a consenti une délégation de signature.
Par un jugement n° 1800895 du 2 avril 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 31 mai 2019, le 10 décembre 2019 et le 14 mai 2020, M. A... D..., représenté par la SCP d'avocats MCM et associés, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 2 avril 2019 ;
2°) d'annuler la décision du 9 février 2018 par laquelle le président de l'université de Reims Champagne-Ardenne a désigné Mme E... et M. B... en qualité d'administrateurs provisoires du laboratoire d'ingénierie et de sciences des matériaux, pour la gestion administrative, financière et scientifique de l'unité, et leur a consenti une délégation de signature ;
3°) de mettre à la charge de l'université de Reims Champagne-Ardenne la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le recours est recevable dès lors que la décision en litige ne constitue pas une mesure d'ordre intérieur ;
- la décision en litige est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un détournement de pouvoir et constitue une sanction disciplinaire déguisée.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 12 septembre 2019, le 3 avril 2020 et le 18 mai 2020, l'université de Reims Champagne-Ardenne, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. D... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable dès lors que la décision contestée est une mesure d'ordre intérieur ;
- l'arrêté contesté est suffisamment motivé ;
- l'arrêté contesté, justifié par l'intérêt du service, n'est pas entaché d'un détournement de pouvoir ; il ne constitue pas davantage une sanction contre M. D....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'éducation nationale ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. F...,
- et les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., professeur de l'université de classe exceptionnelle, exerce ses fonctions à l'IUT Reims Champagne-Ardenne au sein du laboratoire d'ingénierie et de sciences des matériaux (LISM), unité de recherche créé en janvier 2012, dont les travaux portent sur l'élaboration, la mise en forme et l'analyse des matériaux et de leurs propriétés. En février 2018, il a attiré l'attention du président de l'université de Reims Champagne-Ardenne sur la situation d'un enseignant-chercheur qui portait atteinte au bon fonctionnement de l'unité. Le 9 février 2018, le président de l'université a lancé un audit et, par un arrêté du même jour, a nommé deux administrateurs provisoires de ce laboratoire. Estimant que cette mesure avait été prise dans le but de le destituer de ses fonctions de directeur du laboratoire et de fusionner cette unité de recherche avec une autre, M. D... a saisi le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'un recours en annulation contre cet arrêté du 9 février 2018. Par un jugement du 2 avril 2019, dont M. D... fait appel, le tribunal a rejeté sa demande.
Sur la recevabilité de la demande de M. D... :
2. Les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours. Il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent perte de responsabilités ou de rémunération.
3. Il ressort des pièces du dossier que le porteur du projet de recherche au sein du laboratoire était habituellement désigné comme directeur. D'ailleurs, M. D... établit par les pièces qu'il a produites qu'il était mentionné comme futur directeur dans des documents relatifs au projet de recherche pour les années 2018/2022, et notamment dans un document d'autoévaluation du futur projet approuvé par le conseil d'administration de l'université du 10 octobre 2016. Il est encore établi que M. D... était destinataire de courriels de la présidence en tant que directeur du laboratoire, notamment au mois de janvier 2018. Il ressort également des pièces du dossier que les membres du laboratoire ont confirmé la désignation de M. D... en qualité de directeur, lors d'une assemblée générale qui s'est tenue le 22 janvier 2018, en application de l'article 2.1 du règlement intérieur adopté le même jour. Enfin, la fiche relative au laboratoire, mise à jour le 14 mars 2018, figurant dans le répertoire national des structures de recherche, mentionnait explicitement M. D... comme directeur depuis le 1er janvier 2018 avant qu'une modification ultérieure ne substitue à son nom celui de l'un des administrateurs provisoires nommés par le président de l'université. Si l'université conteste la régularité de cette désignation, elle ne produit aucun élément de nature à établir les modalités usuelles de désignation des directeurs de composante et à remettre en cause le faisceau d'éléments concordants dont fait état le requérant. Par ailleurs, s'il est vrai que M. D... ne bénéficiait d'aucune délégation de signature du président et qu'il recevait des courriels de la direction antérieurement à janvier 2018, ces circonstances ne sont pas suffisantes pour établir qu'à la date à laquelle le président de l'université a désigné deux administrateurs provisoires pour assurer la direction et la gestion du laboratoire, M. D... n'occupait pas cette fonction conformément aux usages en cours au sein de l'université. L'arrêté contesté désignant deux administrateurs provisoires pour assurer la direction et la gestion du laboratoire emportait ainsi une diminution des responsabilités de l'intéressé. Par suite, l'université n'est pas fondée à soutenir que cette décision ne fait pas grief à M. D... et que, dès lors, ses conclusions dirigées contre cette dernière sont irrecevables.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) / 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; (...) ".
5. L'arrêté contesté a pour objet de désigner deux administrateurs provisoires pour assurer la gestion administrative, financière et scientifique du laboratoire d'ingénierie et de sciences des matériaux à compter du 9 février 2018. Cette décision, qui a pour effet d'abroger implicitement mais nécessairement la décision qui a nommé M. D... en qualité de directeur de ce laboratoire, doit être motivée en application des dispositions précitées. Il est constant que cet arrêté ne comporte aucun motif de fait et de droit. La lettre d'accompagnement jointe à cet arrêté, à supposer qu'elle ait été transmise à tous les membres du laboratoire dont M. D..., ne comporte pas davantage une motivation en fait et en droit suffisante pour permettre à l'intéressé de comprendre les raisons pour lesquelles le président de l'université a pris cette mesure provisoire d'éviction. Il s'ensuit que M. D... est fondé à soutenir que cet arrêté n'est pas motivé en méconnaissance des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration et qu'elle doit, pour ce motif, être annulée.
6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Sur les frais non compris dans les dépens :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. D..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par l'université de Reims Champagne-Ardenne, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'université de Reims Champagne-Ardenne la somme de 1 500 euros demandée par M. D... au même titre.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1800895 du 2 avril 2019 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne et l'arrêté du 9 février 2018 sont annulés.
Article 2 : L'université de Reims Champagne-Ardenne versera à M. D... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D... est rejeté.
Article 4 : Les conclusions présentées par l'université de Reims Champagne-Ardenne sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SCP d'avocats MCM et associés pour M. A... D... en application des dispositions de l'article 13 de l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée, à l'université de Reims Champagne-Ardenne et à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.
N° 19NC01702 2