Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Ice Thé a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 16 juin 2016 par laquelle le maire de la commune d'Aix-en-Provence a refusé de lui accorder l'autorisation d'installer une terrasse au droit de son établissement sur le domaine public.
Par un jugement n° 1606671 du 21 décembre 2018, le tribunal administratif de Marseille a annulé cette décision et a enjoint la commune d'Aix-en-Provence de procéder à un nouvel examen de la demande d'autorisation d'occupation du domaine public.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 février 2019 et le 15 mai 2020 sous le n° 19MA00831, la commune d'Aix-en-Provence, représentée par Me Ibanez, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 21 décembre 2018 ;
2°) de rejeter la demande de la SARL Ice Thé ;
3°) de mettre à la charge de la SARL Ice Thé la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a entaché son jugement d'une erreur matérielle en ce qu'aucune lettre dudit tribunal n'a été transmise aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ;
- les observations transmises au tribunal en réponse au moyen susceptible d'être relevé d'office n'ont pas été visées ;
- elle demande à la Cour de procéder à une substitution du motif jugé illégal par le motif lié à la préservation esthétique de l'espace public à mettre en valeur de son domaine public ;
- elle demande également de retenir le motif tiré de ce que l'implantation d'une terrasse au droit du commerce est de nature à gêner et rendre moins commode la circulation des piétons et des usagers de la voie publique.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 juillet 2020, la SARL Ice Thé conclut au rejet de la requête de la commune d'Aix-en-Provence et demande à la Cour de mettre à sa charge la somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la commune d'Aix-en-Provence ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Prieto,
- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,
- et les observations de Me Ranson représentant la commune d'Aix-en-Provence et de Me Lasalarie représentant la SARL Ice Thé.
Considérant ce qui suit :
1. La commune d'Aix-en-Provence relève appel du jugement du 21 décembre 2018 du tribunal administratif de Marseille qui a annulé la décision du 16 juin 2016 par laquelle le maire de la commune d'Aix-en-Provence a refusé d'accorder à la SARL Ice Thé l'autorisation d'installer une terrasse au droit de son établissement sur le domaine public.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous. ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 3-2 (A1) du plan de sauvegarde et de mise en valeur d'Aix-en-Provence : " Les espaces en blanc situés sur le domaine public, à savoir les places et rue existantes, sont principalement destinés à l'accueil des circulations piétonnes, automobiles et des deux-roues. Seuls les aménagements publics nécessaires au fonctionnement du lieu y sont autorisés sous réserve d'être compatibles avec les orientations d'aménagement ". Aux termes de l'article 3-2 (A3) du même plan relatif aux perspectives à préserver : " Ces perspectives sont matérialisées par une ligne noir épaisse, avec une ou deux flèches aux extrémités, selon l'orientation des vues repérées sur le site. Toute intervention concernant un immeuble bâti ou un espace libre, situé dans une perspective ainsi repérée, doit permettre le maintien et la mise en valeur de cette perspective dans tout son champ de vision. La suppression des obstacles visuels nuisant à la lecture des perspectives peut être imposée ".
4. Il appartient au maire, dans l'exercice de ses pouvoirs de gestion du domaine public, de réglementer les conditions de l'utilisation privative de ce domaine, et notamment de subordonner une telle utilisation à la délivrance préalable d'une autorisation dont il doit alors déterminer les conditions d'obtention. Cette réglementation doit également répondre à des considérations tenant à l'intérêt du domaine public et à son affectation à l'intérêt général suffisant.
5. Pour rejeter, par la décision contestée, la demande de la SARL Ice Thé tendant à obtenir une autorisation d'installer une terrasse au droit de son établissement sur le domaine public, la commune d'Aix-en-Provence s'est fondée, d'une part, sur l'avis défavorable émis par l'architecte des bâtiments de France, considérant que le projet serait contraire aux documents réglementaires du plan de sauvegarde et de mise en valeur du patrimoine urbain de la ville (PSMV), dès lors que l'installation d'une terrasse nouvelle sur le Cours Mirabeau serait de nature à porter atteinte à la qualité de cette perspective monumentale à préserver et nuirait gravement à la qualité du champ de vision et à la lisibilité de l'ensemble architectural et urbain des façades sur le Cours et, d'autre part, sur les circonstances que la société requérante a effectué des travaux à l'intérieur de son local et en façade sans autorisation d'urbanisme avec avis conforme de l'architecte des bâtiments de France et qu'il a été constaté qu'elle installait des mobiliers en terrasse sans autorisation, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques et de l'arrêté municipal n° 288 du 14 mars 2012 réglementant les terrasses sur la voie publique.
