Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Ice Thé a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la commune d'Aix-en-Provence à lui verser la somme de 207 925 euros en réparation du préjudice commercial qu'elle estime avoir subi du fait de l'illégalité de la décision implicite du 12 octobre 2013 de rejet de sa demande de délivrance d'une autorisation d'occupation du domaine public, cette somme devant être assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts à compter de l'envoi de sa demande préalable d'indemnisation le 17 mai 2017.
Par un jugement n° 1706396 du 19 septembre 2019, le tribunal administratif de Marseille a condamné la commune d'Aix-en-Provence à verser à la Sarl Ice Thé la somme de 85 000 euros et a rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 19 novembre 2019 sous le n° 19MA04924, la SARL Ice Thé représentée par Me Lasalarie, demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Marseille en ce qu'il a limité la condamnation de la commune d'Aix-en-Provence à lui verser la somme de 85 000 euros ;
2°) de condamner la commune d'Aix-en-Provence à lui payer la somme de 140 407 euros en réparation du préjudice commercial qu'elle estime avoir subi du fait de l'illégalité de la décision implicite du 12 octobre 2013 de rejet de sa demande de délivrance d'une autorisation d'occupation du domaine public, cette somme devant être assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts à compter de l'envoi de sa demande préalable d'indemnisation le 17 mai 2017 ;
3°) de mettre à la charge de la commune d'Aix-en-Provence une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la limitation à 50 % du préjudice invoqué est injustifiée dès lors que la pose de la terrasse n'a été que ponctuelle et que sa consistance a varié selon les dates de constat ;
- l'application d'une décote de 18 % pour la présence ponctuelle de la terrasse, telle que cela a été tranché dans une instance précédente par la Cour, équivaut à une évaluation du préjudice d'un montant de 140 407 euros.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 mai 2020, la commune d'Aix-en-Provence, représentée par Me Ibanez, conclut :
1°) au rejet de la requête de la SARL Ice Thé ;
2°) par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement n° 1706396 du 19 septembre 2019 du tribunal administratif de Marseille en tant qu'il la condamne à verser à la Sarl Ice Thé la somme de 85 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 19 mai 2017 ;
3°) subsidiairement, à ce que la Cour ramène la condamnation de la commune à une plus juste proportion ;
4°) à ce que soit mise à la charge de la SARL Ice Thé une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'autorité de la chose jugée et la tardiveté des moyens soulevés en première instance s'opposent à ce que la SARL Ice Thé puisse rechercher la responsabilité de la commune au cours de la période visée ;
- la responsabilité de la commune ne saurait être engagée dès lors que celle-ci aurait pu prendre une décision légale sur un autre fondement ;
- il n'y a pas de lien de causalité entre la faute et les préjudices invoqués ;
- aucun élément dans le dossier ne permet de chiffrer le préjudice allégué qui en tout état de cause ne saurait être supérieur à 1 000 euros.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,
- et les observations de Me Lasalarie représentant la SARL Ice Thé et de Me Ranson, substituant Me Ibanez, représentant la commune d'Aix-en-Provence.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Ice Thé, qui exploite depuis le mois d'avril 2011 un fonds de commerce de vente de glaces situé 57, cours Mirabeau à Aix-en-Provence, a fait l'objet le 21 novembre 2011 d'une décision explicite de rejet par la commune d'Aix-en-Provence de sa demande de délivrance d'une autorisation temporaire du domaine public afin d'implanter une terrasse au droit de son commerce. Cette décision a été annulée le 10 juin 2013 par un jugement du tribunal administratif de Marseille, confirmé par la cour administrative de Marseille le 7 avril 2015. La société a alors saisi ce tribunal d'une demande d'indemnisation du préjudice commercial subi pendant les années 2011 à 2014 du fait de l'illégalité de la décision du 21 novembre 2011. Par un jugement du 12 mai 2016, le tribunal a condamné la commune d'Aix-en-Provence au versement de la somme de 243 767 euros en réparation du préjudice commercial pour la période du 21 novembre 2011 au 12 octobre 2013. Par un arrêt du 15 septembre 2017, la Cour a ramené cette somme à 120 000 euros. Par un courrier du 17 mai 2017, la SARL Ice Thé a présenté une réclamation indemnitaire préalable auprès de la commune en vue de l'indemnisation du préjudice financier subi pour les années 2014 à 2016. Cette demande a été implicitement rejetée. Par un jugement du 19 septembre 2019, le tribunal administratif de Marseille a condamné la commune d'Aix-en-Provence à verser à la société la somme de 85 000 euros en réparation du préjudice subi du 1er janvier 2014 au 16 juin 2016 à raison de l'illégalité fautive d'une décision implicite de rejet d'une nouvelle demande d'occupation du domaine public, née le 12 octobre 2013. La SARL Ice Thé relève appel de ce dernier jugement en demandant que la condamnation de la commune soit portée à la somme de 140 407 euros. La commune conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à l'annulation totale du jugement du 19 septembre 2019.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous. ".
3. Il appartient au maire, dans l'exercice de ses pouvoirs de gestion du domaine public, de réglementer les conditions de l'utilisation privative de ce domaine, et notamment de subordonner une telle utilisation à la délivrance préalable d'une autorisation dont il doit alors déterminer les conditions d'obtention. Cette réglementation doit également répondre à des considérations tenant à l'intérêt du domaine public et à son affectation à l'intérêt général suffisant.
4. Il résulte de l'instruction que la décision implicite du 12 octobre 2013 de rejet de la demande de délivrance de l'autorisation d'occupation du domaine public présentée par la SARL Ice Thé a été annulée par un jugement du tribunal administratif de Marseille du 12 mai 2016, confirmé par un arrêt du 9 février 2018 devenu définitif de la cour administrative d'appel de Marseille, pour absence de motivation.
5. La commune indique les motifs de cette décision dans la présente instance. Ils sont tirés, d'une part, de ce que, le commerce étant situé à l'entrée de l'étroit " passage Agard ", la terrasse aurait constitué une gêne à la circulation des piétons et, d'autre part, de la méconnaissance des articles 3-2 (A1) et 3-2 (A3) du plan de sauvegarde et de mise en valeur d'Aix-en-Provence (PSMV). Or, par un arrêt n° 19MA00831 du 1er octobre 2021 rendu sur un litige opposant les mêmes parties et portant sur une décision de refus d'autorisation d'occupation du domaine public du 16 juin 2016, la Cour a jugé que le motif tiré de la méconnaissance des articles 3-2 (A1) et 3-2 (A3) du plan de sauvegarde et de mise en valeur d'Aix-en-Provence était de nature à justifier légalement un refus d'occupation du domaine public. En l'absence de changement dans les circonstances de droit et de fait, la décision contestée du 12 octobre 2013 est en conséquence également justifiée au fond par ce seul motif et, par suite, son illégalité pour insuffisance de motivation ne peut ouvrir droit à indemnisation du préjudice financier invoqué, à défaut de lien de causalité.
6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune d'Aix-en-Provence, que le jugement n° 1706396 du 19 septembre 2019 du tribunal administratif de Marseille doit être annulé. La demande de première instance de la SARL Ice Thé ainsi que le surplus de ses conclusions d'appel doivent être rejetés.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Aix-en-Provence, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la SARL Ice Thé au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SARL Ice Thé une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune d'Aix-en-Provence et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1706396 du 19 septembre 2019 du tribunal administratif de Marseille est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la SARL Ice Thé devant le tribunal administratif de Marseille et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.
Article 3 : La SARL Ice Thé versera à la commune d'Aix-en-Provence une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Aix-en-Provence et à la SARL Ice Thé.
Délibéré après l'audience du 27 avril 2022, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- Mme Ciréfice, présidente assesseure,
- M. Prieto, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 mai 2022.
N° 19MA04924 2
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