6. Il ressort de la décision en litige que la commune d'Aix-en-Provence s'est bornée à reproduire intégralement l'avis défavorable émis par l'architecte des bâtiments de France sans se l'approprier. Elle s'est ainsi cru liée par cet avis et a dès lors entaché cette décision d'incompétence négative. Par ailleurs, les deux autres motifs liés à la réalisation de travaux sans autorisation d'urbanisme et à l'occupation irrégulière du domaine public pour lesquels la commune a indiqué en première instance qu'ils étaient surabondants n'étaient pas de nature à fonder légalement une décision de refus d'autorisation d'occuper le domaine public laquelle n'est pas régie par le code de l'urbanisme, de tels motifs étant étrangers à l'intérêt du domaine public comme à l'intérêt général.
7. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
8. En appel, la commune d'Aix-en-Provence demande à la Cour de substituer ce motif de la décision contestée par le motif tiré du non-respect des articles 3-2 (A1) et 3-2 (A3) du plan de sauvegarde et de mise en valeur d'Aix-en-Provence (PSMV). Il résulte de l'instruction et plus particulièrement de l'extrait du règlement graphique de ce plan que l'implantation de la terrasse en litige se situe sur un espace blanc du domaine public interdit aux terrasses dès lors qu'il est principalement destiné à l'accueil des circulations piétonnes, automobiles et des deux-roues ainsi que dans un axe de champ visuel d'une perspective à préserver sur le Cours Mirabeau. Un tel motif lié à la préservation de la circulation et de l'esthétique de l'espace public à mettre en valeur répond à des considérations tenant à l'intérêt du domaine public et à son affectation à l'intérêt général. Cette substitution ne prive pas la SARL Ice Thé d'une garantie procédurale. Il y a dès lors lieu d'y faire droit.
9. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille s'est fondé sur le moyen tiré de l'erreur de droit pour annuler la décision du 16 juin 2016 de la commune d'Aix-en-Provence.
10. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SARL Ice Thé devant le tribunal administratif de Marseille et la Cour.
Sur les autres moyens invoqués par la SARL Ice Thé :
11. Il ressort des pièces du dossier que la décision en litige a été signée par M. A..., adjoint au maire délégué à la gestion de l'espace public, aux foires et marché lequel bénéficiait, par arrêté du 4 janvier 2016 du maire de la commune d'Aix-en-Provence, d'une délégation de fonction et de signature en matière de décisions relatives à la gestion de l'espace public. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté comme manquant en fait.
12. Le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité administrative règle de façon différente des situations différentes, pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la décision qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier.
13. Il ne ressort pas de la configuration des lieux que l'établissement exploité par la société serait placé, au regard du plan de sauvegarde et de mise en valeur d'Aix-en-Provence et de la proximité avec le passage Agard, dans la même situation que les autres commerces, plus particulièrement les restaurants et les brasseries bénéficiant d'une terrasse sur le Cours Mirabeau. En outre la différence de traitement résultant de cette différence de situation est en rapport avec l'objet même de la décision portant refus d'installer une terrasse sur le domaine public et n'est pas manifestement disproportionnée au regard des motifs qui la justifie, tirés comme il a été dit de la préservation de la circulation et de l'esthétique de l'espace public à mettre en valeur. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à invoquer la méconnaissance du principe d'égalité ainsi qu'une discrimination. Les circonstances à les supposer établies que l'installation d'une terrasse serait indispensable à son activité et qu'elle serait dans une situation financière difficile sont sans incidence.
14. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur sa régularité, que la commune d'Aix-en-Provence est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé sa décision du 16 juin 2016.
Sur les frais liés au litige :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Aix-en-Provence, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la SARL Ice Thé au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune d'Aix-en-Provence présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 21 décembre 2018 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la SARL Ice Thé devant le tribunal administratif de Marseille et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : Les conclusions de la commune d'Aix-en-Provence présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Aix-en-Provence et à la SARL Ice Thé.
Délibéré après l'audience du 17 septembre 2021, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal président assesseur,
- M. Prieto, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er octobre 2021.
N° 19MA00831 3
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